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Faubourg Franciade [rue du ; aujourd'hui rue du faubourg Saint-Denis, 10ème arrondissement] des femmes ont cherché dispute à un boulanger qui leur dit qu'il se foutait de leurs pratiques. Elles ont dit que tous les marchands quelconques étaient de vrais scélérats, que le peuple ne serait heureux que lorsqu'ils iraient à la guillotine. Ces femmes disaient aussi : " Avant peu il y aura quelques évènements qui enfin nous ferons avoir des denrées, et il faut espérer que les marchands ne seront pas si gueux. " La garde est arrivée, et a invité, au nom du bien public, tous les citoyens et citoyennes à se retirer.
À la Vallée, et au marché Martin480, en m'informant du prix de la volaille, j'ai vu, et chose très extraordinaire, des hommes ayant des bas tout troués, des souliers à peine portables et des chemises extrêmement sales, acheter des lapins jusqu'à 12 livres, et sans marchander. Après qu'ils étaient partis, les marchands disaient : " Voilà un citoyen qui est bien sans-culotte! Mais il fait bon lui vendre. " Et ensuite les sarcasmes roulaient sur les hommes en place qui se masquaient, disait-on.
Depuis quelques jours, le fanatisme reprend des forces à Vaugirard. Sous peu j' indiquerai les moyens de les détruire, car j'attends à faire connaître les auteurs, d'après les renseignements certains que je me persuade avoir.
Au marché Jean481, il y avait beaucoup de légumes ; mais le peuple crie de ce qu'ils sont chers.
Rue Amelot, dans un cabaret on a lu le Journal du Soir482. L'article de la Vendée a étonné tous les citoyens qui étaient dans cet endroit. On y disait que cette guerre malheureuse ne finirait jamais, parce qu'il y avait des gens intéressés à la faire trainer en longueur pour mieux voler. Une femme, qui a son mari canonnier au 10e bataillon de Paris, et à présent à Saumur, a assuré que de longtemps cette guerre ne serait finie, parce que son mari lui avait marqué qu'on était diablement trahi.
Je n'ai rien vu d'extraordinaire.
Rapport de Charmont, W 112
Pour le coup on a manqué aujourd'hui de viande chez les bouchers et les charcutiers ; le peuple a murmuré hautement. Le peuple indigné menace, dans certains quartiers, de se porter à des voies de fait. On disait à haute voix, dans le milieu des rues : " Quoi! avec de l'argent on ne peut plus rien avoir? Maudit soit le maximum ; c'est son imperfection qui nous met dans ce labyrinthe, et, si on tarde encore quinze jours sans y remédier, il y aura tout lieu de craindre. " Ainsi parlait-on aujourd'hui dans les marchés.
Les cours de salpêtre483 se continuent avec force ; un concours prodigieux de citoyens remplissait l'auditoire. Fourcroy [Antoine François, 1755-1809 ; médecin et chimiste ; député 1793-1795, en remplacement de Marat assassiné ; conseiller d' État nommé par Napoléon Bonaparte 1799-1809 ; Directeur général de l'Instruction publique 1802-1808 ; Directeur du Muséum national d'histoire naturelle 1804-1805 ; il fut, entre autres, promoteur de la loi de germinal an XI [mars 1803] : " Le régime de la pharmacie, de la création du Collège de pharmacie à la loi de Germinal an XI, est tout d'abord brièvement rappelé. Le promoteur de cette loi, Antoine-François de Fourcroy fait l'objet de cette étude. Après la présentation d'éléments bibliographiques, ses travaux de chimie sont analysés, ainsi que l'apport fondamental de son enseignement et de ses ouvrages à la propagation de la chimie moderne. Enfin, de son rôle politique, de la Révolution à l'Empire, il ressort que Fourcroy a pris une part importante aux grandes réformes de l'éducation, de la médecine et de la pharmacie, en particulier." ; source] y a développé des principes incontestables, qui en peu de mots vont apprendre aux citoyens l'art de faire le salpêtre. Jamais école ne fut mieux suivie ; c'est à qui s'empresse d'y aller.
