Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, épisode XX

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Ses partisans voulaient que l'assemblée rapportât son rapport. Après bien des débats, un citoyen a dit que l'arrêté devait être maintenu, parce que Lemaître avait dénoncé un citoyen sans preuve et dans le dessein de lui nuire, et qu'en supposant que la dénonciation fût vraie, Lemaître, comme membre du comité révolutionnaire, doit être puni pour avoir ébruité un fait qui intéresse trop la chose publique. L' arrêté a été maintenu.
   L'assemblée a entendu le rapport que la commission du salpêtre a fait de la manière flatteuse dont la Convention nationale a accueilli la livraison de salpêtre faite au nom de la section des Grades-Françaises398 ; plusieurs membres de la députation ont parlé pour exprimer à l'assemblée combien la Convention a été satisfaite, par les témoignages d'approbation dont elle a honoré la section des Grades-Françaises ; l'enthousiasme des citoyens était à son comble, et, dans ce délire, les patriotes ont promis de faire tous leurs efforts pour se conserver l'estime de la Convention nationale et des vrais républicains.
  Ensuite l'on a fait la proposition d'armer et d'équiper un ou plusieurs cavaliers pour le service de la République399. L'assemblée générale a arrêté de monter et équiper deux cavaliers ; que la commission de bienfaisance de la section prendra dans sa caisse l'argent nécessaire pour plus prompte expédition.

Rapport de Pourvoyeur, W 191
  Dans un rassemblement très nombreux, un citoyen dénonçait qu'étant de service aujourd'hui à la barrière de Fontainebleau, que l'on avait voulu arrêter plusieurs voitures, dont une était chargée de savon, de sucre et de chandelles et autres marchandises de première nécessité, et l'autre voiture était chargée de bois. J'oubliais de dire que dans la première il y avait une grande quantité d'assignats. L'officier du poste, comme raison, ne voulut pas laisser passer ces voitures ; mais les voitures montèrent un bon du comité révolutionnaire de la section du Finistère [n°48 ; jusqu’en 1792, elle avait pour intitulé : section des Gobelins ; elle tirait son nom de la Manufacture des Gobelins, qui produisait des meubles et des tapisseries pour la famille royale ; les assemblées se déroulaient en l'église Saint-Marcel ; son secteur : le faubourg Saint-Marcel / sud-Est de Paris, réputé pour être l'un des quartiers les plus pauvres de la ville ; " ... Avant même la création des sections, en novembre 1789, le district de Saint-Marcel est le premier à demander au gouvernement de contrôler le prix des céréales et de prendre des mesures contre les spéculateurs. Elle fut l'une des premières à admettre des citoyens " passifs " à ses réunions. Par la suite, la section des Gobelins a joué un rôle clé dans les insurrections du 20 juin et du 10 août 1792. 10 août 1792 et fait partie de la minorité des sections qui admettaient les femmes à la fois dans la la société populaire et aux assemblées générales. 10 Elle est précoce dans ses revendications sociales et économiques. économiques, condamnant dès janvier 1792 la liberté du commerce et les " vils accapareurs et capitalistes immondes " qui en profitent au détriment des pauvres. 11 Justement jusqu'au dernier soulèvement populaire de la Révolution, à Prairial, an III, mai 1795, il est l'un des centres de la révolte., ... " ; source], et l'on fut obligé de les laisser passer.

 Barrière d' Italie ou de Fontainebleau : "... ainsi nommée parce qu’elle conduisait au pays où mûrit le chasselas et où excursionnent les paysagistes - s’est appelée enfin Barrière des Gobelins,-à cause de son voisinage de la célèbre .manufacture de tapisseries fondée par Louis XIV, c’est-à-dire par Colbert, dans l’hôtel du président Leleu, situé au milieu d’aulnaies et de bois baignés par la petite rivière de Bièvre., ... "
Source

