Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, épisode XVI

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  Un maître de pension de Chaillot334, âgé de 70 ans, accusé d'avoir violé une jeunesse, arrêté, conduit au tribunal. Il avait quatorze témoins, y compris une femme, qui déposaient contre lui. Ils ont été reconnus pour quatorze faux témoins. À l'instant, le mandat d'arrêt a été lancé contre eux ; ils ont été conduits sur-le-champ à la Force ["...Le bâtiment qui abritera, plus tard, la maison d’arrêt de la Force est construit en 1533 sur les ruines d’un ancien palais du 4e arrondissement dont le propriétaire était le frère du roi Saint Louis. À la fin du XVIIe siècle, l’hôtel est divisé en une partie orientale, l’hôtel de Chavigny – devenu depuis la caserne de pompiers du 7 rue de Sévigny – et une partie occidentale, l’hôtel de la Force. Vendu en 1715 aux frères Paris, l’hôtel de la Force profite de nombreux travaux avant d’appartenir définitivement à l’État qui a alors pour projet d’y installer une école militaire. Le projet est abandonné assez rapidement et l’hôtel particulier est racheté en 1780 par Louis XVI qui transforme les deux parties de l’hôtel en maison de détention. Elle sera divisée en deux parties : la prison de la Grande Force pour les hommes – des débiteurs insolvables, des gens du spectacle ou des jeunes emprisonnés à la demande de leur famille principalement – et celle de la Petite Force réservée aux femmes, pour la plupart prostituées. [...] Démolie en 1845, la prison de la Force ne se découvre aujourd’hui que grâce à un pan de mur que vous pouvez observer rue Malher dans le Marais. " ; source], et le maître de pension mis en liberté parmi les plus grands applaudissements.

" ... Dans l'après-midi du lundi 3 septembre [1792], la princesse de Lamballe, qui avait d'abord suivi la famille royale au Temple avant d'être enfermée à la Force, a subi elle aussi cette parodie de justice populaire. " Qu'on l'élargisse! " a prononcé le président, peut-être Hébert. À peine le seuil franchi, les coups ont commencé à s'abattre sur la malheureuse qui ne meurt pas aussitôt. Une foule assiste à la scène car les massacres sont devenus un spectacle. Parfois, on a même disposé des bancs. Quand la princesse n'est plus qu'une masse sanglante à l’œil percé d'un coup de sabre, une bûche l'achève enfin. Un garçon boucher lui coupe la tête. On lui ouvre le ventre pour en extraire les entrailles. On lui coupe les seins et le sexe. Une procession joyeuse s'organise : au bout d'une pique, la tête aux longs cheveux blonds maculés de sang, au bout d'une autre, le coeur, au bout d'une autre encore, la chemise trempé de sang., ... "
Claude Quétel, Crois ou meurs!, Texto, Editions Tallandier/Perrin, 2019 et 2021, p. 247.

  L'on se plaint de tous côtés qu'il ne se fait point de patrouille de nuit, ce qui donne une grande aisance aux voleurs. L'on a volé, cul-de-sac Taitbout, à la Caisse des invalides335 ; ils étaient plusieurs voleurs, dont deux dedans qui ont forcé la caisse, et jetaient les assignats aux autres par la fenêtre ; ils ont eu le temps de se sauver pendant que l'on a été chercher la garde. Un citoyen en a poursuivi quatre le sabre à la main jusque sur le boulevard, qui se sont arrêtés, lui on dit de se retirer, ou qu'ils lui brûleraient la cervelle. Il a été prudent, il s'est retiré, a rencontré la garde du Mont-Blanc336, à qui il a conté les faits, et leur a dit : " Entrons dans le marais des Trois Frères ; il pourrait y en avoir. " Ce qui a été suivi. L'on en a arrêté un très bien couvert, couché par terre sur des paquets d'assignats ; il a été conduit à ladite section, et s'est déclaré demeurer faubourg Saint-Germain ; l'on a été chez lui ; l'on a trouvé une femme qui a déclaré qu'elle vivait avec lui depuis environ trois semaines, qu'il lui avait fait plusieurs cadeaux, principalement une montre d'or ; elle a été aussi arrêtée.
  L'on cherche partout le nommé Lebel, âgé de 83 ans, la tête faible, portant perruque, habit brun, boutons jaunes, demeurant rue Amelot n°9, section Popincourt, égaré depuis le 19 pluviôse [7 février 1794].

