Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, épisode XXXIV

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Rapport de Bacon, W 112
  Au temple de la Raison, section de Bonne-Nouvelle, il y avait considérablement de monde, et surtout de femmes. On a chanté des hymnes patriotiques ; des enfants des deux sexes ont récité par cœur les commandements républicains ; mais un jeune homme, âgé de treize ans, nommé Chapon, a parlé pendant trois gros quarts d'heure sur le bonheur d'un gouvernement républicain. Il a fait verser des larmes à ceux qui l'entendaient ; et de toutes parts on criait : Vive la République! Un citoyen a montré plusieurs pains de salpêtre, et en les montrant, il disait : Voilà la mort des rois! On a encore crié : Vive la République! Vive la Convention!
  À la ci-devant église Saint-Laurent [" L’évêque-historien Grégoire de Tours, 544–595, nous apprend qu’à l’époque mérovingienne, VIe siècle, une basilique dédiée à Saint Laurent se trouvait sur l’axe nord-sud conduisant de Lutèce à Senlis. Saint Domnole, mort évêque du Mans en 581, était, sous le règne de Clotaire 1er, à la tête d’un couvent de moines dans la basilique Saint Laurent. Surélevé par rapport au lit de la Seine et à l’abri de ses caprices, ce site portait une église, un monastère et des jardins maraîchers. [...] En1789, dès le début de la Révolution, l’église est dévastée par les émeutiers,. Elle deviendra “ Temple de la Raison ” en 1793, puis de l’Hymen et de la Fidélité, enfin “ Temple de la Vieillesse " en 1798 pour être rendu en 1802 au culte catholique et on recrée un mobilier liturgique., ... " ; source] il y avait beaucoup de monde, et surtout d'ouvriers. On a lu des décrets de la Convention nationale ; on a chanté l'hymne des Marseillais ["... Claude Joseph Rouget de Lisle, capitaine du génie en garnison à Strasbourg, écrit à la demande de Frédéric de Dietrich, maire de la ville, le Chant de guerre pour l’armée du Rhin, le 25 avril 1792, peu après la déclaration de guerre de la France révolutionnaire au Roi de Bohême et de Hongrie. Un exemplaire du chant dédié à l’armée du Rhin parvient à Montpellier entre les mains de François Mireur récemment inscrit sur la liste des volontaires du bataillon de l'Hérault. Mireur gagne Marseille avec son unité. A la fin d'un banquet offert aux délégués par le Club des amis de la Constitution, il interprète le chant repris par l'assistance électrisée. Deux journalistes, Alexandre Ricord et Micoulin, après avoir demandé des copies du chant écrit par Rouget de Lisle, décident de le publier. [...] L'hymne est repris à l'entrée des fédérés marseillais dans Paris en juillet 1792. Un numéro de La Chronique de Paris note que les Marseillais « le chantent avec beaucoup d'ensemble et le moment où ils agitent leurs chapeaux et leurs sabres, en criant tous à la fois Aux armes, citoyens ! fait vraiment frissonner.[...] Le chant est enseigné sur les places publiques et se répand à toute vitesse. Il est alors appelé Hymne des Marseillais puis deviendra La Marseillaise jouée dans tout le pays comme chant de la République combattante. Ce chant devient un véritable « Te deum révolutionnaire » selon l'expression de Goethe., ... ; source] et plusieurs chansons sur l'abolition du fanatisme. Je dois dire ici que l'esprit public était à la hauteur des circonstances.
 
Église Saint-Laurent, Paris 10eme arrondissement. Source

  Au temple de la Raison, section des Gravilliers, on a lu les décrets de la Convention, chanté des hymnes patriotiques.
  Toute la ci-devant église Saint-Nicolas-des Champs ["À l'origine, simple chapelle dépendant de l'abbaye Saint-Martin-des-Champs, aujourd'hui, musée des Arts et Métiers, l'église Saint-Nicolas-des-Champs fut érigée en paroisse dès 1184. Reconstruite au XVe siècle en style gothique flamboyant, l'église atteint sa forme actuelle au XVIIe siècle.[...] Après la Révolution, en 1793, la paroisse fut fermée et devint " Temple de l 'Hymen et de la Fidélité ". Elle sera rendue au culte en 1802 et restaurée., ... ; source] était presque pleine, et beaucoup de jeunesse. Quatre enfants, dont le plus âgé pouvait avoir quatre ans, ont récité par cœur la Déclaration des Droits. Ils ont été couverts des plus vifs applaudissements. C'est à qui pouvait les embrasser. Un citoyen a félicité les mères de ces jeunes républicains sur l’amour qu'elles avaient pour leur patrie, en instruisant de bonne heure leurs enfants des principes du républicanisme : vifs applaudissements, et on criait de toutes parts : Vive la République! Vivent la Liberté et l'Égalité! On a annoncé que la première décade on lirait des discours sur le mouvement républicain : l'esprit public révolutionnaire.