Section du Finistère dans le Faubourg Saint-Marcel. Source

Le citoyen qui rapportait ce fait se nomme Dulion400 ; il nous a fait voir son billet de garde, et est de la section du Finistère. J'ai lu son billet ; il était de garde hier, et est descendu aujourd'hui à une heure. Ces voitures ont passé le soir.
  Et tout du long de la journée l'on a arrêté et saisi des malheureuses femmes qui emportaient un chou, une botte d'oignons. De plus, ce citoyen dénonce ce comité révolutionnaire pour être contre-révolutionnaire.
  Cette dénonciation fit beaucoup d'impression sur les personnes qui entendirent ce rapport. " Voilà, disaient-ils, comme l'on veut affamer Paris en laissant sortir toutes les denrées de premières nécessités. " Cela devenait d'autant plus chaud que presque tous les groupes parlaient du manque de subsistances. Un particulier voulut dire, et dit en effet que peut-être ces voitures allaient porter ces denrées pour approvisionner quelque maison nationale ; mais son palliatif n'eût pas grand succès, car il fut traité de modéré, d'aristocrates, et, s'il ne se fût pas excusé en disant qu'il n'avait pas bien entendu, on allait le mettre au pas, car il n'avait pas l'air d'y être beaucoup. Tous les groupes étaient remplis de marchands de toute espèce, mais notamment des bouchers.
  Le peuple dit que la porte des bouchers va devenir comme les portes des boulangers autrefois ; il y avait aujourd'hui du monde à trois heures du matin à la porte de quelques bouchers.
   Une citoyenne disait que sa voisine avait été hier chez une fruitière à côté de chez elle, rue Feydeau, au coin de la rue Saint-Marc, lui demander des œufs ; que cette fruitière lui avait dit : " Je ne peux pas vous en donner le jour, mais venez à neuf heures du soir, et je vous en donnerai, parce qu'il n'y aura personne. " En effet elle y fut, et en eut, mais en les payant six sols pièce.
  Il y a de tout à Paris, dit le peuple ; ce n'est que la malveillance de quelques individus qui met la disette sur toutes les marchandises.
  L'on demande instamment le maximum qui taxe d'abord les premiers vendeurs, car jusqu'à présent ils n'ont point été taxés, et c'était par là où il fallait commencer.
  Plusieurs personnes disaient qu'il faudrait détruire une partie de la Vendée depuis les Ponts de Cé [commune du Maine-et-Loire, au sud d' Angers] jusqu'à Châtillon [Châtillon-sur-Sèvre, commune du département des Deux-Sèvres ; guerre de Vendée : la bataille de Châtillon-sur-Sèvre le 5 juillet 1793 : "...La grande armée catholique était rentrée dans la Vendée après sa retraite de Nantes et se reformait à Cholet ; la division d'Anjou, accourue sous les ordres de d' Elbée et de Stofflet, se joignait le 5 juillet à La Rochejaquelein et à Lescure, dont les paroisses s'étaient enfin rassemblées. Les Vendéens étaient pleins d'ardeur; ils désiraient vivement venger leurs compatriotes massacrés, délivrer le pays, et montrer aux Républicains qu'on ne brûlait pas impunément leurs villages et leurs châteaux. Le rendez-vous est à Cholet : vingt mille hommes s'y trouvent et partent aussitôt pour Châtillon.,... " ; source]  brûler, raser villes et villages ; que ces scélérats habitants ne méritaient plus d'habiter sur le sol de la Liberté puisqu'ils ne la connaissent pas ; que c'était un sacrifice que la République devait faire.


" Sur la route des châteaux, à la porte du vignoble d’Anjou, Les Ponts-de-Cé sont indissociables de la Loire, classée Patrimoine mondial par l’ UNESCO sur une longueur de 280 km entre Sully-sur-Loire dans le Loiret et Chalonnes-sur-Loire en Anjou. " Source

Rapport de Prevost, W 191
  Un particulier est entré, dans la matinée, chez le citoyen Buffon401, rue de Matignon n° 9, section des Champs-Elysées, à l'effet, lui dit-il, de le mettre en état d'arrestation. Le citoyen de Buffon lui demanda son pouvoir ; il lui répondit que cela était inutile, qu'il pourrait arranger son affaire s'il voulait lui donner quelque argent. Sur ce fait, il fit fermer les portes de la maison, le fit arrêter, et conduire à la section. Je n'ai pu savoir ce que cela est devenu.
  Les sections, aux assemblées générales, sont influencées par beaucoup de citoyens qui, lorsqu'il est question de délibérer sur des objets importants, demandent sans cesse la parole, crient à tue tête, et il n'est pas possible de délibérer. La section de la République en est une où ces abus sont en vogue.

