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On s'est encore occupé de Talbot [Jean-Baptiste, 1735 ou 36-1794 ; entrepreneur en maçonnerie ; Administrateur des Quinze-Vingt ; guillotiné le 11 thermidor an II : 29 juillet 1794] dans l'Assemblée générale de ladite section, et les sarcasmes les plus mordants, les sottises les plus grossières ont été dirigées contre lui.
Beaucoup de citoyens qui se promenaient sur le boulevard du Temple, apercevant la fosse de Delaunay381 [Bernard René Jourdan, marquis de, 1740-1789 ; gouverneur de la Bastille lors de la prise de celle-ci ; " La victime de la fureur des Parisiens, le marquis Bernard de Launay, ne méritait certes pas tant de haine. Vieil officier de quarante-neuf ans, il était gouverneur de la Bastille depuis 1776. Il y était, du reste, né à l'époque où son propre père en avait la charge. Son rôle se bornait à la surveillance de la poignée de prisonniers qui s'y trouvaient enfermés par lettre de cachet. De Launay n'avait guère d'expérience militaire et était dénué de sens tactique. On raconte qu'en faisant tirer sur les émeutiers à 13 h 30, il avait voulu tout simplement défendre son logement contre le pillage. [...] Aussitôt, un inconnu porte un coup de baïonnette dans le ventre de De Launay. C'est le signal du massacre. Le gouverneur est bientôt lardé de coups de piques et achevé au pistolet dans le ruisseau. Le cuisinier Desnos [...] saisit son couteau de poche et entreprend de lui couper la tête sous les acclamations de la foule... " ; source : Chronique de la Révolution, 1788-1799, Editions Chronique, 1988, p. 110], ont reculé d'horreur et ont promis d'en parler à leurs sections ; toutes les femmes ont abandonné ce côté de promenade pour se porter sur l'autre.
" C’est ainsi que l’on se venge des traitres. " Gravure de 1789 dépeignant des soldats ou des miliciens portant les têtes de Jacques de Flesselles et du marquis de Launay sur des piques. Bibliothèque du Congrès des États-Unis sous le numéro d’identification USZC4.12944.
Des enfants ayant planté un arbre de la Liberté au carrefour qui est en face la rue du Faubourg-du-Temple, où était jadis un Christ, plusieurs malveillants déguisés en ouvriers l'avaient déjà déraciné pour l'enlever ; mais ces enfants s'en étant aperçus, s'y sont vertement opposés, et sont venus, les larmes aux yeux, dans l'assemblée générale de la section du Temple, demander l'appui des citoyens, et à faire faction chacun à leur tour pour la conservation de cet arbre précieux.
Les signataires et rédacteurs de l'adresse à la Commune relativement à l'affaire Talbot382, quoique s'étayant de la protection de la section du Temple, ne sont pas fort tranquilles ; les citoyens qui n'ont pas trempé dans cette trame sont étonnés de ce que plusieurs d'entre eux, qui sont membres du comité révolutionnaire, restent encore dans leurs places.
Rapport de Charmont, W 191
Il fallait voir aujourd'hui les fêtes civiques pour pouvoir dire à quel degré l'esprit public est monté ; il était beau de voir les nègres jadis esclaves s'embrasser fraternellement avec les blancs, s'appeler frères et amis par la nature, se promettant un attachement inviolable et une haine implacable à tous les tyrans qui les ont si longtemps enchaînés. [4 février 1794 : " La cause des Noirs a triomphé à la Convention : admis hier à y siéger, les députés de la partie française de Saint-Domingue ont fait adopter par l' Assemblée un décret donnant satisfaction aux chefs de l'insurrection. Désormais, la liberté et la citoyenneté française sont accordées à tous les esclaves des colonies. [...] une séance entièrement consacrée à l'examen de la situation politique et militaire de Saint-Domingue qui s'est achevé en apothéose pour les trois élus de l' île : Louis Pierre Dufay [1752-1804?], Jean-Baptiste Belley [vers 1755-1805, ancien esclave] et Jean-Baptiste Mills [1749-1806], un blanc, un noir et un mulâtre. [...] En fait, les élus de l'île ont fait approuver par la Convention la politique déjà menée sur place par les commissaires civils, dont l'un d'entre eux, Sonthonax, est membre des Amis des noirs. [Société 1788-1799 ; fondée par Jacques Pierre Brissot, Etienne Clavière et l'abbé Henri Grégoire, la Société des amis des Noirs eut dès le départ la réputation, chez les colons et les partisans de l'esclavage, d'être une société « anti-française ». Modérée, elle n'était pas anticolonialiste, elle se donnait pour but l'égalité des Blancs et des Noirs libres dans les colonies, la fin de la traite des Noirs et l'abolition progressive de l'esclavage... " ; source] ; source Chronique de la Révolution, 1788-1799, Editions Chronique, 1988, p. 404]
" Sonthonax distribue des armes aux esclaves, 29 août 1793 ", tableau d'Eddy Jacques - source : Collection Haïti-500 Ans
Un monde prodigieux remplissait le temple de la Raison383 ; on écoutait en silence la Déclaration des Droits, et un superbe discours qui a été ensuite prononcé en l'honneur de la Nature et de la délivrance des hommes pour ne plus former qu'une même famille. Les applaudissements les plus nombreux ont terminé cette fête glorieuse.
