DOCUMENTS CONCERNANT LES RELATIONS GERMANO-POLONAISES ET LE DÉBUT DES HOSTILITÉS ENTRE LA GRANDE-BRETAGNE ET L'ALLEMAGNE LE 3 SEPTEMBRE 1939, ÉPISODE XII

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  Ce soir, M. Beck, par le truchement de son Chef de Cabinet, m'a informé qu'à quatre postes de douane, à la frontière Dantzig-Prusse Orientale, les inspecteurs des douanes polonais ont été informés aujourd'hui que, par décision du Sénat de Dantzig, il ne leur serait plus permis dorénavant de s'acquitter de leur mission.
  2. Le Gouvernement polonais considère cette démarche comme extrêmement grave. Jusqu'à présent le Sénat de Dantzig avait agi clandestinement, mais cette fois il y avait un défi ouvert aux intérêts polonais.
  3. Le Commissaire général polonais a, en conséquence, reçu des instructions pour remettre ce soir une note demandant confirmation immédiatement que les inspecteurs des douanes polonais seront autorisés à remplir leur mission, et avertissant le Sénat que si on les en empêchait, le Gouvernement polonais réagirait de la façon la plus énergétique. La réponse est demandée pour demain soir 5 heures.
  4. Le Chef de Cabinet ne pouvait pas dire qu'elles seraient les mesure que prendrait le Gouvernement polonais. M. Beck se proposait, dit-il, de me donner d'autres informations demain matin. En attendant il était extrêmement désireux que le Gouvernement de Sa Majesté fût informé immédiatement de la tournure sérieuse que les évènements avaient pris.
  5. Pour autant que je sache, la note polonaise ne sera pas publiée, et son contenu ne sera pas révélée à la presse.
  6. Mr. Burckardt est informé par les soins du Commissaire général polonais.

N° 44

Mr. F.M. Sheperd au Vicomte Halifax

Télégramme

Dantzig, le 4 août I939

  Le représentant polonais, à son retour de Varsovie, a vu ce matin le Haut commissaire et lui a donné lecture de la traduction d'une note qu'il remettra au Sénat cet après-midi. Elle est polie, mais ferme, et se termine sur une note conciliante. Se référant à la menace d'ouvrir la frontière de la Prusse Orientale, Mr. Chodacki a prié le Haut commissaire de transmettre au Président du Sénat une communication personnelle lui indiquant qu'une telle initiative constituerait pour la Pologne un " casus belli " [Acte qui peut entraîner rupture avec une puissance et causer la guerre ; Larousse].
  2. Le Président du Sénat s'est plaint au Haut commissaire de ce que le Gauleiter ne lui avait pas fait part du désir du Führer de mettre fin à la " guerre des notes ", et de préparer une détente. Herr Greiser était furieux d'avoir été mis dans une situation fausse et dit qu'il n'aurait pas envoyé ses notes du 29 juillet, s'il avait été tenu au courant.
  3. Le Président et le représentant polonais se rencontreront au domicile du Haut commissaire le 7 août.

N° 45

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax

Télégramme

Varsovie, le 9 août I939

  L'attitude polonaise dans le conflit ouvert récemment par la tentative de Dantzig d'éliminer l’inspection des douanes polonaises a été ferme, mais d'une modération étudiée. Au début, l'on a pas essayé de représenter le Sénat de Dantzig comme ayant fait un pas en arrière, mais, comme cela était fatal, les journaux ont, depuis, reproduit des commentaires dans ce sens, puisés dans la presse française et britannique. Le Gouvernement polonais a dit fort peu de choses à la presse de ce qui s'était réellement passé, et maintenant encore, aucune limite de temps n'a été mentionnée. L'attitude polonaise, en ce qui concerne des conversations téléphoniques, est également modérée.

Le Journal, 6 août I939. Source

  2. Il est vrai que le 7 août le journal indépendant conservateur Czas, dans un commentaire du discours du maréchal Smigly-Ridz, a écrit que la Pologne était prête à se battre pour Dantzig et que devant l'essai de créer un fait accompli, les canons partiraient tous seuls. Il a également insisté longuement sur l'affirmation du Maréchal que la Pologne n'avait pas d'intention agressive : la presse allemande ne semble pas attacher d'intérêt à ce détail.

L’Avenir du Tonkin, 9 août I939. Source

  3. Aujourd'hui, l' Agence télégraphique polonaise — dans une communication de son correspondant en Allemagne — répond aux attaques du Deutsche Nachrichten Büro [ou Deutsches Nachrichtenbüro, DNB, agence de presse allemande créée en 1934 par l'État allemand, sous le contrôle des nazis ; après la Seconde Guerre mondiale, elle fut remplacée par la Deutsche Presse-Agentur : DPA] et de la presse allemande, en indiquant que l'on avait sélectionné un passage de l'article du Czas de façon à donner une image déformée de l'opinion polonaise et à représenter la Pologne comme un agresseur possible. " Provocation polonaise ", était l'expression employée en Allemagne pour qualifier les efforts de la Pologne pour défendre ses intérêts légitimes. " Une salve tirée par les canons allemands, ce sera le point final à l'histoire de la Pologne moderne. " Tel était le pieux désir " d'une Allemagne pacifique et persécutée ". La communication concluait en insistant de nouveau sur le fait que chacun savait que la Pologne n'avait pas d'intentions agressives.
 
