CUSEY : PROJET D' USINE AGRIVOLTAÏQUE : AVIS DE LA MISSION RÉGIONALE D'AUTORITÉ ENVIRONNEMENTALE

« Touche-à-tout, bon à rien »
  Ce proverbe français n’a pas été choisi au hasard pour ouvrir ce billet. Il s’applique avec une certaine justesse à un écornifleur bien connu en Haute-Marne, particulièrement actif dans le secteur de l’éolien. Face aux difficultés croissantes pour faire accepter ses projets — jamais en phase avec le patrimoine et l’environnement local — le voilà qui opère une habile reconversion : le solaire et, plus particulièrement, l' agrivoltaïsme. Un domaine où les projets, plus discrets, mais toujours aussi rémunérateurs via entre autres, l'argent des contribuables, passent plus facilement sous les radars. Une stratégie qui a, un temps, semblé fonctionner… Mais les temps changent. Les défenseurs locaux du patrimoine, de l'environnement et de la qualité de vie veillent à présent !
 
Cusey
« Commune du canton de Prauthoy, à 61 kilomètres de Chaumont, sur la Vingeanne, au confluent du Badin. Le territoire, qui est traversé par les chemins de moyenne communication nos  28 et 40, à 1471 hectares d'étendues. On y trouve une sorte de puits naturel, dit le Trou-Jeanny, d'où il sort, après les pluies, un torrent qui grossit la Vingeanne. Population 448 habitants. »
E. Jolibois, La Haute-Marne, ancienne et moderne, p. 174. 
 
Population aujourd'hui :  286 habitants. 
 

 Mission régionale d' autorité environnementale, MRAe : avis 

 
Extraits 
« 1. La présentation du projet et de son environnement
  La Société Valeco, sollicite l’autorisation d’implanter une centrale solaire qu’elle qualifie d’« agrivoltaïque », sur un site de 56,94 ha (surface clôturée) à Cusey dans le département de la Haute-Marne (52). Les panneaux photovoltaïques occuperont par leur implantation verticale une surface d’environ 20,26 ha de terres agricoles sur les 56,94 ha disponibles. Cette centrale permettra la production de 57 GWh/an, ce qui représente, selon l’ Ae, l’équivalent de la consommation annuelle d’environ 10 755 foyers11. La durée minimale d’exploitation prévue est de 40 ans.
  Les terres agricoles ont principalement une vocation fourragère et céréalière depuis plusieurs années et sont actuellement mises en valeur par une exploitation de polyculture-élevage 
 
 p. 6.
 
Notes : la commune est déjà cernée d’usines éoliennes,voir carte ci-devant, notamment celle autorisée et en construction à Percey-le-Grand, en Haute-Saône, située à moins de 5 kilomètres à vol d’oiseau, de l’autre côté de la frontière. Cette usine comptera 10 éoliennes de 207 mètres de hauteur en bout de pale, ce qui en fait un record absolu à la fois pour la Bourgogne-Franche-Comté et pour le Grand Est.
 
 

 

 
 