Église Saint-Nicolas-des Champs, Paris 3eme arrondissement. Source

  L'assemblée générale de la section du Contrat-Social était très nombreuse. On a lu les lois ; on a parlé des certificats de civisme et du salpêtre. Ces différents objets ont duré au moins deux heures : l'esprit public bon.
  L'assemblée générale de la section de Bon-Conseil était extrêmement nombreuse, et beaucoup de femmes aux tribunes. La séance a été très bruyante, très orageuse. Lulier [Louis-Marie, 1747-1794 ; "... [il] exécuta point par point les directives de Pache et des meneurs du parti de l'étranger dont le but était renverser la Convention à l'occasion d'une insurrection soutenue par la Commune et les sections habilement dirigées ou, du moins, de l'avilir en la poussant à faire guillotiner ses propres membres [...] Presque tous les hommes du Directoire du Département ont vendu leur signature aux émigrés rentrés [...] Contre de grosses sommes d'argent, il a aussi fait pression sur ses collègues pour obtenir des non lieux, des certificats de résidence et autres documents, Dufourny qui avait la réputation d'un " pur ", prétend n'avoir pas accepté contrairement à Raisson, Momoro, La Chevardière et autres membres du directoire du Département de Paris, administration aussi éventée par les royalistes que l'était le premier Comité de sureté générale de Chabot, Basire, Osselin, Julien, Delaunay etc. [...] fut arrêté le 2 germinal [22 mars] selon le Journal de Paris. Le 3 germinal [23 mars] il était détenu au Luxembourg comme suspect de complicité avec Batz et Benoit. [...] D'abord cité comme témoin dans le procès de Danton, il fut mis en cause à son tour au début du procès, puis adjoint dans le cours de la procédure conspirationniste intentée à Danton. Inculpé en séance, Lulier était accusé avec les autres d'avoir participé à la formation d'une conspiration tendant à diffamer et à avilir la représentation nationale, et à détruire par la corruption le gouvernement républicain. Bien que reconnu coupable, il ne fut pas condamné à mort, acquitté sur le chef de corruption mais condamné à la prison jusqu'à la paix : Moniteur 27 germinal [16 avril], p. 797. [...] " Lhulier ci devant agent nationale près le Département de Paris, s'est ouvert les quatre veines avec un rasoir ", Journal de la Guerre du 10 et 11 mai [21 et 22 floréal], p. 1124., ... " ; source], agent national [poste créé pendant la Terreur. Il était chargé de représenter le gouvernement auprès des administrations des districts et des communes. Suivant l’art 14 du décret du 4 décembre 1793, les agents nationaux « sont chargés de requérir et de poursuivre l’exécution des lois, ainsi que de dénoncer les négligences apportées dans cette exécution et les infractions qui pourraient se commettre. Ils sont autorisés à se déplacer et à parcourir l’arrondissement de leur territoire pour surveiller et s’assurer que les lois sont exactement exécutées ». Cette activité de contrôle, aussi bien sur les autorités que sur les particuliers, et l’étendue de leur domaine d’intervention leur assuraient une grande puissance], qui a été dénoncé par Marchand676, marchand de vin de cette section, et lequel a signé sa dénonciation, a répondu d'une manière victorieuse à son dénonciateur, qui prétendait que Lulier avait dit, auprès du bureau, qu'il fallait renouveler la Convention, et que le peuple s'occupât de chercher des représentants vertueux, dignes de la Nation française. L'agent national a été très applaudi à cette phrase-ci : " Citoyens, on me traite de n'être plus révolutionnaire ; on m'accuse d'avoir favorisé les marchés des Invalides ; on me traite d'aristocrate. Moi, aristocrate! Dites-moi un peu, quel parti ai-je à prendre dans cette révolution? celui de rester fidèle aux patriotes. Si les aristocrates avaient le dessus, me pardonneraient-ils d'avoir demandé, le premier, la tête du tyran? " : Non, a-t-on crié de toutes parts ; on applaudissait vivement. Enfin, après des discussions chaudes, vives, et bruyantes qui ont fait perdre une séance entière, l'assemblée générale a arrêté qu'elle reconnait Lulier pour un excellent patriote, et qui a toujours été l'ami du peuple ; que Marchand, qui a dénoncé l'agent national avant-hier aux Cordeliers, serait traduit au Tribunal révolutionnaire ; que le vœu que vient d'émettre l'assemblée sur la probité et le patriotisme de Lulier serait envoyé, affiché partout où besoin sera : lorsque Marchand est sorti pour aller au comité révolutionnaire, on a très applaudi, et les femmes, en applaudissant, criaient : " Voilà encore un agent de Pitt! ".
  Faubourg Saint-Laurent, j'ai vu passer au moins huit voitures chargées d’œufs, et autant où il y avait des veaux. Aussi, en les voyant, le peuple disait : " Il n'y a jamais d’œufs à la Halle ; on ne sait pas ce qu'ils deviennent, et tous les jours il en arrive beaucoup. "
  Dans un cabaret, Faubourg Martin, à l'ancienne barrière, des femmes parlaient de la détresse où nous étions pour les denrées. Une d'entre elles disait : " Prenons patience ; la nature n'est pas ingrate ; voici le beau temps, et prenons bien garde à nous, car nous sommes dans un moment où il faut que le peuple veille et souffre un peu, s'il veut tordre le col aux tyrans. " : " Tu as raison! Vive la Nation! "
  À la porte d'un épicier, près l' Arsenal, il y a eu du bruit parce qu'on donnait qu'une once de beurre salé à la fois. Des femmes criaient, murmuraient, et, comme le nombre des criardes augmentaient, la force armée est arrivée, qui a mis le holà. Heureusement que l'officier a prononcé des paroles de paix ; car, s'il eût agi en étourdi, il y aurait eu des bras, cuisses, jambes cassés : aucun accident n'est arrivé.
  À dix heures et demie du soir, rue Tiquetonne, j'ai vu passer deux hommes qui portaient au moins un demi bœuf sur leurs épaules ; un autre homme les suivait. Des femmes ont crié, en les voyant : " Oh les scélérats qui vendent la viande la nuit! " Le boucher s'est approché d'elles et leur a dit : " Ne crie pas, ma sœur ; viens avec moi, je vais t'en donner. " Ces femmes l'ont suivi.
  J'ai couru la nuit, je veux dire très tard, les cabarets. Le peuple, était occupé qu'à boire et à chanter l'hymne des Marseillais. Tout m'a paru très tranquille, malgré les hurlements des marchands.