Rapport de Rolin, W 191
  On se plaint que des citoyens boulangers et bouchers se permettent de trafiquer le pain et la viande avec des citoyens des environs de Paris qui leur fournissent des graines et des légumes, le tout en secret.
  Le boisseau [ancienne mesure de capacité pour les grains et autres solides granuleux, restée en usage au Canada et dans les pays anglo-saxons pour les céréales, bushel., ... ; Larousse. De capacité variable suivant les lieux et les époques. Par exemples : Poitou ; Anjou] de pommes de terre coûte actuellement 3 livres et 3 livres et 10 sols, au lieu de 24 sols ; et les autres légumes à proportion.
  Il se fait des fraudes, ou du moins il se commet des infamies dans l'achat de l'orge, l'avoine et le son, dans les marchés de Saint-Germain, de Sceaux-l' Union, Brie-Comte-Robert, et d'autres. Plusieurs citoyennes, qui n'ont aucun besoin de ces denrées, mais qui résident dans les lieux du marché ou des environs, achètent de ces denrées, et les revendent ensuite à des citoyens dont les uns ont quelques poules, d'autres quelques canards, etc. Je ne sais si cela ne doit point être empêché.
  Le citoyen Monperché, ci-devant seigneur d' Ivry, a coutume d'avoir une provision de lard et de salé. Je ne sais si des citoyens qui se trouvent fournis abondamment dans un temps où leurs frères manquent du strict nécessaire ne devraient point céder une partie de leurs provisions, afin d'aider leurs concitoyens à supporter les moments critiques que nous occasionnent certains scélérats qui, comme les chats, ne se plaisent que dans le désordre. Au moins, si ce désordre est occasionné par ceux mêmes qui possèdent ces fortes provisions, une loi devrait leur faire faire ce que leur scélératesse cherche à éluder.
  J'imagine qu'il serait utile d'essayer de semer du maïs, ou blé dit de Turquie [nom donné improprement au maïs, qui est originaire non de la Turquie, mais du Nouveau Monde : " Le maïs & le sarrasin sont encore des grains auxquels on donne le nom de blé : l’un s’appelle blé de Turquie & blé d’Inde, & l’autre blé noir : Blé de l’Encyclopédie, 1re édition, 1751, tome 2, p. 280 ; Blé de Turquie, qu’on appelle autrement Mays, ou blé d’Inde : Blé ou Bled du Dictionnaire de Trévoux, 6e édition, 1771, tome I, p. 927 ; source], dans les nouveaux terrains, c'est-à-dire dans les terres nouvellement défrichées, mêmes celles qui étaient ci-devant des étangs, notamment dans le Bray402, département de l' Oise ; si on réussissait, ce serait un grand bien pour la République.



Représentation du sarrasin nommé " Blé de Turquie " dans Les Grandes Heures d'Anne de Bretagne : 1503-1508. Source

