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L’électromobilité, une rupture de concurrence libre et loyale
Les consommateurs ont confirmé une percée du véhicule électrique depuis
2020. Cette réalité en masque une autre dès que l’on plonge dans les
détails.
C’est l’ European Automobile Manufacturers Association, porte-parole des constructeurs automobiles implantés en Europe – dont l’abréviation ACEA usitée fait référence à son acte de naissance en 1991 sous la dénomination d’Association des constructeurs européens de l’automobile – qui a communiqué son dernier rapport sur les usages automobiles pour 2021.
Dans un contexte de nouvelles immatriculations relativement morose entre crise des semi-conducteurs et crise sanitaire, les consommateurs ont confirmé une percée du véhicule électrique
depuis 2020.
Cependant, cette réalité en masque une autre dès que l’on plonge dans les détails.
Une percée artificielle ?
Rappelons utilement que la technologie des batteries lithium-ion, majoritairement exploitée dans le monde, a été brevetée par le chimiste japonais Asahi Kasei en 1985 puis commercialisée par son compatriote Sony en 1991. Ensuite, il faut distinguer les différents types de véhicules électriques, ou électromobiles. Pour simplifier, il y a les véhicules 100 % électriques, EV, les hybrides rechargeables, PHEV, et les hybrides non rechargeables : HEV.
Concernant les ventes de 2021 sur le territoire de l’Union européenne, et selon les données de l’ ACEA, les véhicules hybrides non rechargeables ont constitué 19,6 % des ventes, les hybrides rechargeables 8,9 % et enfin les électriques 9,1 %. Soit un total de 37,6 % de véhicules électriques sur l’ensemble des ventes.
Il n’est pas l’objet de cette analyse de comparer les bienfaits et méfaits de chaque modalité de carburant. L’intérêt présentement est de s’attarder sur l’artificialité de cette transition.
Le Pacte vert de décembre 2019 débouchant sur la loi européenne sur le climat de juin 2021 a confirmé les orientations de l’Union européenne vers un objectif contraignant d’émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité climatique à l’horizon 2050. Utilisant l’urgence climatique comme un plurium affirmatum, consommateurs et constructeurs sont sommés de valider avec ou sans leur consentement les mesures décidées.
Or, les effets de bord commencent à se faire jour, et les mobilités sont le secteur industriel et économique où les répercussions sont les plus visibles avec l’électrification à marche forcée de l’ensemble des transports, et de préférence les véhicules individuels.
Les pouvoirs publics nationaux et locaux se font la courroie de cette politique coercitive en pénalisant de plus en plus lourdement les usagers sur le plan fiscal, puis en les excluant de certaines zones géographiques tout en menaçant les constructeurs de sanctions pécuniaires en cas de
dépassements de quotas de CO2 : règlement européen 2019/631.
Des mesures contre-productives
Le véhicule électrique aurait-il pu connaître le même engouement sans les dispositions étatiques, par la fiscalité directe et indirecte, les règles discriminatoires comme les zones à faibles émissions et les menaces de sanction financière sur les constructeurs ? Cela apparaît très peu probable.
Car de la même manière que le diesel a connu son heure de gloire en Europe entre les années 1990 jusqu’aux révélations du Dieselgate de 2015, l’électromobilité bénéficie à son tour d’un paquet de mesures la privilégiant outrancièrement. Ce qui ne manque pas d’attiser l’inquiétude de patrons du secteur automobile comme Carlos Tavares, Stellantis, ou Akio Toyoda , Toyota, mettant en avant les conséquences de cette transition forcée. Si technologiquement les constructeurs se déclarent prêts pour les échéances de la fin du moteur thermique, en revanche ces derniers rechignent à assumer les risques sociaux et économiques d’une transition mal pensée et surtout arbitraire, laissant peu de place à la liberté technologique.
Une transition par ailleurs surtout minéralogique et numérique plus qu’écologique dont les retombées présentes et prochaines ne manquent pas de susciter une agitation parmi les experts du secteur mettant en garde contre une aliénation envers des fournisseurs tiers, asiatiques et américains, aggravant une désindustrialisation en cours. L’Europe, autrefois maîtresse de la technologique du moteur à combustion interne, s’est sabordée sous le coup des oukases bureaucratiques bruxellois, privilégiant une situation de croissance artificielle.
