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J'allai hier, me promenant dans toutes les rues de Paris. Quelle fut ma surprise lorsque, arrivé près la Halle, j'aperçus une colonne nombreuse de femmes, poussée jusqu'au milieu de la rue Montorgueil, et chacune attendant son tour pour avoir sa subsistance. Ce n'étaient point des cris, mais des hurlements, ou pour mieux dire, une vocifération atroce. Paris en contre-révolution n'offre rien de plus effroyable. Elles se disputaient entre elles le droit d'arriver au lieu de la distribution. Plusieurs devant moi ont été frappées à coups de pieds et à coups de poings, jetées hors des rangs, et traînées dans le ruisseau. D'autres criaient hautement à l'insurrection, qui peut-être aurait eu lieu sans l'arrivée des volontaires et de la gendarmerie à cheval, pour réprimander tous ces mouvements séditieux.
On se plaint toujours de la coalition des marchands pour affamer le peuple et s'engraisser de sa substance. Les plaintes se dirigent principalement contre les étaliers [celui qui tient un étal pour le compte d'un maître boucher ; Larousse] du Jardin Égalité. On cite à ce sujet un chapon vendu 47 livres. C'est là, dit-on, ce qui autorise le prix exorbitant des restaurateurs qui ne rougissent pas aujourd'hui de n'annoncer que de la volaille.
Voici un fait que j'ai entendu raconter au moment où il venait de se passer.
Une fruitière osait vendre 20 sous pièce de médiocres choux, dont elle venait d'acheter une voiture. Le charretier qui les lui avait vendus, repassant quelques moments après devant la boutique de cette femme, curieux de connaître le bénéfice qu'elle faisait sur son achat, s'informe du prix des choux ; on lui dit qu'elle les vendait 20 sous. " Quoi! répondit-il, cette femme a l'effronterie de vendre 20 sous des choux que je ne lui ai vendus que 6 sous pièce? " Le peuple, justement indigné en apprenant une telle exaction, a entouré la boutique de la fruitière ; on est allé chercher la garde ; et elle a été forcée de livrer les choux au prix coûtant. Cette peine n'a point paru suffisante aux bons citoyens : la fruitière prise en flagrant délit aurait du être conduite sur-le-champ au tribunal de la police correctionnelle, pour être châtiée suivant sa faute.
Un patriote arrivant du marché Pontoise m'a assuré qu'on n'y avait compté que 200 bœufs et 180 moutons, et que les bouchers avaient acheté la viande sur le pied de 27 sols. Habitant d'une campagne à deux lieues [près de 10km] au-delà, il se plaint amèrement de l'exaction des paysans dans la vente des haricots. Dans l'espérance de les avoir à meilleur prix, ou peut-être dans la crainte d'en manquer, on va jusque chez eux pour en acheter. C'est alors que, profitant de l'urgence des besoins, ils se moquent du maximum, et les vendent à un prix excessif. Voilà, m'a-t-il dit, la source et de la disette et de la grande cherté. Il n'a point hésité à me dire que l'on devait s'en prendre aux paysans seuls.
Rapport de Latour-Lamontagne, W 112
Ce matin, rue Saint-Honoré, près la ci-devant église de Saint-Roch, on s'entretenait, dans un groupe du décret655 rendu en faveur des mères, femmes, veuves, etc., des défenseurs de la Patrie. On faisait des remarques sur les citoyennes qui se rendaient à la section pour se faire inscrire. On paraissait fort indigné de voir plusieurs de ces femmes prétendre au bénéfice de cette loi, quoique leur fortune les mette à l'abri de tout besoin. " Cette loi, disait une citoyenne, ne devrait s'appliquer qu'aux personnes qui, par l'absence d'un fils, d'un père ou d'un époux, sont réellement plongées dans l'indigence. Puisque ce sont des secours, ceux qui n'en ont pas besoin n' y ont aucun droit.Voilà une citoyennes, par exemple, ajoutait-elle en désignant une personne qui venait de passer ; elle va se faire inscrire comme sœur d'un citoyen de la première réquisition. Hé bien, son père a un état qui lui rapporte beaucoup, et il possède en outre une belle maison en ville, et un jolie bien à quelques lieues de Paris ; cette citoyenne, qui ne s'occupe que de toilette et de parties de plaisir, était-elle un objet bien digne de la bienfaisance nationale? N'est-il pas cruel pour moi, qui suis privé d'un fils dont le travail me faisait vivre, de n'être pas mieux traitée que cette jeune personne, qui dépensera peut-être en pommades et en rubans la somme qui doit me nourrir une année entière? " Plusieurs femmes ont applaudi à ce discours, et, après quelques propos du même genre, elles ont conclu en demandant que cette indemnité ne fût accordée qu'aux familles indigentes. Cette opinion a paru généralement approuvée.
