L' AGONIE D'UNE ARMÉE, METZ I870, JOURNAL DE GUERRE D'UN PORTE-ÉTENDARD DE L' ARMÉE DU RHIN, ÉPISODE IV

Précédemment
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 Que fait donc notre général de division ? Nous ne l'apercevons que rarement à cheval, et encore va-t-il toujours au pas, comme s'il ignorait toute autre allure. Nous serions bien désireux, pourtant, de le voir provoquer des ordres s'il n'en ne reçoit pas. On dirait que notre division est inconnue ou oubliée.
  Pourquoi attendre ? Nous ne sommes pas dans le secret, cependant nous entendons répéter constamment que " nous devrions prendre position sur la frontière ". Alors ?
  On savait que l' Empereur avait donné carte blanche au maréchal Bazaine, qui, en attendant son arrivée, devait agir au mieux des intérêts du plan de campagne qui lui était connu en détailI7.  
  Pour excuser cette immobilité, on donnait comme raison que le maréchal " attendait des nouvelles de la formation du corps d'armée du maréchal de Mac-Mahon [Patrice, I808-I893; sénateur de l' Empire, I856; répression de la Commune de Paris à la tête de l'armée versaillaise, I87I; deuxième président de la IIIe République, I873-I879] qui devait pénétrer en Allemagne et franchir le Rhin à Maxau ["... hameau du quartier de Knielingen de la ville de Karlsruhe, Baden-Württemberg... "], ..."; sur le Web] en même temps que toute l'armée française ferait un mouvement général sur la frontièreI8. "
  Le maréchal Lebœuf, grand ami du maréchal Bazaine, était d'avis que l'offensive devait commencer aussitôt après l'arrivée de l' Empereur à MetzI9. Il savait que le général Frossard avait étudié la frontière aux environs de Forbach, position considérée comme très avantageuse; il estimait que depuis plusieurs jours ce projet aurait dû recevoir un commencement d' exécution avec l'armée qui était prête, sans attendre les troupes en retard; il y avait lieu de faire des retranchements sur ce point de la frontière et de les rendre inexpugnables.
  Avec de fortes reconnaissances offensives, si ce plan réussissait, on pouvait attaquer; nous étions alors supérieurs à l'ennemi qui n'était pas encore concentré. Qu'attendait-on ?

Mac Mahon Patrice © La Documentation française. Photo Eugène Appert.

  Ce plan exécuté, on gagnait quelques journées sur l'ennemi, mais il aurait fallu plus d'audace, agir avec promptitude et grande énergie.
  Ce furent ces tâtonnements, ces lenteurs qui firent échouer l'excellent plan de campagne conçu dans le cabinet impérial et parfaitement réalisable avec plus de rapidité dans la décision. J'ai entendu exprimer ce que je relate ci-dessus par le général du Barail [François Charles, comte, I820-I902; ministre de la Guerre 1873-I874]  et d'autres chefs, qui tous étaient du même avis20
  Les hommes d'action souffraient de voir ce qui se passait; le général Desvaux,[Nicolas Gilles Toussaint, I8I0-I884] commandant de la cavalerie de la garde, était en relations intimes avec le colonel Friant. Ils étaient convaincus que, dès les premiers jours, si on avait écouté quelques chefs de cavalerie on aurait pu " franchir la frontière, bouleverser les voies ferrées, le télégraphe, en lançant des raids de cavalerie à grandes distances ", comme les Prussiens le firent si souvent chez nous, " prendre contact avec l'ennemi, ne plus le quitter et harceler ses éclaireurs ". Certes, nous ne manquions pas de cavaliers audacieux pour cette besogne : nous ne demandions tous qu'à aller de l'avant2I.
 Tel est en effet le rôle de la cavalerie au commencement d'une campagne !
  C'est imprimé dans tous les ouvrages sur les guerres. 
  Que l'on consulte l'œuvre de l'immortel général de Brack, [Antoine Fortuné, I789-I850] qui fit des prodiges comme simple capitaine de lancier du temps du premier Empire.
  Une remarque frappante, c'est que tous les chefs qui manquent d'audace craignent les pertes qui diminuent l'effectif sous leurs ordres. Que diable, à la guerre, quand il y a nécessité, la vie du soldat ne doit plus compter ! Lorsqu'il s'agit de défendre la patrie, le sang doit couler à flots pour arrêter l'envahisseur.
  Le général Murat qui rendait souvent visite à notre colonel, ne tenait plus en place. On le voyait, nerveux, frappant le sol avec son fourreau de sabre. Après avoir constaté l'inaction de notre belle division, il avait proposé au général de Forton d'aller trouver l' Empereur en son nom. Notre divisionnaire répondit au général Murat " qu'il déplorait, comme lui, comme tous les officiers de sa division, notre immobilité; qu'il devait y avoir une raison majeure pour qu'il en soit ainsi, mais qu'il n'avait qu'à exécuter les ordres de l' Empereur et non à les provoquer. " Notre divisionnaire était réellement fort peiné de notre situation. Il l'exprimait en toute occasion : " Peut-être, disait-il, nous tient-on en réserve22 ? "  
  Par contre, nous apprenions à chaque instant, par les espions ou des émissaires, que les uhlans [" Au XIXe siècle, le terme de Uhlans désigne des formations de cavalerie légère, composées de lanciers. Lors du conflit franco-prussien de I870- I87I, ces unités suscitent un sentiment de terreur dans la population française, qui sera entretenu dans le cadre de la revanche., ... "; sur le Web] apparaissaient audacieux de tous côtés.  