Rapport de Latour-Lamontagne, W 191
  La disette aujourd'hui a été extrême, surtout en légumes, la nourriture du pauvre. La désolation était si grande, que j'ai vu plusieurs personnes verser des larmes en s'écriant : " Qu'allons-nous devenir si cela continue? Il nous faudra mourir de faim. " Ces propos se répétaient dans tous les groupes, et les esprits m'ont paru extrêmement agités.
  " Comment ne serions-nous pas dans la misère, nous, pauvres gens?, disait une femme, rue Saint-Honoré, au coin de la rue de l' Arbre-Sec. Il est de fait que les subsistances sont rares ; mais, si la police surveillait plus attentivement ceux qui les distribuent et ceux qui les achètent, chacun en aurait sa petite portion. Pourquoi ne fait-on pas, de temps en temps, des visites domiciliaires? Je connais des gens qui ont chez eux des vivres pour six mois, auxquels ils ne touchent point, et qui sont les premiers à mettre le feu à tout dans les marchés ; ils craignent la famine, disent-ils, et ils font tout ce qu'ils peuvent pour l'amener. Si nos magistrats faisaient leur devoir, ils saisiraient toutes ces provisions clandestines, et les feraient distribuer au peuple. Pourquoi auraient-ils plus de privilèges que nous? Quoi! mon pauvre mari est mort aux frontières, mon fils combat les brigands de la Vendée, et je mourrais de faim, moi, tandis que de riches coquins, qui n'ont rien fait pour la République, ont des provisions dans leurs caves pour plus de six mois? Veut-on que le peuple aille piller leurs maisons, pour fournir encore à nos ennemis le prétexte de nous calomnier? - Et le bois, a dit une autre femme, les greniers des riches sont pleins, et ils ne laissent pas une falourde [fagot à deux liens, formé de bûches de pin ou de bouleau écorcé et fendu ; ancien français vallourde, avec l'influence de fagot ; Larousse] chez les fruitiers! Quelle horreur! et on souffre cela? Veut-on nous pousser au désespoir? " Quelques autres propos de ce genre ont été tenus avant de se séparer, et quelques femmes on dit, en se retirant, qu'il faillait que tout cela finît, ou qu'elles y mettraient bon ordre.

 
  On a donné hier au soir, Le Modéré, comédie du citoyen Dugazon337. Cette pièce ne me paraît pas remplir entièrement le but que l'auteur a dû se promettre. On rit beaucoup du muscadin, parce que les êtres de ce genre n'existent plus ; mais le modéré a obtenu certains applaudissements qui m'ont paru très suspects. Un grand défaut surtout a choqué plusieurs patriotes. Le modéré refuse sa nièce à un républicain, fils d'un commissaire ; arrêté un instant après par ordre du comité, il s'empresse d'unir les amants. Ce mariage a un peu trop l'air d'avoir motivé son arrestation. Tel est du moins le résultat des observations de plusieurs spectateurs.

Rapport de Le Breton, W 191
  J'ai entendu encore se plaindre, au comité révolutionnaire de la section de la Fontaine-de-Grenelle, de la quantité d'étrangers qui vivaient dans cette ville, de la grande consommation qu'ils y faisaient, de l'enchère qu'ils mettaient sur les comestibles, du mal politique qui pouvait en résulter par l'argent qu'ils dépensaient pour se faire des partisans. Cela fut balancé par la circulation de l'argent dont se trouvait bien la classe indigente du peuple, par les éclaircissements que l'on pouvait tirer d'eux sur les mœurs de leur pays, et, par ce moyen, éviter les vices de leurs administrations ; et enfin, le résumé fut que ceux qui habitaient cette ville ne pouvaient faire aucun mal, qu’ils étaient veillés de trop proche.
  On se plaignait, au Marais, rue ci-devant Vendôme338, de la rareté du bois, du charbon, de la chandelle, du sucre, du café, et en général de toutes les choses susceptibles d'approvisionnement. On répondait que cela n'était pas étonnant par les provisions qu’avaient faites une foule de gens peureux qui, craignant une disette totale, avaient pris des précautions au-delà de leur consommation et même de leurs moyens, et que tel individu qui brûlait trois voies de bois [3 X 2 stères] dans son hiver en avait acheté l'été dernier pour six ans, crainte qu'il ne manquât d'ici à ce temps. Il est à considérer que le bois par un grand nombre de particuliers n'a pas été regardé comme un objet d'accaparement, et que chez tel propriétaire que l'on voudra on trouvera les caves pleines.
  Nos succès dans la Vendée339 occasionnent une joie nouvelle ; on assume que dans le moment où nous recommencerons à faire briller nos sabres et nos bayonnettes au Nord et au Midi, il ne sera plus du tout question de cette horde de brigands.