On applaudit de toutes parts au déret656 concernant les patriotes détenus. " Où sont-ils, disait un citoyen au café de la République, ces lâches détracteurs qui accusaient la Convention de devenir modérée, ces calomniateurs qui osaient dire que la Montagne s'affaiblissait? Ils sont disparus au bruit de la foudre qu'elle vient de lancer. Ce décret a mis autant de joie dans le cœur des patriotes que de consternation dans l'âme des aristocrates. " Un citoyen, ayant voulu faire des observations tendantes à modifier quelques dispositions du décret, a été qualifié de contre-révolutionnaire, et on a même proposé de le conduire au corps de garde ; mais cette proposition n'a point eu de suite.
Rapport de Le Breton, W 112
Il a été question hier aux Jacobins657 du général Westermann. Il y a eu une longue discussion relative à cet officier. Collot d' Herbois ne lui a pas donné très complètement son suffrage, a presque donné à entendre qu'il ne voulait pas entrer dans les détails de sa vie privée, et a, en même temps laissé quelques louches (Sic) sur ses talents militaires. J'ai entendu dire auprès de moi que Westermann était excellent pour commander un régiment de cavalerie, mais qu'un commandement plus étendu pourrait être préjudiciable aux succès de la République.
On se plaint dans le public, dans les cafés et dans les bureaux, de l'usage des sabots. On dit qu’indépendamment de ce que c'est fort cher, cela se casse très vite, et que c'est très fatiguant pour la marche, et que l'on ne peut faire ses affaires avec cette chaussure. Les cordonniers qui sont hors la réquisition ne veulent plus travailler pour le public ; ils disent qu'ils n'ont pas de cuir.
"...Outre qu'ils sont fatigants pour la marche, les sabots ont le désavantage de se casser facilement : un choc un peu violent, un effort du pied, les fait fendre ou les brise tout à fait., ... ". Source
J'ai entendu un citoyen, qui prétend recevoir des nouvelles fréquentes de Bruxelles, dire que les Français sont attendus dans cette ville avec la plus grande impatience. Il ajoutait qu'à Gand [comme territoire annexé, la Belgique est divisé en 9 départements : Gand était le chef-lieu de l' Escaut ; "... deux époques d’occupation différentes et très inégales8. La première englobe seulement les années 1792 et 1793, pendant lesquelles la politique étrangère de la France aurait consisté en une libération révolutionnaire des peuples9 ; la seconde, beaucoup plus longue, s’étendant de 1794 à 1813, aurait été caractérisée par le retour de pratiques de l’Ancien Régime. Ces faits sont incontestables. [...] Lorsque, en 1794, la situation militaire permit à nouveau aux Français de conquérir la Belgique et la Rhénanie, la perspective avait fondamentalement changé : la puissance d’occupation française traita dès le début la population des pays voisins en ennemie ; les proclamations françaises exigeaient l’obéissance et le désarmement et menaçaient de répression ; des directives de Paris commandaient sans ambiguïté d’exploiter le pays jusqu’à l’extrême au profit des objectifs militaires français. Alors que, en 1792, la « fraternité » était encore le mot d’ordre des Français, désormais, cette « fraternisation » avec les sujets ennemis était explicitement et fermement interdite. Il était demandé « de traiter les contrées en pays conquis, de ne point fraterniser, de ne point municipaliser, de ne point s’occuper de réunion ; de désarmer complètement les habitants, […] d’accabler les riches, de faire des otages […] de dépouiller la Belgique des subsistances26… » La conquête de la Belgique, comme celle de la Rhénanie, s’accompagna donc de réquisitions et de demandes de contributions sans précédent27., ... ; source] la bourgeoisie avait fait une collecte en fonds, qui était toute prête pour habiller et recevoir nos volontaires ; ils s'attendent que sous peu ils trouveront les moyens d'employer cet argent.
On disait dans le Jardin de l'Égalité, Proly arrêté658, et qu'il avait été saisi au collet déguisé en cuisinier et conduit à la section des Gardes-Françaises.