   On assure que les détenus de la Petite Force [ " L’hôtel de La Force a été construit au XVIe siècle dans un ancien palais ayant appartenu à Charles d’Anjou, frère de Saint Louis. Il passera entre différentes mains mais c’est le duc de Caumont La Force qui lui donnera son nom. L’hôtel fut partagé en deux parties. La partie abritant l’hôtel de Brienne est rachetée en 1780 par Louis XVI pour y installer une maison de détention moderne. La Grande Force puis la Petite Force vont ainsi être les deux dernières prisons ouvertes par l’ancien régime afin de répondre aux souhaits des hygiénistes. Elles laissent entrer la lumière, l’air. Les cachots sont en surface. Un revirement important dans le traitement des prisonniers, la Révolution est proche.[...] La Grande et la petite Force étaient situées entre la rue du roi de Sicile, la rue Pavée, la rue Saint-Antoine, la rue Neuve Sainte- Catherine, aujourd’hui, rue des Francs-Bourgeois, et la rue Culture-Sainte-Catherine : aujourd’hui : rue de Sévigné. [...] La Force hébergeait les dettiers, les vagabonds, les déserteurs et les petits délinquants. On y enfermait aussi à la demande des familles. On y rencontrait des artistes qui avaient déplu. La Grande Force prison pour hommes avait accueilli en 1782 les prisonniers des prisons insalubres et vétustes de Fort L’ Évêque et du Petit Châtelet qui venaient d’être fermées afin d’être détruites. Son entrée était 2-4 rue du roi de Sicile. [...] La prison de la Petite Force sera installée dans l’hôtel de Brienne racheté par Louis XVI. Destinée aux femmes de mauvaise vie, elle va accueillir en 1785, les prisonnières et filles publiques enfermées par décisions administratives à la prison Saint-Martin, rue Pavée, qui venait de fermer. La Petite Force communiquait avec l’Hôtel de La Force par le chemin de ronde et les égouts. Son entrée était au 14-22 rue Pavée. À la Révolution, Hébert installera à la Force le tribunal révolutionnaire instigateur des massacres de septembre 1792. La prison se videra pour se remplir progressivement de voleurs, d’agitateurs, de vagabonds, de mendiants et de prostituées. Mais l’argent fera toujours la différence. On payait encore « la pistole ». Moyennant finances on pouvait obtenir une place dans une des chambres avec cheminée. Sinon, une place attendait ceux qui étaient sans le sou dans un des grands dortoirs où les lits étaient relevés durant la journée pour faire de la place. Les prisonniers sans argent étaient également nourris et recevez le « pain du Roi ». [...] Sous la Restauration, les maladies vénériennes vont transformer la Petite Force en Hôpital. [...] Les bâtiments étant devenus vétustes, Rambuteau signera à son tour un programme de travaux en 1839. Mais la destruction sera votée en septembre 1840 et la démolition effective, en 1851. ; source] sont on ne peut plus misérables, qu'ils n'ont rien pour se coucher, qu'ils manquent du nécessaire, pendant que les riches sont dans les maisons d'arrêt comme dans leurs palais, qu'ils s'y font traiter comme des ci-devant ; enfin cela parait faire beaucoup de sensation dans le public. Plusieurs groupes s'occupaient de cet objet, et les auditeurs paraissaient prendre beaucoup de part aux plaintes que faisaient plusieurs citoyennes qui assuraient en outre qu'on ne pouvait voir dans ces maisons que les rentiers, mais non les sans-culottes.

Entrée de la Petite Force, 14-22 rue Pavée.

1er Ventôse an II403, 19 février 1794


Rapport de Bacon, W 112

  L'assemblée populaire de la section des Droits de l' Homme était extrêmement nombreuse. On y a parlé du salpêtre. On a annoncé que cette partie d'administration allait on ne peut mieux, et que sous peu on imiterait la section des Gardes-Françaises404, pour présenter du salpêtre brut, beau et très blanc, à la Convention. On a de même parlé longtemps des femmes des défenseurs de la Patrie qui se sont enrôlés dans ladite section. Une commission de huit membres a été nommée pour aviser aux moyens de satisfaire au plus tôt les engagements contractés par la section. On a lu le Journal du Soir405 et différents arrêtés du département. L'esprit public à la hauteur des circonstances.
  L'assemblée populaire de la section de l' Indivisibilité [n° 33 ; il y eu d'abord et ce, jusqu'en 1792, la section de la Place-Royale, puis la section des Fédérés, pour prendre, en 1793, son nom définitif ; son territoire était le nord du Marais et la Place des Vosges ; son assemblée se réunissait en la chapelle du couvent des Minimes ; elle devint le quartier du Marais, 8eme arrondissement de Paris, en 1811] s'est occupée de la censure de ses membres. Comme il n'y avait pas beaucoup de citoyens, cette censure sera continuée demain. On a lu la Déclaration des Droits et des discours imprimés. L'esprit public est bon.
  D'après ce qui m'a été dit dans un cabaret par un homme appelé Jacob qui a été longtemps, sous le despotisme, le domestique des faiseurs d'affaires, je dénonce Chailly406, maître de pensions, rue du Faubourg Antoine, vis-à-vis les Enfants Trouvés [hôpital des..., un hospice, une institution religieuse d'hospitalité des enfants déshérités et abandonnés. Elle fut créée en 1638 par Vincent de Paul [1581-1660 ; prêtre et fondateur de congrégations] ; "... Il faut remarquer tout abord que l'expression enfants trouvés est maintenue tout au long du siècle alors même que les modalités réelles d'abandon se modifiaient complètement. En effet la fin du XIIe et au début du XVIIIe siècle la quasi- totalité des enfants admis à Hôpital des Enfants-Trouvés est formée effectivement d'enfants réellement trouvés est-à-dire des enfants qui ont été déposés dans la rue généralement de nuit sous le porche des églises, sur le pas de porte des commerçants ou des chirurgiens-accoucheurs et, qui ont été recueillis au matin ; [...] Deux chutes brutales en 1773 et en 1779 cassent ce mouvement ascensionnel et le nombre des abandons se stabilise un peu, entre 1780 et 1790, aux alentours de 5800 enfants admis par année, avant de baisser nouveau en 1791. [...] Cependant selon Desbois de Rochefort8 le nombre des enfants apportés de province et de l'étranger reste au moins de 200 par an après 1779. [...] On peut donc avancer que le nombre des enfants abandonnés à Paris même est resté à peu près stable entre 1770 et 1790 aux alentours de 4500 par an., ... " ; source], maison du marchand de vin ou du limonadier.
 