Le Journal, 7 août I939. Source

  4. Je crains qu'à des époques où le sentiment national s'exaspère, il ne soit à peu près inévitable que des observations similaires à celles du Czas paraissent dans la presse. L'expérience démontre que les Allemands peuvent s'indigner à propos de n'importe qui et de n'importe quoi, si tel est le désir de Gœbbels. La " provocation " d'un seul article paru dans un petit journal indépendant de Varsovie, se compare de façon étrange aux déclarations officielles faites par le Docteur Gœbbels et Herr Forster à Dantzig, et à la violation quotidienne, tant militaire que civile, de tous les traités sur lesquels se fondent les droits de la Pologne.
  5. Il est possible que la campagne allemande ait pour but de masquer le pas en arrière du Sénat de Dantzig, où la situation est considérée comme un peu plus facile.
  6. Bien entendu, je continuerai à prêcher ici la modération, tant dans les déclarations officielles que dans la presse.

N° 46

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax

Télégramme

Varsovie, le I0 août I939

  Le Ministre des Affaires étrangères m'a fait tenir aujourd'hui, le texte de la communication qui a été faite, en date d'hier, par le Secrétaire d' État au Chargé d'affaires de Pologne à Berlin, et celui de la réponse remise cet après-midi au Gouvernement polonais. Les textes de ces communications qui sont strictement confidentielles, et qui ne seront pas publiées pour le moment, font l'objet de mon télégramme immédiatement suivant. Les deux communications ont été faites verbalement, bien que, dans les deux cas, des notes aient été prises de leur contenu.
  2. M. Beck a attiré mon attention sur la nature très grave de la démarche allemande, étant donné que c'était la première fois que le Reich intervenait directement dans un différent entre la Pologne et le Sénat de Dantzig. Déjà, par les soins de l'Ambassadeur de Pologne à Londres, il avait été brièvement averti Votre Seigneurie de ce qu'il m'avait communiqué, mais il m'a demandé de vous prier d'étudier la possibilité d'entreprendre à Berlin une action qui renforcerait l'attitude polonaise. Il s'en remettrait à Votre Seigneurie pour toute décision quant à la forme d'une telle action, mais serait heureux en tout cas d'apprendre votre opinion sur la signification de cette démarche du Reich. M. Beck a fait une communication similaire à mon collègue français.
  3. Il a ajouté que le Haut commissaire lui avait communiqué la teneur de la conversation que Mr. Burckhardt avait eue ce matin avec Herr Forster. L'entretien fut relativement calme, et Herr Forster a dit que Herr Hitler lui avait déclaré qu'étant donné la gravité de la situation, aucun incident ne devait se produire en ce moment à Dantzig. Herr Forster a dit que, dans la déclaration qu'il devait faire ce soir, il avait l'intention de s'occuper du ton agressif de la presse polonaise.
  4. M. Beck termina en disant qu'il avait l'impression qu'une crise politique sérieuse se développerait pendant la dernière quinzaine de ce mois et que si elle ne conduisait pas fatalement à la guerre, elle demanderait cependant d'être traitée avec beaucoup de précaution. Le Gouvernement polonais ne prenait pas pour l'instant de nouvelles mesures militaires, mais il m'informerait immédiatement si ces dernières devenaient nécessaires.
  5. M. Beck a déclaré que s'il n'avait pas cru nécessaire, dans sa réponse au Gouvernement allemand, de faire allusion à la question spécifique des inspecteurs de douanes polonais, il aurait été cependant à même de réfuter les allégations allemandes, car le Gouvernement polonais possédait la preuve écrite de ce que les fonctionnaires des douanes de Dantzig avaient reçu des autorités des instructions précises d'informer les inspecteurs polonais qu'ils ne pourraient pas exercer plus longtemps leurs fonctions.

N° 47

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax

Télégramme

Varsovie, le I0 août I939

Mon télégramme immédiatement précédent.
  Ci-dessous la traduction de la note verbale allemande :
  " Le Gouvernement allemand a appris avec une vive surprise la teneur d'une note adressée par le Gouvernement polonais au Sénat de la Ville Libre de Dantzig, dans laquelle le Gouvernement polonais demande, sous forme d'ultimatum, l'annulation d'une prétendue mesure dont l'existence se fondait sur de faux bruits. Cette mesure, destinée à empêcher l'activité des inspecteurs de douane polonais, n'a pas été en fait décrétée par le Sénat. Dans le cas d'un refus, la menace est exprimée de prendre des mesures de représailles
  Le Gouvernement allemand est obligé d'attirer l’attention sur le fait qu'une répétition de pareilles demandes, ayant le caractère d'un ultimatum et adressées à la Ville Libre de Dantzig, comme d'ailleurs celle de menaces de représailles, conduirait à une aggravation des relations polono-allemandes, et que la responsabilité des conséquences incomberait exclusivement au Gouvernement polonais, le Gouvernement allemand étant obligé de décliner par la présente et dès maintenant toute responsabilité à cet égard.
  En outre, le Gouvernement allemand appelle l'attention du Gouvernement polonais sur le fait que les mesures prises par lui pour empêcher l'exportation vers la Pologne de certaines marchandises dantzicoises sont de nature à causer de lourdes pertes économiques à la population de Dantzig.
  Si le Gouvernement polonais persistait à maintenir de telles mesures, le Gouvernement allemand est d'avis que, dans la situation actuelle, la Ville Libre de Dantzig n'aurait d'autre choix que de rechercher ailleurs des occasions d'exporter et, par conséquent aussi, d'importer des marchandises.
"
  2. Suit la traduction de la réponse polonaise :
  " Le Gouvernement de la République polonaise a appris avec la plus vive des surprises la déclaration faite le 9 août I939 par le Secrétaire d'État au Ministère des Affaires étrangères allemand au Chargé d'Affaires de Pologne par intérim à Berlin, concernant les relations existantes entre la Pologne et la Ville Libre de Dantzig. Le Gouvernement polonais, en effet, n'aperçoit aucune base juridique capable de justifier une intervention de l'Allemagne dans ses relations.
  Si des échanges de vues concernant le problème de Dantzig ont eu lieu entre le Gouvernement polonais et le Gouvernement allemand, ils n'avaient pour base que le seule bonne volonté du Gouvernement polonais et n'étaient fondées sur aucune sorte d'obligation.
  En réponse à la déclaration susmentionnée du Gouvernement allemand, le Gouvernement polonais est obligé d'avertir le Gouvernement allemand qu'à l'avenir, comme par le passé, il réagira en employant tels moyens et tels mesures de l'opportunité desquels il demeurera seul juge contre toute tentative des autorités de la Ville Libre qui tendrait à compromettre les droits et les intérêts que la Pologne y possèdent en vertu de ses accords, et qu'il considérera toute intervention future du Gouvernement allemand au détriment de ces droits et de ces intérêts comme un acte d'agression.
"

