Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, épisode XV

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La société populaire de la section de l' Arsenal était peu nombreuse. On n'a parlé que des friponneries des bouchers et des marchands de bois : l'esprit public bon.
  J'ai parlé hier310, dans mon numéro, d'une blanchisseuse, vraiment patriote, laquelle a été vice-présidente et secrétaire de la société des femmes de Saint-Eustache. Aujourd'hui je l'ai encore vue dans une maison rue des Vieux-Augustins. Cette femme sait tout, connaît tout. Comme on parlait des comités révolutionnaires, elle a passé en revue les membres du comité de la section du Contrat-Social. Elle a dit que Poté311, cordonnier, rue Tiquetonne, et membre du comité révolutionnaire de la section du Contrat-Social, était un homme diablement intéressé ; qu'avant qu'il ne fût nommé à ce comité, il était bien maigre, mais que depuis quelques mois il avait un ventre qui pesait au moins cinquante livres. Si on épluchait de bien près ce monsieur, disait-elle, on verrait bien des choses.
  Rue Neuve-Saint-Marc312, chez un marchand de vin qui est grand gueulard, on s'entretenait de différentes personnes. J'ai fait tomber la conversation sur les hommes en place de la section, qui est la section Le Peletier. On a dit que Pottier313, de Lille, imprimeur, et membre du comité révolutionnaire, était un homme qui se jetait toujours du côté où le vent tournait, que les financiers étaient contents qu'il fût à ce comité, et qu'enfin Madame Pottier, petite maîtresse, fille du boulanger de Louis Capet [Louis XVI], était aristocrate, et que Pottier approchait de trop près sa chère amie pour qu'il fût véritablement révolutionnaire.

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" Histoire derrière la toile » assurément, celle qui se déroule autour des grands procès de l’an II, ceux d’ Hébert, de Danton et celui des Chemises rouges : procès escamotés auxquels l’auteur apporte ici un éclairage nouveau. Y eut-il indépendamment de l’existence bien réelle des menées contre-révolutionnaires, un « complot de l’étranger » ? Le baron [Jean-Pierre, baron de Batz, 1754-1822] fut-il le chef d’orchestre clandestin d’une immense conjuration visant à délivrer la reine, à préparer la contre-révolution en utilisant les excès des ultra-révolutionnaires ? Les comités ont fait de l’insaisissable baron l’inspirateur diabolique des menées de l’étranger, l’incarnation même de la contre-révolution. Les accusations aussi vagues qu’inquiétantes étaient de nature à permettre tous les amalgames. Sans se prononcer sur le fond, l’auteur tente de démonter avec ingéniosité le mécanisme de cette machination infernale. ". Source

  Vers les dix heures et demie du soir, trois hommes qui étaient habillés en carmagnole, causaient à l'entrée du café des Arts, vis-à-vis la rue Saint-Ange314, où on joue la Comédie. Comme j'étais à regarder par une fenêtre pour voir s'il y avait beaucoup de monde à ce café, voici ce que j'ai pu recueillir de la conversation de ces trois individus : " Foutre! que je suis donc fâché que l'arrêté de la société populaire du Temple n'ait pas été placardé! C'est bien toi, disait toujours un des trois, qui est (sic) cause de cela ; on ne retrouvera pas une si belle occasion. " L'homme qui parlait de cette sorte à ces deux camarades, m'a paru être dans le vin, car il trépignait des pieds comme un homme en colère. J'ai cru que ces propos pourraient servir à découvrir quelque machination.
  J'ai porté mes regards le matin du côté du faubourg du Temple, et je n'ai rien vu d'extraordinaire, à l'exception de quelques batteries dont je crois inutile de parler.