Antoine-François de Fourcroy
Les ateliers des sections pour le salpêtre sont bien loin d'atteindre au but proposé par le citoyen Fourcroy. Il résulte, selon lui, de grandes dépenses et peu de rapport. Des citoyens mis en réquisition à l'atelier des Jacobins Jacques484 se sont permis de laisser couler une barrique d'huile appartenant à l'administration de la filature485. Les administrateurs se plaignent de ce qu'on ne met pas de frein à ce désordre là, attendu que voilà deux fois que cela récidive.
On se plaint de ce que beaucoup de jeunes gens de la première réquisition sont revenus dans Paris avec des soi-disant pouvoirs du ministre de la Guerre, sous le prétexte qu'ils doivent entrer dans le génie.
On assurait aujourd'hui que les Jacobins voulaient faire dissoudre aujourd'hui les sociétés populaires de sections, sur ce qu'elles sont imprégnées d'intrigants qui les poussent à des excès anti-patriotiques. " Il est de fait, disait-on, que, sur vingt séances, il n'y en avait pas une de bonne pour l'intérêt public ; qu'elle ne passait son temps qu'en dénonciations, les trois quarts du temps fausses, et que, lorsqu'ils veulent placer un de leurs sociétaires, on le place sans autre forme de procès, quelquefois même au détriment d'un père de famille, sur la seule cause qu'il n'est pas sociétaire. "
Au café Manoury on était sur la question de l'opinion publique en Angleterre sur la Révolution française. Il en résulte des dires que l' Angleterre est plus que jamais tombée dans les griffes du despotisme ; qu'à moins que les Français n'aillent lui rendre une visite patriotique, il n' y [a] aucune espérance de la (sic) rendre à la liberté. Notre seul parti à prendre est de tâcher de lui enlever le plus que nous pourrons son commerce et ses vaisseaux.
Il n' y a pas de plus heureux dans cette guerre que le tyran de Prusse qui, s'étant approprié une partie de la Pologne, se retirera de ses frais en argent, mais non pas en hommes.
On avait promis, il y a quelques jours, d'approvisionner Paris de sucre ; beaucoup de citoyens malades attendent avec impatience que ce sucre arrive ; il n'arrive pas, cela fait encore murmurer. Les citoyennes surtout sont celles qui se plaignent le plus : " On nous promet, disent-elles, et on ne nous tient guère parole. "
Rapport de Dugas, W 112
Lulier, agent national [fonction créée pendant la Terreur ; "... Le 28 brumaire an II, 18 novembre 1793, Billaud-Varenne présente au nom du Comité de salut public un rapport sur l'organisation du Gouvernement révolutionnaire et un projet de décret adopté par la Convention nationale le 14 frimaire : 4 décembre. Ce décret institue, dans sa deuxième section, articles 8 et 13 à 22, des agents nationaux pour représenter le gouvernement auprès des administrations des districts et des communes, en remplacement des procureurs-syndics de district, des procureurs de commune et de leurs substituts. [...] les agents nationaux sont supprimés le 28 germinal an III : 17 avril 1795... " ; source], recommande plus que jamais l'union entre les vrais républicains, et, dans le même placard486, il fait sentir la nécessité de cette union sans laquelle tout serait perdu.
On a répandu que la femme de Chaudot, livrée à son désespoir depuis l'exécution de son mari487, s'était précipitée par la fenêtre et qu'elle était enceinte. On n'a pas manqué de citer, à ce sujet, l'histoire tragique de la femme Auriol de Lyon, qui s'est jetée dans le Rhône avec ses deux enfants dans une même circonstance488.
Le siège de Toulon489, au Théâtre de la rue Feydeau, attire beaucoup de monde. On ne se lasse pas de s'y amuser du rôle que l'on y fait jouer au ci-devant Monsieur, et qui est rempli par un acteur qui le copie parfaitement.
Aux Jacobins490, après la lecture de la correspondance et le scrutin épuratoire de cinq à six membres, Carrier, représentant du peuple, est monté à la tribune. Il y a fait l'historique de la guerre de Vendée, à peu près et dans les mêmes termes qu'il l'avait fait à la Convention491. Les résultats en sont qu'il y a encore vingt mille hommes, armés ou non armés, à détruire dans ce malheureux pays, et que, dans deux mois au plus tard, par les mesures qui ont été prises, la paix règnera enfin dans toute cette contrée.