 
                            
Source

Cet homme a de grandes affaires avec un sieur d' Aubertes407, connu sous le nom jadis du chevalier de Bonzon. Jacob m'a assuré que Chailly et Bonzon faisaient de fausses signatures, et qu'ils étaient à tramer quelques mauvaises opérations pour escroquer à droite et à gauche. On peut tirer de grands enseignements de ces deux individus. D' Aubertes s'enveloppe d'un grand manteau, lorsqu'il passe près de la Courtille [cabaret situé rue du Faubourg du Temple et dans le bas de la rue de Belleville, c'était le point de départ de la descente de la Courtille, un des cortèges du Carnaval de Paris, descente qui a existé une quarantaine d'années au XIXe siècle...] afin de ne pas être reconnu ; il reste aux environs de Paris pour mieux arranger ses batteries : hier toute la journée je me suis occupé d'avoir des renseignements de l'affaire dont je viens de parler, et c'est pourquoi je n'ai pas pu envoyer mes observations.


"... l’exemple d’une gravure représentant le cabaret Ramponneau, célèbre guinguette de la Courtille – quand les hauteurs de Belleville n’étaient encore qu’un petit coin de campagne – qui sert le vin le moins cher de Paris et accueille buveurs et révolutionnaires. « Dans le coin inférieur droit de l’image originale, vous avez un homme qui vomit. C’est une magnifique gerbe. La plupart des reproductions le font disparaître. Il y a une censure volontaire, comme si on ne voulait pas voir ce qui est évident. J’ai pris des images que les documentalistes connaissaient par cœur et je leur ai montré des bouteilles et de gens ivres qu’elles n’avaient jamais vus. Je pense qu’il faut être obsédé par la question pour le relever – ce qui est mon cas. Je vois des images d’ivresse et de vin partout. »...
Michel Craplet, L’ivresse de la Révolution : histoire secrète de l’alcool 1789-1794, Grasset

  Près le Jardin des Plantes, un groupe très nombreux s'entretenait de la maladie de Robespierre408. Le peuple en paraît si affecté qu'il dit que, si Robespierre venait à mourir, tout serait perdu. " Lui seul, disait une femme, déjoue tous les projets des scélérats. Il n'y a que Dieu qui puisse garantir les jours de ce patriote incorruptible. " : tout le monde faisait un gros soupir. J'ai remarqué que, lorsque les sans-culottes parlaient de l'incommodité de Robespierre, les hommes bien mis ne disaient mot, mais on voyait sur leur figure un air de contentement.
  Je dénonce ici, d'après ce qui m'a été dit, Calvet409, coiffeur et commissaire civil de la section Le Peletier. Il est fort riche ; et, comme il mange souvent la soupe des financiers, il a soin de leur tout promettre , et de les prendre sous sa protection.
  Dans un café près l' Arsenal, différents ouvriers employés aux administrations établies à l' Arsenal se plaignaient de leur chef en général. Ils disaient que tout était mal régi, que tout allait mal, qu'on déplaçait Paul, instruit, pour placer Jacques, non instruit, et qu'il y avait à coup sûr des gens payés pour dégoûter l'ouvrier de la Révolution, et que, si la Convention ne prenait garde, il pourrait arriver des malheurs par les abus qu'il y a à l' Arsenal.
  Voici le bruit qu'on fait courir dans le quartier Faubourg Marceau. On dit que le Comité de salut public avait dit qu'il fallait que nous reprissions Condé, Valenciennes, devrait-on sacrifier quatre à cinq cent mille hommes ; que, cette nouvelle ayant été sue à l'armée du Nord, les soldats français se disaient les uns aux autres : " C'est ainsi qu'on veut nous arranger? Eh bien, diable! nous verrons tout cela! ". Lorsque les aristocrates entendent cela, ils vous répondent : " À présent, on ne fait pas plus cas du homme que d'un pou. "
  Aujourd'hui, dans les promenades, on a beaucoup parlé de la fête d'hier410.