Le matin, il y eut une cérémonie à la section Chalier384 pour l'inauguration du buste de Chalier, nouveau patron, et le tout, malgré (sic) un discours analogue à la cérémonie, a été couvert d'applaudissements. Jamais il n'y eut tant de monde à ces fêtes, la Raison domine, et prend tout à fait son empire sur le cœur des Français.
Dans les groupes qui entouraient le Temple de la Raison, entre autres nouvelles que l'on débitait, [on] assurait qu'à Rome, il y avait un mouvement révolutionnaire dont on prétend que les suites seront toutes en faveur du peuple, que le peuple commence à s'éclairer, et qu'on ne tardera pas à apprendre que Notre Saint-Père n'ait été déchu de tous ses hochets. Les citoyens qui écoutaient paraissaient on ne peu plus contents d'apprendre que les peuples vont à la fin se déciller les yeux pour ne reconnaître, par la suite, d'autre code que les vertus, et que l'on dira un jour : " Des tyrans opprimaient les Européens ; mais la Raison a repris son empire, et les tyrans ne sont plus. " D'autres disaient à côté : " Tout cela est beau et bon, mais nous manquons de tout ; que nous importent les beaux discours si on ne vient pas au fait? Si avec notre pain nous avions au moins de la viande, nous serions contents ; pourquoi nos municipaux, avec leurs bonnets, ne s'empressent-ils pas de fournir assez suffisamment Paris pour éviter tout évènement? " - " Cha (sic), disait un autre, on vient de découvrir les complots ; il y a plus de vingt bouchers qui sont en prison, et qui ne tarderont pas à aller à la guillotine. Voici ce qu'ils faisaient : ils envoyaient à trente lieues de Paris [~145km], acheter les bœufs sur pieds de cinq à six sols la livre, et puis les faisaient venir à Poissy, alors allaient eux-mêmes sans faire semblant de rien pour les acheter, et le public était dans la bonne foi de croire que cette marchandise ne leur appartenait qu'au marché de Poissy ; eh bien! point du tout ; alors ils venaient nous dire que le bœuf leur revenait à plus de vingt sols la livre sur pied, tandis qu'il ne leur en coûte tout au plus que douze. " Eh bien! tant mieux donc, disaient les citoyens, qu'on en guillotine donc au moins un ou deux pour les mettre à la raison.
Dans un café, un citoyen qui trouvait très mal à la police de permettre que l'on vende la liste de ceux qui ont subi la peine de mort, que cette liste ne pouvait qu'être dangereuse, en ce qu'elle retomberait sur les familles, qu'alors ce serait ramener le déshonneur et l'infamie sur les familles des suppliciés ; qu'on avait entendu dire qu'on en suivrait la collection, parce que dans l'avenir elle serait peut-être utile ; il en résulte, disait-on, que, puisque les fautes sont personnelles, et qu'une fois que l'on a payé ses dettes, il ne doit plus être question de rien, et qu'autrement ce serait blesser le principe sacré de l'égalité385. Tout le monde était de cet avis, attendu que ce serait réveiller des peines et des chagrins dont il faut éviter autant que l'on peut.
