Précédemment
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Malgré moi j'éprouvai un mécontentement insurmontable de mon action; ma première victime attaquée par derrière ! en fuyant ! sans qu'elle se défendit ! J'en étais tout attristé; ma justification en présence de ma conscience fit taire mes scrupules, en songeant que je lui avais crié plusieurs fois de se rendre. Le commandant Rollin raconta cette affaire à mon colonel qui lui répondit : " C'est un ennemi de moins, on n'a pas toujours le choix. " Puis la lutte continua avec les cuirassiers et ce qui restait de uhlans qui se rallièrent sur eux.
En voyant ces cuirassiers s'avancer dans le plus grand désordre, nous ignorions s'il y avait d'autre cavalerie ennemie défilée derrière la crête. Cette affaire, dan ce cas, pouvait se compliquer et nous n'apercevions plus le reste de notre division; nous supposions que le général de Forton la tenait en réserve pour nous appuyer si notre charge était refouléecxxxii. Ce n'était qu'une supposition car nous connaissions nos chefs et nos soldats, nous aurions tous succombé plutôt que de fuir en nous repliant.
Les phases de combat furent variées, nous avions à lutter contre de rudes adversaires; si les uhlans firent demi-tour, les cuirassiers nous firent crânement face; ils étaient imposants et braves. L'action entraînait des groupes qui se ruaient les uns sur les autres, on se battait avec acharnement; le capitaine Dufournet abattit un officier en lui traversant la figure d'un coup de pointe qui lui creva l'œil. Soudain, quelle ne fut pas notre surprise en apercevant dans la mêlée un capitaine français en cuirasse monté sur un cheval de uhlan, très reconnaissable à sa schabraque [" ou plus rarement chabraque, allemand : Schabracque du turc : çaprak, est une sorte de couverture qui protégeait la selle, les fontes et le manteau des chevaux dans les unités de cavalerie. Elle fut en usage principalement en Europe et en Afrique du Nord aux XVIII siècle XIX siècle... "; sur le Web] et à la large marque au feu qu'ils portaient tous à la fesse gauche. Cet officier coiffé d'un képi de soldat qui lui entrait jusqu'aux oreilles. C'était Amos que l'on avait cru tué au commencement de l'action.
Figure 2I : schabraque de la cavalerie de réserve et figure 21 bis : schabraque de dragons, chasseurs et hussards. I : siège ; 2 : calotte ; 3 : pommeau ; 4 : entre-jambes ; 5 : genouillères ; 6 : devant ; 7 : derrière ; 8 : portière et pattelette ; 9 : surfaix avec contre-sanglon, passants fixes et boucle. Éléments abrégés d'un cours d'équitation militaire : Achille Dupont. Bibliothèque nationale de France
Les lieutenants Bille, Chemin et moi, suivis d'une petite troupe de cuirassiers nous nous portâmes au secours d'un groupe de nos soldats que nous estimions en danger. Chemin fut renversé sous son cheval et disparut sans que nous puissions savoir ce qu'il était devenu. À mon tour je fus cerné et mis dans une position critique. Je reçus sur la tête un coup violent qui repoussa mon casque en arrière de sorte que je haletais, étranglé par les jugulaires. Ensuite un violent coup de sabre m'atteignit à la main droite, me faisant une blessure légère entre le pouce et l'index. Sans la garde de mon sabre qui a été entaillée, j'aurais eu le poignet tranché. En même temps je pus apercevoir le commandant Bouthier qui était entouré d'ennemis sans que je puisse arriver à temps pour le dégager.
Ma bonne jument avait la fesse gauche entamée par deux coups de sabre, elle agitait la queue et me couvrait de sang; bien que ces blessures ne furent pas profondes ni dangereuses, cela me gênait beaucoup.
Nous profitâmes d'une éclaircie pour respirer un peu, en voyant tourbillonner de tous côtés des escouades aux prises; tous les hommes du régiment sont confondus; il n'y a plus ni pelotons organisés, ni escadrons; la solidarité n'en est pas moins grande entre soldats d'un même régiment. Nous étions à ce moment une trentaine de cavaliers réunis, tous couverts de sueur et de sang, quand nous vîmes arriver Chemin, ce bon camarade que nous aimions beaucoup.