Rapport de Beraud, W 112
  Plusieurs ouvriers formant un groupe dans le nombre desquels se trouvaient des doreurs et sculpteurs, se plaignaient de ce que depuis longtemps ils étaient sans ouvrage. " Comment voulez-vous que nous travaillions? Tous les riches, patriotes ou non, sont incarcérés, et il n'y a que ceux qui travaillent pour les fournisseurs des armées qui puissent gagner leur vie. - Ça ne durera pas longtemps, a répliqué un autre ; il y a une commission nommée pour rechercher dans les prisons ceux qui ont été incarcérés injustement411, et vous verrez que celui-là même qui n'occupait personne avant la Révolution, sitôt qu'il sera élargi, occupera les bras du pauvre et conviendra que la République vaut mieux que l'ancien régime. "
  La commission a rétabli le calme dans plusieurs familles, et plusieurs citoyens, au café Saint-Martin, disaient : " Nous sommes fort heureux que cette proposition ait été acceptée, car le Comité de sûreté générale, qui semble soutenir les comités révolutionnaires, ne s'en serait jamais occupé. " Un des citoyens disait : " Lorsqu'on se présente à ce comité, ou à la porte, pour une réclamation, il semble qu'on ait à faire à des ci-devant ministres ; on vous rebute, et plusieurs des membres qui le composent oublient qu'ils ont été nommés par le peuple, et que le peuple peut les remplacer. "
  Plusieurs quartiers sont dans la désolation de n'avoir pas de viande. Dès trois heures du matin, le monde se rassemble aux portes des bouchers ; on s'y pousse, on s'y bat pour à qui le premier sera servi ; enfin il en est de même que jadis pour le pain.

 
"... Créé le 2 octobre 1792, le comité a comme mission essentielle de surveiller et punir les crimes de contre-révolution. Pour cela, il possède diverses compétences relevant du domaine législatif ou policier, dont la surveillance des suspects, les mises en arrestation ou encore le maintien de l’ordre public. Le comité acquiert progressivement de l’importance dans ses fonctions, notamment en devenant un organe de plus en plus centralisateur... "
  Sa composition à l'été an II :
  • Marc Guillaume Alexis Vadier, président doyen d’âge,
  • Grégoire Jagot, secrétaire,
  • Jean-Pierre-André Amar, secrétaire assistant,
  • Jean-Antoine Louis du Bas-Rhin, secrétaire assistant,
  • Moyse Bayle, trésorier,
  • Joseph-Nicolas Barbeau du Barran,
  • Jacques-Louis David,
  • Elie Lacoste,
  • Louis-Charles de Lavicomterie,
  • Philippe-François-Joseph Le Bas,
  • Philippe Rühl,
  • Jean-Henri Voulland.
 Source