Un décret de la Convention386 ordonne que tous les arbres de la Liberté qui seraient morts seraient remplacés par des vivants au Ier ventôse [19 février]. Il paraît que ce décret est oublié, car dans Paris il existe beaucoup d'arbres de la Liberté qui sont morts et dont on ne pense nullement à les remplacer. Si on ne veut point les remplacer, il faut au moins les faire ôter, afin de ne pas être en contradiction avec la loi.
Rapport de Dugas, W 191
Enfin ce fameux Proli387 est pris [Pierre-Jean Berthold de, 1750-1794 ; " Le banquier belge, Proly, un des meneurs les plus actifs du parti hébertiste, avait été dénoncé par Fabre d' Églantine comme " agent de l'étranger " dès le milieu d'octobre 1793. Arrêté une première fois à cette époque avec son ami Desfieux [1755-1794], l'influence de Collot d' Herbois et de Hérault de Séchelles l'avait fait relâcher. Il fut de nouveau décrété d'arrestation, au lendemain de la fameuse dénonciation de Chabot et de Basire, le 2 frimaire an II [22 novembre 1793]. [...] À peine écroué dans une prison de Paris, Proly essaya d'intéresser à son sort les conventionnels qu'il avait comptés au nombre de ses amis, quand tout lui souriait. Le 3 ventôse, 21 février 1794, il écrivit à Hérault de Séchelles, Bentabole [Pierre-Louis, 1756-1798 ; président de la Convention nationale 1794-1795] et à Jeanbon Saint-André... " ; source] ; il a été arrêté dans un village à six lieues de Paris [~29km], par des membres du comité révolutionnaire de la section Le Peletier [Guillaume Peron et Pierre Cornet], et cette capture leur fait infiniment d'honneur.
Duruey388 [Joseph, 1741-1794 ; Seigneur de Sannois ; emprisonné à la Conciergerie] a déclaré sa banqueroute ; on la dit de vingt millions au moins. Bien des personnes prétendent qu'il a six millions sur les fonds d' Angleterre.
On a donné à l' Opéra une première représentation de Horatius Coclès389. Dès quatre heures et demi la salle était remplie, et il n'y avait plus de billets. On a applaudi avec enthousiasme à quelques passages comme celui-ci :
Embrases tout, ainsi que moi ;
Le mortel coupable envers toi
Est coupable envers la nature...
Un peuple libre est invincible...
La réponse que fait Horace à l'ambassadeur de Porsenna a été aussi extrêmement applaudie, lorsqu'il lui dit :
S'il demande la paix sans avoir écarté
De la terre de Liberté
Les soldats de la tyrannie...
À la section de la Halle-au-Blé, on ne s'est occupé dans l'assemblée que de passeports et de certificats de civisme ; dans celle de Guillaume-Tell il n'a été question que de salpêtre.
D'après l'accusateur public du Tribunal révolutionnaire, qui avait dit hier aux Jacobins que, par le sursis que la Convention avait accordé à Chaudot390, elle avait fait rétrograder la Révolution pendant trois jours, quelques personnes mal intentionnées répétaient hier cette assertion, pour tâcher d'avilir la Représentation nationale, mais il leur a été répondu avec vigueur, et elles ont prudemment gardé le silence.
Portrait de Jean-Baptiste Edmond Fleuriot-Lescot ; affaire Chaudot : " C'est non Fouquier-Tinville, mais son substitut Fleuriot-Lescot qui prit la parole aux Jacobins, le 29 pluviôse [17 février], sur l'affaire Chaudot, et blâma les conditions dans lesquelles le sursis avait été accordé... "
Les boulevards, les promenades, les spectacles, présentaient l'aspect d'un peuple heureux et content malgré tous les maux que les ennemis du dedans et du dehors cherchent à lui faire.
Rapport d' Hanriot, W 191
Les bons patriotes sont parfaitement satisfaits des grandes mesures prises pour faire exécuter la loi du Maximum, surtout à l'égard de la viande ; mais ils demandent que ces grandes mesures soient exécutées uniformément et au même moment dans les 48 sections : c'est, à leur avis, le seul moyen de les rendre utiles et avantageuses.