Le colonel attiré par notre présence s'approcha de nous; quand il me vit dans cet état, il m'offrit de me retirer et de me faire accompagner; je le rassurai. Il ne s'était pas aperçu que c'était ma jument qui m'aspergeait de sang avec sa queue. J'avais fait envelopper ma main droite avec un mouchoir et une bande de pansement que j'avais dans mon bissac, ma blessure était sans gravité.
Me retirer, certes non ! Je voulais faire comme les camarades, me battre encore.
La lutte continuait toujours, nous nous trouvâmes de nouveau assaillis; je reçus un coup de lance porté avec une telle force que la pointe, après m'avoir brisé le petit doigt de la main gauche, traversa la partie inférieure de mon manteau roulé sur le pommeau de ma selle, pénétra au travers de mes vêtements et me fit une légère entaille à l’abdomen; le coup fut amorti par la flamme de la lance qui trouva un obstacle dans mon manteau; sans ce manteau providentiel j'étais un homme mort.
Ce malheureux uhlan, tandis qu'il cherchait à se dégager sa lance retenue par les crampons de la flamme, fut traversé d'un coup de pointe que lui porta le maréchal des logis Rinkel, du 7e : celui-ci est, après l'annexion, devenu commissaire allemand.
Peu de temps après, ma jument eut le bas des naseaux traversé par un coup de lance. D'où sortaient donc ces uhlans qui semblaient s'acharner sur moi ?
Dans une lutte au corps à corps il n'y a pas d'interruption tant qu'il reste un ennemi à combattre. Les cavaliers allemands étaient des braves qui ne voulaient pas se rendre, il fallait vaincre ou succomber. Les blessures de mon cheval étaient sans gravité pour lui, mais bien désagréables pour moi; sa queue et l'encensement de sa tête m'inondaient de sang, je me trouvais arrosé par ses deux extrémités.
Le combat touchait à sa fin; nous étions une dizaine de cavaliers. Apercevant des camarades qui luttaient, nous accourûmes pour les dégager; ce fut l'affaire d'un moment. Puis, sous la conduite du capitaine de Guibert nous poursuivîmes un groupe qui venait de tirer sur nos officiers supérieurs, je fus de nouveau entouré; dans un choc ma monture se cabra, je perdis un étrier, puis je fus tiré par un bras cramponné à ma tunique; à ce moment précis, je vis s'avancer sur moi sans que je puisse me défendre un cavalier de Magdebourg dans lequel je reconnus de suite un officier. La pointe de son sabre était peu éloignée de la tête de mon cheval, lorsque j'essuyai à ma gauche trois coups de revolver qui n'atteignirent que ma cuirasse sans me blesser. Ma situation me parut instinctivement désespérée. Je sentis mon cœur se glacer d'effroi, je pensais aux miens. Que de réflexions en dix secondes.
Entouré de toutes parts, serré de près, j'eus le sentiment que j'allais succomber, me trouvant isolé, pressé par l'ennemi. Heureusement quelques-uns des nôtres, voyant le danger que je courais, prirent les Prussiens à revers; mon heure, il faut croire, n'était pas encore sonné. Le cou du cheval de l'officier qui voulait me pourfendre fut traversé par une balle tirée à bout portant; cet animal se cabra, se raidit, et finit par s'abattre entraînant son cavalier sous lui. L'officier, se sentant dans une position critique, ne pouvant se dégager, consentit à nous remettre ses armes. On l'aida à se relever, son cheval en se débattant aurait pu l'atteindre. C'était un beau jeune homme : il nous remercia de notre générosité car il était à notre discrétion; il me dit en très bon français, sans le moindre accent : " Vous l'avez échappé belle, ce n'est pas de ma faute si les rôles sont changés. "
Pendant ce temps je ne perdais pas de vue un autre officier qui avait tiré sur moi. Après avoir bataillé à côté de nous, il parvint à se soustraire aux nôtres : " À mon tour ", me dis-je. Je cherchai à le joindre, quand tout à coup il fit une volte et s'enfuit : je le poursuivis, le serrant de près. J'aurais pu tuer le cheval, mais je savais que son cavalier n'avait pas eu le temps de recharger son arme et je voulais le faire prisonnier; c'eût été un beau couronnement de cette lutte, car ce devait être un officier d'état-major de grade élevé. Les glands de son écharpe d'argent voltigeaient à son côté.