Rapport de Beraud, W 112
  Des habitants de Saint-Domingue arrivés depuis peu ont fait les détails les plus alarmants de cette colonie. Les envoyés de la Convention l'ont perdue, ont-ils dit, en ne songeant qu'à leurs intérêts, et, sitôt que Sonthonax677 [en vertu de " l'application du décret d'arrestation de Sonthonax et de Polverel, voté le 16 juillet 1793 et non abrogé en février-mars 1794, Sonthonax est arrêté le 8 juin 1794, en compagnie de Polverel, Étienne, de, 1738-1795 ; [celui-ci] tombé malade à Saint-Domingue, ne vit pas la fin de son procès, que Sonthonax gagna, et il mourut à Paris le 6 avril 1795, 17 germinal an III, dans le dénuement. ; ils débarquent en France le 12 thermidor, 30 juillet, deux jours après l’exécution de Robespierre ; à noter que Robespierre ne signa pas l'ordre donné au capitaine Chambon le 12 avril 1794, [23 germinal an II] de porter le décret du 16 pluviôse [4 février] abolissant l'esclavage, à Saint-Domingue, mais signa en revanche l'ordre d'arrestation de Sonthonax et Polverel donné la veille au même capitaine. ; source], cet homme dont on a tant vanté les vertus, a eu les mains pleines, il s'est sauvé dans la partie espagnole de cette île.Toutes les troupes qu'on y a envoyées ont péri, non par le feu, mais par les courses qu'on leur faisait faire à l'ardeur du soleil, et en les faisant bivouaquer pendant les nuits, qui sont très dangereuses pour les Européens, qui ne sont pas acclimatés. Cette superbe colonie, qui faisait fleurir le commerce de la France, est absolument perdue, et jamais la République ne sera assez riche pour réparer les monuments que l'on y avait élevés. Habitations, plantations, tout a disparu par la flamme, et, si la Convention a décrété la liberté des noirs678, ce n'est pas par humanité, mais parce qu'elle a voulu ne plus connaître des Français qui s'étaient expatriés par l'appât des richesses, et qu'elle a calculé que, les Anglais assiégeant cette nouvelle partie du monde, ces mêmes noirs, perdus pour la France, saisi du mot Liberté, se rebelleraient contre cette nation.




