DOCUMENTS CONCERNANT LES RELATIONS GERMANO-POLONAISES ET LE DÉBUT DES HOSTILITÉS ENTRE LA GRANDE-BRETAGNE ET L'ALLEMAGNE LE 3 SEPTEMBRE 1939, ÉPISODE XI

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   Hier matin, quatre officiers de l'armée allemande, en civil, sont arrivés à Berlin par le rapide de nuit, pour organiser la Heinwehr [milice armée] de Dantzig.
  2. Tous les chemins conduisant aux collines et aux forts déclassés qui constituaient une promenade publique populaire aux abords occidentaux de la ville, ont été fermés avec des réseaux de barbelés et des avis de " Verboten " [Interdit].
  3. Les murs qui entourent les chantiers navals portent des placards disant : " Camarades, fermez vos bouches, de peur de regretter les conséquences! "
  4. Le capitaine d'un vapeur britannique qui avait touché Kœnigsberg du 28 au 30 juin, a observé une activité militaire considérable, comprenant des embarquements massifs de camions camouflés et de matériel analogue, à bord de petits bateaux de cabotage. Le 28 juin, quatre vapeurs de tonnage moyen, chargés de troupes, de camions, de cuisines roulantes, etc., ont quitté Kœnigsberg, ostensiblement pour regagner Hambourg après les manœuvres, mais se dirigeant en réalité sur Stettin. [Szczecin, en polonais ; "... ville de taille moyenne, située dans le nord-ouest du pays, mal reliée à la capitale, Varsovie, et dont l'économie, axée sur la navigation et la construction navale, est en déclin. Mais pendant de nombreux siècles, Stettin a été beaucoup plus importante, sur le plan commercial et géopolitique, car sa proximité relative avec la Suède et ses ressources naturelles formaient un axe nord-sud de commerce "charbon contre fer". [...] La création du corridor polonais et la position de Dantzig en tant que ville libre sous la domination officielle de la Pologne font de l'avant-port de Stettin, Swinemünde, un lien maritime avec la Prusse orientale et une base navale. [...] En 1939, un nouveau chantier naval est construit à Stettin pour les petits navires et les sous-marins, et en 1940, une base navale est établie. Comme pendant la Première Guerre mondiale, Stettin est devenu pendant la Seconde Guerre mondiale le principal lieu de transfert pour le trafic avec la Scandinavie... " ; sur le Web] Les noms des navires sont les suivants : Hohenhorn, muni de puissants mâts de charge capables chacun de lever 50 tonnes, Sharhorn, Tilsit et Utlandhorn, tous vaisseaux modernes et bien équipés, jaugeant chacun environ 5.000 tonnes brut.

Dantzig-Stettin. Photo : www.rootsweb.anchestry.com

N° 34

Mr. Norton au Vicomte Halifax


Télégramme

Varsovie, 3 juillet I939


  À en juger du calme austère qui continue à prévaloir dans les milieux officiels polonais, et généralement dans toute la Pologne, il semblerait que la remilitarisation progressive de la Ville Libre de Dantzig n'a pas encore atteint une importance suffisante pour alarmer sérieusement le Gouvernement polonais.
  2. Il se rend compte évidemment que le processus est de nature à faciliter un coup à Herr Hitler, si ce dernier s'y décidait.
  3. L'attitude du Gouvernement, face à cette dernière éventualité, paraît être la suivante :

  • a) Il renforce sans cesse, jusqu'à l’extrême limite de sa capacité financière, son organisation de défense.
  • b) Il n'a pas l'intention de provoquer une querelle ou de faire preuve de faiblesse.
  • c) Si ses droits dans le Corridor et à Dantzig sont sérieusement menacés, il répliquera selon les circonstances, par des contre-mesures appropriées.
  • d) Il est d'avis que Herr Hitler réfléchira deux fois avant de lancer un défi ouvert au front anti-agression.
  • e) S'il s'y décide, la Pologne fera de son mieux.

  4. Cette attitude peut sembler simpliste, mais elle a le mérite d'être compréhensible, réservée et calculée pour contrecarrer la technique allemande de " terrorisme psychologique ".
  5. Il est malheureusement inévitable que l'initiative demeure du côté de celui qui serait l'agresseur.