J'étais à bout de force ainsi que mon cheval, je dus abandonner la poursuite, me trouvant trop isolé des miens : je tirai alors sur lui à une quinzaine de mètres un coup de pistolet d'arçon [arme à feu de poing à l'usage des cavaliers. Son nom vient du fait qu'il était rangé dans un support fixé à l'arçon de la selle et non sur le cavalier lui-même... "; sur le Web] et deux balles de revolver, sans espoir de le toucher. Cependant, je vis son bras gauche s'allonger en travers, puis à une cinquante de mètres il tomba de cheval comme une masse. Étaient-ce mes projectiles qui l'avaient touché ou quelque balle perdue ? Je l'ignorerai toujours, car je n'essayai pas d'aller jusqu'à lui; j'étais épuisé.
Pistolet d' arçon XVIIIème siècle ou antérieur. Photos © FCP CORIDON
Je n'en pouvais plus, mon cheval restait là, immobile; je mis pied à terre et ne voyant plus d'ennemis je m'assis sur le sol. Ma jument ne pouvait plus marcher, pauvre bête, elle qui m'avait sauvé la vie dans ce combat par sa souplesse et son agilité. Heureusement notre colonel, le ralliement sonné, avait vu ma poursuite; il envoya quelques cavaliers à mon secours : l'un d'eux nommé Wanbach, vieux soldat rengagé, alla jusqu'à l'officier que je lui montrai; il le trouva à terre, expirant, il prit seulement son écharpe qu'il rapporta à notre colonel. Il était expressément défendu de fouiller les morts isolément ou sans ordre; mais il aurait pu cependant prendre ses armes.
Mon colonel ne voulut pas accepter cette écharpe, disant qu'elle me revenait de droit, je la refusai, insistant de mon côté pour qu'il la prit : il n'en fit rien. Alors d'un commun accord nous décidâmes d'en faire hommage au colonel Nitot, malade à Metz, à l'hôtel du Commerce. Ce fut Wanbach lui-même qui la lui porta le lendemain de Saint-Privat, au nom des officiers du régiment; cette écharpe doit se trouver encore dans la famille Nitotcxxxiii.
Le ralliement se faisait entendre de tous côtés, j'étais brisé de fatigue, je me hissais avec peine, sur un cheval prussien. Mes blessures, quoique peu graves, avaient fait enfler mes mains et mon bras droit. J'avais perdu de vue mon soldat ordonnance qui s'était trouvé séparé de moi, j'étais inquiet pour mon brave Martin, depuis six ans à mon service. Les hommes de l'escadron, tout dispersés pendant l'action, se jetèrent dans les bras les uns des autres, lorsqu'ils se trouvèrent réunis.
Martin qui me cherchait arriva, me sauta au cou; il eut les larmes aux yeux en me voyant descendre de ce cheval prussien, il croyait que sa Biche qu'il soignait avec tant de soins avait succombé !
Je la lui montrai à quelques centaines de mètres, il la ramena avec précaution, après lui avoir frictionné les naseaux et lui avoir mis dans la bouche un peu d'eau de vie sur du pain. C'était un garçon de ressource, il avait pris ce " schnaps " dans le bidon d'un uhlan. Il revint doucement à travers toutes les difficultés; ma bête se remit assez vite de ses fatigues, avec des massages et des soins; quand à mon alezan prussien, il devint ma propriété.
Le ralliement s'est effectué lentement.
Nous comptions au régiment 504 cavaliers, officiers compris; 394 répondirent à l'appel. Peu étaient grièvement blessés; dans la soirée et le lendemain quelques hommes rejoignirent le régiment, nos pertes furent relativement peu élevées.