Rapport de Beraud, W 191
  La mort du général Moulin315 était à l'ordre du jour dans plusieurs endroits, et on voulait faire croire qu'il s'était tué non pas parce qu'il se voyait sur le point d'être pris, mais parce qu'il craignait, n'ayant pas réussi, d'être arrêté, et de subir le même sort des généraux qui ont passé aux Tribunal révolutionnaire. " Ce Tribunal, disait un citoyen, peut fort bien être composé de gens de mérite, mais pas assez instruits pour raisonner de l'art militaire. Ainsi donc, lorsqu'un officier quelconque a manqué à son devoir, on devrait le faire juger par une cour martial. Lorsqu'un général a commis une faute, on devrait distinguer si c'est par trahison ou par ignorance. Dans le premier cas, rien n'est plus juste qu'il subisse la peine de mort. Dans le second, on doit lui imposer une peine moins dure - Si l'on ne fait pas cette différence, a répliqué un autre citoyen, qui est-ce qui voudra être général? L'homme à même de l'être se tiendra toujours dans l'ombre, et nos troupes seront toujours mal dirigées ; ainsi, pour remédier à un pareil inconvénient, il faut laisser à chaque armée la liberté de se choisir son chef, car le ministre de la Guerre ou le Comité de salut public peuvent fort bien être trompés, la protection pouvant agir auprès d'eux pour telle ou telle nomination. "
  Les groupes, depuis quelques jours, ne sont pas si fréquents.
  Plusieurs citoyens de diverses sections, loin de s'apitoyer sur celle du Temple, désirent que le Comité de sûreté générale fasse un exemple sévère sur les auteurs de l'adresse à la Commune316. " Elle nous a trompés, disait l'un, sur la moralité de Talbot317, et lorsqu'elle nous enverra des députations, nous ruminerons plus d'une fois ce que nous aurons à lui répondre, de crainte que notre religion ne soit surprise. "

Rapport de Charmont, W 191
  On commence à revenir sur les faux bruits que les malveillants avaient eu soin de semer relativement à la résurrection des brigands de la Vendée. Le rapport qui a été fait à la Convention hier318 a totalement rassuré tous les citoyens. La sensation est telle que l'on est bien décidé à ne plus croire aucune nouvelle non officielle : du moins c'est ce que disaient des citoyens, au café de la Commune, place de Grève. Il faudrait, disait un autre, arrêter tous les prôneurs de fausses nouvelles, attendus qu'ils font plus de mal que nos ennemis extérieurs. Ce fut le vœu général.
  La dénonciation faite à la Commune contre la société des deux sexes à fait sensation dans ladite société319, car partout on rencontre des femmes à qui on fait reproche d'être de la société. Elles répondent sur-le-champ qu'elles n'en sont point, de peur que l'on ne se moque d'elles.
  Errimante Lambin320, dans son affiche d'hier tonne avec force contre les avocats, les procureurs, les conseillers, les prêtres, les nobles, qui ont singé et qui singent encore le patriotisme ; il les attaque à l'instant où ils disent que la Révolution leur a ôté leurs états ; il leur représente les sans-culottes n'ayant rien, soutenant tout, et ne pensant point à l'avenir, parce que la Providence n'abandonne pas les siens. Après leur avoir reproché leur non-patriotisme, il leur dit d'aller retourner la terre, afin qu'ils sachent ce que valent les sueurs d'un sans-culotte. Ensuite, il attaque la majeur partie des sociétés populaires, qui, pour faire aller la chose publique, si on n'y faisait pas attention, elles la mettraient dans l'embarras. Tous les passants paraissent lire cette affiche avec plaisir ; on lui demande qu'il en fasse trois ou quatre par décade. Aussi, le comité révolutionnaire de la section Charlier, voulant récompenser son civisme, et ayant su qu'il y avait une place vacante dans les bureaux du Département, a été l'installer de son autorité même, malgré que cela n'est pas plu au Département.
  Les habitués du Bulletin de la Convention que l'on affiche sont fâchés de ne plus y321 voir l'Observateur Sans-Culotte322 : on en est fâché à cause de ses bonnes réflexions, qui contribuaient beaucoup à l'instruction du peuple qui n'avait [le moyen] d'acheter les journaux.
   On répandait dans le public avec affection qu'à Rome le peuple se livre à des murmures, que le pape [Pie VI, Giannangelo, comte Braschi, 1717-1799 ; pape de 1775 jusqu'à sa mort ; 250e pape de l'Église catholique ; il s'oppose au projet de constitution civile du clergé, 1790, qu'il dénonce et condamne, tardivement?, dans son " Bref Quod Aliquantum ", 1791] craint beaucoup que cela ne vienne à du sérieux ; qu'il fait son possible pour calmer l'effervescence qui se propage de plus en plus. La plupart désirent que cette nouvelle soit vrai ; on le désire au moins, car le pape n'est plus en odeur de sainteté à Paris.