   " Le mot uhlan vient, via le polonais, de la langue des Tatars lituaniens « oǧlan » qui signifie « jeune homme ». Un uhlan est un cavalier armé d’une lance dans les armées slaves et germaniques, similaire au lancier des armées françaises. Ici, la tenue de sous-officier du I5e régiment, avec sabre et lance. " Sur le Web.

  Il ne faudrait pas croire que dans l'armée toute la cavalerie se trouvait dans le cas de notre division. Non, ailleurs elle faisait du service d'exploration, mais toujours si limité, qu'elle n'apercevait pas l'ennemi dissimulé dans les bois; les ordres étaient précis : il ne fallait pas aller au-delà de tel point; de sorte qu'un officier audacieux, au risque de se faire enlever et au péril de sa vie, ne pouvait user d' initiative ni agir avec indépendance23
  Que l'on compare notre manière d' agir avec celle de notre adversaire; nos chasseurs d' Afrique surprirent la cavalerie allemande à Pont-à-Mousson, le I2 août, à une grande distance en avant du gros de son armée, en train d'arracher les rails du chemin de fer, de couper les fils télégraphiques et de scier les poteaux, pendant que d'autres cavaliers emballaient avec précaution les manipulateurs. Mais n'anticipons pas, je reparlerai à son heure de ce brillant coup de main de nos chasseurs.
 
Ier août.
  Pour calmer l'impatience des hommes, le colonel a ordonné une revue et ensuite une marche militaire avec armes et bagages, comme si nous devions quitter le bivouac. C'était bien, mais où aller ? Si un ordre arrivait pendant notre absence ? On resta donc à piétiner en vue du camp.
  Le service de renseignements et les espions faisaient connaître à l'état-major les rassemblements et les mouvements que l'armée allemande faisait nuit et jour avec une activité incomparable, sans que cela fît sortir l'état-major impérial de son apathie24.
  Toute l'armée avait conscience que nous perdions un temps précieux; on attribuait ces retards à tort ou à raison, aux souffrances de l' Empereur que l'on disait alité, ce qui occasionnait les irrésolutions et les tâtonnements de son entourage. Le maréchal Lebœuf conseillait au maréchal Bazaine d'agir dans le sens indiqué par le général Frossard; mais il ne trouvait pas que son autorité fût assez confirmée sans un ordre précis de l' Empereur qui avait le commandement suptême25
  Cette précaution avait sa valeur, on craignait de faire sentir au souverain la responsabilité qu'il assumait en laissant l'ennemi s'organiser sans trouble et sans inquiétude. D'autre part, on ne pouvait admettre que ce raisonnement, pouvant compromettre le succès de la campagne, ne soit pas modifié pour la cavalerie, qui devait et pouvait entraver la mobilisation allemande. On n'ose avouer le motif qui fut donner comme prétexte : on ne voulait pas compromettre la cavalerie française qui aurait forcément à combattre la cavalerie adverse; toujours la crainte de la diminution des effectifs. Ce motif vrai n'a pas trouvé de contradicteurs. 
 