L'attitude britannique face aux évènements de Dantzig

N° 35

Déclaration du Premier ministre à la Chambre des Communes, le I0 juillet


  Mr. Harold Macmillan [1894-1986, député du Parti conservateur, 1924-1964, élu à la Chambre des Lords, 1984-1986 ; il occupa différents postes ministériels, dont celui de Premier ministre : 1957-1963], demande au Premier ministre si le Gouvernement de Sa Majesté publiera une déclaration indiquant que tout changement dans le statut actuel de Dantzig, obtenu autrement que par un accord auquel le Gouvernement polonais serait partie, qu'il se fasse soit de l'extérieur par une action militaire du côté de l'Allemagne, soit de l'intérieur par un mouvement suscité et soutenu par le Gouvernement allemand, sera considéré comme un acte d'agression de la part de l'Allemagne et en conséquence couver par les termes de notre engagement vis-à-vis de la Pologne?
  Le Lieut. commandant Fletcher demande au Premier ministre si toute tentative de modifier le régime existant à Dantzig par une agression venant de l’extérieur, ou par une pénétration venant de l'intérieur, sera considérée comme visée par les termes de notre engagement à maintenir l'indépendance de la Pologne? Une communication en ce sens a-t-elle été faite au Gouvernement polonais?
  Mr. A. Henderson demande au Premier ministre s'il a quelque déclaration à faire sur la situation actuelle à Dantzig?
  Mr. V. Adams demande au Premier ministre s'il a quelque autre déclaration à faire sur l'attitude du Gouvernement de Sa Majesté en ce qui concerne la situation à Dantzig?
  Mr. Thurtle demande au Premier ministre s'il a maintenant la certitude que le Chef du Gouvernement allemand ne garde plus aucune espèce de doute sur l'intention de ce pays de s'acquitter pleinement des obligations qu'il a contractées vis-à-vis de la Pologne, ou s'il a l'intention d'entreprendre quelque autre action de nature à faire disparaître toute espèce possible de doute ou de malentendu qui pourrait subsister encore?
  Le Premier ministre — Je voudrais demander aux Honorables membres de bien vouloir attendre la déclaration que j'ai l'intention de faire à la fin des questions.
  Reprenant plus tard la parole :
  J'ai précédemment déclaré que le Gouvernement de Sa Majesté se tient en contact étroit avec les Gouvernements polonais et français pour la question de Dantzig. Je n'ai à présent rien à ajouter aux renseignements qui ont déjà été donnés à la La Chambre au sujet de la situation locale. Mais je puis, peut-être, utilement passer en revue les éléments de la question, tels qu'ils apparaissent au Gouvernement de Sa Majesté.
  Racialement, Dantzig est presque totalement une ville allemande ; mais la prospérité de ses habitants dépend dans une très large mesure du commerce polonais. La Vistule est la seule voie fluviale de Pologne qui mène à la Baltique, et le port situé à son embouchure est par conséquent d'une importance stratégique et économique vitale pour elle. Une autre Puissance établie à Dantzig pourrait, si elle le désirait, bloquer l'accès de la Pologne à la mer, et ainsi exercer sur elle une pression économique et militaire décisive.
  Ceux qui eurent la responsabilité d'élaborer le présent statut de la Ville Libre, avaient pleinement conscience de ce fait et firent de leur mieux pour prendre des mesures en conséquence. En outre, il n'y a pas de doute que la population de Dantzig n'est aucunement opprimée. Au contraire, l'administration de la Ville Libre est entre les mains des Allemands, et les seules restrictions qui lui soient imposées, ne sont pas de nature à restreindre les libertés de ses citoyens. L'arrangement actuel, bien qu'il puisse être susceptible d'amélioration, ne peut être, en soi, considéré comme fondamentalement injuste ou illogique.
  Le maintien du statu quo avait été garanti par le Chancelier allemand lui-même jusqu'en I944, par le Traité de dix qu'il avait conclu avec le Maréchal Pilsudski. Jusqu'en mars dernier, l'Allemagne semble avoir eu le sentiment que, si la position de Dantzig pouvait nécessité en fin de compte une révision, la question n'était ni urgente, ni de nature à susciter un différend sérieux. Mais en mars, quand le Gouvernement allemand fit une offre sous la forme de certains desiderata accompagnés d'une campagne de presse, le Gouvernement polonais se rendit compte qu'il pourrait bientôt se trouver en présence d'une solution d'une solution unilatérale, à laquelle il lui faudrait résister avec toutes ses forces. Il avait l'exemple des évènements qui se sont passés en Autriche, en Tchéco-Slovaquie et dans le territoire de Memel. En conséquence, il refusa d'accepter le point de vue allemand et fît lui-même des suggestions en vue d'une solution possible des problèmes qui intéressaient l'Allemagne. Certaines mesures défensives furent prises par la Pologne le 23 mars, et la réponse fut envoyée à Berlin le 26 mars.

Józef Piłsudski, malade, en février 1935. Crédit photo : domaine public.