Source

   La commune du Mans, ainsi que le département où elle est située, suivant le rapport de plusieurs personnes, est dans l'état le plus déplorable. On y est réduit à manger des pommes de terre avec du son ; mais cette situation, ont-ils ajouté, n'aurait rien d'affligeant pour ses habitants, si l'aristocratie n'y avait dominé, et jeté dans les fers les meilleurs patriotes : sur la quantité de ceux qui sont incarcérés, les trois quart au moins méritent la couronne martyrale, et il n'est pas jusqu'aux municipalités des plus petits villages qui ne doivent être renouvelées, si l'on veut y faire prospérer l'arbre de la Liberté.
  La marche en masse des Cordeliers aux Jacobins679 n'a point été inspirée, disait-on au café de la République, par cet amour qui doit régner parmi les frères, mais par l'espoir que, en feignant une intime réunion, les Jacobins se laisseraient séduire pour abandonner Camille Desmoulins [1760-1794 ; « Le véritable palladium c’est la déclaration des droits, c’est la liberté de la presse », clame Camille Desmoulins dans son premier journal, Le Vieux Cordelier [...] le Vieux Cordelier s’insère dans le conflit entre les réseaux d’« ultra- » et de « citra-révolutionnaires », qui se jouaient non seulement à la Convention ou dans la presse ou les clubs parisiens, mais aussi à l’échelle des départements. Malgré ces dénominations de « citras », ou Indulgents, Dantonistes, et d’« ultras », ou Exagérés, Hébertistes, la ligne de démarcation entre les deux camps est souvent floue et leurs conflits semblent tenir autant sinon plus à des luttes d’influence qu’à l’idéologie : on trouve par exemple des partisans d’une répression accrue et de la déchristianisation dans les deux camps. Le cible le plus évident des « citras » était les « ultras » et réciproquement, mais tous s’attaquèrent aussi plus ou moins sourdement au gouvernement révolutionnaire. Ainsi, Camille Desmoulins qui se situait dans le camp des « citras », dénonça directement les « ultras » : entre autres, les journalistes Hébert et Momoro, le général de l’armée révolutionnaire Ronsin, le ministre de la guerre Bouchotte et Vincent secrétaire-général du département de la guerre., ... ; source] et autres à qui Vincent, membre et agitateur du club des Cordeliers, donne partout des ridicules et des crimes dont ils sont incapables. Quoiqu'il en soit, qu'on ne s'imagine pas que ce club soit tout entier à Vincent ; la majeure partie n'agit et n'obéit que par la crainte d'être expulsée, et ce sont des machines à ressorts que des meneurs adroits font mouvoir. " Il en est ainsi de toutes les sociétés populaires, a répliqué un autre ; et, le club de l' Evêché ayant formé le projet de présenter une pétition à la Convention pour les dissoudre, a commis un acte de justice et d'humanité : de justice, en ce qu'il détruira une espèce d'autorité qui aurait un jour fait agir la Convention les armes à la main ; et d'humanité, parce qu'il n'y a que l'intrigue qui les dirige, et que c'est là qu'on aiguise les traits qui, journellement, assassinent les patriotes. Notez en outre que ces sociétés sont en général composées de gens qui, méprisés et reconnus dans les sections qu'ils habitaient précédemment pour des aristocrates fieffés, les ont abandonnées et se sont jetés dans d'autres, où, en entrant, ils ont vomi la flamme du civisme, ^pour accaparer les places, et pour ainsi se soustraire à la peine qu'ils méritaient.


" ... Par sa forme et son fond, le Vieux Cordelier reste une oeuvre majeure au sein du flot des journaux révolutionnaires. « Vivre libre ou mourir », tel est l’esprit du journal : son auteur mobilise le passé, Athènes, Rome, Machiavel, la Révolution anglaise, pour expliquer le présent : il ne craint pas de nommer ceux qui lui paraissent trahir la cause de la Liberté : Hébert, Cloots, Chaumette, Héron, Saint-Just, Robespierre, ni de défendre des amis parfois compromettants : Philippeaux, Fabre d’Églantine, Fréron, Danton. [Les pages] elles permettent de mieux comprendre ce que fut la querelle autour « des excès de la Révolution », n° 4, au XIXe siècle. Desmoulins lui-même était trop lucide pour ignorer le sort qui serait le sien : ses actes révolutionnaires — dont certains avaient eu des conséquences sanglantes, il ne les occulte pas, — n’étaient pas si éloignés. Desmoulins n’est ni à vendre, ni à récupérer : l’Histoire nous montre seulement que sa position était intenable. Parmi les plus belles pages, mentionnons celles portant sur la liberté de la presse, sur vertu et république. Même si on ne peut résumer le débat/combat entre Desmoulins et Robespierre à cette simple opposition, c’est bien d’un duel posthume entre Voltaire et Rousseau dont il s’agit... Source

  " Si le décret680, disait-on dans le même endroit, que vient de rendre la Convention sur l'élargissement des vrais patriotes, est exécuté ponctuellement et promptement, qu'on ne lui donne pas de fausses interprétations, et qu'il ne cache pas quelques prétendus actes révolutionnaires aussi durs, ou plus durs même que ceux qu'on a exercés jusqu'à présent, vous allez voir les yeux abattus par la douleur se ranimer, vous allez voir 200.000 familles qui ne demandaient que la vengeance former de leur corps un rempart devant la Convention ; vous allez voir l'indigence qu'elles refusaient peut-être de secourir recevoir des bienfaits ; et toutes ces familles divisées n'en formeront plus qu'une avec celles qui n'ont point été atteintes par les comités révolutionnaires. " " Je désespérais de revoir mon époux, disait une citoyenne ; depuis quatre mois qu'il est enfermé, je n'ai pu me faire entendre, ni dans l'assemblée générale, ni de la société populaire ; on me rebutait comme si j'eusse été criminelle ; le mépris, des menaces, étaient ce qu'on opposait à mes larmes ; ses lettres étaient ou déchirées ou tournées en ridicule. Et qu'avait-il fait? Il a été un des premiers à la Bastille, il a toujours bien fait son service, a toujours refusé des places pour les laisser aux bons sans-culottes, et, s'il s'est fait des ennemis, c'est qu'il n'a pas voulu qu'elles fussent occupées par des ignorants ou par des nouveaux venus qui, par leurs criailleries et la soif du sang dont ils paraissent animés, se sont formé autour d'eux une barrière de partisans. " Suivant ce qu'à dit ensuite cette citoyenne, il paraît qu'elle est de la section Bonne-Nouvelle.
  Les spectacles du Boulevard, malgré le mauvais temps, regorgeaient de monde, et de tous côtés on entendait dire : " Moi, je n'ai point mangé de viande depuis huit jours. Moi, j'avais un bon qui m'a été inutile, parce qu'une fois que les malades sont servis, les membres des comités font servir leurs femmes et les bonnes amies de celles-ci ; ainsi, tant que la disette durera, nous en chercherons où nous pourrons. "