La section de la Montagne391 est constamment au pas ; sa sagesse dans ses délibérations la rend digne du nom qu'elle a pris à son renouvellement. Les membres de cette section sont très vigilants. Ils ont représenté hier que les séances avaient été finies à cinq heures, et que le rassemblement ne commençait encore qu'à six, que même à cette heure on n'y apercevait ni président ni vice-président. Ils ont demandé, en conséquence, que la séance s'ouvrît de meilleure heure, que le vice-président y fût à l'absence du président, et que le secrétaire salarié par la section fît ses fonctions à l'absence des autres.
Le président leur a fait sentir qu'il fallait distinguer l’assemblée primaire d'avec l'assemblée délibérante, ce qui exigeait un certain temps.
Ils se sont également plaints de ce que les procès-verbaux des séances antérieures n'étaient jamais présentés en entier, et qu'il y en avait beaucoup en arrière.
La séance, changeant tout à coup de face, est devenue beaucoup plus intéressante.
Un brave militaire décoré du médaillon est monté à la tribune en annonçant qu'il allait découvrir la source de la continuité de la guerre de la Vendée. Les chasse-marées ou pêcheurs, ayant le droit de poursuivre leur pêche jusque sous les vaisseaux anglais, deviennent traîtres à la France ; ils reçoivent dans leurs barques, et ramènent jusque dans les bois tous ces aristocrates qui se trouvent sur les navires anglais. Voilà, a-t-il dit, ce qui rend intarissable la source des rebelles dans la Vendée. L'assemblée a sur-le-champ arrêté à l'unanimité que deux membres pris dans son sein se transporteraient aussitôt au Comité de salut public pour l'en instruire.
À l'instant, est arrivée une députation de la section de l' Unité, annonçant qu'elle désirait ardemment la réunion de toutes les autres sections à l'effet d'obtenir de la Convention nationale un décret qui cassât tous les marchés passés avec les soumissionnaires de la République. Cette pétition portait en substance que ces soumissionnaires n'étaient que des accapareurs ; qu'en passant des marchés avec la République, ils n'avaient nullement l'intention de servir la Patrie, mais bien de mettre leur magasin à couvert, de se soustraire à la peine prononcée contre l’accaparement, et surtout de s'enrichir, puisqu'ils ne payent que douze sols la confection d'une paire de guêtres, tandis que la République leur en accorde trente. Et voilà comment ils privent les bons patriotes d'un salaire qui leur serait d'un grand secours dans leur indigence.
L'assemblée a pris le plus vif intérêt à cette pétition ; elle a déclaré qu'elle se joignait à la section de l'Union (sic) pour solliciter de la Convention un décret aussi juste.
Rapport de Latour-Lamontagne, W 191
On parle toujours de l'affaire de Chaudot392 ; ce n'était sans doute pas, disait-on hier, au café de la République, le meilleur patriote de sa section ; il pouvait même bien avoir une petite teinte d'aristocratie ou de modérantisme, mais on a de la peine à croire que ce fût un contre-révolutionnaire. Il n'a été convaincu d'aucun fait matériel qui mérite la mort. Dans le rapport fait à la Convention, on ne voit contre lui que le jugement du Tribunal : " Ne voyez-vous pas, a dit un citoyen, que ce n'est aussi que l'honneur du Tribunal qu'on a voulu sauver? " Il faut avouer que peu de personnes sont d'une opinion différente, et que cette affaire a produit généralement une sensation fâcheuse.
Les épiciers, aujourd'hui, ont presque tous fermé leurs boutiques, malgré l'arrêté de la Commune393 qui leur enjoint de les tenir ouvertes. C'était une désolation dans plusieurs quartiers, où le peuple n'a pu se procurer les petites denrées d'un usage journalier. On a murmuré beaucoup contre la négligence des autorités constituées à faire exécuter les lois favorables au peuple.