N° 48

Sir N. Henderson au Vicomte Halifax, Berlin I6 août I939

  Le Secrétaire d'État auquel j'ai rendu visite hier soir, m'a dit immédiatement que la situation s'était très profondément aggravée depuis le 4 août. Lors de notre dernière entrevue, il l'avait considérée comme moins dangereuse que l'année dernière ; actuellement, il pensait qu'elle était non moins périlleuse et des plus critiques. L'aggravation était due premièrement à l'ultimatum adressé en date du 4 août au Sénat de Dantzig ; deuxièmement à la dernière phrase — qu'il cita — de la réponse polonaise au Gouvernement allemand en date du I0 août, mais également et d'une façon générale, à la politique, évidemment voulue, de persécution et d'extermination de la minorité allemande de Pologne.
  J'ai dit au baron von Weizsäcker qu'il y avait un autre côté de la question. La note polonaise du 4 août avait été rendue nécessaire par les mesures successives, particulièrement par celles ayant un caractère militaire, adoptées à Dantzig en vue d'y saper la position polonaise ; la réponse polonaise du I0 août avait été provoquée par la note verbale allemande du 9 août, et par ailleurs ne définissait comme agression que " des acte au détriment des droits et intérêts polonais " ; l'Ambassadeur de Pologne, pas plus tard qu'hier, s'était plaint à moi des nombreux cas de persécution de la minorité polonaise en Allemagne.
  Le Secrétaire d'État répliqua avec une certaine véhémence que si certains cas de persécution isolés de Polonais s'étaient produits, il n'y avait absolument aucune comparaison entre eux et les évènements en Pologne. Jusqu'à présent, dit-il, les journaux allemands n'avaient pas insisté outre mesure sur ce qui se passait à ce point de vue, mais il y avait une limite à toute chose et elle venait d'être atteinte. Selon son expression, " la coupe était pleine jusqu'au bord " : en d'autres mots, la patience de Herr Hitler était maintenant épuisée.
  Il admettait le fait de la militarisation de Dantzig, mais affirma qu'elle avait un caractère purement défensif, et visait à protéger la ville contre celui qui aurait dû être son protecteur.

Le commandant en chef de la marine allemande, l'Amiral Erich Raeder [1876-1960 ; "... Officier général de la Reichsmarine pendant l'entre-deux-guerres, puis de la Kriegsmarine dès sa création par le Troisième Reich, il atteint le plus haut rang de la hiérarchie militaire navale, celui de Großadmirala, en 1939. Il est le commandant en chef de la Kriegsmarine jusqu'à son remplacement au début de l’année 1943 par Karl Dönitz. Il est condamné à la prison à vie au procès de Nuremberg puis est libéré en 1955, à près de 80 ans, pour raisons médicales... ; source] inspectant les troupes de " la défense côtière de Danzig ", Ville Libre de Dantzig, août 1939. Photo : Berliner Verlag/Archive