La brigade de Bredow était entièrement anéantie, suivant le rapport qu'on lira plus loin : Pas un seul cavalier prussien ne traversa les batteries au retour. Ceux qui cherchèrent à nous fuir, furent poursuivis et sabrés par les dragons de Murat, nos camarades du I0e cuirassiers, et d'autres cavaliers. Quelques-uns s'enfuirent vers les ambulances où on les tailla en pièces; d'autres ne sachant où aller et ne voulant pas se rendre furent fusillés par l'infanterie. Le champ de bataille était jonché de cadavres de chevaux et de cavaliers ennemis.
Ce fut un beau fait d'armes pour le régiment engagé à fond, tout entier, sans réserves et pour tous nos camarades de la division qui achevèrent la déroute. La gloire, qui rejaillit sur nous, était une atténuation aux fautes de la veille et à la surprise du matin tant reprochée par l'armée à notre général.
Pour nous la bataille était gagnéecxxxiv : le feu cessa vers 2 heures; on était ivre de joie de ce succès; on criait " Vive la France ! Vive l' Empereur ! " cela tenait du délire. On répétait de tous côtés que l'infanterie poursuivait les Prussiens à la baïonnette et les jetait dans la Moselle; il n'en était rien, ils restèrent sur place, attendant leurs renforts qui marchaient au canon, sans même que le maréchal songeât à les inquiéter.
Il aurait pu anéantir l'ennemi très affaiblicxxxv, s'il l'avait fait poursuivre par la cavalerie qu'il avait à sa disposition. Qu'attendait-il ? Certains de nos chefs, devant la passivité de Bazaine, ont été jusqu'à penser qu'une victoire de nos troupes aurait été à l'encontre des projets qu'il nourrissait. Cependant les renforts allemands arrivent grâce à l'inaction coupable du maréchal. C'est alors que l'on va regretter la faute commise de n'avoir pas fait sauter les ponts d' Ars et de Novéant ! Toute l'armée du prince Frédéric-Charles va les utiliser pour voler au secours des troupes qui combattent depuis le matin. À 3 heures la canonnade reprend du côté des Prussiens sur toute la ligne : c'est une deuxième bataille bien nette qui commencecxxxv.
De notre côté le général de Ladmirault et le maréchal Lebœuf, commandants les 3e et 4e corps qui ont combattu à Borny, ont marché pour se rapprocher et viennent d'entrer en ligne.
Notre division, restée au repos, a reçu l'ordre d'aller se placer pour faire liaison entre les corps Canrobert et Frossard, sur un emplacement assez rapproché du théâtre de notre action; elle était épuisée par le combat qu'elle venait de soutenir, elle servit à masquer une trouée.
La bataille faisait rage sur toute la ligne; les Prussiens engagèrent toutes leurs réserves, en se lançant dans les passages dangereux et rétrécis des gorges de Gorze et d' Ars-sur-Moselle. Il était 4 heures et demie quand leurs têtes de colonnes apparurent devant le défilé, pour tenter coûte que coûte de percer notre centre, de " couper l'armée en deux et d'en rejeter le plus important tronçon sous Metz " : tel a été toujours leur plancxxxvi.
Le village de Gorze aux pieds de la statue de Notre-Dame de Gorze, I868, appelée " gardienne de la ville ", sur le Mont Saint-Blin. Photo RL.
" À Ars-sur-Moselle, les vestiges, récemment restaurés, de l'ancien pont-aqueduc qui alimentait jadis en eau l'antique Divodurum Mediomatricorum, Metz, appartiennent à l'aqueduc dit de Gorze... ". Sur le Web.
Le général Bourbaki, ayant été avisé de ce projet on ne sait comment, fit sans perdre une minute établir une forte batterie en face de ces défilés. Quand les têtes de colonnes ennemies firent leur apparition, elles furent criblées par les mitrailleuses. Ce fut un moment terrible pour les Allemands, les régiments de queue poussaient ceux qui étaient en avant pour tenter cet effort suprême. Tout fut renversé, fauchécxxxvii !
Cet acharnement n'eut d'autre résultat que des pertes énormes pour l'ennemi; les soldats allemands montaient sur ceux qui tombaient; leurs officiers, revolver au poing, hurlaient des commandements, poussaient des cris désespérés pour galvaniser leurs hommes dont le courage faiblissait. Malgré des efforts vigoureux leur tentative échoua complètement.