La disette de viande est toujours ce qui fait murmurer. Les uns l'attribuent à la faute des bouchers, les autres à la rareté des bestiaux. Un boucher me disait aujourd'hui que jeudi dernier, à Poissy, il n'y avait pas 400 bœufs, et que le marché était ordinairement garni de 1800 ; enfin, que l'on venait depuis Soissons jusqu'à là pour avoir de la viande [la distance, par la route, entre ces deux villages est de 125km].
Rapport de Perrière, W 112
Esprit douteux du groupe de la guillotine. — Le lendemain du jour où dix-sept coupables furent guillotinés659, quelques personnes du groupe qui se forme ordinairement à l'endroit où se plante la guillotine écartaient du bout de leurs bâtons l'eau des petites mares que laisse le lavage après l'exécution, disant qu'il fallait que ce lieu fût bien lavé pour ne pas conserver la trace de tant de sang. " Bah! dit quelqu'un, il n'en coûte pas plus, quand la machines est en train, d'en guillotiner dix-sept qu'un seul. — Seulement, dit un autre, il faut plus de chevaux. " L'air demi-sérieux et demi-railleur de ceux qui tenaient ce langage ne permettait pas de s'assurer si c'était de leur part blâme, approbation, ou seulement indifférence.
Les victoires générales recouvrent des défaites partielles. Un père de famille que je n'avais pas vu depuis un assez long temps me dit : " Ah! mon ami, ce brillant succès de l'armée du Rhin660, dont on parla si fort dans le temps, n'en fut pas un pour mon fils ni pour le poste qu'il commandait. Je l'ai perdu, et, sur deux cents hommes qu'il commandait, il ne s'en est sauvé que dix-sept. Ce qui me console, c'est qu'il est mort couvert de blessures qui annoncent qu'il a fait son devoir. On me marque qu'il a reçu onze coups de sabre sur la tête et une balle de pistolet à travers le corps. Je ne puis douter de son trépas, voici la troisième lettre que je reçois du sergent, avec son extrait mortuaire...661 Eh bien, on n'a seulement pas fait l'honneur à mon fils et à ses braves compagnons d'armes de les nommer à la Convention, et pas un seul journal n'a parlé de cette affaire. "
J'ai consolé cet infortuné de mon mieux en lui disant que, comme les enfants doivent voir leur mère dans la Patrie, ainsi les pères doivent y retrouver leurs enfants. Mais, ce qui ajoute à sa douleur, c'est qu'il est persuadé que la perte de son fils et celle du poste qu'il commandait est due à la trahison ou à la maladresse des généraux qui jettent ainsi en avant des postes peu nombreux et sûrs d'être dévorés par les plus petites forces ennemies. Le nom de ce brave homme est Marcel ; son second fils est en chemin pour aller rejoindre son frère dont il apprendra la mort en arrivant, ce qui donne le dernier coup à ce père vraiment malheureux.
Nouvelle hypothèque des assignats. — Tout le long des boulevards, et surtout du côté de Nicolet662, la promenade était fort nombreuse et fort gaie. Il parait que la République se confirme dans tous les cœurs. Ma foi! de pareils visages sont une hypothèque aussi sûrs que des assignats que les domaines mêmes nationaux.
Dernières convulsions de l'aristocratie. — C'est à la lecture publique du Journal du Soir663, rempli de détails les plus heureux pour la République, que l'on pouvait, qu'il y avait même du plaisir à juger de cet état désespéré des aristocrates. Quelques uns d'entre eux, épars dans un auditoire en général patriote, roulaient de longs regards sur l'assemblée pour y rencontrer dans leurs yeux des sentiments amis, et faire éclater librement dans les leurs la rage ou le dédain dont leur cœur est rempli pour la cause du peuple ; mais, ne trouvant point pâture en route, ils venaient douloureusement expirer contre la prunelle patriote qui terminait le cercle.
Pommes de terre. — J'en ai vu les boutiques, en général, assez bien garnies dans les quartiers que j'ai parcourus. Ainsi, nous pouvons nous mettre au pas et crier avec les nègres : " Du pain, des patates, et la liberté! " Oh! beau mouvement, quelle est la force du monde capable de te comprimer?