  En ce qui concerne la note polonaise du I0 août, il me dit que si toute intervention de l'Allemagne au détriment des droits et intérêts polonais à Dantzig devait être considérée comme un acte d'agression, cela revenait à demander à l'Allemagne de se désintéresser complètement de la Ville Libre, étant donné que le sens même des négociations passées avec la Pologne était de modifier en faveur de l'Allemagne la situation qui régnait là-bas. C'était là une prétention qui rendait toute la situation intolérable et même le Gouvernement de Sa Majesté avait admis que certaines modifications pourraient être nécessaires.
  J'ai répondu au baron von Weizsäcker que le malheur voulait que l'Allemagne ne considérât jamais qu'un seul côté de toute question et demandât constamment que toute chose fût modifiée en sa faveur. Nous avons discuté avec acrimonie [caractère agressif de quelqu'un, qui se manifeste dans l'humeur ou dans l'aigreur du langage ; Larousse] des raisons et des torts dans l'affaire, sans apparemment arriver à nous convaincre l'un l'autre. Il est inutile que je vous importune avec tous ces détails.
  Finalement j'ai dit que ce qui avait été fait ne pouvait plus être défait. Nous semblions, dis-je, être entraînés rapidement vers une situation dans laquelle aucune des deux parties ne pourrait céder et dont découlerait la guerre. Herr Hitler voulait-il la guerre? J'étais prêt à croire que l'Allemagne ne céderait pas à l' intimidation. De son côté, le Gouvernement de Sa Majesté ne pourrait certainement le faire. Si l'Allemagne recourait à la force, nous résisterions par la force. Impossible de garder un doute quelconque à ce sujet. La situation avait été définitivement établie par le discours de Votre Seigneurie à Chatam House le 29 juin et par les déclarations du Premier ministre à la Chambre des Communes le I0 juillet. Il nous était impossible de dévier de cette attitude.
  En réponse à une remarque de ma part, le Secrétaire d'État observa que si, avant le 5 août, il eût été tout juste possible que l'Allemagne fit un premier geste, la chose était maintenant absolument inconcevable. Sans même tenir compte du récent ultimatum polonais et de la note verbale parlant d'agression, une initiative allemande aurait été difficilement possible, étant donné le discours du Colonel Beck en date du 5 mai, dans lequel il avait daigné dire que si l'Allemagne acceptait les principes établis par lui, la Pologne serait prête à causer, mais non point autrement. C'était là un langage que l'Allemagne ne pouvait admettre. J'ai donné la réplique qui s'imposait. La seule réponse du Secrétaire d'État fut qu'en tout état de cause, il était maintenant purement académique de parler d'une initiative allemande.
  Le baron von Weizsäcker poursuivit alors en disant que le malheur voulait que l'appréciation que le Gouvernement allemand portait sur la situation fût totalement différente de celle du Gouvernement de Sa Majesté. L'Allemagne, avec sous ses yeux d'innombrables cas de persécution d'Allemands, ne pouvait reconnaître que les Polonais fissent preuve de calme et de retenue ; l'Allemagne croyait que la Pologne courait à sa ruine, délibérément et les yeux fermés ; l'Allemagne était convaincue que le Gouvernement de Sa Majesté ne comprenait pas où sa politique d'encerclement et d'assistance aveugle à la Pologne le conduisait, lui et l'Europe ; et, finalement, son propre Gouvernement ne voulait ni ne pouvait croire que la Grande-Bretagne se battrait dans n'importe quelle circonstance, et quelles que furent les folies auxquelles les Polonais pourraient se livrer.
  J'ai répondu au baron von Weizsäcker que c'était là une théorie fort dangereuse, et qui rappelait Herr von Ribbentrop, lequel n'avait jamais été capable de comprendre la mentalité britannique. Si les Polonais se trouvaient obligés par un acte quelconque de l'Allemagne à recourir aux armes pour se défendre, il n'y avait pas l'ombre d'un doute que nous leur donnerions notre pleine assistance armée. Nous avions abondamment affirmé cette résolution et l'Allemagne ferait une erreur tragique si elle s'imaginait le contraire.
  Le Secrétaire d'État me répondit qu'il voudrait s'exprimer d'une façon différente, et il m'a donné à comprendre que cette phrase n'était pas de son cru : l'Allemagne croyait que l'attitude des Polonais serait ou était telle, qu'elle libérerait le Gouvernement britannique de toute obligation à suivre aveuglément toutes les excentricités d'un aliéné.
  Je répondis au Secrétaire d'État que nous tournions dans un cercle vicieux. Le Gouvernement polonais, dis-je, avait montré jusqu'à présent une prudence extrême et ne prendrait d'ailleurs aucune mesure importante sans d'abord se consulter avec nous, tout comme je croyais bien, qu'en conformité avec leur accord militaire, le Gouvernement allemand ne prendrait aucune décision irrévocable sans s'être d'abord consulté avec le Gouvernement italien. Le Gouvernement de Sa Majesté avait donné sa parole et devait demeurer seul juge de son action. C'était par conséquent pure hypothèse que de parler de " n'importe quelle circonstance " ou d'une " soumission aveugle à la volonté de la Pologne ".
  Le baron von Weizsäcker répondit que la Pologne n'avait pas consulté le Gouvernement de Sa Majesté, ni avant que Mr. Chodacki, qui n'aurait pu agir sans l'autorisation préalable du Colonel Beck, n'eût adressé son ultimatum au Sénat de Dantzig, ni avant de répondre à la note verbale allemande du 9 août. Cependant, dans son opinion, c'était bien là deux mesures capitales, lourdes des plus sérieuses conséquences. Il admettait, disait-il, que certains Polonais étaient, ou désiraient être prudents, mais malheureusement ce n'étaient pas eux qui, aujourd'hui, gouvernaient la Pologne. La vraie politique de la Pologne, que le Gouvernement de Sa Majesté ne pouvait pas contrôler et qu'il ignorait probablement, c'étaient les milliers cas de persécutions et d'excès commis contre les Allemands en Pologne. C'était là une politique basée sur la croyance polonaise en un soutien illimité de la part des Gouvernements britanniques et français. Qui donc, me demanda-t-il, pourrait maintenant amener les Polonais à abandonner de telles méthodes? C'étaient ces méthodes, combinées avec les articles d' encouragement de la presse polonaise, qui rendaient dorénavant la situation intenable et si extrêmement dangereuse. L'affaire, depuis le 4 août, s'était modifiée jusqu'à paraître du plus extrême sérieux et de la dernière urgence. Jusqu'à présent on avait laissé aller les choses, mais le point a été atteint, à partir duquel il n'était plus possible de laisser faire.
  Il est certain que le baron von Weizsäcker exprimait, comme il me l'a affirmé d'une façon très solennelle, l'opinion réfléchie de son Gouvernement et définissait la situation telle qu'il la voyait lui-même. Tout en admettant qu'il ne pouvait affirmer la chose avec certitude, il m'a dit que probablement Herr Hitler assisterait à la célébration de Tanneberg [bataille opposant l'Empire allemand à la Russie, 26 au 30 août 1914 ; elle se solda par la victoire décisive de l'Empire allemand sur les russes, elle marqua l'arrêt de l'avancée russe en Prusse-Orientale ; elle fut la seule bataille qui se livrera sur le sol allemand ; "... Le 26 août, le lent recul du cordon de troupes allemandes disposé face à la 2 ème armée russe, étirée sur un front d’une centaine de kilomètres, cessa. Les ailes russes virent leur progression bloquée et, sur l’aile droite, une division russe fut anéantie après avoir été acculée au lac Bossau. Le 26 au soir, les ailes russes, battues, refluèrent en désordre et la position du centre devint intenable; étrangement, Samsonov ordonna aux éléments du centre l’ordre de poursuivre vers l’avant, scellant sa propre destruction. Le 28 août, les Allemands entamèrent un vaste mouvement d’encerclement. Le centre russe se désagrégea, fuyant à travers bois afin d’échapper à la capture. Les 29 et 30 août, de nombreuses colonnes russes, dépourvues de tout ravitaillement, furent cernées dans les forêts et les marécages. Dans la nuit du 29 au 30, Samsonov échappa à ses officiers d’état-major et se suicida d’un coup de pistolet. Dans la journée du 30, les Russes tentèrent de briser l’encerclement mais subirent un massacre. Certains groupes, espérant échapper à la fatalité, marchèrent au devant des mitrailleuses allemandes regroupés derrière un prêtre brandissant une croix. Le 31, les derniers survivants sortirent des forêts pour effectuer leur reddition. Au prix de 10.000 à 15.000 tués, les Allemands avaient remportaient une victoire majeure. Plus de 30.000 Russes étaient morts et plus de 122.000 furent capturés. Près de 500 pièces d’artillerie russes avaient été perdues… " ; sur le Web]. Mais il semblait dire que les choses pourraient bien ne pas dépendre seulement d'un discours. Cependant, si rien ne se passe d'ici là, j'ai peur qu'il faille nous attendre là-bas au moins à quelques déclarations belliqueuses de Herr Hitler, sur lesquelles il pourrait bien lui être difficile de revenir plus tard. Comme le baron von Weizsäcker le fit observer lui-même, la situation, sous un certain rapport, était même plus grave que l'an dernier, étant donné que Mr. Chamberlain ne pouvait pas à nouveau se rendre en Allemagne.
  Une chose m'a fait impression : le détachement et le calme du baron von Weizsäcker. Il semblait tout à fait confiant, et affirmait sa foi dans le fait que l'assistance russe aux polonais seraient non seulement tout à fait négligeable, mais qu'à la fin l'U.R.S.S. se joindrait au partage des dépouilles polonaises. Mon insistance sur le caractère inévitable de l'intervention britannique ne semblait pas non plus l'émouvoir.