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Pie VI, 1717 - 1799. 250ème pape de l'Eglise catholique romaine. Bibliothèque nationale de France

  L'affiche au nom du Comité de salut public pour le concours323 du salpêtre qui va s'ouvrir aura bien des partisans, car partout on entend dire : je suivrai le cours afin que je puisse exploiter moi-même le salpêtre. Partout les citoyens se disposent à concourir de tous leurs moyens pour le salut de la chose publique.
  Les bouchers avaient un monde prodigieux aujourd'hui dans leurs boutiques ; en moins de deux heures, ils ont vendu toutes leurs marchandises, et cependant on a arrêté un particulier, et un boucher, place Saint-Michel, qui lui avait vendu 30 livres de viande et ce particulier demeure au Palais-Egalité ; on est après les recherches pour savoir ce qu'il est.
  Les boulangers ne veulent point du tout se conformer à l'arrêté324 concernant la marque du pain ; les menaces, et puis rien, c'est la même chose. Journellement, on arrête du pain aux barrières. Encore aujourd'hui, on en a pris plus de 50 livres, que l'on distribuera aux pauvres demain. Si le pain était marqué, on saurait au moins chez quel boulanger il a été acheté.
  Partout on demande qu'il soit sévi contre le juge qui a été se permettre d'instruire une procédure contre un député325 mis en arrestation, sur lequel la Convention n'a rien prononcé. Dans le café Manoury, on en était indigné ; à moins qu'il n'y ait été autorisé par un Comité de la Convention, ce juge mérite d'être destitué ; c'est la moindre punition qu'on exige qu'il ait. Tous les citoyens étaient de cet avis.

Rapport de Dugas, W 191
  C'est dans les spectacles surtout que l'on s'aperçoit que beaucoup de citoyennes célèbrent encore l'ancien dimanche. Aujourd'hui ils étaient remplis, et l'on voyait plus de femmes que d'hommes ; leur toilette annonçait d'ailleurs qu'elles étaient en cérémonie.
  Il paraît un Précis sur l'affaire Chaudot326 où l'on combat victorieusement les deux chefs d'accusation qui ont déterminé son jugement. Tous les bons patriotes s'intéressent à lui, et ils apprendront avec la plus douce satisfaction que la Convention lui a rendu la vie et la liberté.
  On dit que les deux Le Couteulx, Laurent et La Noraye327, étaient dans ce moment au Tribunal révolutionnaire, et qu'ils le méritaient bien. Sur dix banquiers, ajoutait-on, il y en a neuf qui se sont rendus coupables de faire passer de l'argent aux émigrés.

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Portrait de Jean-Jacques-Vincent Le Couteulx de La Noraye et de ses deux fils, Barthélémy-Jean-Louis et Laurent-Vincent. Ecole française vers 1760.

  On a arrêté ce matin, dans les bureaux des Messageries nationales [services postaux et transport de personnes], deux sommes en numéraire, l'une de 25.000 livres avec celui à qui elle appartenait, et l'autre de 7.000 livres, sans son propriétaire. Ces deux sommes allaient à Lille, où il se fait un trafic d'argent criminel.

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Sceau en laiton et bois, administration des Messageries nationales. Musée Carnavalet