Rapport de Charmont, W 112
  L'ordre du jour, c'est toujours les denrées de première nécessité. Hier on a fait, soit-disant, des incursions patriotiques chez les fruitières de la Halle ; aujourd'hui c'est aux barrières que les citoyens ont eu la précaution d'aller au devant et de s' en emparer, surtout à la barrière des Gobelins, où les citoyens du faubourg Saint-Marceau, se voyant manquer de tout, se sont décidés à aller intercepter les provisions qui arrivaient pour Paris ; cela a beaucoup fait faute au quartier qui environne la place Maubert, au point que l'on a manqué de tout, excepté le pain. La crise augmente de pis en pis ; il serait même à craindre que les suites de cette disette [ne] soient fâcheuses, et que le peuple ne se porte à quelques excès, car on entend dire partout : " La nécessité contraint la loi ; où j'en trouverai, j'en prendrai. "
  La section Marat passe dans l'opinion publique pour aller aux barrières de son arrondissement, et là, toutes les marchandises qui arrivent à Paris, elle les fait conduire dans son arrondissement et les fait vendre au maximum, et partout on se plaint de la manière dont cette section s'arrange, et faisant éprouver une espèce de disette à ses voisins des sections qui l'environnent. On commence à se lasser de tout cela, et un citoyen disait : " On ne se tue point comme à la Vendée dans Paris, mais on s'arrache les vivres les uns les autres ; et puis nous finirons par nous battre, et alors nous serons en pleine Vendée. " Cela se dit partout. Il est de toute nécessité de réfléchir sur ce qu'il se fomente dans Paris sur la pénurie où nous sommes des denrées de première nécessité.
  On parle partout, avec enthousiasme, de la manière dont les Jacobins ont reçu nos frères des départements681. Cela, disait-on, prouvera aux départements combien nous sommes attachés à l'unité et à l'amitié qui doit régner entre tous les Français.
  On peut être sûr que si la Convention décrète la fête du salpêtre682, il y aura un monde considérable, car il y a beaucoup d'amateurs dans cette partie. Avant-hier un membre de la commission du salpêtre de la section de la Montagne, a parcouru successivement tous les ateliers des sections de Paris afin de parvenir plus vite à la perfection du salpêtre. De là est venu de demander que la Convention décrète que les citoyens qui composent la République entière soient tenus de s'armer à leurs dépens, excepté ceux dont les moyens ne sont pas suffisants pour faire cette dépense, à qui la Nation leur en fournirait ; et on prétend que de ce moyen l'on verrait encore sortir une nouvelle source d'armes à feu. On voudrait que, dans les corps de garde de Paris, que celui qui fait faction devant les armes, soit armé d'un fusil, car il est certain qu'un fusil en impose plus qu'une pique.
  Encore un médecin de moins pour le service des malades dans Paris, Vaillant683, qui demeurait rue Victor, qui a fait des sacrifices incalculables sur la section du Panthéon-Français ; on ignore encore quels sont ses griefs ; mais ce qu'il y a de certain, c'est qu'il est très regretté dans la section.
  Les opérateurs pour les secours accordés aux pères, mères, femmes et enfants des défenseurs de la Patrie, tout se passe dans un ordre admirable ; on voit la franchise de ces braves gens déclarer de bonne foi quels sont leurs droits aux secours qui leur sont accordés par la loi ; mais cela demandera beaucoup de temps, car le nombre des réclamants est conséquent.

Rapport de Dugas, W 112
  Un cocher de fiacre qui avait reçu trois livres de la part d'un citoyen qu'il avait mené du faubourg Saint-Martin à la Maison Égalité voulait exiger encore vingt sous de plus pour cette course, et, sur le refus constant qui lui en a été fait, il a poursuivi le citoyen dans les galeries du jardin qui ne lui a échappé qu'en entrant dans le café du Caveau et en sortant par une porte de derrière.
  Presque toutes les boutiques du jardin de la Révolution et de la rue Honoré ont été ouvertes toute la journée. On avait remarqué ci-devant qu'elles ne l'étaient que jusqu'à trois ou quatre heures.
  Les spectacles étaient pleins ; celui de la rue Feydeau avait attiré beaucoup de monde en donnant la Prise de Toulon684, qu'on ne se lasse pas de voir.
  Le comité révolutionnaire de la section des Amis-de-la-Patrie [n°15 ; créée sous le nom de " section du Ponceau ", puis, pris son nom définitif en septembre 1792 ; son territoire était le boulevard Sébastopol d'aujourd'hui ; son assemblée se tenait en l’église de la Trinité, rue Bourg-l'Abbé, actuellement les 144-146 de la rue Saint-Denis ; celle-ci appartenait à l’hôpital du même nom qui, en 1790, fut supprimé et ses biens attribués à l'administration générale des hospices ; en 1812, l'église fut vendue et détruite en 1817 ; c'est ainsi que le Passage de la Trinité voit officiellement le jour ; en 1854, le percement du boulevard du Centre futur boulevard Sébastopol bouleverse le quartier qui est profondément transformé par les grands travaux d'Haussmann. Le passage de la Trinité est menacé de destruction par un décret du 29 septembre 1854 qui prévoit sa suppression. Il ne sera jamais appliqué. Aujourd'hui, le passage de la Trinité est une curiosité du tissu urbain traversé par un ruisseau axial d'un autre temps dont le charme s'il est un peu décrépi n'en demeure pas moins certain : accès 164 rue de Saint-Denis et 21 rue de Palestro. ; source] a écrit au maire de Paris au sujet de la pièce donnée au théâtre de la rue Favart, appelée Le congrès des rois685. Il paraît que ce n'est pas à la seule faiblesse de cet ouvrage qu'il faut s'en prendre de son peu de succès, et qu'il y avait un parti royaliste pour le faire tomber. On avait d'ailleurs entendu crier dans le parterre : " À bas le bonnet rouge! " On ne conçoit pas comment cette audace reste impunie.