En effet, le véhicule électrique est en notoire progression en termes de parts de marché et en volume dans certains pays très incitatifs : c’est-à-dire aussi très répressif envers les autres systèmes de propulsion.
En 2020, les pays européens les plus en pointe dans l’électrification de leur flotte étaient la Norvège, 12,1 %, l’Islande, 2,8 %, les Pays Bas, 2 %, et le Danemark, 1,2 %, tandis que la Suisse était à 0,9 %, la France et l’Allemagne à 0,6 %, et le Royaume-Uni à 0,5 %. L’ironie veut que le champion norvégien soit aussi un gros producteur de ressources fossiles, gaz et pétrole, représentant jusqu’à 49 % de ses exportations en faveur d’un budget qui a profité à plein de la hausse des prix des matières premières. Ou comment financer sa vertu par le commerce du vice.
Cependant, cette progression de l’électromobilité est une opportunité rêvée pour la Chine afin de percer un marché européen très prometteur, affaiblissant paradoxalement ses propres acteurs locaux par une législation brutale et arbitraire.
Ainsi depuis la fin des années 2010, les véhicules chinois ont amorcé une nouvelle tentative de conquête commerciale du Vieux continent, grâce notamment à l’électromobilité puisque la précédente tentative dans les années 2000 avait échoué en raison des normes sécuritaires et environnementales.
Avec abnégation et adaptation, les constructeurs de l’Empire du Milieu sont désormais capables de proposer des électromobiles de meilleure facture que leurs concurrents occidentaux à des prix inférieurs. Vous ne connaissez pas la XPeng P7, l’ Aiways U5, la Link & Co 01 ou encore la NIO ET5 ? Quelle erreur car ces véhicules peuvent en remontrer à leurs compétiteurs européens et américains.
Bien plus encore, nombre de composants des productions européennes et même américaines proviennent d’Asie, Chine, Corée du Sud, Taïwan ou Japon, seul l’assemblage s’effectuant encore dans le pays de destination : ce qui est tout à fait compréhensible pour des artisans du secteur automobile est plus préoccupant en revanche pour des constructeurs nationaux. L’on pourrait aussi se pencher sur l’actionnariat de certaines marques, telle Volvo ou MG par exemple appartenant aux chinois Geely et SAIC respectivement.
Il ne convient pas de fustiger la montée en gamme des véhicules chinois et l’activisme payant de sa politique commerciale, ce serait plutôt aux citoyens européens de se demander si leurs gouvernants sont des stratèges avisés ou des idéologues patentés au regard de la situation industrielle, économique et technologique ? L’absence criante d’approche systémique du secteur des mobilités
tendrait à faire pencher plus nettement la balance vers la seconde hypothèse.
Le ressac des aides à l’électromobilité
L’on peut observer une tendance au reflux des aides fiscales et des avantages en mobilité en de nombreuses contrées souvent précurseurs dans l’électrification de leurs flottes de véhicules. Ainsi la Norvège a plusieurs fois brandi la menace d’une taxe sur le poids des véhicules électriques : un tiers des véhicules vendus dans le pays sont des SUV, thermiques ou électriques avec en tête la Tesla Model Y pesant la bagatelle de 2003 kilos, selon les données constructeur.
Si la mesure n’a toujours pas été votée, d’autres devraient rapidement faire surface comme la suppression des places de stationnement gratuites ou l’utilisation des voies de bus à l’instar du péage d’Oslo qui est redevenu payant pour les véhicules électriques.
Et mécaniquement, l’absence de TVA sur les véhicules électriques, mesure supportée artificiellement par un report de taxation sur les véhicules thermiques et les carburants fossiles, se posera aux pouvoirs publics norvégiens au regard de la part de marché grandissante de cette modalité de déplacement.
En France, les aides à la mobilité électriques disparaissent graduellement, par paliers successifs et par ajouts de critères toujours plus sélectifs : par exemple, pour être éligible, le véhicule acheté neuf ne doit pas être revendu dans les 6 mois suivant son achat ni avoir moins de 6000 kilomètres au compteur. Et à ce titre, le bonus écologique passera de 7000 euros en 2021 à 5000 euros en juillet 2022 pour un particulier achetant un véhicule de moins de 45 000 euros.