  Je demande à la Chambre de noter soigneusement ces dates. On a dit couramment en Allemagne que c'est la garantie donnée par le Gouvernement de Sa Majesté qui a encouragé le Gouvernement polonais à agir comme je viens de le dire. Mais on observera que notre garantie ne date que du 3I mars. À la date du 26 mars, elle n'avait même pas été mentionnée au Gouvernement polonais.
  Les récents évènements de Dantzig ont inévitablement fait naître la crainte qu'on eût l'intention de régler le statut futur de la Ville Libre au moyen d'une action unilatérale organisée subrepticement, et de mettre ainsi la Pologne et les autres Puissances devant un fait accompli.
  Dans telles circonstances, toute action entreprise par la Pologne en vue de rétablir la situation, serait représentée, pense-t-on, comme un acte d'agression de sa part, et si l'action de la Pologne était appuyée par d'autres Puissances, elles seraient accusées de l'aider et d'être son complice dans son recours à la force.
  Si la suite des évènements devait en réalité être telle qu'on peut l'envisager sur la base de cette hypothèse, les Honorables membres se rendront compte, d'après ce que j'ai déjà dit, que la question ne pourrait pas être considérée comme une affaire purement locale, affectant les droits et les libertés des Dantzicois — qui ne sont aucunement menacés, soit dit en passant — mais qu'elle soulèverait immédiatement des questions plus graves affectant l'existence et l'indépendance nationales de la Pologne. Nous nous sommes engagés à venir en aide à la Pologne dans le cas où son indépendance serait clairement menacée et où elle considérerait comme d'une importance vitale de résister à cette menace à l'aide de toutes ses forces nationales, et nous sommes fermement résolus à exécuter cet engagement.
  J'ai dit que si le présent réglement n'est fondamentalement ni injuste, ni illogique, il est peut être susceptible d'amélioration. Il se peut que dans une atmosphère plus claire la possibilité d'y apporter des améliorations puisse être discutée. De fait, le colonel Beck a déclaré lui-même, dans son discours du 5 mai, que si le Gouvernement du Reich s'inspire de deux conditions, à savoir des intentions pacifiques et des méthodes de procédure également pacifiques, toutes les conversations sont possibles.
  Dans son discours du 28 avril, au Reichstag, le Chancelier allemand a déclaré que si le Gouvernement polonais désirait conclure de nouveaux arrangements contractuels, au sujet de ses relations avec l'Allemagne, il ne pourrait que bien accueillir une telle idée. Il ajoutait que tout arrangement futur devra être fondé sur une obligation absolument claire, liant de façon égale les deux parties contractantes.
  Le Gouvernement de Sa Majesté se rend compte que les récents évènements dans la Ville Libre ont ébranlé la confiance et ont rendu difficile, pour l'instant, de trouver une atmosphère dans laquelle puissent prévaloir des conseils raisonnables. En présence de cette situation le Gouvernement polonais est resté calme, et le Gouvernement de Sa Majesté espère que la Ville Libre, avec ses anciennes traditions, saura prouver de nouveau, comme elle l'a déjà fait au cours de son histoire, que les nationalités différentes peuvent travailler ensemble, quand leurs véritables intérêts coïncident. En attendant, je veux croire que tous les intéressés feront connaître et montreront leur volonté de ne pas permettre qu'un incident quelconque, ayant trait à Dantzig, prenne un caractère susceptible de constituer une menace pour la paix de l'Europe.

N° 36

Sir Neville Henderson au Vicomte Halifax, Berlin, le I5 juillet 1939

  Milord,
  J'ai saisi l'occasion d'une visite que je fis au Secrétaire d' État dans la journée d'hier pour lui mentionné que j'avais été informé que l'un des Sous-Secrétaires au Ministère des Affaires étrangères, le docteur Keppler [ " Wilhelm Karl, 1882-1960 ; homme d'affaires allemand et l'un des premiers soutiens financiers d'Adolf Hitler ... il a rejoint le NSDAP en février 1927 en tant que membre n° 62 424 ... pour renforcer les liens du parti nazi avec le commerce et l'industrie, Keppler fonda le Cercle des amis de l'économie ... il rejoint la SS, n° 50 816, en août 1932 et fonde le Cercle des amis de Heinrich Himmler, qui est la continuation du Cercle Keppler ... Il se rend en Autriche en 1938 pour préparer le terrain pour l'Anschluss. Il est secrétaire à l'ambassade d'Allemagne à Vienne en 1938, commissaire du Reich en Autriche de mars à juin 1938, puis commissaire du Reich en Slovaquie en 1939, et enfin commissaire du Reich à Dantzig en août 1939. Keppler devient secrétaire d'État chargé de missions spéciales au ministère des Affaires étrangères pendant la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle il administre les industries confisquées par les SS en Pologne et en Russie ... il est condamné à dix ans de prison lors du " procès des ministères " le 14 avril 1949 [onzième des douze procès pour crimes de guerre que les autorités américaines ont organisés à Nuremberg]. Il est libéré de prison le 1er février 1951... " ; source] avait dit que Herr Hitler était convaincu que l'Angleterre ne se battrait jamais à propos de Dantzig.

Ouverture du Procès des Ministères : Telford Taylor lit l'acte d'accusation. Crédit photo : domaine public.


Wilhelm Keppler lors du procès des ministères du tribunal de Nuremberg en 1947. Crédit photo : domaine public.