2 août.
  Le général de Gramont me fit demander par son planton pour me présenter au prince Murat, en me recommandant à lui, bien que je ne fisse pas partie de sa brigade. Le prince me questionna sur mon séjour dans la garde; puis il se rappela parfaitement de moi, quand je lui parlai de nos promenades au Bois de Boulogne avec ses amis, les frères de Cools et le commandant Friant, qu'il voyait souvent. Il fut aimable, me promit de ne pas me perdre de vue; je saluai et je me retirai, très flatté de l' attention qu'avait eue à mon égard le général Gramont.
  Cependant notre inaction semble toucher à sa fin; nous le supposons en voyant passer au galop des officiers de l'état-major26
 

IV

 

PREMIÈRE RENCONTRE AVEC L'ENNEMI. 

COMBAT DE SARREBRÜCK

 
3 août.
  L'ordre arrive enfin dans la soirée, de quitter le bivouac de Pont-à-Mousson, après quatorze jours d'inaction. La division doit plier bagage demain, à 4 heures du matin, et se remettre en route.
  Nous apprenons que le contact a été pris avec l'armée allemande; que le général Frossard a remporté la veille une victoire. Bravo ! vive la France ! Nul doute de nos futurs succès; le premier coup de canon a été tiré.
  Cette victoire nous fut annoncé par les journaux de Metz qui se répandirent au bivouac, portant manchette :  Victoire du général Frossard. Quelle heureuse impression de cette nouvelle d'un premier combat et d'une première victoire ! On s'arrachait ces feuilles qui passaient de main en main. Mais on apprit bientôt que les reporters mal renseignés avaient exagéré ce fait d'armes, et que le prétendu " grand combat " n'avait été en somme qu'une escarmouche.
  Annoncé avec tant d'éclat, il n'avait d'importance que comme heureux début de nos armes. On fit beaucoup de bruit autour de cette rencontre, parce que l'Empereur et le prince impérial y étaient présents27. Peut-être aussi voulait-on mettre en relief intentionnellement le général Frossard, précepteur de l'héritier du trône. ["... L’opération est confiée au général Frossard qui commande le 2e corps et se déroule le 2 août. La 2e division du général Bataille se déploie face aux collines situées au sud de Sarrebruck. Un bataillon du 40e I.R. prussien resté pour surveiller la frontière se défend énergiquement avant d’évacuer la rive gauche de la Sarre. La division Bataille se contente d’occuper les collines et de bombarder la rive droite de la Sarre en présence de Napoléon III et de son fils Louis. Les Français perdent 86 hommes dont 10 tués, les Prussiens I28 hommes dont I9 tués., ... "; sur le Web]  
 
 
Carte postale de l’époque relatant la journée du 2 août I870.  Photo DR 
 
  D'autres ont prétendu que les journalistes avaient obéi à un mot d'ordre donné dans le but d'exalter le courage de nos troupes. Quoi qu'il en soit, l'exagération de ce premier succès ne servit qu'à exciter la jalousie de certains grands chefs. On citait entre autres le maréchal Bazaine qui aurait fait des gorges chaudes sur cette " grande victoire28 ". On savait dans l'état-major du maréchal qu'il ne perdait pas une occasion de manifester, sinon ouvertement, du moins par insinuations, la haine qu'il avait pour le commandant du 2e corps. On en aura bientôt la preuve à l'occasion de la journée du 6 août; car tout se sait, même ce qui se dit secrètement dans le haut commandement.
  On a également écrit que le prince impérial avait montré beaucoup de calme et de sang-froid au combat de Sarrebrück. C'est possible, mais nous nous permettons de croire qu'on avait pas commis l'imprudence de le placer au premier rang.
  En apprenant à l'impératrice que son fils avait reçu " le baptême du feu ", on a pu lui dire qu'il avait ramassé des projectiles sur le champ de bataille; cela n'a aucune importance et surtout rien d'extraordinaire. Après une action on trouve des projectiles partout sur le terrain du combat. Les seuls qu'on devrait se vanter d'avoir gardés, sont ceux qui vous ont frappé; mais ceux-ci ne peuvent pas toujours être recueillis. J'aime sincèrement le prince impérial, mais j'estime que cette exagération n'avait aucune utilité pour sa popularité. C'était de la flagornerie plutôt inconsidérée et nuisible; car on ne se gênait pas pour critiquer le plan impérial, en constatant le désarroi dans la mobilisation.
  Pour ce qui est des troupes, on peut affirmer hautement qu'elles n'avaient pas besoin d'encouragement.
  Nos soldats ne demandaient qu'à se mesurer avec l'ennemi.
  Il me reste à dire que le général Frossard, voyant l'ampleur exagérée que prenait ce fait d'armes, en passant des articles de journaux dans la bouche du public, crut devoir intervenir et envoyer de sa main aux journaux de Metz une rectification détaillée, contenant une exacte mise au point : " Nos pertes étaient très légères. Celles de l'ennemi : une centaine d'hommes hors de combat29. "  