Vers 5 heures du soir, près de Mars-la-Tour, eut lieu une brillante affaire de cavaleriecxxxviii. Ce fut un grand choc contre la cavalerie allemande. La poussière aveuglante, soulevée par le pas des chevaux très nombreux dans un espace relativement restreint, jeta une grande confusion au milieu des combattants; on ne pouvait se reconnaître : les lanciers de la garde, avec leurs habits bleus et leurs schapskas, furent pris pour des uhlans et traités pendant un instant comme ennemis par quelques cavaliers français.
C'est dans cette charge que le brave général Legrand [Frédéric, I8I0-I870; il mourut des suites d'une blessure causée par un coup de sabre à l’épigastre : creux de l'estomac, partie de l'abdomen entre l'ombilic et le sternum] trouva une mort glorieuse en combattant à la tête de sa division. Il était convaincu que notre cavalerie devait se lancer à la poursuite de l'ennemi après Spickeren-Forbach et Reischoffen, le 7 août; il aimait le colonel Friant, il se trouvait chez lui avec d'autres généraux, qui partageaient sa méfiance à l'égard du maréchal.
"... Sur le plateau de Ville-sur-Yron que borde à l'est le ravin de la ferme Greyère, ou Grizières, près de six mille cavaliers, aux uniformes chamarrés, s'affronteront avec fureur dans une lutte épique. Charges et contre charges se succèdent, chacun des adversaire tentant de déborder l'aile ennemie, et le combat se termine en une mêlée sanglante et indécise. Quelques instants encore, et la cavalerie allemande se replie en désordre au-delà de Mars-la-Tour et jusqu'à Puxieux pour s'y reformer, tandis que les escadrons français, tout aussi désunis et exténués, se regroupent au sud de Bruville, couverts par le 2e chasseurs d'Afrique : il est 6 h 30 du soir, c'est un match nul... ". Sur le Web.
Général LEGRAND Frédéric. Photo Disdéri, Paris.
Notre division, un peu remise, reçut l'ordre, vers 6 heures du soir, d'aller boucher un vide à proximité du terrain où nous avions chargé. Il y avait sur cet emplacement de nombreux cadavres de chevaux et d'hommes tombés sous nos coups. Nous avons eu la curiosité de déshabiller quelques-unes de nos victimes pour nous rendre compte de leur équipement. Tout était neuf, harnachement compris, les effets parfaitement ajustés.
Ce qui nous frappa le plus, c'est de trouver sur la poitrine des uhlans, entre la chemise et la tunique, une plaque de cuir fort, destinée au ressemelage et aux talons de bottes, mais en attendant elles servaient parfaitement de bouclier. Ces plaques étaient suspendues par un cordon au cou du soldat et marquées à son numéro de matricule; elles pouvaient aussi servir de plaques d'identité.
Chacun de nous avait ramassé des souvenirs : armes, pattes d'épaules, éperons à la chevalière, casques, etc. Nous avions remis ces objets aux cavaliers, sachant bien que nous ne serions plus appelés à combattre dans cette soirée. La voiture du petit état-major était sous ma direction. En allant à Metz le lendemain pour les provisions, j'avais chargé le conducteur de remettre mon trophée assez complet dans une maison amie. À la capitulation, dans la crainte d'être inquiétés par les Prussiens, mes amis allèrent tout jeter dans la Moselle. J'en fus très peiné ! Ce sont des souvenirs que l'on est fier de conserver dans une famille.
MARTIN DES PALLIÈRES, Charles, général de brigade : paire d'éperons à la chevalière lui ayant appartenu, I823-I876. Sur le Web.
Vers 8 heures trois quart du soir, le feu se ralentit; nos soldats tirèrent les derniers coups de fusil à 9 heures.
Tout est terminé, nous venons de remporter une grande victoirecxxxix; l'ennemi se retire, nous conservons nos positions, la route de Verdun est librecxl, nous pourrons demain suivre l' Empereur en continuant notre retraite : tel était le sentiment de toute l'armée.