La bataille de Tannenberg, 26 au 30 août I9I4.


N° 49

Note explicative sur la rencontre de Herr Hitler avec Mr. Burckhardt, le II août I939

  Mr. Burckhardt avait accepté une invitation de la part de Herr Hitler de lui rendre visite à Berchtesgaden. Mr. Burckhardt a donc eu, le II août, une conversation d'un caractère privé avec Herr Hitler ; il est entendu que la question de Dantzig, dans ses rapports avec la situation européenne générale, y fut discutée.

N° 50

Le Vicomte Halifax à Sir H. Kennard, Varsovie

Télégramme

Foreign Office, I5 août I939

  J'ai l'impression que Herr Hitler est toujours indécis, qu'il est désireux d'éviter la guerre et de ne point frapper, s'il ne peut le faire sans perdre la face. Étant donné qu'il y a pour lui une possibilité de ne pas précipiter les évènements, il est évidemment essentiel de ne lui fournir aucun prétexte pour agir, que les conversations au sujet de Dantzig paraissent ou non possibles à un moment donné. Il paraît par conséquent de première importance de s'efforcer à ce que les problèmes locaux, inspecteur des douanes, margarine, harengs, etc., soient réglés immédiatement, et d'empêcher que des questions de procédure ou de prestige à Dantzig, y fassent obstacle. Il paraît également essentiel que le Gouvernement polonais fasse tous ses efforts pour modérer sa presse, même en face d'une campagne des journaux allemands, et pour intensifier ses efforts en vue d'empêcher des attaques contre sa minorité allemande.
  2. Je voudrais prier M. Beck d'agir, quand il s'occupe de problèmes locaux de Dantzig, par l'intermédiaire du Haut commissaire, ou tout au moins après consultation avec lui, plutôt que directement auprès du Sénat. J'aimerais que M. Beck traitât Mr. Burckhardt avec la plus entière confiance, étant donné que, selon moi, il fait de son mieux dans une situation très difficile.
  3. Si même le moment actuel peut ne pas être opportun pour une négociation des problèmes d'ordre général par opposition avec des différents locaux, le Gouvernement polonais ferait bien, selon moi, de continuer à affirmer clairement qu'il demeure prêt, en tout temps, et l'essentiel se trouvant garanti, à examiner, s'il y avait des chances de succès, la possibilité d'une négociation au sujet de Dantzig. Je considère une telle attitude comme importante au point de vue de l'opinion mondiale.
  4. Avant de parler à M. Beck selon les directives ci-dessus, je vous prie de vous concerter avec votre collègue français [Léon Noël, 1888-1987 ; Ambassadeur à Varsovie de 1935 à 1940 ; "... il représente le ministère des Affaires étrangères lors de la négociation d'armistice dans la clairière de Rethondes en juin 1940 mais refuse de signer. Engagé dans la Résistance, gaulliste, député, il sera le premier président du Conseil constitutionnel de la Ve République de 1959 à 1965... " ; source], qui recevra des instructions d'un caractère général similaire, de façon à ce que, vis-à-vis de Mr. Beck, vous puisez suivre à peu près la même ligne.