 L’Autorité environnementale recommande8 principalement au pétitionnaire de :
  • au regard du décret récent publié9 et de l’arrêté10, justifier le qualificatif agrivoltaïque du projet ;
  • joindre au dossier l’avis de la CDPENAF et l’étude préalable agricole ;
  • justifier le choix d’aménagement du projet au regard de son bilan environnemental et établir, en lien avec les services de l’État et la Chambre départementale d’Agriculture, un retour d’expérience à l’issue d’une première période d’exploitation de 3 ans sur le bon fonctionnement d’une production agricole, avec évaluation des éventuels gains ou pertes de rendement et des impacts tenant compte des intrants utilisés, couplée à une production énergétique ;
  • mettre en œuvre, en lien avec le propriétaire des parcelles concernées, une obligation réelle environnementale qui constitue un dispositif foncier adapté de protection de l'environnement ;
  • compléter son dossier par une meilleure analyse et présentation des impacts positifs de son projet sur l’environnement ;
  • réaliser une analyse comparative des diverses solutions de fondations des structures supports des panneaux photovoltaïques en indiquant la profondeur de la nappe et en prenant en compte les risques de pollution pour cette nappe en cas d’incendie ;
  • préciser les modalités juridiques et financières garantissant la mise en œuvre du démantèlement de la centrale à l’issue de l’exploitation ;
  • proposer et mettre en place un dispositif de suivi des espèces protégées par un expert 1, 2, 3 et 10 ans après la mise en service de la centrale ;
  • mettre en place un système de surveillance et de suivi régulier de la qualité des eaux souterraines, en amont et à l’aval de la centrale, qui permettra de capitaliser la connaissance de l’impact des pieux sur l’eau de la nappe et transmettre ce suivi à l’Agence Régionale de Santé (ARS) et à l’Agence de l’Eau Seine-Normandie.
p. 4-5. 
 L’ Ae recommande au pétitionnaire d’ajouter une précision sur ce point.
  Concernant la protection contre les risques d’incendie en forêt qui s’accroissent avec le changement climatique, l’installation sera équipée de 4 citernes. L’ Ae relève la présence d’espaces boisés en limite nord-ouest de la ZIP, et de quelques espaces boisés à l’intérieur de la ZIP. Une bande pare feu de 5 m servant de zone tampon entre les lisières boisées et les installations photovoltaïques a été proposée par le pétitionnaire. Pour ce type d’installation, les SDIS préconisent une distance minimale entre 25 et 50 m.
  L’ Ae recommande au pétitionnaire de maintenir une distance minimale de 50 m pour la bande pare feu par rapport aux lisières boisées.
  Le projet est un partenariat entre l’exploitant agricole (propriétaire des terrains), et le pétitionnaire (Valeco).  L’exploitant met ses terrains à disposition du pétitionnaire. Le projet vise la production d’énergie d’origine solaire, l’implantation d’une prairie permanente sous les panneaux, la mise en place d’un pâturage ovin (300 ovins par pâturage tournant) et le développement d’un atelier apicole (100 ruches) au sein de l’exploitation. La pérennité de l’activité sera garantie par une convention cadre de co-activité agricole et photovoltaïque.  
  L’Autorité environnementale (Ae) a déjà rendu un premier avis sur ce projet le 3 mars 202313.
  L’ Ae regrette vivement que les principales recommandations qu’elle a formulées dans la synthèse conclusive de cet avis, ne soient pas prises en compte dans le présent dossier. 
p. 7. 

 
 Raccordement au réseau
  Selon le dossier, le raccordement au réseau électrique se fera sur le futur poste source de Cote d’Or Est distant de 19 km.
  L’ Ae rappelle que les travaux de raccordement font partie intégrante du projet (article L.122- 1 III du code de l’environnement17) et que, si ces derniers ont un impact notable sur l’environnement, ils devront faire l’objet d’un complément à l’étude d’impact évaluant les impacts et proposant des mesures d’évitement, de réduction et le cas échéant de compensation de ceux-ci. Ce complément éventuel devra être transmis à l’ Ae pour avis préalablement à la réalisation des travaux de raccordement (article L.122-1-1 III du code de l’environnement18) et doit intégrer dans l’étude d’impact le tracé du raccordement définitif, même si celui-ci devait être différent de celui prévu actuellement.
  Le dossier ne mentionne pas la cohérence de ce raccordement avec le Schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) de la région Bourgogne-Franche-Comté approuvé par la Préfète de région le 29 avril 2022.
  L’ Ae recommande au pétitionnaire de vérifier la compatibilité du raccordement envisagé avec le Schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3REnR) de la région Bourgogne-Franche-Comté.
 
Recherche des sites alternatifs
  S’agissant du choix du site, il n’y a pas d’évolution par rapport au dossier sur lequel s’est prononcé l’ Ae en 2023, le dossier indique que le pétitionnaire a engagé une démarche amont de prospection dans le but d’identifier des terrains sur d’autres sites adaptés à la construction de centrales photovoltaïques. À l’issue de cette prospection, le site retenu est apparu comme étant le plus favorable pour un projet photovoltaïque, les autres sites ont été rejetés en raison de leur taille jugée trop petite ou de leur caractère naturel.  
 
 
p. 9-10.   
2.2. Les milieux naturels
  Autour de la zone d’implantation potentielle du projet (ZIP), dans un rayon de 10 km on dénombre : 19 zones naturelles d’intérêt écologique faunistique et floristique (ZNIEFF) de type 1, 2 ZNIEFF de type 2, 3 sites Natura 200027 zone de conservation spéciale (ZCS), 1 site Natura 2000 zone de protection spéciale (ZPS), 1 arrêté préfectoral de protection de biotope (APPB), 1 corridor écologique.
  L’ Ae souligne favorablement que la ZIP n’est située dans aucun de ces espaces remarquables 
 