Carrier descendait de la tribune lorsque la Société lui a demandé son opinion sur les généraux qui ont servi dans cette guerre. Il a fait l'éloge des talents et de la modestie de Rossignol ; mais, à l'égard, de Westermann, il a déclaré que, malgré son courage et son audace, il ne le croyait pas propre à commander une armée. Philippeaux [Pierre-Nicolas, 1756-1794 ; "... Attaché au parti de Danton, il fit la motion d'allouer 300,000 livres à quiconque livrerait Dumouriez [...] [il] fut envoyé peu après en Vendée pour y réorganiser les administrations. De concert avec l'état-major de Nantes, il préconisa et inaugura un système de guerre en opposition avec celui des officiers et représentants réunis à Saumur : c'était le système dit des « colonnes mobiles » destinées à agir à l'improviste et à organiser contre les rebelles une véritable chasse à l'homme. [...] Le Comité de Salut public donna la préférence au système des colonnes mobiles ; mais les Vendéens redoublèrent d'ardeur et de rapidité dans leurs mouvements, et infligèrent plusieurs échecs aux colonnes, échecs qui provoquèrent le rappel de Philippeaux. Il prétendit alors que ses adversaires, Rossignol et Ronsin, généraux de l'armée de la Rochelle, l'avaient desservi et s'étaient efforcés de faire échouer ses mesures : il se plaignit également des commissaires de la Convention. Dénoncé par les jacobins, poursuivi par les accusations d' Hébert, de Levasseur, de Choudieu, de Vincent, il fut déclaré traître à la patrie par les clubs populaires, et le 30 mars 1794 [10 germinal an II], sur le réquisitoire de Saint-Just, qui l'accusa de trahison, d'avoir écrit en faveur de Roland et de l'appel au peuple, d'avoir demandé le renouvellement de la Convention, il fut arrêté comme complice de Danton. La faction des Philippeautins était alors des plus suspectes à la Montagne. Traduit devant le tribunal révolutionnaire, le 5 avril [16 germinal] suivant, Philippeaux reconnut qu'il avait dénoncé le Comité de salut public et dévoilé les trames des intrigants, et fut condamné à mort comme coupable de complicité « avec d'Orléans, Dumouriez, et autres ennemis de la République ». Il mourut avec courage. n'a pas été oublié... " ; source] : Carrier ne le regarde pas comme un conspirateur, mais comme un fou, qui n'a jamais vu en face un seul rebelle de la Vendée et qui prétendait toujours que son panache avait été caressé par les balles des ennemis.
Thirion [Didier, 1763-1815 ; député 1792-1795 ; "... Il prit parti contre les Girondins, défendit Marat, se prononça pour l'établissement du maximum, devint secrétaire de la Convention, et fut envoyé en mission dans la Vendée. [...] ayant voulu s'immiscer dans les opérations militaires, fut rappelé sur le rapport de Couthon au bout de deux mois. Cette circonstance l'éloigna de Robespierre, dans la journée du 8 thermidor [26 juillet]. Thirion, qui avait présidé le club des Jacobins, parla contre les sociétés populaires et prit part aux mesures de réaction qui suivirent immédiatement la défaite des robespierristes. [...] À l'époque des événements de prairial, il se mit du côté des insurgés et accepta d'eux le titre et les fonctions de secrétaire. Arrêté, il bénéficia de l'amnistie du 4 brumaire an IV [26 octobre 1795] et n'appartint plus à d'autres assemblées. [...] Commissaire du Directoire près le tribunal de Bruges, 1796 [an VII], puis près l'administration centrale de la Moselle, juillet 1799 [messidor an VII], il rentra dans l'enseignement après le coup d’État de brumaire et obtint la chaire de belles-lettres à l’École centrale de Sambre-et-Meuse; il passa en 1803 [an XI] au lycée de Mayence et, le 20 juillet 1809, fut nommé professeur de littérature latine à la faculté des lettres de Douai. " ; source] a parlé pour défendre Westermann, mais Collot d' Herbois l'a réfuté complètement.