Cafés. —Jeu, boisson, conversations indifférentes ou secrètes, lecture du journal sans réflexions subséquentes, voilà, depuis quelques jours, comme je l'ai déjà dit664, tout ce à quoi se réduisent les débats politiques des cafés. Plusieurs même, qui avaient coutume d'être très fréquentés, se trouvent presque entièrement vides. Mais cela vient, je crois, de ce qu'ils n'étaient guère composés que de gens suspects, aujourd'hui renfermés, qui s'y rendaient soit pour mieux nuire à l'esprit public, soit parce qu'ils n'avaient rien de mieux à faire. Ce qui autorise cette conjoncture, c'est que ces cafés se trouvent dans les quartiers principalement habités par ces sortes de personnes.
Opinion sur le dernier décret665 relatif aux gens suspects. — Les premières expressions que j'en ai pu recueillir dans quelques lieux publics à l'instant même de sa publication, y étaient favorables...667 Mais on a l'air de compter sur le jugement le plus équitable de tous les prisonniers compris sous cette dénomination de gens suspects ; car, la peine étant très rigoureuse, on ne pense pas que tous la méritent également.
Rapport de Pourvoyeur, W 112
Dans un groupe assez nombreux, l'on disait qu'il faudrait qu'il y eût un tribunal révolutionnaire dans chaque section, afin que l'on voie la fin des conspirateurs.
L'on observe encore que les accusés qui sont sur le fauteuil ne devraient point avoir de cocardes qu'alors qu'ils sont acquittés.
L'on dit de plus que, malgré que les commissaires assistent à la distribution de la viande, que les bouchers vendent encore la viande 25 et 30 sols la livre.
Dans plusieurs groupes, l'on disait que, si l'on n'y prenait garde, que la famine viendrait infailliblement ; l'on ne peut plus trouver aucune marchandise, ni beurre, ni légumes ; le beurre se vend 48 sols la livre : encore faut-il avoir bien du mal pour l'obtenir, et encore n'a-t-on pas son poids.
Les ouvriers disent qu'il leur faut de la soupe, et qu'il faut du beurre puisque l'on ne peut pas avoir de la viande ni de lard.
L'on se plaint que les malheurs ne sont toujours que pour les indigents, que les riches ne manquent de rien, parce qu'il leur est égal de payer les denrées fort cher. L'on insiste beaucoup pour faire revenir tous ceux qui se sont réfugiés dans les campagnes.
Dans un autre groupe, des citoyens du département du Loiret, dans le Gâtinais, notamment à Pithiviers, disaient que les habitants de cette contrée se plaignent qu'on les fait trop contribuer pour leur contingent, de grains et de farine pour le département de Paris, qu'ils manquaient de subsistances, et notamment de pain, que des citoyens qui avaient une nombreuse famille n'avaient qu'une très petite mesure de grains, et qu'il n'était pas juste que ces citoyens qui font ce qu'ils peuvent pour nourrir leurs frères de Paris ne se réservent rien pour eux. Ces citoyens disaient en outre que la plupart de ces habitants regrettaient encore leurs églises et leurs prêtres, que, de plus, des prêtres cherchaient encore à les fanatiser, qu'ils avaient de la peine à s'accoutumer aux décades, qu'ils observaient encore les dimanches, mais que, malgré cela, ils étaient assez patriotes, mais qu'il leur manquait de l'instruction.
Journal d'un bourgeois de Pithiviers, pendant la Révolution française, 1789-1815, Henri Perchelle.
Des citoyens qui connaissent parfaitement les habitants de la Vendée, et qui ont même participé à la destruction des brigands, disent que l'on fera bien de suivre le conseil de Carrier668, qu'il faut exterminer les habitants de ce département, car tous ceux qui n'ont point sorti de leur ville ou village ont été d'intelligence avec les ennemis ; il n'y a eu qu'un très petit nombre qui vinrent se réfugier sous l'étendard de la Liberté. Le peuple disait qu'après avoir purgé cette contrée de tous ses ennemis, l'on devrait la partager aux braves défenseurs de la Patrie, que l'on devrait leur en donner à chacun quatre arpents [mot d'origine gauloise : arepennis ; ancienne unité de mesure de surface agraire française ou suisse correspondant à un carré de dix perches de côté, mais qui a varié selon les localités et l'époque. ; soit 4 arpents = ~13675m2 ou 1.3675 ha ; source], et qu'ils les cultivent pour leur profit.
Le peuple désire avec la plus vive impatience que l'on face une descente en Angleterre669 ; il a cette nation en horreur, mais il observe qu'il faut au moins une armée de cent mille hommes. Chaque citoyen dit qu'il regardera comme le plus beau jour de sa vie le jour où les Français entreront à Londres, et où l'on exterminera ces êtres féroces. Le peuple en parle tous les jours, et offre son courage pour cette grande conquête.