Tous les spectacles, aujourd'hui, regorgeaient de monde ; on était indigné de voir tant de citoyens s'occuper de jeux frivoles et de baladins, tandis que nos braves frères versent leur sang pour la Liberté. " Pourquoi, disait-on à ce sujet, les spectacles sont-ils ouverts les jours de décade? N'est-ce pas en quelque sorte inviter les citoyens à déserter les assemblées où on discute les intérêts de la Nation? Les jours de décade sont des jours sacrés où le peuple doit s'occuper uniquement du salut de la patrie. " Ces réflexions ont été fort applaudies.
Rapport de Le Breton, W 191
Il ya eu une fête civique394 au temple de la Raison, dans l'ancienne église Notre-Dame [celle-ci fut rendue au culte catholique en avril 1802. Réhabilitée à temps, elle put accueillir, le 2 décembre 1804, le sacre de Napoléon Bonaparte qui devint Napoléon Ier, Empereur des Français], en réjouissance du décret de la Convention qui remet à leur vraie place les hommes de couleur, et qui rend la liberté aux nègres395. On a prononcé un discours qui a paru faire une très grande sensation, et qui a été vivement applaudi. J'ai cependant remarqué deux chanoines de cet ancien chapitre qui ne paraissaient pas très satisfaits de l'emploi de leur église. Cette fête était à peu près composée de douze membres envoyés par chaque section.
J'ai entendu un député, dont je n'ai pas le nom, annoncer en plein jardin des Tuileries un avantage remporté sur les brigands de la Vendée, en disant que nous venions de faire mordre la poussière encore à 2.000 de ces rebelles. Cette nouvelle a occasionné la joie la plus vive. On disait derrière moi, en parlant du député qui a annoncé la nouvelle : " Ah! celui-là ne dit jamais que des choses vraies. Quand donc serons-nous délivrés de cette vermine? " Un autre à qui j'ai entendu dire : " Cette guerre reparaît dans un vilain moment ; nous allons être obligés de dégarnir nos frontières pour envoyer dans cette contrée. " Il ajoutait que cette guerre était d'autant plus désagréable qu'il était très dur de marcher contre ses compatriotes, et de faire le coup de fusil avec eux. Ce propos a paru insidieux, et a fait abandonner l'homme qui le tenait ; il est resté seul. Cependant plusieurs personnes qui connaissaient l'individu en ont répondu, et ont prétendu que le propos n'avait pas été tenu dans un sens contraire au caractère d'un bon républicain.
Des malveillants répandent dans le public que l'on met les scellés chez certains particuliers riches pour, à la levée de ces mêmes scellés, les faire contribuer, et que c'est pour subvenir aux frais de la guerre. Ce propos s'est tenu au ci-devant café de Chartres, au jardin de l' Égalité, par, je présume, quelques agioteurs.
Le peuple a de la peine à se guérir de ses inquiétudes pour la viande. On était, dans le faubourg Saint-Germain, ce matin à cinq heures à la porte des bouchers. Cependant les sections de la Croix Rouge, de l' Unité et de la Fontaine-de-Grenelle ont député des commissaires pour veiller à ce qu'il n'y ait pas de préférence, et que le prix n'excède pas le maximum. Le tout s'est exécuté.
La ville m'a paru tranquille.
Rapport de Le Harivel, W 191
Stanley396, membre du comité révolutionnaire de la section de Mutius-Scævola, si connu par son origine anglaise, dont le nom seul l'indique, et par ses vexations et les mesures ultra-révolutionnaires qu'il n'a cessé d'employer, était l'objet de l'entretien de plusieurs personnes rassemblées dans le faubourg Saint-Germain, près de la Croix Rouge. " Quand donc, disait l'une, serons-nous débarrassés de tous ces hommes dangereux qui exaspèrent journellement les esprits, les irritent, et les font donner dans les excès les plus coupables, sous le spécieux prétexte que le bien doit résulter de leurs opérations? " D'autres citaient les faits relatifs à Stanley, et à d'autres membres des autres comités révolutionnaires, qu'ils accusent d'impéritie [incapacité dans l'exercice de sa profession ou de ses fonctions ; Larousse] et de mauvaise foi.
Dans l'assemblée de la section des Tuileries, il ne s'est rien passé d’intéressant ; la séance a été pour ainsi dire employée à des nominations de président et autres.