Avant-hier, la force armée avait dissipé et arrêté plusieurs personnes, en hommes et en femmes, dans un souterrain du Jardin de la Révolution, où l'on dansait ; aujourd'hui le bal a repris de plus belle, et l'on a dansé jusqu'à onze heures du soir.
Rapport d' Hanriot, W 112
La coupable négligence des voituriers qui, loin de se tenir à la tête de leurs chevaux, en conformité des règlements de police, les abandonnent au hasard des évènements, vient de causer un malheur bien déplorable à la Pointe Sainte-Eustache. [également appelée place de la Pointe Saint-Eustache, carrefour de la Pointe Saint-Eustache, voire plus simplement Pointe Saint-Eustache, est une ancienne voie qui était située dans l'ancien 3e arrondissement de Paris et qui a disparu... " ; source] Une femme de soixante-trois ans a été écrasée par une charrette. Il a fallu une vigoureuse opposition pour arracher le voiturier à la fureur populaire.
Toujours des craintes partout sur les subsistances ; toujours des plaintes plus amères sur la disette de viande.
Hier, en passant dans la section des Invalides, je me suis approché d'un groupe de femmes fort mécontentes de ce qu'ayant attendu longtemps à la porte des bouchers, elles s'en étaient retournées les mains vides. Je demandai à une quelle pouvait être la source d'une pénurie semblable ; elle me répondit qu'il n'y avait rien d'étonnant en cela, attendu que les citoyens en réquisition pour les poudres et les salpêtres, l'hôpital national des Invalides et l'hôpital du Gros-Caillou [nommé auparavant : hôpital des Gardes-Françaises ; en août 1789, à la suppression de celles-ci, il devient la propriété de la ville de Paris et change de nom ; installé en 1759, il sera démoli en 1899 ; "... Quelques hôpitaux militaires font exception et sont dignes de ce nom. C'est, tout d'abord, l'hôpital de la Garde à Paris, l'hôpital du Gros-Caillou, rue Saint-Dominique, qui est bien équipé et où les soldats de ce corps d'élite sont très bien soignés. Les officiers de santé de la Garde qui sont parmi les meilleurs du Service de santé y exercent. Larrey en est le chirurgien en chef, Sue, le médecin chef et Sureau, le pharmacien en chef. Les adjoints sont qualifiés et nombreux ; en 1813, on compte 3 médecins mais 5 chirurgiens de 1re classe, 12 chirurgiens de 2e classe, une trentaine de chirurgiens de 3e classe et une quinzaine de pharmaciens.Un corps d'infirmiers militaires tiré des bataillons d'administration et des équipages du train de la Garde complète le personnel de santé de cet hôpital... ; source] se fournissent aux bouchers de cette section, et que leur approvisionnement n'est point en raison de la consommation. Une autre, plus loin, m'assura qu'il y avait toujours de la part des bouchers une préférence cachée pour ceux qui la payent au delà du maximum, et que c'était là la principale manœuvre qui faisait manquer de viande.
Hôpital militaire du Gros-Caillou, 7ème arrondissement, Paris. 28 février 1895 ; Emonts ou Emonds, Pierre ,1831 - après 1912, photographe. Musée Carnavalet
La section du Contrat-Social, dans sa sage prévoyance, sentant combien il est essentiel de pouvoir à la subsistance des mères qui enfantent des sujets de la République, vient d'établir dans son arrondissement un hospice où seront reçues les femmes enceintes, où on leur procurera le bouillon et la viande nécessaires en pareil cas. Cet établissement, en excitant l'admiration, a piqué en même temps l'émulation des autres sections. Plusieurs se proposent déjà de marcher sur ses traces.
Nos succès journaliers dans la Vendée sont pour les bons patriotes, une source de consolation, aux yeux des malveillants le motif d'une défiance liberticide qu'ils veulent insinuer aux autres. " Depuis quelques jours, disait un individu à un autre, on nous annonce plusieurs milles de brigands tués encore dans la Vendée. Sont-ce là ces restes épars dont on nous parlait avec tant de mépris? Puisqu'on les tue par mille, c'est qu'ils sont encore en grand nombre : des restes épars ne forment pas des rassemblements aussi considérables. D'ailleurs, La Rochejacquelein, dont on nous avait annoncé la mort, est toujours à la tête de son armée. " J'aurai désiré qu'il continuât sa conversation pour entendre ses conclusions : mais un citoyen vint à passer au milieu de six fusiliers en se débattant beaucoup, ce qui empêcha le reste.