Rapport de Charmont, W 112
  On assure qu'il va être pris des mesures pour faire disparaître la foule devant les portes des bouchers, et que l'on va réprimer leur cupidité, et que Paris va être suffisamment fourni de viande. On répond à cela que, si c'est vrai, on ne criera plus contre la Commune.
  On se plaint, c'est-à-dire ceux qui vont chercher du bois se plaignent de ce qu'on leur dit que tout le bois qu'ils demandent est en réquisition pour les ministres, de manière que cela fait soupçonner tout le contraire de ce qu'on dit.
  Dans la section du Muséum [n° 8 ; elle s'appela " section du Louvre " jusqu'en mai 1792 ; son territoire couvrait le quartier du Louvre et Saint-Germain-l’ Auxerrois ; elle se réunissait en l'église Saint-Germain-l’ Auxerrois ; elle devient quartier du Louvre, 4ème arrondissement de Paris en 1811], on se plaint d'un dénommé Chépy412 père, fameux intrigant auprès du ministre de la Guerre, venant tous les jours d'assemblée annoncer au nom du ministre mille choses absurdes, et cherchant à perdre les bons patriotes. On lui reproche d'avoir un fils qui était dans l'armée du Nord à l'époque de la fuite du traître Dumouriez, dont le père, pour couvrir les fautes qu'il pourrait avoir commises, intrigua tant que le ministre le plaça à l'armée des Alpes. Il paraît qu'il commence à être démasqué, et que son règne avance. Les intrigants passeront, et la vertu triomphera.
  Un verre de vin que le président de l'assemblée générale de la section Charlier a bu en présidant hier a failli mettre le feu et la discorde dans l'assemblée. Les uns ont prétendu qu'il fallait destituer le président ; on disait : " C'est ici la boutique d'un marchand de vin ; bientôt ce sera une tabagie. " Il est vrai que plusieurs citoyens ont bu chacun un verre de vin. Enfin, après plus d'une heure de trouble et de confusion, l'ordre a été rétabli, purement et simplement.
  Ensuite plusieurs citoyens, on a dénoncé la commission populaire chargée de cueillir les preuves de civisme, à charge ou décharge sur ceux qui demandent des certificats de civisme. La dénonciation était que l'on mettait trop de lenteur dans le rapport à faire, et notamment sur ceux qui ont des modiques pensions à toucher et qui n'ont que cela pour subsister ; que, dans ce moment-ci même, il y en a dont il y a plus de deux mois qui sont en demande, et que le nombre est au-delà de plus de soixante, qu'il état même urgent d'en faire le rapport. La commission ayant répondu que, son travail étant gratis pro patria [gratuit pour la patrie], on ne devait point l'inculper pour rien, mais qu'il existait encore dans l'assemblée des intrigants qui entravaient la marche des opérations de la commission, que c'était vraiment la cause du mal, on a passé à l'ordre du jour. Mais le fait est qu'il devait y avoir une vingtaine de certificats d'accordés ou rejetés : il n'y en a eu que six d'accordés et un ajourné. On en a vu qui s'en allaient en maudissant l'assemblée, sur ce qu'ils étaient encore remis.
  On répand dans le public que nous avons fait une perte considérable à l'armée du Rhin, que nous avons été forcés d'abandonner Worms et ses environs [6 janvier 1794, 17 nivôse an II ; la ville avait été prise le 5 octobre 1792, 14 vendémiaire an I, par le général Custine contre les Autrichiens ; " ... Du Rhin aux Vosges, toute la ligne des républicains s'avance imposante ; mais les ennemis terrifiés ne tiennent nulle part ; ils n'essayent même pas de défendre la Queich [affluent du Rhin]. Le 28, l'armée arrive sur les hauteurs qui dominent la vallée, et un immense cri s'élève « Landau! Landau! » Landau est délivré. Les Autrichiens avaient repassé le Rhin à Philipsbourg ; Hoche laissa pour les observer une partie de l'armée du Rhin, et, avec l'armée de la Moselle, suivit les Prussiens qui se retiraient sur Mayence. Le 6 janvier il entra à Worms. Par un ordre du jour daté de Landau, Hoche avait demandé à ses soldats encore douze jours de patience et d'efforts, après quoi ils auraient du repos. Il se préparait à tenir sa promesse et à cantonner ses troupes. Mais ce temps d'inaction ne devait pas être perdu dans une circulaire, Hoche traçait (1) Corr. Hoche à Desaix. 27 décembre 1793. (2) Ibid. Hoche à Morlot. 26 déc. 1793. (3) ib. Hoche à Simon. ib. ; aux chefs leurs devoirs. Les marches, les fatigues, les combats avaient causé de grandes pertes; les généraux feraient dresser des états de situation et rempliraient les cadres; en même temps, ils veilleraient à l'instruction et à la discipline, et prendraient des mesures pour réparer ou remplacer les armes et objets d'équipement, pour fournir aux soldats des vêtements et des chaussures. Hoche leur recommandait d'être attentifs à tous les besoins des troupes. « Si elles vous sont attachées, disait-il, vous êtes sûrs de vaincre. » Ce n'est pas tout; comme tôt ou tard on devait s'attendre à voir la guerre recommencer dans ce pays difficile, Hoche engageait les officiers à l'étudier, à bien connaître les gorges et les passages dans les montagnes « Je vous préviens, ajoutait-il, que vous répondrez à la république du terrain que vous aurez à défendre et à garder (1). » Hoche établissait les troupes derrière la Pfrimm, lorsqu'il reçut l'ordre du comité de salut public de marcher sur Trèves, avec l'armée de la Moselle. Il ne pouvait partir sans être relevé dans ses positions par l'armée du Rhin Pichegru se fit attendre. Hoche était en marche lorsqu'il reçut contre-ordre du comité. Il mit ses troupes en quartier d'hiver sur la Sarre et la Blies. (1) Corr. Hoche aux officiers généraux. 14 janvier 1794. ; source], que la Convention nous cache cela, que le fait n'en est pas moins vrai413.