  2. J'ai dit au baron von Weizsäcker que lorsque j'étais à Londres, j'avais assuré Votre Seigneurie et le Premier ministre, que Herr Hitler ne pouvait pas le moins du monde demeurer en doute quant au fait de savoir si l'Allemagne, par une action unilatérale à Dantzig obligerait, sous une forme quelconque, les Polonais à résister, la Grande-Bretagne viendrait immédiatement à leurs secours. Lui, baron von Weizsäcker, ne pouvait pas non plus conserver la moindre fausse idée à ce sujet et il me semblait, dis-je, hautement indésirable qu'un membre de son département pût tenir un langage aussi susceptible d'induire en erreur. Cette sorte de remarque serait certainement répétée à Londres, et conduirait une fois encore le Gouvernement de Sa Majesté à se demander quelles autres mesures il lui fallait prendre, pour convaincre Herr Hitler du sérieux absolu de l'attitude britannique. C'était uniquement parce qu'il doutait que Herr Hitler fût correctement informé sur ce point, qu'il continuait à réitérer l'affirmation de sa décision de résister, dans l'avenir, à la force par la force. Si Herr Hitler voulait la guerre, tout était fort simple : il n'avait qu'à dire aux Dantzicois de proclamer le rattachement de la Ville Libre à l'Allemagne. Cela ferait évidemment incomber aux Polonais la responsabilité de l'action, mais alors même, nous n'hésiterions pas à nous porter à leur assistance, si l'Allemagne les attaquait, étant donné que nous comprendrions fort bien que le Sénat de Dantzig n'aurait pris une telle résolution que sur l'ordre direct du Chancelier.
  3. Le baron von Weizsäcker observa qu'il ne tenait pas du tout pour certain que le Sénat de Dantzig n'agirait pas un jour de sa propre initiative. Je lui répondis qu'il m'était impossible d'en rien croire, d'autant plus que j'étais sûr que le Sénat aurait déjà agi de la sorte, n'étaient les ordres contraires de Herr Hitler. Le fait qu'il avait donné ces ordres était pour moi l'une des principales raisons de croire que Herr Hitler cherchait encore une solution pacifique de cette question. Le Secrétaire d'État ne souleva pas d'objection sur ce point.
  4. En ce qui concernait mes observations d'ordre général, von Weizsäcker me dit que le Docteur Keppler qui, au tout début, avait été une sorte de conseiller économique de Herr Hitler, et qui le voyait encore à l'occasion, à de longs intervalles, était un honnête homme, ayant également des rapports assez étroits avec Herr von Ribbentrop. Il y avait, dit le baron von Weizsäcker, tant de distinguo à une affirmation dont le sens serait que l'Angleterre ne ferait pas la guerre à propos de Dantzig! N'importe qui, Herr Hitler lui-même, pourrait bien dire que l'Angleterre ne désirait pas se battre à propos de Dantzig, et ce serait l'expression de la vérité. L'Allemagne non plus. N'importe qui, y compris Herr Hitler, pourrait dire qu'un jour ou l'autre Dantzig reviendrait sans guerre à l'Allemagne, et cela aussi pourrait se vérifier à la suite d'un arrangement pacifique avec les Polonais, dans le propre intérêt véritable de ces derniers.   
  5. J'admis qu'il était possible de déformer les faits. Cependant ils étaient, dis-je, suffisamment clairs et il serait impossible, cette fois comme en I9I4, de reprocher au Gouvernement de Sa Majesté de n'avoir pas défini sa position de façon à exclure toute espèce de doute. Si Herr Hitler voulait la guerre, il savait exactement comment il pouvait la faire éclater. Le baron von Weizsäcker répondit à cela que lui aussi désirait faire une distinction à propos de la situation de I9I4. Il n'avait jamais, quant à lui, reproché à Sir Edward Grey de n'avoir pas, à cette époque, fait connaître publiquement les intentions britanniques. L'erreur, selon lui, résidait dans le fait que le Gouvernement de Sa Majesté ne les avait pas, avant qu'il ne fût trop tard, communiquées confidentiellement au Gouvernement allemand. Pourquoi le Gouvernement de Sa Majesté persisterait-il constamment aujourd'hui dans ses affaires publiques? S'il était nécessaire de dire quelque chose à Herr Hitler, pourquoi ne pouvait-on le faire privément, et sans en informer le monde entier? C'est en cela que résidait l'erreur commise l'an dernier pendant la crise tchèque. Tous ces avertissements publics ne servaient qu'à augmenter les difficultés qu'éprouvaient Herr Hitler à leur prêter l'oreille.
  6. Bien que je comprisse personnellement la force de cette allusion du Secrétaire d'État à la valeur des communications confidentielles comparées aux avertissements publics, je me suis contenté de répondre que l'une des causes principales de notre anxiété en Angleterre résidait dans ce que nous croyions que ceux-là même qui auraient pour devoir de les lui faire connaître, cachaient à Herr Hitler des vérités désagréables. À cela le baron von Weizsäcker répondit que, s'il lui était impossible de me dire quels rapports le Chancelier lisait ou ne lisait pas, Herr Hitler n'était influencé par personne, mais examinait les situations sous leur aspect global et ne se laissait guider que par la propre appréciation qu'il avait d'elles.
  J'ai l'honneur, etc...

N. HENDERSON

Détente passagère de la situation à Dantzig

 
N° 37

Mr. Sheperd au Vicomte Halifax

Télégramme
Dantzig, le I9 juillet I939

  Le Gauleiter Forster a rendu visite au Haut commissaire aujourd'hui, à midi. Ce dernier m'a envoyé, sous une forme personnelle et confidentielle, des notes sur cette conversation, dont la traduction est transmise ci-dessous :
  Le Gauleiter m'a dit que le résultat de sa conversation avec le Chancelier allemand se résumait ainsi que suit :
  I. Il n'y a pas de modification dans les demandes allemandes concernant Dantzig et le Corridor telles qu'elles ont été formulées dans le discours du Chancelier au Reichstag.
  2. Rien ne sera fait du côté allemand pour provoquer un conflit à propos de cette question.
  3. La question peut attendre si nécessaire jusqu'à l'année prochaine, et même plus longtemps.
  4. Le Gauleiter m'a dit que le Sénat solliciterait dorénavant l'intervention du Haut commissaire dans les questions difficiles qui pourraient se présenter entre le Sénat et le représentant polonais. Cela, dit-il, mettrait fin à cette guerre des notes qui ne sert qu'à empoisonner l'atmosphère, mais, ajouta-t-il, une seule indiscrétion de presse indiquant que le Sénat et le Gouvernement allemand faisaient de la politique " mettrait immédiatement fin à ces pratiques, et une méthode plus directe, et par conséquent plus dangereuse, serait à nouveau appliquée ". Il me dit mot à mot : " Nous avons recours au Haut commissaire, et non pas à Genève en tant que Genève. "
  5. Il a demandé au Haut commissaire d'intervenir officiellement et sans délai, à propos des trains militaires dont on néglige d'annoncer le passage. L'inobservation de cette règle, qui avait été établie en I92I par un échange de lettres entre le Sénat et le représentant polonais, aurait des effets qui dépasserait les questions locales de Dantzig, et entraînerait par exemple une modification de l'usage allemand d'annoncer au Gouvernement polonais la visite des navires de guerre dans le port de Dantzig. En outre, suivant des informations parvenues au Sénat, il y aurait 300 hommes à la Westerplatte ["... presqu'île recouverte de sable et de forêts située sur la côte de la Baltique à l'embouchure de la Vistule morte, à l'entrée du canal menant au port de Gdansk en Pologne. De 1926 à 1939, elle abrita un dépôt de l'armée polonaise... " ; source], au lieu de I00, desquels on était convenu. Herr Forster a donné sa parole d'honneur qu'il n'y avait à Dantzig que de rares canons anti-aériens et anti-tanks, quelques canons légers d’infanterie, pas d'artillerie lourde, et pas un seul " soldat d'invasion " allemand, rien que des Dantzicois et quatre officiers allemands. Il affirma qu'il était nécessaire de surveiller strictement la frontière, étant donné une considérable importation d’armes destinées aux 4.000 réservistes polonais résidant dans le district.  
 