 Le passage de la Trinité, Paris 2eme arrondissement

  On ne s'entretient que de la sagesse du décret sur les détenus686, rendu sur le rapport de Saint-Just. Les patriotes respirent depuis ce moment là.
  Au milieu des privations de toute espèce que le peuple supporte avec tant de fermeté, pourquoi, dit-on, laisser dans plusieurs boutiques de comestibles de la Maison Égalité tout ce que la gourmandise a de plus raffiné? Aujourd'hui que la pluie avait rassemblé une bonne partie du peuple de Paris sous les galeries de cette Maison, il pouvait se dire à lui-même : " Les perdrix rouges, les dindes aux truffes, le mouton de pré salé, les pâtés d'Amiens ["...créé en 1643 par un certain Antoine Degand. Selon la tradition orale, on promit à Degand, emprisonné à Amiens, de le libérer s’il réussissait à créer un plat qui satisferait le roi Louis XIII et le cardinal de Richelieu, séjournant à Amiens après la prise d’Arras. Ce fut un succès, le pâté de canard aurait plu aux deux personnages. La tradition orale prétend que, dans le courant du XVIIe siècle, Madame de Sévigné aurait fort apprécié le pâté de canard. Au départ, le pâté était fabriqué avec un canard entier, farci et cuit au four et entouré d’une croûte dorée. Par la suite, on utilisa du canard désossé. À partir de la fin du XIXe siècle, on trouve inclus du foie gras., ... ; source] et de Rouen ["... Les pèlerins d’hier ou les touristes d’aujourd’hui, marchant d’une cathédrale à l’autre, portaient de bouche à oreille la gloire des plaisirs gastronomiques au même titre que celle des merveilles architecturales. Car qu’est-ce qui peut être meilleur, pendant une longue route, que de « casser la croûte » ? La croûte du pâté, de surcroît.
   Ce sont les Dames de Rouen
  Qui ont fait le pâté si grand
  Allons danser – Lan-ture-lure-lure,
  Qu’il ne peut entrer dans Rouen
   … chantonnaient les pèlerins qui portaient sur les chemins de Compostelle leurs souvenirs de Normandie et des gros morceaux de pâtés en croûte. La farce salée et cuite était bien protégée par la pâte.
  Ils ont trouvé une biche dedans,
  Et deux merles blancs,
  Et une poule qui avait des dents…
  Pour manger le pâté de Rouen,
  Ah, allons danser, Lan-ture-lure ! ..." ; source], tout abonde ici pour les riches, ou pour un tas de faux patriotes en pantalons, à moustaches, et en bonnets de police, et qui ont de bonnes places ; ils payent une de ces pièces jusqu'à 60 livres ; et nous, privés non seulement d'un morceau de mouton, mais encore de quelques haricots ou d'un morceau de beurre pour les faire cuire, nous sommes forcés d'avoir ce spectacle sous nos yeux, qui semble être n'être là que pour nous insulter. "