On disait dans un groupe, sur le boulevard du Temple, que nos ennemis agissaient bien prudemment contre nous ; qu'ils ne cherchaient point à faire de rapides progrès sur notre territoire ; que leur intention était bien de s’emparer le plus qu'ils pourraient de nos places fortes, en attendant que la famine, qu'ils croient très prochaine, nous force à réclamer leurs secours et leurs protections ; qu'alors ils s'avanceront avec des subsistances, seront reçus avec enthousiasme, et regardés comme les sauveurs de la France. Tel est, disait-on, l'absurde projet que nos ennemis ont l'art de faire circuler dans Paris.
Les boulevards depuis les Champs-Elysées jusqu'à la porte Saint-Antoine, étaient couverts de citoyens et de citoyennes. Tout y respirait la joie et la gaieté, et la paix n'y a nullement été troublée.
Beaucoup de citoyens assurent que depuis plusieurs jours ils n'ont pas goûté de viande ; les légumes seuls ont fait toute leur nourriture.
Rapport de Monic, W 191
Dans l'assemblée de la section des Gardes-Françaises, l'assemblée a été entraînée dans de longues discussions concernant l'arrêté pris contre le citoyen Lemaître397, membre du comité révolutionnaire, lequel arrêté porte que le citoyen Lemaître a perdu la confiance de la section, pour avoir dénoncé un citoyen en pleine société populaire pour être un agent payé par Pitt et Cobourg.
À suivre...
Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, , La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 182-192.
381. Cf. t. III, p. 388, note 3.
382. Cf. t. III, p. 389, note 2.
383. Où était fêté, le 30 pluviôse [18 février], l'affranchissement des hommes de couleur.
384. Cf. ci-dessus, p. 18, note 1.
385. Nous reproduisons textuellement cette phrase - Cf. ci-après, p. 233.
386. Du 3 pluviôse [22 janvier].
387. Cf. t. Ier, p. 283, note 5. - La nouvelle de sa seconde arrestation, effectuée près de Gonesse le 30 pluviôse, fut donnée aux Jacobins le 1er ventôse [19 février] ; cette communication amena un vif incident entre Dufourny et Collot d' Herbois : Aulard, La Soc. des Jacobins, t. V, p. 658-659.
388. Ex-agent de change, banquier de la Cour, administrateur de la Caisse d'escompte de 1787 à 1792, condamné à mort le 28 ventôse an II [18 mars 1794] : cf. J. Bouchary, Les manieurs d'argent à Paris à la fin du XVIIIe siècle, Paris, 1939-1941, in-8°, t. III, p. 32, note 56, et à la table.
389. Acte lyrique, paroles d' Arnault, musique de Méhul, représenté pour la première fois à l'Opéra le 30 pluviôse : Tourneux, Bibliographie, t. III, n° 18397.
390. Cf. ci-dessus, p. 98, note 2. - C'est non Fouquier-Tinville, mais son substitut Fleuriot-Lescot [Jean-Baptiste Edmond, 1761-1794, Belge ; architecte ; membre important des Montagnards, maire de Paris pendant 2 mois, 1794 ; source] qui prit la parole aux Jacobins, le 29 pluviôse [17 février], sur l'affaire Chaudot, et blâma les conditions dans lesquelles le sursis avait été accordé : Aulard, La Soc. des Jacobins, t. V, p. 657.
391. Antérieurement : du Palais-Royal, puis : de la Butte-des-Moulins.
392. Cf. ci-dessus, p. 98, note 2.
393. Cf. t. III, p. 2, note 1.
394. Cf. ci-dessus, p. 183, note 1.
395. Cf. ci-dessus, p. 7, note 1.
396. Stanley, Thomas-François, âgé de 59 ans en 1794 [mort en 1799 ; il vécut dans la paroisse de Saint-Sulpice pendant de nombreuses années ; il épousa la soeur, Marie-Anne, du peintre Jean-Laurent Mosnier, 1743-1808], peut-être d'ascendance anglaise, horloger rue du Four. Arrêté le 14 germinal an II [3 avril 1794] par ordre de sa section pour irrégularité commise dans une levée de scellés, mis en liberté au début de fructidor suivant [mi-août] : Arch. nat. F7 477523.
397. Cf. ci-dessus, p. 90, note 2.
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