Rapport de Le Harivel, W 191
  Un jeune volontaire, arrivant du côté de Perpignan, assurait qu'il n'était nullement question de la lâche reddition de la ville de Perpignan. " Là, comme dans les autres lieux voisins de nos armées, disait-il, les subsistances sont extraordinairement rares, et ceux des volontaires qui, n'ayant point assez de leur pain de munition, en veulent acheter, sont obligés de le payer trois livres le pain. Ce n'a pas été sans étonnement que j'ai vu, continuait-il, les officiers de ligne conserver l'esprit de corps, leur ancienne morgue, et leur mépris pour les volontaires qui s'incorporent tous les jours dans les bataillons et qui, s'ils osent élever la voix contre ces vexations réitérées, sont aussitôt condamnés à subir la peine du cachot. "
   On prétend qu'il se fait de grandes dilapidations dans les rations délivrées aux militaires de Paris surtout, et, quoique ce soit peu de choses en comparaison des autres affaires dont est chargé le Comité de salut public, on est étonné de ce qu'il n'y met pas un frein ; Les petits ruisseaux, dit-on, font les rivières. Cela ne laisse pas, au bout de l'année, de monter encore fort haut ; d'ailleurs, dans un Etat libre, on ne doit laisser subsister que le moins possible d'abus.
  Dans le ci-devant Limousin, tous les prêtres ont, de concert, abdiqué leurs fonctions de leurs cures ; mais on assure que le peuple n'a pas vu d'un bon œil cette démarche de leur part. Il n'est pas étonnant, disait-on, que cela fasse une sorte d'impression sur son esprit ; mais peu à peu il se dégoûtera d'eux, et bientôt il les oubliera.

Rapport de Mercie, W 191
  On observe que beaucoup de citoyens attachés aux places de la République reviennent de l'armée et se cachent dans des maisons de leurs amis. J'ai entendu dire qu'il y en avait plusieurs sur la section de Mutius Scaevola, mais je ne pus savoir au juste leur demeure.
  Aujourd'hui, trois citoyens s'entretenaient de la Révolution. Un d'entre eux leur dit que, si nous avions le bonheur de pouvoir la soutenir, que ce serait pour nous un tableau ineffaçable. Mais, dit-il, je donne deux cents ans pour que ce tableau soit fini.
  Au Palais-Egalité, des citoyens assuraient qu'un reste de noblesse faisait un rassemblement, et que pour sûr il avait lieu trois fois par jour ; on assure que ce sont des êtres cachés sous l'habit de carmagnole, et plusieurs couverts d'un bonnet rouge ; c'est sur quoi, je vais porter toute mon attention.

Rapport de Monic, W 191

  Au Palais de Justice, sur les trois heures de l'après midi, des citoyens se plaignaient de ce que l'on manque de viande et de légumes, et le peu que l'on trouve dans les marchés est vendu un prix excessif. Un citoyen dit : si l'on faisait de visites dans toutes les maisons, et jusque dans les caves, les riches égoïstes et les malveillants, car il est certain que c'est eux qui affament Paris par les approvisionnements qu'ils font, seraient connus et leurs manœuvres seraient déjouées. C'est, dit-il, au comité central à qui on doit en rejeter la faute ; si les comités et les commissaires des sections avaient donné des ordres précis pour faire des visites dans toutes les sections le même jour, l'on connaîtrait par là quels sont les bons et les mauvais citoyens, et l'on saurait quels sont ceux qui les enfouissent chez eux et les laissent pourrir.
  Ce matin, sur les cinq heures, l'on a jeté à la porte de la boutique du boucher rue du Rempart Saint-Honoré, aux environs de 30 à 40 livres de viande de cochon gâtée. Heureusement pour le boucher qu'un de ces voisins a vu cette viande par terre bien longtemps auparavant que le boucher n'arrive pour ouvrir sa boutique. Mais, sitôt que le boucher est arrivé, ce voisin l'a averti ; ils ont lavé la viande, mais elle puait. Voilà comme la malveillance, non contente d'affamer le peuple, cherchait encore à mettre un citoyen à la peine.
  Il y a eu foule assez considérable chez un charcutier, rue de Rohan. Cet homme vendait son lard par livre et demi-livre à tous ceux qui venaient chez lui, tandis que ces confrères n'en donnent qu'un quarteron. Les intrigants ont fait entendre le contraire au peuple qui s'est porté en foule chez le charcutier de la rue de Rohan, et voulait entrer chez lui de force. La garde y est accourue, et à remis l'ordre, et le lard a été vendu sans trouble.