Le pâté d' Amiens

Rapport de Latour-Lamontagne, W 112

  On s'entretenait, au café de la République, de la motion par Fayau687 [Joseph-Pierre-Marie Fayau des Brétinières, 1766-1799 ; député de la Vendée 1792-1795 ; "... Fayau suivait alors la politique des Jacobins. Il continua de la défendre après le 9 thermidor [27 juillet], s'éleva un des premiers contre la marche rétrograde de la Convention, et défendit vivement les sociétés populaires, lors des attaques que leur porta la nouvelle majorité. À la séance du 11 ventôse an II [1er mars 1794], un membre ayant parlé de la nécessité de détruire les loups, les renards et les blaireaux nuisibles à l'agriculture, Fayau dit : « Je ne puis croire que ce membre ait parlé autrement que par figure. Sous le nom de loups et de renards, il a sans doute voulu désigner les différentes espèces d'aristocrates : les loups sont ceux qui, la tête levée, dévorent le peuple et sa substance, les renards sont les fins matois qui enlèvent les meilleures volailles pour empêcher les sans-culottes de mettre la poule au pot; les blaireaux sont les aristocrates qui, moins hardis que les premiers et moins adroits que les autres, se cachent le jour et courent la nuit pour assassiner le peuple. » Au commencement de 1795, il protesta contre le « modérantisme », se plaignit de ce que les vrais patriotes étaient persécutés, et invoqua, à cette occasion, « l'âme de Marat. » Suspect aux vainqueurs de thermidor, Fayau ne tarda pas à être décrété d'accusation et arrêté, tant pour son attitude en Vendée, que comme l'un des instigateurs du mouvement insurrectionnel du 1er prairial an III [20 mai 1795]. L'amnistie de brumaire an IV lui rendit la liberté. Il ne prit plus aucune part aux affaires publiques et mourut moins de quatre ans après. ; source] d'annuler les donations, transactions et ventes faites par les détenus. Plusieurs personnes se sont fortement récriées contre cette proposition. " On veut donc, disait un citoyen, opérer une dissolution générale? On veut donc ruiner des millions de Français qui, ne prévoyant pas les évènements, ont, sur la foi publique, traité avec leurs concitoyens? On veut donc anéantir la confiance, sans laquelle aucune société ne peut exister? Tel citoyen qui aujourd'hui paraît justement suspect, étaient en 89 ou du moins passait pour être un excellent patriote ; tel autre jouit en ce moment de l'estime publique qui, demain peut-être, sera renfermé comme suspect. Et si ces hommes là m'ont vendu leurs biens en 89, on viendra me les reprendre en 94? Non, je ne crois pas que le Comité de salut public adopte une pareille mesure ; ou, si elle l'est, ce sera sans doute avec des modifications qui concilieront les intérêts de la République avec ceux des bons citoyens. " Tout le monde a paru partager cette dernière opinion.
  Tallien est à Paris688 ; son retour imprévu a donné lieu aux conjectures les plus absurdes. Quelques malveillants répandaient le bruit que Bordeaux est dans une espèce de contre-révolution, qui a forcé Tallien de prendre la fuite. Personne n'ajoute foi à cette nouvelle. D'autres publient que le Comité de salut public a rappelé Tallien, parce qu'il commençait à perdre de son énergie. Mais ceux qui connaissent cet ardent républicain ne croient pas plus à cette nouvelle qu'à l'autre. On est impatient néanmoins de connaître les motifs pressants qui ont pu déterminer Tallien à quitter son poste où sa présence paraît encore nécessaire. [ayant commis de sanglantes répressions à Bordeaux, mais, marquant des signes de " mollesse ", effectivement, Tallien avait été rappelé à Paris par les Comités ; de plus, sa liaison avec une jeune aristocrate, Juana María Ignacia Teresa Cabarrus, dit Theresa ou Thérésia, fraîchement divorcée du marquis de Fontenay, font, du couple, l'ennemi juré de Robespierre ; celui-ci fait arrêté Thérésia ; furieux et ulcéré, Tallien entre en conjuration contre ce dernier ; il est véritablement le premier à tenir tête à Robespierre, déclenchant ainsi, la révolte des députés amenant à Thermidor et, à l'arrestation de Robespierre le 27 juillet 1794 ; le 13 thermidor [31 juillet] il entre au Comité de salut public et fait libérer sa compagne ; il pousse son avantage en demandant la tête de Billaud-Varennes et de Collot d’Herbois, fait fusiller les émigrés capturés lors de l’affaire de Quiberon, par Hoche ; sous le Directoire, il siège au conseil des Cinq-Cents ; il fait partie de l’expédition d’Égypte, 1798-1801, où il est capturé par les Anglais ; ce n'est qu'en 1801 qu'il reviendra en France ; le Premier Consul le nomme consul à Alicante, mais malade, il rentre en France ; après les Cent-Jours, 20 mars-22 juin 1815, il vit dans la misère et meurt en 1820]

 

Portrait de Theresia Cabarrus, 1773-1835, épouse Tallien, puis princesse de Caraman-Chimay ; Gérard, François Baron, 1770-1837. Source

  Un homme, très mal intentionné sans doute, se plaignait au Café militaire, rue Saint-Honoré, d'un prétendu projet qu'on a formé d'avilir la Convention nationale. " Ce matin, à la Halle, disait-il, une femme a insulté la Convention par quelques propos ; des patriotes l'ont dénoncée à la garde, qui n'a fait aucune attention, en disant que cette femme était ivre. Une autre, quelques moments après, ayant dit que, si on manquait de subsistances, c'était la faute de la Commune, a été sur-le-champ arrêtée et traduite à la mairie. Il est donc plus dangereux de médire de la Commune que de la Convention? " Cette petite fable, tout absurde qu'elle est, a été très goûtée des aristocrates qui fréquentent cette maison, où le jeu attire chaque jour un grand nombre d'individus très suspects, et qui mérite une surveillance particulière de l'administration de police.
  On se plaint de toutes parts de la tolérance funeste de la police envers les maisons de jeu.