Le 1er septembre 1939, les Allemands attaquèrent la péninsule de Westerplatte dans le port de Gdańsk. Cet assaut marqua le début de la Seconde Guerre mondiale. Une petite garnison polonaise résista sept jours durant, ce qui dopa le moral de la population polonaise. Après la guerre, Westerplatte devint un symbole de la résistance polonaise contre l’invasion allemande ; défenseurs polonais de Westerplatte escortés par des soldats allemands. Sur le Web

  6. Herr Forster va publier un article dont il m'avait déjà donné confidentiellement lecture lors de notre dernière rencontre, en m'indiquant qu'il soumettrait la question de sa publication à la décision du Chancelier. Cet article souligne le point de vue indiqué dans le discours au Reichstag. Herr Forster m'a déclaré que si aucun incident ne se produisait, cela mettrait un point final à toutes les polémiques dantzico-polonaises et que la presse recevrait l'ordre de laisser tomber complètement le sujet de Dantzig.
  7. Si une détente se produit dans la situation, toutes les mesures militaires prises maintenant à Dantzig seront rapportées.
  8. Le Gauleiter a promis sa loyale collaboration.
  9. Le Haut commissaire serait heureux s'il était possible d'obtenir de la Pologne une réaction positive sur n'importe quelle affaire précise qui pourrait se présenter dans un proche avenir, de façon à permettre d'inaugurer heureusement les nouvelles méthodes.
  I0. Le Gauleiter a dit que Herr Hitler aurait volontiers saisi une occasion d'avoir une conversation avec le Haut commissaire sur la situation de Dantzig, mais que Herr von Ribbentrop, qui assistait à l'entretien à Obersalzberg ["... station de montagne située au-dessus de la ville de Berchtesgaden en Bavière. Situé à environ 120 kilomètres au sud-est de Munich, près de la frontière avec l'Autriche, il est surtout connu comme le site de l'ancienne résidence de montagne d'Adolf Hitler, le Berghof, et de la Kehlsteinhaus, connue dans le monde anglophone sous le nom de " Nid d'aigle "... " ; source], avait soulevé des objections, auxquelles le Chancelier avait répondu évasivement : " Bien, ce sera donc un peu plus tard ; je vous le ferai savoir. "

 Hitler se disait volontiers amoureux de la nature et se présentait comme aimant les enfants ; présentement, sur la terrasse de sa maison de vacances. Crédit photo : © picture alliance / akg-images | akg-images

N° 38

Vicomte Halifax, à Mr. Norton, Varsovie


Télégramme

Foreign Office, 2I juillet I939


  Télégramme de Dantzig du 29 juillet
  Je suis extrêmement désireux que cette expérience proposée du côté allemand ne soit pas compromise par une publicité inopportune, ou par quelque manque d'inclination de la part du Gouvernement polonais à discuter, dans un esprit amical et raisonnable, une question concrète quelconque, qui pourrait être soulevée par le Sénat en passant par le truchement du Haut commissaire.
  2. À moins que vous n'y voyez les plus sérieuses objections, je vous prie d'approcher M. Beck dans le sens suivant.
  3. Le Gouvernement de Sa Majesté a appris avec le plus grand regret le nouvel incident, mais il espère que le Gouvernement polonais le traitera avec la même retenue et la même circonspection dont il a fait preuve jusqu'à présent, et cela d'autant plus qu'il y a certaines raisons de croire que la politique allemande vise maintenant à une détente dans la question de Dantzig. Il est néanmoins essentiel de ne pas détruire dès le début la possibilité de créer une meilleure atmosphère, et j'espère fermement que, du côté polonais, on prendra plus que jamais soin d'éviter toute provocation dans n'importe quelle sphère, et que l'on modérera la presse. Par-dessus tout, s'il se présentait quelque signe d'une attitude plus raisonnable de la part du Sénat ou du Gouvernement allemand, il est important que du côté polonais l'on ne saisisse point cette occasion pour affirmer de façon provocante que le Gouvernement allemand faiblit. J'espère en outre que si le Sénat affirmait son désir d'assainir l'atmosphère en discutant des questions concrètes, le Gouvernement polonais, de son côté, n'hésitera pas à répondre d'une façon amicale et accueillante.
  4. Pour votre propre information, j'espère pouvoir faire en sorte que nous soyons informés par le Haut commissaire et par le Conseil général de Sa Majesté à Dantzig, dès qu'une question concrète quelconque sera soulevée par le Haut commissaire à la demande du Sénat, et bien entendu aussi des discussions qui s'ensuivraient, de façon à ce que nous puissions avoir une occasion d'insister discrètement auprès du Gouvernement polonais pour qu'il fasse preuve de modération.
  5. Enfin, dès que paraîtra l'article de journal auquel il est fait allusion dans le télégramme susmentionné, je vous demande de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour que le Gouvernement polonais et la presse le considèrent avec calme, en indiquant peut-être qu'il n'introduit aucun nouvel élément dans la situation. Vous pourriez dire aussi que la publication de l'article en question ne modifie pas l'impression que le Gouvernement de Sa Majesté, que le Sénat et le Gouvernement allemand désirent une détente et un assainissement de l'atmosphère.
  6. Quelle puisse être la portée de ce geste de l'Allemagne, le Gouvernement polonais, en faisant tout son possible pour assurer le succès de la procédure proposée par le Gauleiter au Haut commissaire, n'affaiblirait en rien sa position.