Rapport de Le Breton, W 112
J'ai entendu dire ce matin, par un individu qui prétend avoir connu parfaitement le ci-devant Bouillé492 à Nancy, que le général désigné sous le nom de Charette, et qui commande l'armée des rebelles, n'est autre chose que le même Bouillé. J'observe que ce particulier a dit arriver de la Vendée, et avoir fait toute la guerre de ce pays comme grenadier de la gendarmerie nationale, faisant le service à la Convention.
Je suis allé ce matin du côté des Halles, et j'ai cru remarqué quelques inquiétudes dans le peuple, sur le peu de consommation (sic) que l'on apportait des campagnes à Paris ; particulièrement, beaucoup de cuisiniers et cuisinières crier après la rareté et la cherté des denrées, et les approvisionneurs se rejeter sur le prix excessif qu'ils payaient eux-mêmes les choses. Il est de fait que le maximum n'est plus observé sur rien, et que ces gens là s'abouchent [être aboucher : se mettre en rapport avec quelqu'un, le plus souvent pour une affaire suspecte ; s'accointer, s'acoquiner ; Larousse] entre eux de manière à dérouter la vigilance des commissaires.
Dans la section de la Fontaine-de-Grenelle, on a fait aujourd'hui une quête chez les citoyens pour les engager à fournir du bois pour la préparation du salpêtre. Cette quête a donc eu lieu, et chaque citoyen a fourni son contingent bois proportionnellement à ses provisions. On fouille toutes les caves que l'on croit susceptibles d'en fournir et ce procédé réussit assez bien pour notre section. Chacun porte aussi ses cendres.
On dit dans le public que cette campagne ci sera chaude, à commencer du mois germinal [mars / avril], et qu'à la fin de l'été le sort de l' Europe sera décidé, que d'ailleurs les puissances d' Allemagne ne sont pas en état de soutenir plus longtemps une guerre aussi ruineuse pour eux.
On dit aussi que Pitt fait de nouveaux efforts pour corrompre chez nous, mais que ses moyens sont affaiblis par le peu de succès que ses démarches ont eu jusqu'à présent, et par l'or qu'il n'a plus la facilité de répandre.
Paris est tranquille.
Rapport de Monic, W 112
Un citoyen m'a parlé aujourd'hui du nommé Saint-Criq, garde du corps de Capet493. C'est le même particulier que j'avais dénoncé dans un de mes rapports pour avoir été un des protégés de Beurnonville [Pierre-Riel, marquis de, 1752-1821 ; Pair de France ; source] dans la partie de la fourniture des toiles pour le compte de la Nation. Ce citoyen m'a assuré que ledit Saint-Criq recevait les toiles de ses agents sans débourser un sou, qu'ensuite il livrait les toiles à la Nation à un très gros bénéfice, et puis, lorsque les toiles qu'il avait fournies lui étaient payées, il remboursait ses agents ; que, par le moyen des gains qu'il avait faits dans ses fournitures il avait ramassé une assez grosse fortune pour quitter l'hôtel de Malte, rue ci-devant Richelieu et rue Saint-Nicaise, ces deux maisons appartenaient au même maître, où le sieur de Saint-Criq a demeuré fort longtemps, pour occuper à lui seul un grand hôtel rue de Ménars, la première porte à droite en entrant par la rue de la Loi. Il m'a dit aussi que, la nuit du 9 au 10 août [La journée du 10 août 1792] Saint-Criq avait reçu chez lui plusieurs individus jusqu' à une certaine heure de la nuit, et qu'ils furent ensuite aux Tuileries se joindre à la bande monarchique. Il demeurait dans ce temps-là rue Saint-Nicaise, hôtel de Malte. Il m'a dit aussi que Saint-Criq avait été chargé d'une fourniture de souliers pour la troupe ; que le citoyen Legrand, cordonnier rue des Petits-Champs, lui avait fourni cette commande, mais que Saint-Criq avait bénéficié vingt-cinq à trente sous par paire de souliers. Le portier de l' hôtel de Malte, comme étant très ancien dans ladite maison, et connaissant depuis très longtemps le sieur Saint-Criq, pourrait donner des notions certaines sur la conduite que le sieur Saint-Criq a menée.