Rapport de Le Breton, W 112
  On discute beaucoup dans le public sur l'exportation des détenus. On disait dans un groupe que, la mer étant barrée partout, il serait difficile de les rendre à leur destination. Un autre disait que, sans égard ni la moindre considération, il fallait se débarrasser de tous ces gens là ; que, indépendamment de ce qu'ils étaient préjudiciables à la chose publique, ils affamaient par le luxe de leur table la ville. Un autre, enfin, s'est en allé en disant que, d'une manière ou d'une autre, on trouverait à s'en défaire.
  Il existe à l' Opéra, un schisme entre les administrateurs, les acteurs, et les musiciens. La musique se plaint de ne pas être payée, les acteurs que l'on donne trop aux virtuoses, et les administrateurs de ce qu'ils dépensent trop d'argent.
  Les plaintes et les inquiétudes sont toujours les mêmes dans le peuple sur les approvisionnements de la capitale. J'ai examiné que, dans tous ces attroupements, il n'est presque question que de la disette du moment ; il se trouve toujours quelque consolateur qui renvoie tout l'auditoire avec un peu plus de baume dans le sang.
  J'ai entendu dans la salle du Lycée des arts689 [" À la fin du XVIIIe siècle, sous l’influence des Encyclopédistes, et en particulier avec l’édition de la Grande Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, l’étude des sciences est mise à la mode et suscite un véritable engouement,[...] Ce sont deux établissements ouverts dans cette optique presque simultanément à Paris, et qui portèrent le nom de « Lycée » [...] Cet établissement [Lycée des arts] libre fut fondé le 12 août 1792, sous les bons auspices de la Société Philomathique, par Charles Gaullard-Desaudray, ou de Saudray, ancien colonel du Génie, membre du Bureau de Consultation des Arts et métiers. [...] Pour les cours et les laboratoires, il fallait de vastes locaux qui furent trouvés au Cirque du Jardin Égalité du Palais-Royal6. Des aménagements considérables furent réalisés, d’un montant de 400 000 livres14. Selon Kersaint14, l’établissement comprenait un grand hôtel, des salles de conférences, un cabinet de physique, une salle de spectacles, un restaurant, à côté de boutiques dont la location s’ajoutant aux souscriptions, devait permettre, dans l’esprit des fondateurs, d’équilibrer le budget de fonctionnement du Lycée. L’inauguration eut lieu le dimanche 7 avril 1793 [18 germinal an I], [...] Le 16 frimaire an VII, 6 décembre 1798, un incendie consuma les vastes locaux du Lycée des Arts. Celui-ci déménagea alors dans la salle des concerts Fizeri, rue Saint-Nicaise6, 12, quartier des Tuileries, puis à l’Oratoire, très proche, quartier du Louvre. Au cours de l’année 1802, il prit le nom d’Athénée des Arts, périclita, fut réduit à l’état de société d’encouragement et disparut en 1869 14... " ; source] situé dans le Jardin de l'Égalité, un citoyen qui disait que Charrette avait écrit au président de la Convention [une lettre]où il lui mandait que sa première femme l'avait laissé veuf avec 80.000 enfants, et qu'il espérait que sa seconde lui en laisserait autant. Il est à présumer qu'il était question des réquisitions. J'ai voulu en savoir plus long, mais on s'est tu. J'ai voulu suivre celui qui avait tenu ce propos ; mais je l'ai perdu dans la foule, je crois avec un peu méfiance de sa part.

 

 

Source

   Dans la section de la Fontaine-de-Grenelle, il s'est fait quelques arrestations de femmes qui se permettent toujours des propos incendiaires, dans le marché ci-devant Boulainvilliers. Il ne s'est rien passé de remarquable à l'assemblée générale que quelques discussions sur les certificats de civisme.
La ville m'a paru tranquille.

Rapport de Le Harivel, W 112

   À suivre...

   Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 381-393

676. Signalé par la section de Bon-Conseil comme " turbulent et exalté ", il allait être mis en arrestation par ordre du comité de surveillance du Département le 29 ventôse [19 mars]. Il ne recouvrera sa liberté que le 10 messidor suivant [28 juin], par ordre du Comité de sûreté générale : Arch. nat. F7 4774 34.
677. Commissaire national civil à Saint-Domingue.
678. Cf. ci-dessus, p. 7, note 1.
679. Séance du 8 ventôse [26 février].
680. Cf. ci-dessus, p. 348, note 1.
681. Le 8 ventôse. Il s'agissait de citoyens appelés à Paris par le Comité de salut public pour s'instruire de la fonte des canons, des boulets, et de la fabrication du salpêtre.
682. Décidée par le Conseil général de la Commune, elle eut lieu le 30 ventôse [20 mars].
683. Pas de renseignements.
684. Cf. ci-dessus, p. 252, note 4.
685. Cf. ci-dessus, p. 348, note 2.
686. Cf. ci-dessus, p. 348, note 1.
687. À la Convention, le 10 ventôse [28 février].
688. Venant de Bordeaux.
689. Ancien théâtre du Cirque.

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