Rapport de Prevost, W 112
Plusieurs sections ont envoyé à la Commune le recensement des jardins nationaux à mettre en culture ; je crois qu'il serait très à propos de convoquer toutes les sections à l'effet de faire les abattis des arbres inutiles et jardins anglais et faire le défrichement, et cela par corvées.
Plusieurs citoyens de la section de la République disent que ces jardins seront donnés à des citoyens des sections où ils se trouvent situés pour, par eux, en jouir comme bon leur semblerait et en tirer tout le parti possible pendant deux ans seulement, et ensuite ils rentreraient au profit de la Nation. Je crois qu'il serait plus à propos de mettre tous ces jardins et terrains nationaux en régie, à l'effet, par la Nation, d'en disposer comme bon lui semblerait. Si cette marche peut avoir lieu, nos armées seront plus sûrement approvisionnées, et les légumes que pourront produire ces terrains ne seront pas accaparés ou vendus à un prix exorbitant, comme elles (Sic) le sont dans ce moment.
À la Halle, beaucoup de citoyens se plaignent ; Henriot, avec beaucoup de cavaliers, y était pour mettre le bon ordre. Il n'y avait ni beurre, ni poisson ; à onze heures du matin tout était enlevé ; il y avait peu de harengs : encore se les arrachait-on. Plusieurs personnes disaient que tout cela ne pouvait aller longtemps.
Un citoyen marchandait, à la Vallée670, un dindon, qu'on lui fit 35 livres. Il dit qu'il était fort cher : mais qu'importe, il faut que je mange. Un pauvre s'est présenté à lui pour lui demander des secours ; il lui répondit qu'il était père de sept enfants, et qu'il avait bien de la peine à leur donner du pain, que pour un peu il se fourrerait son couteau dans le cœur. Il y a un mécontentement général.
Les mégissiers [ouvrier qui mégit les peaux ; ce qui consiste à préparer en blanc, par tannage à l'alun, des peaux de chèvre, de mouton ou d'autres peaux délicates ; Larousse] de Paris se plaignent qu'ils ne peuvent avoir de cuirs dans la province pour les souliers et bottes des volontaires, que plusieurs d'eux ont été à Melun et à Orléans et qu'ils n'ont pas pu en rapporter ; ils disent que, si cela continue, les volontaires manqueront de souliers et bottes avant qu'il soit un mois. Il n'y a presque pas de cuirs à la Halle.
Un mégissier au travail, Le tour de la France par deux enfants, George Bruno, manuel scolaire, 1904.
Un citoyen arrivant du Mans dit que dans cette province les citoyens sont réduits à manger des pommes de terre cuites avec du son faute de pain, qu'ils n'ont absolument plus rien, que les rebelles ont tout enlevé.
Il n'est presque pas arrivé de bœufs dans Paris aujourd'hui ; toujours beaucoup de vaches fort maigres, ainsi que les bœufs, qui n'ont absolument que les os.
Les marchands de cidre de Paris, sur le port Saint-Nicolas, disent qu'ils ne peuvent en avoir dans la Normandie qu'à un prix exorbitant ; les marchands leur disent que, s'ils n'en veulent pas, qu'ils le laissent ; encore faut-il prendre chez eux ; ils ne veulent pas leur prêter la main pour gagner les grandes routes, les chemins sont impraticables, il faut mettre vingt chevaux sur une voiture, ce qui renchérit singulièrement les cidres.
Rapport de Rolin, W 112
On faisait hier courir le bruit que Robespierre était bien mal671, quoique l'on sait qu'il va beaucoup mieux ; on ajoutait que l'on soupçonnait qu'il était empoisonné.
La motion du citoyen Barère672, relativement aux suspects, concernant le séquestre de leurs biens, est parfaitement approuvée de tous les vrais républicains, mais les aristocrates ne peuvent point avaler cette médecine. Il paraît qu'ils ne sont point encore assez lavés, ce qui empêche que la médecine ne passe pas comme il faut. La motion du citoyen Danton673 n'est pas moins approuvée que celle de Barère. On assurait aujourd'hui, au Palais-Égalité, qu'il était plus que certain que beaucoup de faux patriotes et d'hommes ineptes remplissaient la moitié de ces places. Les premiers, disait-on, ne travaillent qu'à opérer une contre-révolution par leurs infamies, il suffit d'être patriote pour être incarcéré comme suspect ; et les seconds travaillent aussi de toutes leurs forces à détruire la Liberté, mais par ignorance, en aidant les premiers dans leurs travaux anti-républicains. On paraît surpris que la motion de Danton ait été renvoyée au Comité de salut public, il semble, dit-on, qu'elle n'eût pas dû souffrir de difficultés.