Général Lazare Hoche, 1768-1797 ; engagé volontaire dans les gardes françaises en 1784, capitaine en 1792, il adressa au Comité de salut public un mémoire audacieux sur la situation militaire qui lui valut rapidement le grade de général : 1793. Commandant en chef de l'armée de la Moselle, vainqueur des Autrichiens et des Prussiens, Geisberg, 26 décembre 1793, il délivra Landau assiégée. Dénoncé comme suspect par Pichegru, il fut incarcéré jusqu'au 9 Thermidor. Il parvint à réduire l'insurrection royaliste de l'Ouest et à pacifier la Vendée : 1796. Ministre de la Guerre, 1797, commandant en chef de l'armée de Sambre-et-Meuse, il battit les Autrichiens à Neuwied. Il mourut de maladie. ; Larousse.

   À suivre...

   Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, , La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 192-202.

398. Cf. ci-dessus, p. 90.
399. Cf. t. III, p. 68, note 2.
400. Pas de renseignement.
401. Nous n'avons pu arriver à déterminer de quel Buffon il s'agissait.
402. Le pays de Bray, dans les départements de la Seine-Inférieure et de l'Oise [aujourd'hui, pays à cheval sur les départements de la Seine-Maritime et l' Oise].
403. C. A. Dauban a publié dans Paris en 1794 et en 1795, p. 57-68, les rapports de Beaud, appelé : Bauce, Monic, appelé : Moncey, Pourvoyeur du 1er ventôse, et des extraits de ceux de Dugas, Hanriot, Latour-Lamontagne, Perrière, Rolin, même date.
404. Cf. ci-dessus, p. 90, note 1.
405. Cf. t. II, p. 343, note 2.
406. Pas de renseignements.
407. Idem.
408. Cf. ci-dessus, p. 148, note 1.
409. Calvet, Jean-François, originaire de l' Aveyron, âgé de 40 ans en 1793, habitant rue Feydeau, puis rue des Filles-Saint-Thomas. Il fut mis en arrestation deux fois : du 18 au 20 floréal an II [7 mai- 9 mai 1794] pour une cause que n'indique pas le dossier, et du 19 ventôse an III au 6 fructidor suivant [9 mars - 23 août 1795] comme prévenu d'avoir tenu des propos violemment terroristes : Arch. nat., F7 4631.
410. Cf. ci-dessus, p. 183.
411. Cf. ci-dessus, p. 163.
412. Sur les Chépy père, Nicolas, et fils, Pierre-Paul, voir les renseignements biographiques donnés par R. Delachenal dans sa publication : Un agent politique à l'armée des Alpes, Correspondance de Pierre Chépy avec le ministre des Affaires étrangères, mai 1793 - janvier 1794, Grenoble 1894, in-8°. À compléter par ceux que fournit le dossier Arch. nat., F7 4645, d'où il ressort que Chépy père était en l'an III juge de paix de la section du Muséum, et qu'un arrêté du 24 messidor de ladite année [12 juillet 1795] autorisa son réarmement.
413. La nouvelle de l'abandon de Worms était exacte ; il n'en était pas de même de celle d'une " perte considérable " à l'armée du Rhin.    
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