N° 39

Mr. Norton au Vicomte Halifax


Télégramme

Varsovie, 25 juillet I939


  Votre télégramme du 2I juillet
   J'ai développé ce matin, les idées de votre Seigneurie devant M. Beck.
  2. Mr. Beck m'a demandé de vous assurer que le Gouvernement polonais est toujours à l'affût de signes d'un désir de détente du côté allemand. Il s'inspire des mêmes principes que Votre Seigneurie, étant donné qu'il est de l'intérêt commun de tous de permettre à la fièvre de tomber. Le Commissaire polonais à Dantzig a reçu des instructions formelles pour traiter chaque question d'une façon purement pratique et objective. Des douaniers polonais ont été tués à coup de fusils, et le Gouvernement polonais est maintenant d'avis qu'ils l'ont été délibérément ; le fait, cependant, est traité comme un incident local.
  3. La question importante était de savoir si la nouvelle tendance allemande, rapportée par Mr. Burckhardt, était, ou non, une manœuvre. Mr. Beck gardait naturellement ses soupçons, étant donné que la Pologne avait une longue expérience de la mentalité allemande, et que l'intérêt véritable des Allemands doit être d'essayer par n'importe quel moyen de séparer la Pologne de la Grande-Bretagne. À un moment ils avaient tenté d'y arriver par des menaces, à un autre en parlant d'apaisement. En réalité le Gouvernement polonais n'avait pas reçu le moindre signe concret d'un désir de voir la tension se relâcher. Par exemple, la remilitarisation de Dantzig se poursuivait, et l'on avait identifié de nouvelles troupes allemandes à la frontière polonaise. Le maréchal Smigly-Rydz ["... Le 16 juillet 1936, les journaux de Varsovie avaient publié cette information : suivant une décision du président du Conseil, le général Slawoj-Skladkowski, « prise conformément à la volonté du président de la République », « le général Rydz-Smigly, désigné par le maréchal Pilsudski, doit être considéré et honoré comme la première personnalité après le président de la République ». Slawoj-Skladkowski avait précisé « que tous les fonctionnaires de l’Etat, y compris le président du Conseil lui-même (lui) devaient honneur et obéissance ». Ce qualificatif d’« oral » échappé au rédacteur du communiqué en question confirme qu’en tout cas, (...) Je rappelle que, s’agissant des assemblées parlementaires, ce titre équivalait à celui de président. En communiquant à Paris cette décision, surprenante pour tous autres que les Polonais, j’avais souligné qu’elle était « la constatation de l’état de fait extra-constitutionnel » qui s’était instauré, au cours des derniers mois, et cela, au dire de l’agence officieuse Iskra « en vertu du testament oral du maréchal Pilsudski ». Dès lors, dans les cérémonies, Rydz-Smigly allait se trouver au second rang, immédiatement après le chef de l’État, et avant, non seulement le président du Conseil, qui lui devait « obéissance », mais aussi les maréchaux2 du Sénat et du Sejm : la Diète. Il se trouvait ainsi le troisième maréchal de Pologne. Les deux premiers avaient été Pilsudski et F (...) Quelques semaines après son retour de France, le 10 novembre 1936, le général Rydz-Smigly reçut le bâton de maréchal3, ce qui semblait confirmer qu’il prenait décidément la succession de Pilsudski. [...] Vous vous attendiez à trouver en Pologne une dictature comme chez vous ou comme en Allemagne. Vous pensiez qu’à Varsovie, tout le long des rues, il y aurait les enfants des écoles qui agiteraient, sur votre passage, des petits drapeaux italiens. Ici, il y a une dictature, mais le dictateur est mort. C’est une dictature sans dictateur ». Le régime était dictatorial en ce sens que toute opposition était muette, que la presse n’était pas libre, qu’il n’y avait pas davantage de liberté de réunion ou d’association, que le secret des correspondances n’était pas respecté, que le système électoral assurait automatiquement une écrasante majorité au gouvernement et que les débats parlementaires eux-mêmes étaient contrôlés par ce dernier. La police et l’administration étaient toutes puissantes et elles se confondaient dans une large mesure. Rien n’entravait leur action. « La police »... " ; source] avait décidé de ne pas y répondre en ce moment, étant donné qu'en autre, la Pologne n'était pas assez riche pour se permettre de faire de grandes dépenses pour des buts militaires.