4 août.
  Notre division quitta Pont-à-Mousson, les dragons de Murat en tête; le 7e cuirassiers les suit; puis notre artillerie et le I0e cuirassiers fermant la marche. La colonne des bagages est à l'arrière avec les chevaux de main, le trésor, la poste sous les ordres du lieutenant de gendarmerie, chef de notre prévôté.
  Pour nous rapprocher de la frontière, nous prenons la route de Faulquemont [située en Lorraine, dans le département de la Moselle, 57; dans l'arrondissement de Forbach, aujourd'hui : 5497 habitants; sur le Web] qui vient s’embrancher sur celle de Metz à la sortie de la ville. 
  Nous marchâmes au pas pendant une vingtaine de kilomètres, marche pénible en raison de la grande chaleur qui alourdit le cavalier. Notre général de division était en tête. On ne l'avait presque pas encore vu à cheval autrement qu'au pas. Nous espérions le voir galoper le long de la colonne, cela nous semblait tout indiqué; ne fallait-il pas qu'il surveillât les fractions sous ses ordres ? Mais il n'en fit rien, cela nous causa une mauvaise impression : décidément le général de Forton n'aimait pas les allures vives.
  On fit halte dans une belle prairie pour y passer la nuit, à proximité d'un village dont je ne me rappelle pas exactement le nom : Luppy, je crois. [commune située au sud de Metz, ~ 25 km]
  Le commandant Bouthier, ayant découvert une auberge, m'invita à dîner; le repas qui fut très gai eut lieu dehors, sous les grands arbres. L'auberge était bondée d'officiers. Au cours de notre dîner, l'aubergiste qui avait un fils lieutenant dans un régiment de l'armée de Mac-Mahon, se mêla à à la conversation sans y être autorisé. On ne pouvait plus arrêter ce brave homme dont la faconde excitait le rire. Le général Murat s'amusa à dialoguer avec lui, plaisantant en phrases fines qui amenaient des réparties si drôles que de toutes les tables partaient des éclats de rire; cette gaieté contagieuse gagna tout le monde et rendit l'hôtelier fier de son succès.
  Il faut bien parler un peu de ces bons moments qui nous firent oublier un instant notre marche pénible de la matinée et nous disposaient bien pour notre nuit au bivouac.
  Dans la soirée nous avons croisé le général de Forton, au moment où il décachetait une dépêche. Il lut sans sourciller ce télégramme qui contenait  de mauvaises nouvelles. Nous avons su que ce message alarmant annoncait la mort du général Douai, [ou Douay, Charles Abel, I809-I870] tué à Wissembourg, [il est mortellement blessé par un obus] et la défaite de la division : il relatait également que le frère du général de Gramont, colonel d'infanterie, avait été mortellement blessé. Ce dernier, ainsi que nous l'apprîmes plus tard, a guéri de sa blessure, après avoir subi l'amputation d'un bras.
 
 
 4 août I870. — Mort héroïque du général Douai à la bataille de Wissembourg. Lithographie; I87I; auteur inconnu. Musée Carnavalet, Histoire de Paris.

5 août.
  Après une bonne nuit au bivouac, nous nous dirigeâmes sur Faulquemont que nous atteignîmes sans incidents. À peine étions-nous installés en plein champ que nous fûmes surpris à la tombée du jour par un orage violent qui nous prodigua une pluie bienfaisante, mais jeta le trouble dans le bivouac : les piquets furent arrachés, les tentes abattues. Nous passâmes la nuit à piétiner dans un sol détrempé, couvert de gros grêlons.
  Cette pluie chaude malgré la grêle n'était pas redoutable dans cette saison pour la santé de nos troupiers. À la pointe du jour, on s'orienta; on s'aperçut que quelques chevaux échappés manquaient aux escadrons. Ces chevaux absents furent d'ailleurs ramenés bientôt par des paysans, on s'empressa de remettre tout en ordre.
  C'était une petite épreuve bien insignifiante mais qui nous donna cependant la mesure du bon esprit de nos cuirassiers; chacun se hâta gaiement de nettoyer ses effets : casques, cuirasses étaient rouillés comme de la vieille ferraille. Nul ne paraissait se ressentir de cette nuit passée péniblement sans sommeil, après la grande fatigue du jour. Le résultat de cet orage fut de légères indispositions chez quelques chevaux; leurs cavaliers durent se résigner à marcher à pied avec la colonne de bagages, jusqu'au rétablissement de leurs montures.
 