  Dans l’avis du 3 mars 2023, l’ Ae considère qu’au regard de l’important foncier consommé par le projet, et au-delà des avantages que présente le dossier sur la protection de la ressource en eau par les économies d’intrants (engrais, pesticides) notamment utilisés pour la céréaliculture intensive qui sera abandonnée, les engagements relatifs à la protection de l’environnement méritent d’être pérennisés en ce qui concerne la haie périphérique créée et l’ensemble des boisements, en y intégrant la parcelle boisée de 9,3 ha située au nord-ouest de la centrale.
  L’ Ae regrette vivement que cet aspect ne soit pas pris en compte dans le présent projet ainsi que la recommandation qu’elle a formulée sur ce point dans son avis de 2023.
  L’ Ae recommande au porteur de projet et au propriétaire de mettre en place une obligation réelle environnementale (ORE) qui constitue le meilleur dispositif foncier adapté à ce type de projet de protection de l'environnement. 
p. 12-13.
 Inventaire de la biodiversité faunistique et impacts du projet sur les espèces protégées
  Les espèces faunistiques protégées inventoriées par l’étude d’impact autour de la ZIP sont :
  • parmi les oiseaux : le Busard Saint-Martin, la Pie-grièche écorcheur, le Faucon crécelle, l’Alouette lulu, le Tarier pâtre, la Tourterelle des bois ;parmi les chauves-souris : la Barbastelle d’Europe, le Grand Murin, le Murin à oreilles échancrées, le Murin de Bechstein, la Noctule commune, la Noctule de Leisler, la Pipistrelle commune, la Sérotine commune ;
  • parmi les mammifères (autre que les chauves-souris) : le Lapin de Garenne ;
  • parmi les reptiles et amphibiens : le Crapaud commun.
  Selon le dossier, après la mise en œuvre des mesures d’évitement, de réduction, et d’accompagnement, la réalisation du projet n’aura pas d’impact résiduel significatif persistant sur les espèces inventoriées dans cette étude. Il ne serait donc pas nécessaire de mettre en place une dérogation « espèces protégées ».
  L’ Ae prend acte des mesures proposées par le pétitionnaire, et rejoint le pétitionnaire dans sa conclusion sous réserve que les mesures prévues soient mises en œuvre.
  L’ Ae recommande au pétitionnaire de :
  • proposer et mettre en place un dispositif de suivi des espèces protégées par un expert 1, 2, 3 et 10 ans après la mise en service de la centrale ;
  • recourir, en lien avec le propriétaire des terrains, au dispositif de l’obligation réelle environnementale (ORE)29 pour la mise en place des haies et plantations. 
p. 14.
2.3. La ressource en eau
Impacts du projet sur les eaux souterraines
  La masse d’eau souterraine concernée par la zone d’implantation potentielle (ZIP) du projet est celle dite des Calcaires jurassiques des plateaux de Haute-Saône. Selon le dossier, l’écoulement de cet aquifère y est majoritairement karstique et la masse d’eau est majoritairement alimentée par les précipitations sur les calcaires. La ZIP est située en dehors de tout périmètre de protection de captage d’eau destinée à la consommation humaine.
  L’ Ae relève que le dossier ne précise pas la profondeur de la nappe au droit du projet.
  L’ Ae s’interroge dans ce contexte sur l’opportunité de l’usage de fondations sur pieux qui pourraient poser difficulté notamment en cas d’incendie de la centrale du fait de la percolation des eaux d’extinction d’un incendie dans le sol le long des nombreux pieux projetés. La nappe d’eau souterraine pourrait être également polluée par dissolution par les eaux de pluie, du zinc composant les tables galvanisées supportant les panneaux ou par contamination à la suite d’un incendie.
  L’ Ae recommande au pétitionnaire de :
  • réaliser une analyse comparative des diverses solutions de fondations des structures supports des panneaux photovoltaïques en indiquant la profondeur de la nappe et en prenant en compte les risques de pollution pour cette nappe en cas d’incendie 
  • expliciter ses choix techniques pour l’ancrage (profondeur des pieux, matériaux utilisés et résistance à la corrosion…) ;
  • mettre en place un système de surveillance et de suivi régulier de la qualité des eaux souterraines, en amont et à l’aval de la centrale, qui permettra de capitaliser la connaissance de l’impact des pieux sur l’eau de la nappe et transmettre ce suivi à l’Agence Régionale de Santé (ARS) et à l’Agence de l’Eau Seine-Normandie. 
p. 15-16. 
 
  Pour prendre connaissance du dossier dans son ensemble, cliquer sur le lien :  https://www.mrae.developpement-durable.gouv.fr/avis-rendus-sur-projets-de-la-mrae-grand-est-en-a1412.html#H_JUILLET
 
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