Si la taxe sur la masse en ordre de marche exclut en 2022 les électromobiles, il est évident que la situation évoluera dans les années à venir en les rendant éligibles et que le barème fixé pour l’heure à 1800 kilos sera lui aussi progressivement révisé à la baisse. D’autant qu’il faut mentionner que tout véhicule hybride avec une autonomie électrique de moins de 50 kilomètres est d’ores et déjà assujetti à cette taxe.
La Chine, très volontaire aussi dans les aides à l’électromobilité avec son plan quinquennal lancé en 2016, a déjà annoncé par la voix de son ministère des Finances que les aides seront progressivement rognées courant d’année 2022 jusqu’à leur extinction en 2023 où ledit plan ne sera pas renouvelé.
Outre le fait d’être convaincues que la croissance du véhicule électrique se poursuivra désormais sans appui étatique, les autorités chinoises semblent avoir remarqué un effet pervers où les constructeurs nationaux se sont fragilisés avec ces aides, les rendant trop dépendants à celles-ci.
Subventions qu’a par ailleurs refusé Elon Musk, dirigeant de Tesla, sur le même constat, en adressant plusieurs messages sur le réseau social Twitter en arguant que toutes les subventions devraient disparaître à terme pour tous les moyens de locomotion.
L’Allemagne pour sa part réfléchit à compenser les pertes de recettes provoquées par l’électrification de sa flotte de véhicules via une taxation écologique pesant sur l’ensemble des mobilités : Mobilität neu steuern par l’institut Umwelt BundesAmt, l’Agence gouvernementale fédérale de l’environnement. L’idée retenue à long terme est que peu importe que vous rouliez en thermique ou en électrique, vous serez tarifé en fonction du kilométrage parcouru. Ce qui correspondrait à une solution sous forme de passeport mobilité.
Enfin, nous pouvons bénéficier du recul de ces mesures avec le territoire de Hong Kong qui en avril 2017 supprima l’exemption de taxe pour tout achat de véhicule électrique neuf par un plafonnement des aides existantes à 97 500 HK$ : First Registration Tax ou Taxe de première immatriculation. En supprimant une mesure incitative pourtant mise en place depuis 1997 pour les véhicules propres, dont les électriques, le gouvernement local de Hong Kong provoqua un effondrement du marché de l’électromobilité : surtout les véhicules personnels qui étaient visés.
Or en 2017, Hong Kong était à la seconde place mondiale en termes de ventes. Depuis, la politique du territoire est de favoriser les transports en commun et le remplacement des anciens véhicules : thermiques comme électriques.
L’électromobilité, prochaine cible fiscale des gouvernements
Il apparait fortement plausible que la transition de plus en plus rapide du thermique vers l’électrique, en passant par une phase plus ou moins longue d’hybridation, encouragera les pouvoirs publics à réévaluer leur politique d’incitation fiscale et sociale dès que le marché du véhicule électrique sera considéré comme mûr. Et de façon toute aussi prévisible, l’empressement de l’État à récupérer ses mises va faire des électromobilistes les prochaines cibles de l’administration fiscale.
Mais plus encore, ce phénomène doit être observé d’un point de vue philosophique et civilisationnel, en ce sens que la démocratisation des mobilités est désormais combattue par un courant de pensée qui vise à la démobilité.
Appuyé par un courant écologiste dogmatique, plusieurs personnalités issues du capitalisme de connivence prônent un nouveau monde où à défaut d’être plus propre bien que repeinte en vert, la mobilité de demain serait derechef l’apanage de quelques happy few. L’électromobilité en lieu et place d’être un choix rationnel opéré par les usagers selon des critères de coût, de balance avantages-inconvénients et d’usage quotidien devient un moyen de sélection et d’exclusion socio-économique.
Comment éviter qu’un Electrogate ne succède au Dieselgate en ne retenant pas les leçons dont la principale est la primauté de la liberté technologique dans les mobilités ?
Oui à l’électromobilité et à tous ses bienfaits, mais dans un cadre de concurrence libre et loyale avec toutes les autres technologies anciennes et futures. Sans quoi nous basculerons dans un monde où la liberté de circulation deviendra une option et la recherche en ingénierie sera conditionnée au dogme ou la lubie du moment.
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