Léon Noël, 1935, Varsovie

N° 51

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax

Télégramme

Varsovie, le I5 août I939

  J'ai parlé au Ministre des Affaires étrangères dans le sens de votre télégramme du I5 août. M. Beck était d'accord pour reconnaître que Herr Hitler était probablement toujours indécis sur le sens de son action. Néanmoins, il jugeait l'activité militaire allemande troublante, bien qu'à présent il ne la considérât pas d'une façon trop alarmiste.
  2. M. Beck était d'accord sur l'opportunité d'un effort pour résoudre toutes les questions locales à Dantzig et me dit qu'il faisait de son mieux pour séparer les questions économiques des questions politiques, en vue de régler les premières d'une façon rapide et équitable. Il espérait que la conversation de demain entre le Commissaire général polonais et le Président du Sénat pourrait donner quelques résultats.
  3. M. Beck me dit que s'il n'arrivait pas à régler directement un nouvel incident qui était survenu, il ferait appel à l'intervention de Mr. Burckhardt.
  4. Cet incident est le suivant : trois inspecteurs des douanes polonais alors qu'ils faisaient leur ronde du port dans un canot à moteur, découvrirent un bateau allemand entrant dans le port, tous feux éteints. Soupçonnant de la contrebande de munitions, ils ont dirigé leurs projecteurs sur lui. Quand ils accostèrent, la police dantzicoise les arrêta. Le Commissaire général polonais a envoyé une note demandant leur élargissement [libération], mais en un langage qui n'était pas indûment énergique. S'il ne recevait pas promptement une réponse, il invitait le Haut commissaire à régler cet incident.
  5. En ce qui concerne la presse, il me fit remarquer que ce n'étaient pas les Polonais, mais bien la presse britannique et d’autres journaux étrangers qui, les premiers, avaient indiqué que la fermeté du Gouvernement polonais avait obligé le Sénat à céder dans l'affaire des inspecteurs des douanes polonaises.

Traitement de la minorité en Pologne


N° 52

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax

Télégramme

Varsovie, 24 août I939

  Si je suis évidemment hors d'état de vérifier toutes les allégations produites par la presse allemande en ce qui concerne la persécution de la minorité en Pologne, j'ai pu cependant me rendre compte, d'après les enquêtes que j'ai faites, que la campagne constitue une déformation et une exagération grossière des faits.
  2. Les accusations où l'on affirme que les Allemands sont battus avec des chaînes, qu'on les précipite dans les barbelés, qu'on les oblige à proférer en chœurs des insultes contre Herr Hitler, sont simplement stupides, mais de nombreux de cas individuels et spécifiés se sont démontrés également faux.
  3. M. Karletan, par exemple, arrêté le I5 août, à propos du meurtre d'un agent de police polonais, aurait, selon la presse allemande, été battu jusqu'à ce que mort s'ensuivit, alors que sa femme et ses enfants étaient jetés par la fenêtre. Le correspondant du Manchester Guardian me rapporte que, dimanche dernier, il lui a rendu visite à sa prison et qu'il l'a trouvé en bonne santé. Il n'avait été aucunement battu ou blessé. L'histoire de sa femme et de ses enfants manquait également de tout fondement.
  4. Il est exact que beaucoup de membres de la minorité allemande ont quitté la Pologne illégalement, mais j'apprends à la fois du Consul britannique par intérim à Kattowitz et du Vice-Consul britannique à Lodz, que les Allemands eux-mêmes ont donné à beaucoup d'entre eux l'ordre de partir. Il y eut un premier exode au mois de mai dernier. Par la suite, un grand nombre a demandé à revenir, mais les Polonais n'étaient pas particulièrement désireux de les accueillir, étant donné que, sans aucun doute, ils avaient été entraînés pour la propagande, le sabotage et l'espionnage, activités poursuivies déjà par la Jungdeutsche Partei, Parti Jeunesse allemande à Kattowitz ["... Après 1931, une nouvelle force politique fit son apparition dans la minorité allemande. Il s’agissait du Parti de la Jeune Allemagne en Pologne : Jungdeutsche Partei für Polen. Son audience s’élargissant d’année en année, il réussit à faire reculer les « vieux partis ». De plus, après l’arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne, Berlin cessa de financer les « vieux » partis républicains et démocratiques. L’argent fut redirigé vers le Parti de la Jeune Allemagne qui n’avait pas d’objection contre le principe de l’autorité du chef, ni contre la dictature. Sa direction fut prise par Rudolf Wiesner [1890-1973 ; En août 1939, il fut arrêté par les autorités polonaises. Après l'invasion allemande de la Pologne, il fut libéré et nommé chef de la SS. Le gouverneur allemand de la Pologne occupée, Hans Frank, fit venir Wiesner au département principal de l'administration intérieure de l'administration d'occupation dans le Gouvernement général. Le 7 juillet 1940, Wiesner fut nommé député au Reichstag national-socialiste, où il représenta la circonscription de Silésie jusqu'à la fin du régime nazi au printemps 1945 ; "... un ingénieur de Bielsko qui aspirait à remplir le rôle d’ Heinlein, le dirigeant des Allemands de Tchécoslovaquie. Le parti se transforma alors en parti soumis à l’autorité de son leader, il adopta l’idéologie völkisch ainsi que son uniforme et ses symboles, à savoir le pantalon noir court avec chemise blanche et cravate noire portant les initiales JP, le « heil » comme formule de salut qui, après 1935, se prononçait le bras droit tendu vers le haut. Ce parti publiait trois journaux : l’hebdomadaire Der Aufbruch et deux quotidiens, Neue Lodzer Zeitung et Deutsche Nachrichten. À la suite d’un changement dans la politique de Berlin, Wiesner ne parvint pas à réaliser son ambition de jouer le rôle de dirigeant politique des Allemands de Pologne. Dans la période d’amélioration des relations polono-allemandes qui suivit la signature du pacte bilatéral de non-agression, sous la pression de Berlin, fut créé, en 1937, un organe représentant tous les Allemands de Pologne, le Bund der Deutschen in Polen, auquel le parti de Wiesner refusa de se joindre En revanche, à la même période, les autorités polonaises, estimant que Wiesner pourrait servir au « réchauffement » des relations réciproques, tentèrent de le rallier à elles. En 1935, le président Mościcki le nomma sénateur, ce qui lui permit de s’exprimer sur le forum du Sénat. Ainsi Wiesner y devint le second leader de la minorité allemande de Pologne, à côté d’Erwin Hasbach, dirigeant du Conseil des Allemands de Pologne. Ils étaient tous deux des sénateurs actifs et rédigèrent notamment un mémorial en six points qui traitait de la politique de discrimination de la minorité allemande en Pologne... " ; source]. Dans la région de Lodz, un certain nombre d'entre ceux qui sont partis récemment, ont ramassé tout l'argent et utilisé tout le crédit possible avant leur départ, et le Voïvode [Gouverneur d'une province] a dit, le 20 août, au Vice-Consul, que selon les preuves qu'il possédait, il était convaincu que le Consulat allemand avait transféré ces fonds en Allemagne, et que sans aucun doute, il était complice de leur départ... Beaucoup de ceux qui sont partis, plus spécialement de Lodz, appartiennent au milieu cultivé et l'on y compte, dit-on, Herr Witz, chef du Volksbund [ligue créée à l'étranger, Pologne, Tchéco-Slovaquie, etc., orchestrant la propagande nazi et soutenue financièrement par le Troisième Reich]. Le Vice-Consul britannique à Lodz rapporte que de nombreuses organisations allemandes ont été dissoutes là-bas, mais que, de notoriété publique, elles avaient fait de la propagande nazi, et que les autorités polonaises ne pouvaient pas complètement fermer les yeux sur cela. Je pense cependant que beaucoup d'Allemands ont perdu leur emploi, plus particulièrement dans des usines ayant un caractère militaire ou semi-militaire et environ 2.000 ouvriers ont quitté Tomaszow [Tomaszów Mazowiecki, ville du centre de la Pologne, Lodz ; "... Lors de l'invasion de la Pologne en 1939, les troupes allemandes nazie prennent la ville. La Grande Synagogue est entièrement détruite le 16 octobre 1939. Les deux synagogues restantes ont été détruites du 7 au 14 novembre. Le ghetto, destiné à l'emprisonnement de 16 500 Juifs polonais, a été créé en décembre 1940 et fermé de l'extérieur en décembre 1941. La faim était endémique, suivie de l'épidémie de typhus. En novembre 1942, quelque 15 000 Juifs ont été déportés à bord de trains de l'Holocauste vers le camp d'extermination de Treblinka... " ; source]
 