  Dans la séance des Jacobins328, Châles, représentant du peuple, s'est justifié des calomnies dont il a été abreuvé pendant toute sa mission aux frontières du Nord. Sa blessure l'ayant empêché de monter à la tribune, il a parlé assis. On l'a entendu avec intérêt, et les cris : Vive la République! se sont fait mille fois entendre au récit qu'il a fait de la discipline, de la beauté, du courage et de la tenue de l' armée du Nord.
  Collot d' Herbois [Jean-Marie Collot, dit, 1749-1796 ; député montagnard de Paris à la Convention nationale et membre actif du Comité de salut public, aussi pendant la période de la Terreur : "... Partisan de la Terreur, il entra au Comité de salut public le 6 septembre 1793. [...] il fut un des artisans du décret d'arrestation contre Maximilien de Robespierre [...] mis en accusation avec d'autres membres du Comité de salut public et du Comité de sûreté générale, sur dénonciation, il est arrêté et condamné à la déportation en Guyane. [...] mourut de la fièvre jaune à l'hôpital de Cayenne le 20 prairial an IV : 8 juin 1796 ; source] a fait valoir à son tour les services que la Patrie a le droit d'attendre encore de cette belle armée. Sa fidélité inébranlable, malgré les traîtres qui l'on travaillée, comme Dumouriez, Custine, Houchard [Jean Nicolas, 1738-1793 ; "... Houchard remplace ensuite le général Custine qui vient d'être destitué et guillotiné et son successeur le général Jennings de Kilmaine, commandant provisoire du 4 juillet au 4 août. Le 11 août 1793, il prend ainsi le commandement suprême de l'armée du Nord. [...] Accusé de ne pas avoir tiré parti de la victoire de Hondschoote, il est destitué et arrêté à Lille le 24 septembre 1793 [...] fut guillotiné le 25 novembre 1793 : 26 brumaire an II ; source] et tant d'autres, doit nous donner l'assurance que rien ne pourra résister à son républicanisme.

 

Déportation de Collot, Billaud-Varenne et Barère au lendemain de la journée insurrectionnelle du 12 germinal an III : 1er avril 1795. Gravure de Pierre-Gabriel Berthault d'après un dessin d'Abraham Girardet, Tableaux historiques de la Révolution française, Paris, BnF, département des estampes, 1802.

   Les tribunes ont demandé des nouvelles de leurs amis Couthon et Robespierre329, et quelques membres ont dit que ce dernier avait passé une assez mauvaise nuit, mais qu'il allait bien dans le moment. À l'égard de Couthon, on a assuré qu'on devait être sans alarmes sur sa santé.
  Chez quelques bouchers de la rue Saint-Honoré, on a pu avoir de la viande qu'à son tour ; il y avait des rassemblements devant leurs boutiques comme on en a vu, cet hiver, devant celles des boulangeries.
  Beaucoup de citoyens n'ayant pu se procurer ni viande, ni poisson, quelques-uns ont payé le litron de lentilles à raison de 22 sous.
  On attend avec impatience le rapport d' Amar sur l'affaire de Chabot et autres330 ; on disait à ce sujet que l'on verrait tomber bien des têtes à la suite de leur jugement.