Rapport de Pourvoyeur, W 191
  Les motions et les différentes sections populaires n'étaient pas très intéressantes, vu qu'il n'y avait pas de nouvelles des armées ; l'opinion publique paraît condamner Chaudot340, et le peuple s'explique ainsi : un acte n'est bon qu'autant qu'il est signé par deux notaires, et c'est en quelque façon, dit le peuple, celui qui signe en second qui fait toute la faute, donc Chaudot est coupable. Il a dû savoir ce qu'il faisait, puisqu'il est officier public ; s'il fallait écouter toutes les familles des contre-révolutionnaires, il n'en trouverait pas un seul.
  Le peuple observe que les gens riches qui avaient autrefois des chevaux, un carrosse, un nombre de personnes à leurs service, n'en aient plus maintenant ; ils font moins de dépenses, ils emploient leurs épargnes à mettre l'enchère sur les denrées en les accaparant, et les payent tout ce que les marchands demandent. Le peuple dit que ces individus sont plus dangereux que ceux qui sont à Worms et Coblentz [Coblence ; " devient le centre politique et le centre d’organisation des activités diplomatiques et militaires des émigrés français avec l’arrivée des frères de Louis XVI dans l’été 1791. Dès lors, Paris associe l’idée d’être menacé par les émigrés français avec le nom de la ville de Coblence. Après l’affaiblissement du pouvoir potentiel d’émigrés concentré à Coblence, la ville est devenue pour tous, amis et ennemis, le centre le plus important de l’émigration pendant la Révolution française. Coblence est devenue le symbole d’une menace contre-révolutionnaire venue de l’étranger. Le nom de la ville est alors une notion politique à l’aide de laquelle on stigmatise verbalement tous les adversaires de la Révolution et qu’on retrouve aujourd’hui encore dans certains discours politiques ; ils n'ont point émigré pour être plus à portée de nuire et de tourmenter les patriotes... " ; source] ; ils n'ont point émigré pour être plus à porter de nuire et de tourmenter les patriotes.

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  Le peuple dit qu'il faudrait les renvoyer hors de la République avec un petit revenu et s'emparer du reste, car, tant qu'ils seront au sein de la République, ils emploieront toujours quelque moyen pour nuire à la Liberté, qui n'est pas faite pour eux. Le peuple dit encore qu'il y a encore des gens qui soutiennent et protègent ces aristocrates. Le peuple dit de plus que l'on avait arrêté que l'on ferait des visites domiciliaires ; elles n'ont point été faites : c'est en quelque façon, dit le peuple, protéger l'accaparement.
   Le peuple dit aussi que, lorsqu'on veut prendre des mesures de sûreté, que l'on ne devrait pas le publier, car c'est donner des moyens de s'en garantir.
  Le peuple observe, à cet égard, que la République eût gagnée bien davantage sur le bien du clergé si l'on n'avait pas publié que la Nation allait s'en emparer ; les prêtres et les moines et religieuses ont fait leurs bourses aussitôt qu'ils ont été instruits de ce décret.
  Les cafés sont tranquilles ; les individus qui les composent sont au pas pour l'opinion publique, excepté cependant quelques cafés du Palais ci-devant Royal qui recèlent des tapageurs et des gens désœuvrés, surtout les cafés de Foy, de Valois.