Logo du Jungdeutsche Partei in Polen, apparaissant sur la carte de membre de 1935. Crédit photo : Dahn

  5. Beaucoup de ceux qui ont ainsi abandonné leurs foyers l'on fait indubitablement parce qu'ils désiraient être du côté allemand du front dans le cas de la guerre, et d'une façon générale l'on est d'accord sur le fait qu'il y a, actuellement, moins d'incidents individuels avec les membres de la minorité qu'au mois de mai dernier.
  6. Le Ministre des Affaires étrangères me dit que le chiffre de 76.000 réfugiés cité par le presse allemande est une grossière exagération : je dirais que celui de I7.000 constitue un maximum absolu. Le correspondant de la Gazeta Polska à Berlin a demandé qu'on lui montrât les camps où se trouvaient ces 76...000 réfugiés ; apparemment, il n'a pas reçu de réponse.
  7. En Silésie [en polonais Śląsk, en allemand Schlesien ; région du sud-ouest de la Pologne, à l'E. du rebord oriental du massif de Bohême, drainée par le cours supérieur et moyen de l' Oder, en polonais Odra, et ses affluents. Elle associe de riches activités agricoles, d'abondantes ressources minières et une exceptionnelle concentration industrielle autour des bassins charbonniers de Katowice-Rybnik, bassin de haute Silésie, et de Wałbrzych : bassin de basse Silésie ; Larousse] la frontière n'est pas intégralement ouverte, mais un système spécial de " cartes de frontières " est appliqué et un trafic quotidien considérable demeure possible. Les autorités allemandes ayant fermé la frontière à Rybnik, endroit où les Polonais avaient l'habitude de passer en Pologne, les autorités polonaises l'on fermée ailleurs, au point où les Allemands passaient en Allemagne. Étant donné les révélations sur les activités de la Jungdeutsche Partei, les autorités polonaises estiment qu'un contrôle plus serré du trafic frontalier était de toute façon nécessaire.
  8. La presse polonaise a publié récemment de nombreuses réclamations concernant la déportation en masse de Polonais des districts frontaliers de Silésie et de la Prusse Orientale vers l'intérieur de l'Allemagne, des actes de vandalisme, spécialement dans le district d' Allenstein [entité territoriale administrative de la Prusse-Orientale qui exista de 1818 à 1945. Cet arrondissement rural faisait partie du district de Königsberg jusqu'en 1905, puis du district d' Allenstein, formé des arrondissements du sud de la province. Son chef-lieu était la ville d' Allenstein, aujourd'hui Olsztyn, en Pologne ; source], la fermeture de toutes les librairies polonaises en Silésie, et autres formes de persécutions. D'après l'officieuse Gazeta Polska, 976 cas de violence contre la minorité ont été relevés d'avril à juin, et depuis, affirme-t-on, le nombre de ces cas a augmenté au delà de toutes les limites. Au cours des derniers jours, cependant, aucune autre information n'a été publiée, M. Beck ayant " refroidi " la presse.
 