La tombe du maréchal Smigly-Rydz à Varsovie. Crédit photo : Cezary p. @CC BY-SA 4.0

   4. Des mots tombant des lèvres de Herr Forster n'étaient pas eux-mêmes une preuve suffisante des intentions allemandes. Herr Forster, au cours des tout derniers jours, s'était plaint à Mr. Burckhardt de l'intention de la Pologne de placer des gardes armés sur les voies ferrées à Dantzig.
  Mr. Burckhardt avait répondu qu'une telle réclamation aurait plutôt dû être présentée par Herr Greiser. Ce dernier avait immédiatement répondu qu'il ne possédait aucune preuve d'une telle intention polonaise. Mr. Beck exprima la crainte que ces allégations de Herr Forster ne constituassent qu'un prétexte pour une militarisation accrue de Dantzig.
  5. En un mot, Mr. Beck, tout en comprenant intégralement et en partageant le désir général de Votre Seigneurie, ne voyait pas, quant à présent, un fait quelconque sur lequel on pût asseoir des prévisions concernant un changement de la politique allemande.
  6. Il me dit incidemment qu'il n'avait pas abandonné l'idée qu'une démarche, sous forme d'avertissement au Sénat de Dantzig, soutenue par des représentations françaises et britanniques, pourraient être opportunes.

N° 40

Mr. F.M. Sheperd au Vicomte Halifax

Télégramme

Dantzig, 25 juillet I939

  Herr Forster a informé hier le Haut commissaire que la question de Dantzig pourrait, si nécessaire, attendre une année, ou même plus, et a dit que les précautions militaires prises actuellement seraient rapportées vers la mi-septembre.
  2. Entre temps, l'on constate une augmentation du nombre des transports par chevaux et par automobiles, et de nombreux rapports me parviennent au sujet de mesures de mobilisation et de l'arrivée d'hommes et de matériel en provenance de la Prusse Orientale. S'il est impossible de confirmer ces rapports en ce moment, il serait cependant peu sage de les ignorer. Il existe à Dantzig de nombreux entrepôts et d'autres bâtiments où du matériel pourrait être stocké et où l'on pourrait loger des hommes.
  3. J'apprends qu'un certain major général Eberhard [Kurt, 1874-1947, "... Il entre au NSDAP en 1938, n° 5 645 459 ; en 1939 il entre dans la SS, n° 323 045, avec le grade de Standartenführer, colonel, et, en 1940, est nommé Oberführer, à l'origine un grade du parti nazi, grade d’officier supérieur le plus élevé ; il est l'un des responsables du massacre de Babi Yar, en prenant le commandement dans la ville de Kiev, U.R.S.S, le 23 septembre " Au cours de la première semaine de l’occupation allemande de Kiev, deux grandes explosions se produisirent. Elles détruisirent le quartier général allemand et des zones autour de l’artère principale du centre-ville : la rue Khreshchatyk. De nombreux soldats et fonctionnaires allemands furent tués par les déflagrations. Bien qu’elles aient été causées par des mines laissées par l’armée soviétique qui battait en retraite, les Allemands avancèrent le prétexte du sabotage pour s’en prendre aux Juifs encore à Kiev. Les 29 et 30 septembre 1941, des unités SS et de la police allemande ainsi que leurs auxiliaires, sous la direction des membres de l’ Einsatzgruppe C, assassinèrent une grande partie de la population juive restant à Kiev. Le massacre se produisit dans un ravin appelé Babi Yar, qui à l’époque se trouvait aux abords de la ville. Les victimes furent convoquées sur le site, forcées de se déshabiller, puis contraintes de descendre dans le ravin. Le Sonderkommando 4a, un détachement spécial de l’ Einsatzgruppe C commandé par le Standartenführer SS Paul Blobel, les abattit par petits groupes. Selon des rapports envoyés au quartier général des Einsatzgruppen à Berlin, ce sont 33 771 Juifs qui furent massacrés au cours de ces deux journées. Le massacre de Babi Yar est l’une des nombreuses tueries de masse commises par les Allemands nazis à partir de 1941. De toute la Seconde Guerre mondiale, c’est aussi l’une des plus graves perpétrées sur un même site. Après le massacre de septembre 1941, le ravin de Babi Yar fut le lieu de nouvelles tueries pendant deux ans. Les Allemands postés à Kiev y assassinèrent des dizaines de milliers de personnes, juives et non-juives. Parmi les autres groupes de personnes tuées, on compte les patients d’un hôpital voisin, des Tsiganes, des prisonniers de guerre soviétiques, et des civils. Les massacres au ravin de Babi Yar continuèrent jusqu’à l’automne 1943, quelques jours seulement avant que les Soviétiques ne reprennent le contrôle de Kiev, le 6 novembre. On estime qu’environ 100 000 personnes, juives et non juives, y furent assassinées... " ; source] a assumé maintenant le commandement ici. 
 