6 août.
  Les journaux sont plein de détails sur la défaite de la division Douai. Cet échec sérieux, loin d' abattre notre courage, ne provoque chez nous tous que le désir de venger les camarades.      
    

   À suivre...

I7. Bazaine ne devait rien risquer avant l'arrivée de l' Empereur. Voir BAZAINE, l' Armée du Rhin. — LEHAUTCOURT, II, 277-28I. Voir note II.

I8. C'était là le plan primitif : l' armée d' Alsace devant séparer l' Allemagne du Nord de celle du Sud pendant que l'armée de Lorraine l'appuierait.

I9. Le maréchal Lebœuf était partisan d'une offensive immédiate. Voir LEHAUTCOURT, II, 29I. Il voyait le danger de la situation et faisait son possible pour renforcer l'armée : il eût voulu amener de suite le 6e corps sur la frontière.

20. Le plan de campagne de l' Empereur, conçu d'après les idées émises en I868 par l' archiduc Albert, avait au moins ce désavantage, de faire abstraction de l'adversaire; il était parfaitement réalisable en supposant que la mobilisation allemande fût plus lente que la mobilisation française. Ce fut l'inverse. — De Moltke [Helmuth Karl Bernhard von Moltke, I800-I89I; général prussien] a toujours prétendu que tout était prévu et qu'une brusque agression française à laquelle on s'attendait n'aurait eut pour résultat de reporter au-delà du Rhin la concentration des armées allemandes qui, une fois réunies,  auraient pris l'offensive. À l'en croire, dès le 28 juillet les Français ne pouvaient plus attaquer avec chance de succès. Cette opinion reste très discutable. La concentration n'était pas achevée et la première armée demeurait vulnérable; une brusque attaque aurait pu réserver aux Allemands de désagréables surprises. Voir LEHAUCOURT, II, 349, 359. 


Helmuth Karl Bernhard von Moltke, I87I. BBC Hulton Picture Library

2I. Comparer lieutenant-colonel ROUSSET, I, I48, LEHAUTCOURT, II, 335.

22. Le manque d'initiative peut être considéré comme l'une des caractéristiques de l'armée impériale. Voir ce que dit à ce sujet LEHAUTCOURT, II, 68-69.

23. " Montrez votre cavalerie, écrivait le maréchal Lebœuf aux commandants des cinq premiers corps d'armée, il faut qu' elle s'éclaire au loin sur toute la ligne de la Sarre. Qu'elle ne craigne pas de s'avancer partout au-delà des frontières, en prenant les précautions de prudence nécessaires pour ne pas se compromettre. " De même le général de Ladmirault [Paul Louis, I808-I898, sénateur] recommande la prudence. Cité par LEHAUTCOURT, II, 290-29I.