Vue de la ville en début de XXe siècle. Carte postale ; éditeur : Association de la Prusse Orientale.

  9. D'une façon générale, les organes sérieux de la presse polonaise n'ont pas publié de violentes diatribes, encore moins ont-ils réclamé pour la Pologne le moindre territoire allemand et l' A.B.C. [ABC, quotidien espagnol fondé en 1903 par le marquis Torcuato Luca de Tena y Álvarez Ossorio. Journal de l'aristocratie et de la bourgeoisie, politiquement de tendance conservatrice et monarchiste], récemment cité en Allemagne, est un journal de violente opposition, ayant fort peu de réputation et moins d'influence encore.

N° 53

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax

Télégramme

Varsovie, 26 août I939

  Toute une série d'incidents se sont à nouveau produits hier, à la frontière allemande.
  2. Une patrouille polonaise a rencontré un détachement allemand près de Pelta, à un kilomètre de la frontière de la Prusse Orientale. Les Allemands ont ouvert le feu. La patrouille polonaise a répondu, tuant le chef de détachement, dont le corps a été rendu.
  3. Des bandes allemandes ont également franchi la frontière silésienne près de Szczyglo, à deux reprise près de Rybnik, et deux fois encore ailleurs. Ils ont tiré des coups de feu et attaqué, à coup de mitrailleuses et de grenades à main, des blockhaus et des postes de douane. Les Polonais ont vigoureusement protesté à Berlin.
  4. La Gazeta Polska, dans un article de fond inspiré, déclare que ce sont là plus que des incidents. Il s'agit d'actes d'agression nettement préparés, exécutés par des détachements soumis à une discipline para-militaire et munis d'armes réglementaires de l'armée, et dans un cas il y avait un détachement de l'armée régulière. Les attaques sont plus ou moins continuelles.
  5. Ces incidents n'ont pas entraîné la Pologne à abandonner une attitude défensive, calme et forte. Les faits parlaient par eux-mêmes et les actes d'agression venaient du côté allemand. C'était là la meilleure réponse au détachement de la presse allemande.
  6. Le Ministre des Affaires étrangères annonce que, depuis, un détachement d'Allemands en uniforme a ouvert le feu par delà la frontière, tuant un Polonais et en blessant un autre.

N° 54

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax

Télégramme

Varsovie, 26 août I939

  Ministre des Affaires étrangères dément catégoriquement histoire racontée par Herr Hitler à Ambassadeur de France que 24 Allemands auraient été tués récemment à Lodz et 8 à Bielsko. Fable inventée de toutes pièces.

N° 55

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax

Télégramme

Varsovie, 27 août I939

  Pour autant que je puisse en juger, les allégations allemandes concernant les mauvais traitements infligés en masse à la minorité allemande par les autorités polonaises sont de grossières exagérations, sinon d'intégrales falsifications.
  2. Il n'y a aucun signe que les autorités polonaises civiles aient perdu en aucune façon le contrôle de la situation. Varsovie, et pour autant que je sache, le reste de la Pologne, demeure toujours complètement calme.
  3. De telles allégations rappellent les méthodes de propagande nazi employées l'année dernière vis-à-vis de la Tchéco-Slovaquie.
  4. En tout cas, c'est purement et simplement une politique de provocation délibérément appliquée par les Allemands qui, depuis mars dernier, a exacerbé les sentiments entre les deux nationalités. Je suppose que cela a été fait, avec pour but :
  a) de créer un esprit guerrier en Allemagne ;
  b) d'impressionner l'opinion publique à l'étranger ;
  c) de provoquer en Pologne soit le défaitisme, soit un apparent esprit d'agression.
  5. Elle a échoué de façon éclatante dans la poursuite de ces deux derniers objectifs.
  6. Il faut noter que Dantzig a été à peine mentionné par Herr Hitler.
  7. Le traitement infligé par les Allemands aux Juifs tchèques et à la minorité polonaise serait un facteur apparemment négligeable, quand on le compare avec les prétendues souffrances des Allemands en Pologne, où, il faut l'indiquer, leur nombre n'atteint pas, dans n'importe quelle commune, plus de I0% de la population.
  8. En face de ces faits, il est difficile de douter que si Herr Hitler se décide pour la guerre, il le fera dans le seul but de détruire l’indépendance polonaise.
  9. Je ne perdrai aucune occasion d'insister auprès du Ministre des Affaires étrangères sur la nécessité de faire tout son possible pour démontrer que les allégations de Herr Hitler en ce qui concerne la minorité allemande sont fausses.

La propagande nazie : enfants allemands lisant un livre de propagande antisémite intitulé DER GIFTPILZ : “ Le champignon vénéneux ". La fille sur la gauche tient un complément, dont le titre traduit est “ Ne faites pas confiance au renard. ” Allemagne, vers 1938. Crédit photo

Évènement conduisant immédiatement à l'ouverture des hostilités entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne, le 3 septembre I939


N° 56

Lettre du 22 août I939, du Premier ministre au Chancelier allemand

I0, Downing Street, 22 août I939


   À suivre...

Livre bleu anglais n° I, Documents concernant les relations germano-polonaises et le début des hostilités entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne le 3 septembre I939, présenté au Parlement par Ordre de Sa Majesté par le Secrétaire d' État aux Affaires étrangères ; traduction Autorisée et Officielle du document publié par His Majesty's Stationery Office, Paris, I939, pp. 81-92.

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