Aujourd'hui dans la matinée, le peuple s'est porté en très grande foule chez le charcutier de la rue de Rohan. La force armée a été obligée d'y venir pour y maintenir l'ordre.
Rapport494 de Panetier, W 112
Citoyen, je crois qu'il est bon de vous informer de ce qui se passe. J'ai entendu dire que les fondeurs et marchands d'argent vendaient beaucoup d'or gris qui ressemble, étant laminé, à de l'acier. Je crois qu'il serait très urgent d'y faire une visite, et d'empêcher que l'on déguise l'or de cette nature, et très aisé à transporter et cacher sans qu'on puisse s'en apercevoir. Je puis vous assurer que c'est une vérité.
Et il serait très nécessaire d'empêcher le jeu de loto qui est introduit dans les prisons, qui empêche beaucoup de prisonniers de se procurer leur nécessaire, et beaucoup de petits marchands qui vendent leur marchandise le double de leur valeur.
Rapport de Perrière, W 112
Marchands de bois. — Ce combustible se corde [corder du bois : ramasser une certaine quantité de bois. La corde représente une quantité de quatre pieds de bois ; un pied représente 0.283m3], on ne peut plus mal, tout le long du quai, vis-à-vis le Jardin de l' Infante [" entre Louvre et Seine, où les reines mères profitaient des beaux jours de printemps. [...] Le jardin de l’Infante se situe à proximité du Louvre. Plus précisément c’est l’espace entre le Louvre et les quais, entouré de grille. Jusqu’au début du XIXe siècle, le jardin de l’Infante était d’un seul tenant, entre la colonnade du Louvre et la Galerie d’Apollon. Au XVIIIe siècle, le jardin était d’un seul tenant. Il est aujourd’hui coupé en deux par un passage reliant le Louvre au pont des Arts... " ; source], et encore ne consiste-t-il qu'en bois de quartier très peu économique parce qu'il brûle très vite et que, vu son volume, on est forcé de le brûler en beaucoup plus grande quantité qu'on ne voudrait.
En revanche, il en est arrivé quelques bateaux de rondins entre les Invalides et le pont de la Révolution [anciennement " pont Louis XVI ", puis " pont de la Révolution ", puis, " pont de la Concorde ", puis, de nouveau, " pont Louis XVI ", 1834, pour finir définitivement en " pont de la Concorde " : 1830], ci-devant royal, qui a consolidé les citoyens du bois de quartier ; et la probité du marchand a consolé aussi de la friponnerie de ceux qui se sont installés vis-à-vis le Jardin de l' Infante : il laissait les particuliers se mesurer eux mêmes, et tout ce qu'il demandait, c'est qu'on ne débordât pas la membrure ; aussi tout le monde s'empressa-t-il de lui rendre justice lorsque le commissaire, encore tout furieux des malversations qu'il venait de réprimer dans un autre endroit, se présenta pour assister au cordage. Pont de la Concorde. Photo : Mathieu Clabaut @CC BY-SA 3.0
Ces commissaires se montraient véritablement les amis du peuple, et ils parlaient d'un ton à effrayer les coquins : " Citoyens, disaient-ils, si vous êtes mécontents des cordeurs, faites transporter votre bois à la section ; là on le mesurera de nouveau, et soyez sûrs que, s'il y a eu de la mauvaise foi, elle sera sévèrement punie. " Ils ont fait conduire en prison un marchand de bois dont tout le monde s'était plaint.
Misère extrême du peuple. — Dans une des petites rues qui ouvrent sur la grande rue Saint-Martin, un malheureux ouvrier, père de sept enfants, plus deux, est réduit à se nourrir de pain et de fromage, drogue qui a succédé, pour la nourriture du peuple, à la viande si chère, si difficile à avoir, aux légumes, mis en réquisition. Ces faibles aliments ne donnent ni la force aux hommes, ni lait aux femmes. Un enfant criait sur le sein de sa mère : " Donnez-lui donc à têter, dit une voisine. — Eh! je ne lui refuse pas le sein, répondit cette infortunée en le lui présentant ; mais vous voyez qu'il le rejette à l'instant, parce qu'il n'en peut rien retirer! "
Voilà les dignes objets de la sollicitude du gouvernement ; il faut croire qu'il s'en occupe aussi efficacement que le permettent les circonstances difficiles où nous nous trouvons.