24. D'après le colonel d' ANDLAU, Metz, campagnes et négociations, 37, l'état maladif de Napoléon III exerça sur la conduite des opérations la plus fâcheuse influence : " L' Empereur n'avait plus l'entrain ni l'activité, ni la santé nécessaires; la tâche dont il avait voulu se charger il ne pouvait la remplir; la responsabilité qu'il avait voulu assumer pour lui seul était au-dessus de ses forces. En présence du danger son indécision sembla augmenter encore. " Cette indécision paraît tenir à d'autres causes : aux mécomptes de la mobilisation et à la situation politique. Peut-être, dit LEHAUTCOURT, II, 35, le désir de Napoléon III de mener à bien les pourparlers avec le comte Vimercati au sujet d'une alliance avec l' Autriche et l' Italie contribue-t-il aux hésitations de l' Empereur. [ "...  propos de la lettre de Victor-Emmanuel à Napoléon III, M. Welschinger aborde la seconde partie de son article, sur les négociations de la France et de l'Italie. (...) La conclusion, c'est qu'en tout cas ni l'Autriche, ni l'Italie n'étaient prêtes à nous soutenir avant la seconde moitié de septembre, et que, probablement, si elles avaient eu des velléités de le faire, nos malheurs les en auraient dissuadées. Le mot de Victor Emmanuel est la morale de ce dernier chapitre de l'histoire : « Pauvre empereur ! mais f... ! je l'ai échappé belle ! » (...) Quoi qu'il en soit, M. Bourgeois estime que le refus de Napoléon III d'évacuer Rome et de placer les États pontificaux sous la garantie de la Convention de septembre est la cause de l'échec des pourparlers en I869. (...) Le jour de la déclaration de guerre, I5 juillet, il n'y avait encore aucun traité de conclu. Cependant, deux jours auparavant, M. de Vitzthum, ministre autrichien à Bruxelles, était arrivé à Paris pour reprendre la négociation de I869. Le I5 juillet, accompagné de Vimercati, attaché militaire italien à Paris, avant et après la déclaration de guerre, il eut des entretiens avec Napoléon III et Gramont. C'est dans ces entretiens qu'on décida la conclusion d'un traité d'alliance. (...) Pour détourner sur les États romains les ambitions italiennes. Vimercati, d'ailleurs, n'eut pas besoin des suggestions de Vienne pour constater que les ministres italiens et l'opinion publique réclamaient Rome. Dans les derniers jours de juillet, Napoléon est informé que Rome est le prix de la triple alliance. Il le sait par une lettre de Vimercati de Vienne. (...) Napoléon III avait pris son parti. Par trois télégrammes expédiés le lundi 25 juillet, il repoussait un accord dont la Convention de septembre eût fait les frais. M. Bourgeois cite les deux derniers : « Faites bien savoir, est-il dit dans l'un, que la Convention de septembre ne doit pas faire les frais de l'accord. Nous ne pouvons absolument pas y renoncer. L'Empereur est engagé et ne peut pas se dégager. La France ne peut pas défendre son honneur sur le Rhin et le sacrifier sur le Tibre » . Et dans l'autre : « Veuillez, sans perdre un instant, déclarer au comte de Beust que nous ne pouvons y consentir : à l'occupation de Rome. Un acte aussi déloyal de notre part, aussi indigne, soulèverait la France entière, et nous regarderions comme un mauvais procédé du cabinet de Vienne de nous créer cet embarras. Si le comte de Beust croit que nous faiblirons sous la pression des circonstances, il ne connaît ni notre caractère ni notre position, qui est loin d'être de nature à nous imposer cette nécessité. Il me paraît indispensable que vous fassiez, soit par le général de Bellegarde, soit par l'archiduc Albert, soit directement, connaître à l'empereur le sentiment de révolte et de répulsion que nous inspire la conduite du comte de Beusten cette circonstance »., ... "; sur le Web]  Il craint de tout compromettre par un échec. Les généraux montrent autant d'incertitude que le souverain : " À mesure qu'il approche du dénouement le commandement se rend mieux compte des difficultés qui l'accablent. La majorité des généraux croit à la nécessité de la défensive. Le soldat, lui, est impatient de marcher à l'ennemi. " Voir LEHAUTCOURT, II, 353.

25. Depuis le 20 juillet, Frossard insiste sur la nécessité d'enlever Sarrebrück. C'est probablement le 29, après un entretien entre l' Empereur et Frossard, que cette expédition est décidée dans l'esprit de Napoléon III. Voir LEHAUTCOURT, II, 324-325. — Une conférence de généraux a lieu à Forbach, le 3I juillet; elle se prononce pour une opération sur Sarrebrück en la limitant  " L'affaire insignifiante de Sarrebrück n'est qu'une satisfaction donnée à l'opinion publique, un trompe-l'œil destiné à faire illusion à l' Autriche et à l' Italie dont Napoléon III espère encore l'intervention en sa faveur. " Lieutenant-colonel PICARD, I870, La Guerre en Lorraine, Plon, I911, préface II. 

26. C'est en effet le jour de la démonstration sur Sarrebrück faite avec un grand déploiement de forces. 

27. Voir LEHAUTCOURT, II, 379, sur l'exagération du compte rendu du Journal officiel.

28. Le rôle de Bazaine à Sarrebrück a toujours paru inexplicable. Lui qui, d'après les ordres formels de l' Empereur, devait diriger l'action, n'a pas paru sur le théâtre des hostilités. Sur les commentaires que provoque sa conduite, voir général LEBRUN, Souvenirs militaires, I866-I870, 2I9-224. 

29. Nous eûmes à Sarrebrück, 86 hommes tués ou blessés, les Allemands 83, lieutenant-colonel ROUSSET. LEHAUTCOURT donne 85 hommes tués ou blessés, et, du côté allemand, 92 hommes plus 44 prisonniers.

 COMMANDANT FARINET, L'Agonie d'une Armée, Metz-I870, Journal de guerre d'un porte-étendard de l' Armée du Rhin, ancienne librairie Furne, Boivin & Cie, Éditeurs, I9I4, p. 23-35.

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