Rapport d' Hanriot, W 191
  On s'aperçoit avec plaisir que le temps prédit par un écrivain philosophe331 qui, par ses écrits, à préparé l'heureuse révolution qui s'opère actuellement pour le bonheur du peuple, que le temps où devaient s'effacer de l'esprit des sans-culottes ces préjugés religieux qui formaient le premier anneau de leur chaîne avilissante, est enfin arrivé. La raison, la loi naturelle que les rois, les prêtres et les grands avaient eu tant d'intérêt à obscurcir, en réfléchissant son éclat de toutes parts, éclaire la partie ignorante du peuple.
  Un citoyen disait à un sans-culotte : " Crois-tu qu'il ait été prudent de détruire le culte dans vingt-quatre heures comme on l'a fait? N'eût-il pas été plus politique de le laisser tomber de lui-même? - Tais-toi, f. bête, lui répondit le sans-culotte ; il n' est jamais trop malin lorsqu'il s'agit de détruire l'erreur. " Cette réponse républicaine a été vivement applaudie.
  On se plaint universellement de la manière anti-civique avec laquelle s'exécute la loi332 sur les secours ordonnés aux pensionnaires de la ci-devant Liste civile ["... Cette dernière surgit dans l’espace politique et constitutionnel à l’initiative de la Constituante au lendemain des journées d’octobre, tournant de la Révolution. Plus précisément, le 7 octobre est son jour de naissance [...] Car la liste civile est un salaire. En France, à compter de 1789, elle se définit comme la somme que la Nation décide d’allouer annuellement – ou parfois pour la durée de son règne – au chef de l’État pour subvenir à ses besoins et aux charges de sa fonction. Généralement, cet octroi pécuniaire se double de la jouissance de palais, maisons, terres, mobiliers et objets précieux. Aussi consiste-t-elle, lato-sensu, en la somme votée par le pouvoir législatif pour la dépense annuelle du souverain et de sa Maison, à laquelle s’ajoutent les biens formant le domaine de la Couronne dont l’État lui abandonne la jouissance 7. [...] Pourtant, on ne laisse pas d’être surpris par les circonstances de sa naissance. Cette dernière n’est pas l’aboutissement d’un processus intellectuel ou théorique, mais semble procéder d’une improvisation de l’Assemblée. Instaurée de façon incidente, pour ne pas dire par surprise, la Liste civile relève de l’impromptu... " ; source]. La préférence accordée aux riches qui reçoivent des sommes considérables, tandis que les indigents qui éprouvent les besoins les plus pressants sont rebutés, est une oppression manifeste dont on désire la cessation.
  Les bons patriotes voient avec plaisir les mesures prises contre les affameurs publics. On s'attend que sous peu de jours l’horrible complot tramé par les contre-révolutionnaires pour amener la famine dans Paris, sera déjoué, ses infâmes auteurs punis, et le peuple vengé. Les autorités constituées ne négligent rien pour arrêter le mal dès sa naissance ; elles font des visites chez les bouchers, chez les charcutiers et autres marchands ; plusieurs ont été arrêtés, cependant quelques-uns vendent encore leur viande à un prix exorbitant.
  Il est des scélérats soudoyés par les ennemis de la République qui parcourent les campagnes et enlèvent, dans les villages et les fermes, le beurre, les œufs et toutes les denrées ; ils les achètent au poids de l'or pour empêcher les braves sans-culottes d'en approcher ; et les gens de campagne, qui n'ont d'autre dieu que leur intérêt, prêtent les mains à cet infâme tripotage. Voilà la source de la disette qui règne à Paris.
  J'ai entendu dire à un boucher qu'à la vérité plusieurs de ses confrères avaient violé la loi ; mais il disait aussi que les bouchers étaient les victimes des marchands de bestiaux qu'un décret333 rendait trop maîtres de leurs marchandises ; qu'il était important de mettre des commissaires dans les marchés pour recevoir les plaintes des bouchers contre celui qui marchandera un ou plusieurs boeufs, car il est prouvé que ce sont les regrattiers [sous l'Ancien Régime, marchand qui vendait au détail légumes, fruits, épices et surtout le sel des greniers royaux. Larousse] qui mettent l'enchère, vu qu'ils ne sont sujets ni à la place, ni au public, et qu'ils font la loi aux bouchers.
  Il demande aussi des commissaires pour surveiller les marchands de vin qui, bien sûrs de vendre leur viande cuite le prix qu'ils voudront, s’embarrassent fort peu de mettre quinze ou vingt francs en dessus du maximum ; et ces marchands de vin en achètent 20, 30 et souvent 40 livres. En contraignant, ajouta-t-il, ces marchands à se fournir chez les bouchers, il y aura moins de consommation, et la loi du maximum sera entièrement exécutée.

Rapport de Jarousseau, W 191

  À suivre...

   Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, , La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 140-150.