Café de Foy. — Ce café si fréquenté, si abondant en politiques, se remplit aujourd'hui, comme presque tous les lieux publics, d'indifférents ou de sourds-muets qui craignent d'entendre ou de parler. Hier au soir, on y lisait le journal, [lecture] qui, comme les sermons des fameux prédicateurs, était accompagnée d'une foule d'auditeurs si considérable que la queue s'étendait jusque dans l'office du limonadier. Après la lecture, qui par là devenait encore plus semblable à un sermon, silence profond, conversations à l'oreille ou sur les choses étrangères, jeux et boissons.
La Maison Égalité495 elle-même, ce centre précoce et ardent du patriotisme, n'offre plus depuis longtemps la moindre trace de rassemblement. Il n'existe absolument que le groupe immortel du Jardin national, et celui que la curiosité forme dans la cour du Palais de la Justice nationale.
Est-ce la preuve que le gouvernement prend de la consistance, ou que l'on est las de politique, ou que l'on trouve aujourd'hui ce sujet trop épineux? J'ignore ; c'est aux habiles à décider cette question.
Rapport de Pourvoyeur, W 112
La guerre de la Vendée occupe beaucoup le peuple. " Pourquoi, dit-il, ne met-on pas le feu aux bois qui les recèlent? Il faut brûler toute cette contrée, et qu'il n'en soit plus parlé. "
Un volontaire disait qu'il venait de recevoir une lettre de son frère qui est chirurgien-major dans le 2e régiment de Paris, et qui était à la Vendée. Il lui mandait que l'on disait la Vendée détruite, et que rien n'était plus faux, et qu'en aperçu les brigands avaient au moins encore 25.000 hommes, que la suppression des églises et des prêtres leur avait fait des adhérents, que ce pays en général est très fanatique, que peut-être aurait-on dû attendre que les brigands de la Vendée fussent entièrement anéantis avant que d'abolir toutes les églises. Des citoyens qui connaissent les habitants de ces contrées disent qu'ils sont si fanatiques que, lors du serment des prêtres, ils allaient chercher des messes à six lieues [~30km] de leur endroit, et qu'ils ne souffraient point que l'on porte la cocarde nationale.
Des citoyens observaient, dans le même groupe, qu'en voyageant dans la Lozère ils avaient remarqué le même esprit de fanatisme.
Ce qui prouve qu'il y a même encore de cet esprit de fanatisme à Paris, c'est ce que j'entendais derrière moi des particuliers qui disaient : " En effet, l'on a mal fait de toucher aux églises, au moins dans ce moment-ci ; l'on aurait dû attendre jusqu'après la guerre. "
Plusieurs citoyens se plaignaient qu'il n'y avait plus rien dans Paris, et disaient qu'il y avait trois semaines qu'ils n'avaient pu avoir de la viande. On leur répondit qu'il fallait faire des sacrifices dans ce moment, et qu'il fallait se passer de viande pour la laisser à nos frères d'armes, qu'ils en avaient plus besoin que nous.
Malgré cela, le peuple est indigné de voir combien il y a encore de malveillants, puisque tous les jours l'on trouve des subsistances dans la rivière. Il est temps, dit le peuple, que la hache nationale frappe les fermiers et les gros marchands, les seuls auteurs des maux que nous souffrons à présent.
L'on observe qu'il n'y a pas de vin dans Paris, mais que cela n'est pas étonnant, parce que ceux qui achètent une grande quantité de vin n'osent pas le faire entrer à Paris ; ils le laissent à quelques lieues, et tout le long des bords de la rivière, si l'on voulait fouiller dans les caves, l'on en trouverait des magasins.
L'on observe que nous sommes environnés plus que jamais de conspirateurs qui veulent nous faire venir la famine, et qu'ils y parviendraient si l'on ne prend pas des mesures vigoureuses.