À Babi Yar, des membres de l' Einsatzgruppe C, unité mobile d'extermination, forcent des groupes de Juifs à remettre leurs biens et à se déshabiller avant d’être abattus dans le ravin. Près de Kiev, Union soviétique, 29 ou 30 septembre 1941. Crédit photo : Ernst Klee Archive

N° 41

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax

Télégramme

Varsovie, 3I juillet I939

  J'ai demandé aujourd'hui au Ministre des Affaires étrangères qu'elles impressions il avait rapportées de sa visite à Gdynia et jusqu’à quel point il pensait que la détente à Dantzig, annoncée au cours de la conversation entre le Gauleiter et le Haut commissaire, pouvait être prise au sérieux.
  2. M. Beck me dit que, malheureusement, il n'y avait aucune indication à ce que le Sénat de Dantzig eût l'intention de se conduire plus raisonnablement. Il vient de demander que la police douanière polonaise, qui accompagne les fonctionnaires des douanes au cours de leurs missions, soit retirée, bien qu'elle ait été employée à Dantzig par les autorités douanières polonaises depuis quelques années déjà.
  3. Il était possible, dit-il, que la remilitarisation de Dantzig ne soit plus poussée aussi activement, et il ne possédait pas d'informations quant aux intentions du Gouvernement allemand d'envoyer un officier général prendre le commandement à Dantzig.
  4. Il ne possédait pas, en outre, d'informations concernant une augmentation sérieuse des concentrations allemandes sur la frontière polonaise, mais il était quelque peu troublé par les rapports reçus de quelque huit Agents consulaires polonais en Allemagne, indiquant qu'une propagande officielle intensive y était actuellement poursuivie, pour démontrer la nécessité d'une guerre contre la seule Pologne, excluant toute intervention britannique ou française. Ceci, compte tenu des avis envoyés aux réservistes allemands qui doivent être appelés sous les drapeaux pendant la seconde quinzaine d'août, présente un caractère d'assez mauvaise augure. Il ajouta qu'une propagande intensive était également menée en Prusse Orientale, où l'on convoquait des réservistes jusqu'à l'âge de 58 ans.
  5. M. Beck ne pensait pas que le moment fût déjà venu pour faire tenir conjointement un avertissement sérieux aux autorités de Dantzig, et il avait le sentiment qu'il serait bon d'attendre qu'une évolution de la situation permît de voir jusqu'à quel point la suggestion d'une détente faite par le Gauleiter devait être prise au sérieux.
  6. L'essentiel était de démontrer par tous les moyens possibles la solidarité des trois Gouvernements de Grande-Bretagne, de France et de Pologne, dans leur résistance contre une agression allemande qu'elle qu'en soit la nature.

N° 42

Sir H. Kennard au Vicomte Halifax

Télégramme

Varsovie, le 2 août I939

  J'ai discuté aujourd'hui assez longuement, mais de façon privée, la situation de Dantzig avec le Vice-ministre des Affaires étrangères et lui ai plus spécialement demandé des informations à propos de la controverse relative à la réduction du personnel des douanes polonais dans l' État Libre. Mr. Arciszewski m'a dit qu'il y a trois ans, il existait environ trente inspecteurs des douanes polonais, mais que, devant les nombreux cas de contrebande et autres infractions, quelque quatre-vingt gardes-frontières leur avaient été adjoints dans un but de surveillance. Les gardes-frontières portaient un uniforme différent de celui des inspecteurs des douanes, et le Vice ministre pensait que si le Sénat de Dantzig agissait de bonne foi, sans interpréter chaque concession comme un signe de faiblesse, il serait possible d'arriver à quelques arrangements, par lequel les fonctionnaires des douanes et les gardes-frontières se verraient pourvus d'un uniforme identique, et qui permettrait de réduire quelque peu le nombre de ces derniers. Il ne pensait pas qu' il fallût prendre trop au sérieux la menace d'une union douanière avec l'Allemagne, étant donné que jusqu'à présent, le Sénat n'avait jamais osé trop se découvrir. Il admettait que la situation générale pouvait devenir critique vers la fin de ce mois, et fut d'accord pour dire qu'il était extrêmement difficile de déterminer une limite à partir de laquelle le Gouvernement polonais serait obligé de réagir sérieusement contre l’accentuation des méthodes subreptices par lesquelles l'Allemagne essayait de faire surgir un fait accompli à Dantzig, mais il pensait encore qu'elle hésiterait avant d'en arriver au point où une crise sérieuse deviendrait inévitable.
  Il admettait que la situation pourrait passer en l'espace de quelques heures du plan politique au plan militaire, mais il avait le sentiment que l'on exagérait jusqu'à un certain point les préparatifs militaires à Dantzig. Si le Reich ne désirait ni ne pensait participer à une guerre européenne à propos de la question de Dantzig, et s'il se présentait des signes réels de détente, les conversations pourraient reprendre, mais il pensait que les assertions de Herr Forster n'étaient, dans les circonstances présentes, qu'une manœuvre, et qu'à moins d'indications sérieuses d'intentions raisonnables de la part du Gouvernement allemand, il serait impossible de discuter une solution quelconque d'ordre pratique.

Soldat polonais avec chien - Corps des gardes-frontière 1939. Fabricant : ToRo Model


Nouvelle aggravation de la situation à Dantzig


N° 43

Mr. Norton au Vicomte Halifax

Télégramme

Varsovie, 4 août I939


  À suivre...

  Livre bleu anglais n° I, Documents concernant les relations germano-polonaises et le début des hostilités entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne le 3 septembre I939, présenté au Parlement par Ordre de Sa Majesté par le Secrétaire d' État aux Affaires étrangères ; traduction Autorisée et Officielle du document publié par His Majesty's Stationery Office, Paris, I939, pp. 70-80. 
 
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