310. Cf. ci-dessus, p. 116.
311. Potet, Louis-Mathurin. Il est représenté, par plusieurs dénonciations contenues dans son dossier, comme ayant eu de grandes liaisons avec Hébert et comme ayant beaucoup profité, matériellement, de la Révolution. Il est successivement : le 12 floréal an II [1 mai 1794], suspendu de ses fonctions de membre du comité révolutionnaire de la section du Contrat-Social ; le 3 prairial [22 mai], objet d'un mandat d'arrêt décerné contre lui par l'accusateur public près le Tribunal révolutionnaire ; le 5 messidor [23 juin], acquitté par le Tribunal ; le 25 pluviôse an III [13 février 1795], perquisitionné par ordre de l'accusateur public près le tribunal criminel du département de Paris ; le 21 thermidor [8 août], condamné à huit mois de prison, deux années de gêne [ancienne peine du droit français, conservée dans le Code pénal du 25 septembre – 6 octobre 1791 ; articles 14/15/16/17 : " tout condamné à la peine de la gêne sera enfermé seul dans un lieu éclairé, sans fers ni liens ; il ne pourra avoir pendant la durée de sa peine, aucune communication avec les autres condamnés ou avec des personnes du dehors ; Il ne sera fourni au condamné à ladite peine, que du pain et de l'eau, aux dépens de la maison : le surplus sur le produit de son travail. ; dans le lieu où il sera détenu, il lui sera procuré du travail à son choix, dans le nombre des travaux qui seront autorisés par les administrateurs de ladite maison ; Le produit de son travail sera employé ainsi qu'il suit :
  - Un tiers sera appliqué à la dépense commune de la maison ;
  - Sur une partie des deux autres tiers, il sera permis au condamné de se procurer une meilleure nourriture ;
  - Le surplus sera réservé pour lui être remis au moment de sa sortie, après que le temps de sa peine sera expiré " ; faute de locaux appropriés, la peine de la gêne ne fut que difficilement appliquée], et quatre heures d'exposition pour usurpations de pouvoirs [Code pénal du 25 septembre – 6 octobre 1791, article 28 : " Quiconque aura été condamné à l'une des peines des fers, de la réclusion dans la maison de force, de la gêne, de la détention, avant de subir sa peine, sera préalablement conduit sur la place publique de la ville où le jury d'accusation aura été convoqué. Il y sera attaché à un poteau placé sur un échafaud, et il y demeurera exposé aux regards du peuple, pendant six heures, s'il est condamné aux peines des fers ou de la réclusion dans la maison de force ; pendant quatre heures, s'il est condamné à la peine de la gêne ; pendant deux heures, s'il est condamné à la détention. Au-dessus de sa tête, sur un écriteau, seront inscrits en gros caractères ses noms, sa profession, son domicile, la cause de sa condamnation, et le jugement rendu contre lui.
"] : Arch. nat., F7 477480, W 374, doss. 914.
312. Actuellement, une partie de la rue Saint-Marc [2ème arrondissement de Paris]
313. Pothier, Louis, de Lille, 44 ans en l'an II, imprimeur rue Favart, archiviste et caissier du comité de surveillance de la section Le Peletier. Mis en arrestation le 13 floréal an II [2 mai 1794], il fut impliqué dans l'affaire de la conspiration de Batz, et condamné à mort le 29 prairial [17 juin] suivant. Sa femme, qui avait été emprisonnée la veille, fut détenue au Luxembourg, et recouvra sa liberté le 20 thermidor [7 août] : Arch. nat., F7 477480, W 389, doss. 904.

 

Plaque au 52 rue Beauregard, 2ème arrondissement de Paris, commémorant la tentative d’évasion de Louis XVI.