Plusieurs personnes observent que les grandes fortunes étaient toujours la source de crimes, que c'était elles qui avaient fait notre malheur, et qui le font encore ; les aristocrates s'en servent non pour être utiles aux sans-culottes, mais bien pour achever de les ruiner. L'on dit qu'elles devraient être supprimées.
Rapport de Prevost, W 112
Les ouvriers se plaignent très fortement de ce qu'ils ne peuvent plus avoir, dans les auberges, de viande ni souper, ils mangent du pain et des harengs saurs. Dans presque toutes les auberges, il n'y avait pas une once de viande. Les légumes, par cette raison, sont d'un rare étonnant et montés à un prix exorbitant.
Quatre particuliers employés à tirer les cercueils des églises rapportent qu'il a été levé des corps qui n'ont pas été vidés des cimetières ; les commissaires à cet effet n'ont pas voulu. Ces particuliers disent que bien certainement on y aura trouvé des bijoux, en ce que les personnes qui y étaient renfermées étaient très riches, que sur ces cercueils il y avait de très grandes plaques d'argent pour indiquer ceux qui y étaient.
Les Champs-Élysées renferment non seulement des voleurs et filous, mais encore des hommes sans pudeur qui insultent toutes les femmes qui y passent.
À suivre...
Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 249-261.
480. Sur la Vallée, cf. t. II, p. 51, note 3. — Le marché Saint-Martin était situé sur une portion du territoire de l'ex-abbaye de Saint-Martin-des-Champs.
481. Le marché Saint-Jean, entre la place Baudoyer et la rue de la Verrerie.
482. Cf. t. II, p. 343, note 2. — " L'article de la Vendée " désigne un passage du compte rendu de la séance de la Convention du 3 ventôse [21 février], publié dans le n° 516.
483. Cf. ci-dessus, p. 228, note 2.
484. La maison des Jacobins de la rue Saint-Jacques.
485. Pas de renseignements.
486. Pas de renseignements.
487. Cf. ci-dessus, p. 98, note 2.
488. Nous n'avons pas trouvé de renseignements sur le fait (?) dont parle Dugas. Deux dossiers du fonds du Tribunal révolutionnaire, Arch. nat. W 20, doss. 1123, et 324, doss. 515, concernent les époux Auriol, tous deux impliqués dans l'affaire Chaudot, cf. ci-dessus, et qui venaient d'être acquittés par le Tribunal : cf. ci-dessus, p. 61, note 1.
489. La prise, et non Le siège de Toulon, tableau patriotique en un acte, mêlé d'ariettes [Italie : petite mélodie, de caractère aimable. Larousse], par Picard, musique de Dalayrac, représenté pour la première fois au Théâtre de la rue Feydeau le 13 pluviôse [1 février].
490. Séance du 3 ventôse [21 février] : Aulard, La Soc. des Jacobins, t. V, p. 659.
491. Le même jour, 3 ventôse [21 février] : Moniteur, réimp., t. XIX, p. 537.
492. Le marquis François-Claude Amour de Bouillé, 1739-1809, dont la vie est bien connue.
493. Cf. ci-dessus, p. 66, la note 1, au rapport de Le Breton du 24 pluviôse [12 février] ; on n'a pas le rapport de Monic dont son auteur parle ci-après.
494. Il s'agit plus exactement d'une lettre, datée de Saint-Lazare et adressée à Francqueville [chef de la correspondance au ministère de l'Intérieur, arrêté le 12 (?) germinal an II [1 avril 1794], sur ordre des Comités de salut public et de sûreté générale] chez le ministre de l' Intérieur, rue Neuve-des-Petits-Champs, à Paris. Elle comporte un dernier paragraphe ainsi conçu : " J'ai renvoyé le certificat que le ministre a bien voulu m'accorder à ma mère, pour le prier de vouloir bien la faire tenir au Comité de sûreté générale de la Convention. S'il était en votre pouvoir faire quelque chose pour moi à cet égard, vous me rendrez le plus grand service. Je vous souhaite le bonjour, et suis avec fraternité, salut. " Il ressort de cette pièce que Panetier, dont nous n'avons pas de rapport postérieur, était, au début de ventôse [février], incarcéré.
495. Ex Palais-Royal
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