On sut que les Allemands se retiraient sur tous les pointscxli. Enfin, nous étions victorieux, notre âme était en fête, on poussait mille cris de : " Vive l' Empereur ! Vive la France ! Vive l'armée ! " Nous ne songions plus guère à nos blessures. Nous étions électrisés ! Ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que nous nous sentions allégés; plus de fatigue ! bien que nous fussions éreintés, nous étions prêts à recommencer; seule la soif était intolérable.
Au milieu de cette allégresse de toute une armée qu'elle ne fut pas notre surprise, notre stupéfactioncxlii, quand on fit courir le bruit que le maréchal avait décidé de ne pas suivre l' Empereur et de se retirer sous Metz ! On ne s'y arrêta pas d'abord. Quels étaient les mauvais plaisants qui colportaient une telle énormité ? On n'abandonne pas des positions si fièrement disputées, si chèrement défendues pour faire le jeu des Prussiens et les aider dans leur plan, qui a toujours été de nous refouler dans ce camp retranché pour nous isoler des autres force françaises.
Pourquoi faire courir ces bruits alarmants ?
À suivre...
cxxxii. Un seul escadron du I0e cuirassiers prit part à la charge, trois restèrent en réserve.
cxxxiii. J'ai reçu une lettre de son fils, lieutenant-colonel en retraite, me confirmant que cette écharpe est en sa possession. Note de l'auteur. Dans une lettre que mon colonel m'envoya étant en captivité, il parle de cet épisode dans des termes trop élogieux pour moi. Cette lettre sera conservée précieusement dans ma famille, comme témoignage de l'affection qu'il m'a toujours portée. Note de l'auteur.
cxxxiv. Cette impression après la charge des cavaliers de von Bredow dut être particulière aux cavaliers victorieux. L'infanterie et l'artillerie qui en avaient souffert furent plutôt longues à se remettre de la secousse. Voir lieutenant-colonel PICARD, Germain BAPST.
cxxxv. C'est le Xe corps allemand qui entre en ligne au secours du IIIe. Voigts-Rhetz vient soutenir Alvensleben. Ce n'est guère que vers 4 h. 45 que le gros de ses troupes arrivent. Après la déroute de la brigade Bredow c'était le moment de reprendre l'attaque et de jeter hors de la route de Verdun les troupes épuisées du comte d' Alvensleben. Les têtes de colonnes du 3e corps étaient en vue et l'on annonçait l'armée du 4e corps venant de Doncourt. Le succès était certain. Alfred DUQUET, Les Grandes batailles de Metz, I48-I49.
cxxxvi. Les Allemands tenaient surtout à empêcher la retraite et à couper la route de Verdun.
cxxxvii. Les mitrailleuses n'ont pas joué un rôle aussi prépondérant.
cxxxviii. C'est la grande charge du plateau d' Yron. Les Allemands voulaient arrêter l'offensive de la droite française qui leur causait des inquiétudes et le général de Ladmirault écarter un péril qui menaçait son flanc, d'où rencontre de deux masses de cavalerie sans résultat bien décisif.
cxxxix. L'armée eut en général cette impression.
cxl. La route de Verdun n'était pas libre, les Allemands l'occupant toujours près de Mars-la-Tour.
cxli. Les troupes allemandes cessèrent leurs attaques mais ne battirent pas en retraite. Gravelotte était pour nous une victoire défensive.
cxlii. Ce n'est pas seulement de l'étonnement que l'on manifeste : on peut dire que cet ordre provoque partout une vive irritation. Note du colonel SAUSSIER citée par lieutenant-colonel PICARD, loc. cit., II, I53 " Dire la stupeur qui s'empara de tous en apprenant un pareil ordre est impossible ". Colonel d' ANDLAU, loc. cit., 78. " La surprise que j'avais éprouvé dans la chambre où le général en chef dictait ne fut pas moindre dans le reste de l'armée dès qu'elle reçut les ordres que les officiers d'état-major passèrent la nuit à expédier et à porter. " Colonel FIX, loc. cit., II, 43.
COMMANDANT FARINET, L'Agonie d'une Armée, Metz-I870, Journal de guerre d'un porte-étendard de l' Armée du Rhin, ancienne librairie Furne, Boivin & Cie, Éditeurs, I9I4, p. I50-I62.
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