314. D'après le Nouveau plan routier de... Paris de 1793, elle était située dans le faubourg du Temple, et allait de la rue des Marais-Saint-Martin aux rues Gilbert et Gancourt.
315. Cf. ci-dessus, p. 87, note 1.
316. Cf. t. III, p. 389, note 2.
317. Cf. t. III, p. 359, note 1.
318. Cf. ci-dessus, p. 122, note 3.
319. Charmont veut sans doute parler de la section de la Maison-Commune [n°32 ; " section de l’Hôtel de Ville " jusqu'en août 1792 ; puis " section de la Maison-Commune "; mais, après le 9 thermidor, pour effacer toute allusion à l'insurrection de l’Hôtel de Ville, elle devin la " section de la Fidélité " ; l' Hôtel-de-Ville était son secteur ; l’église Saint-Gervais-Saint-Protais était son lieu de réunion ; en 1811, elle devint le quartier de l' Hôtel-de-Ville, 9ème arrondissement de Paris]. Pas de renseignements sur l'incident auquel il fait allusion. Les sociétés fraternelles des deux sexes sont alors nombreuses à Paris.
320. Il a déjà été question de lui : cf. t. II, p. 24, note 1 ; en rédigeant cette note, nous ignorions les renseignements qui figurent ici-même.
321. Interpréter : sur les murs.
322. Cf. t. Ier, p. 163, note 3. - La publication de ce journal-affiche, dont le titre exact était : Le Sans-Culotte observateur, avait cessé le 20 pluviôse [8 février].
323. Sic, pour cours. - L'affiche en question fut reproduite dans le Moniteur du 29 pluviôse [17 février] : réimp., t. XIX, p. 482.
324. Pas de renseignements.
325. Bailleul [Jacques-Charles, 1762-1843 ; député girondin de la Convention ; il signe la protestation contre l’arrestation des girondins et est arrêté, 1793 ; échappe à la guillotine grâce à la chute de Robespierre, il réapparaît à la Convention en décembre 1794 ; membre du comité de sûreté générale, 1795 ; élu au Conseil des Cinq-Cents sous la constitution de l'an VIII, 1799 ; membre du Tribunat, 1799-1802]. Voir sa protestation dans le compte rendu de la séance de la Convention du 26 pluviôse [14 février] publiée par le Moniteur du 28 [16 février] : réimp. t. XIX, p. 479.
326. Cf. ci-dessus, p. 98, note 2.
327. Le Couteulx, Laurent Vincent [1754-1794] administrateur des Eaux de Paris, auteur, en 1790, d'une brochure sur la vente des biens nationaux : A. Martin et G. Walter, Bibl. nat., Catal. de l'hist. de la Révol. franç., t. III, p. 135. Le Couteulx de la Noraye, Barthélémy-Jean-Louis [1752-1799], banquier connu pour son rôle dans l'administration municipale parisienne à partir de 1789. Aucun Le Couteulx n'a été traduit au Tribunal révolutionnaire.
328. Du 28 pluviôse [16 février] : Aulard, La Soc. des Jacobins, t. V, p. 655.
329. Depuis une quinzaine de jours, la santé de Robespierre laissait à désirer, et, du 16 au 26 pluviôse [4 février au 14 février], il n'avait pas apparu au Comité de salut public. Il reprit ses occupations le 27 [15] ; mais le 1er ventôse [19 février] il dut s'aliter. Sa maladie dura plus de trois semaines : Hamel, Hist. de Robespierre, t. III, p. 412-414.
330. Cf. ci-dessus, p. 82, note 3.
331. Lequel? D'Holbach? [Paul Thiry, baron d’ Holbach, 1723-1789 ; philosophe français d'origine allemande. Il meurt peu avant la prise de la Bastille. "... Érudit et fortuné, il devient, grâce au salon qu'il anime, l'une des grandes personnalités de la vie parisienne. Sa formation aux sciences naturelles lui permet de collaborer à l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert à partir de 1751, pour des articles de chimie et de minéralogie. Savant reconnu, il devient membre des académies de Berlin, en 1752, de Mannheim, en 1766 et de Saint-Pétersbourg, en 1780. Matérialiste et fataliste athée, Holbach s'oppose à toutes les doctrines religieuses, instruments du despotisme. Sans être vraiment novateur par les concepts qu'il développe, il emprunte ses idées aux sources les plus variées. Il les combine et les développe avec une grande hardiesse qui l'oblige à publier ses ouvrages sous un pseudonyme. Sa philosophie est exposée dans " Le christianisme dévoilé " et " Système de la nature ", véritable code de l'athéisme. Il y décrit un univers entièrement déterminé par le principe de la causalité qui s'applique à toute la matière, excluant donc toute intervention divine. Pour lui, ce sont la peur et l'ignorance qui conduisent les hommes à croire en Dieu et les poussent vers les religions. Il est sans aucun doute le doctrinaire le plus hardi de l'athéisme, usant de tout ce que la science de l'époque peut apporter comme arguments au matérialisme et au déterminisme ; source].
332. Décret du 27 août 1793. Il allait le 17 germinal [6 avril 1794], être rapporté et remplacé.
333. Celui du 2 brumaire an II [23 octobre 1793], qui avait disposé que, nonobstant le maximum, les ventes et les achats du bétail sur pied continueraient de se faire de gré à gré. Ce décret venait d'être rapporté, le 18 pluviôse [6 février].

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