On assurait aujourd'hui que Chabot674 [François, 1756-1794 ; "...Élu député à la Convention, 1792-1794, par le département de Loir-et-Cher, il fut membre du Comité de sûreté générale, où il sut négocier ses « mises à l’écart » de suspects moyennant compensations. [...] Extrême dans sa mise et ses prises de positions, compromis dans de nombreuses affaires de trafic d’influence et notamment celle de la Compagnie des Indes, François Chabot est arrêté le 17 novembre 1793 [27 brumaire an II]. Jugé avec Danton, il sera guillotiné le 16 germinal an II [5 avril 1794], ... ; source] devait sortir sous peu, qu'il était reconnu innocent ; mais d'autres disaient que rien n'était plus faux, que, si Chabot était innocent, bien des citoyens se seraient trompés sur son compte.
Il y avait aujourd'hui 18 veaux au marché. Les haricots se vendent un louis le boisseau, 30 sols le litron.
Il sera bon, dans le temps, d'empêcher les cultivateurs de vendre plus d'un sixième de leurs haricots et pois verts en vert, ce qui fera pour la fin de l'été qu'il y aura une quantité de ces graines, car il est de foi que ce ne sont point les sans-culottes qui mangent les graines en vert, mais les riches.
On répand des bruits alarmants sur les subsistances dans les départements. Il paraît qu'il y a toujours des intrigants qui se mêlent partout.
On assure qu'il se dit tous les jours des messes à Saint-André-des-Arts ["...Située dans le quartier latin actuel, Saint André des arts était établie dans une des parties urbanisées les plus anciennes. Toutefois, il est difficile de connaître avec précision son origine. [...] l’église fut très largement agrandie en 1210 pour servir de paroisse aux habitants vivant dans la partie incluse dans Paris du faubourg Saint Germain lors de l’érection de l’enceinte de Philippe Auguste. [...] [elle] fut fermée en 1794. Elle fut vendue en 1797 et démolie ensuite. À son emplacement, on construisit ensuite la place Saint-André-des-arts, suite au rachat par la Ville du terrain en 1809. ; source] et que l'on baptise et marie dans une chapelle. Il faut convenir qu'il y a des fous de tout genre.
Saint-André des-Arts, une église du quartier latin, fut érigée en paroisse suite à l’agrandissement de Paris à la fin du XIIe siècle. Source
10 ventôse an II675, 28 février 1794
À suivre...
Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 368-380.
655. Du 21 pluviôse [9 février].
656. Cf. ci-dessus, p. 348, note 1.
657. Séance du 8 ventôse [26 février].
658. Cf. ci-dessus, p. 185, note 1.
659. Cf. ci-dessus, p. 328, note 1.
660. Allusion probable à la reprise de Fort-Vauban [Fort-Louis, sur une île du Rhin, construit par Vauban, 1686-1696, à la demande de Louis XIV ; début 1794, les troupes françaises reprennent la place aux Autrichiens] : cf. t. III, p. 54, note 1.
661. Ces points de suspension sont dans le texte.
662. Boulevard du Temple.
663. Cf. t. II, p. 343, note 2.
664. Dans un rapport que nous n'avons pas.
665. Celui du 8 ventôse [26 février] : cf. ci-dessus, p. 348, note 1.
666.
667. Ces points de suspension sont dans le texte.
668. Cf. t. III, p. 57, note 2.
669. Cf. t. III, p. 57, note 2.
670. Cf. t. II, p. 51, note 3.
671. Cf. ci-dessus, p. 148, note 1.
672. Sic. Rolin fait erreur. Il n'y a pas eu de motion de Barère avant le vote, sur le rapport de Saint-Just, du décret du 8 ventôse : cf. ci-dessus, p. 348, note 1.
673. Cf. ci-dessus, p. 354, note 1.
674. Cf. t. Ier, p. 309, et t. II, p. 13, note 6.
675. C.A. Dauban a publié dans Paris en 194 et en 1795, p. 124-128, le rapport de Bacon du 10 ventôse [28 février], et un extrait de celui de Beraud, même date.
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