Rapport de Prevost, W 191
  Plusieurs propriétaires de maisons se plaignent, sur la section de la République, qu'ils sont obligés de payer les ouvriers qui fouillent leurs caves pour tirer du salpêtre, et leur fournissent la chandelle ; ils se plaignent aussi de ce qu'ils sont obligés de faire remplir les trous qu'on fait dans leurs caves.
  Il y a à Paris, depuis peu, beaucoup d'étrangers d'arrivés, notamment dans les hôtels garnis au Palais ci-devant Royal ; à l'hôtel d' Angleterre, trois hollandais qui disent très ouvertement que la République française ne tiendra pas plus de deux mois. Il me parait que ces particuliers ne sont venus ici que dans les vues d'y semer la dissension.

Rapport de Rolin, W 191
  Les machinateurs de contre-révolution, les anti-républicains ont beau jeu ; ils exercent leurs talents parmi le peuple dans les cafés et dans les groupes. Hier il n'a point été possible d'avoir de bœuf ; les murmures étaient à l'ordre du jour ; on voyait quantité de ces monstres amphibies gémir avec les uns, murmurer avec les autres, en un mot se plier et se replier suivant les circonstances ; et, ce qui paraît étonnant, c'est que la plupart de ces faux patriotes ont une figure étrangère. J'ignore si mes soupçons sont bien fondés, mais je serais tenté de croire que ces hommes n'ont d'autre emploi à Paris que celui d'exciter une contre-révolution, et qu'ils sont envoyés ici par quelque scélérat intéressé dans la partie.
  On fait courir le bruit que nos ennemis se préparent à faire une campagne dans laquelle (sic) doit décider notre liberté ; on ajoute qu'ils ont des forces considérables, et qu'ils nagent dans les subsistances de toutes espèces, ce qui paraît alarmer une partie des auditeurs de ces nouvelles, tandis que d'autres chantent : Ça ira! - P.S. Je parle ici de manière à faire connaître que ces bruits ont été répétés dans plusieurs endroits différents.
  On trouvait hier au café de la Municipalité, quai de l' Ecole, qu'il était étonnant que le tribunal criminel du Mans ait condamné plusieurs citoyens à être fusillés341, malgré que la loi ne veut faire acceptation de personne, et qu'elle condamne tout criminel à être guillotiné. On prétendait qu'il n'y avait qu'un tribunal militaire qui pût condamner à être fusillé : encore, faute d'avoir une guillotine.
  Toujours des plaintes contre les voleurs et les filous. Hier cinq citoyens se plaignaient à la fois qu'on venait de leur enlever leur montre en face du Palais de Justice, dans la foule qui attendait les condamnés. On aurait cru que ces cinq citoyens s'étaient entendus ensemble, car un se mit à dire qu'il était volé, l'autre dit : et moi aussi, enfin tous les cinq répétèrent l'un après l'autre : et moi aussi. On n'a pu découvrir les escrocs.
  On vend toujours les matières, ci-devant monnaie d'or et d'argent ; le moyen d'empêcher cette vente serait de décréter que la Nation ne connaît plus pour monnaie courante cette monnaie, et qu'elle défendît de l'employer comme telle.
  On paraît désirer que nos assignats de papier soient changés en assignats métalliques, ce qui empêcheraient la facilité que l'on a à les fabriquer, et on espère que le Comité d'instruction publique s'occupera de ce projet.

Rapport de Siret, W 191

  À suivre...

   Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, , La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 150-160.

334. Le texte porte : Chaliaut.
335. Probablement la Caisse des invalides de la Marine, qu'on nommait couramment " Caisse des invalides ". - Le cul-de-sac Taitbout, était attenant à la rue du même nom. La rue des Trois-Frères, qui fait aujourd'hui partie de cette rue, allait de la rue Chantereine à la rue Saint-Lazare. La Tynna dit que son nom " lui vient de trois frères jardiniers qui y firent vers l'an 1784, bâtir la première maison ". Ainsi s'explique la dénomination " marais des Trois Frères ".
336. La section du Mont-Blanc, auparavant, de La Grange-Batelière [n° 7, 1790 ; en 1792, prend le nom de " Mirabeau " ; pour finir par adopter celui de " Mont-Blanc " ; secteur compris entre le quartier Saint-Georges et celui de la Chaussée-d'Antin ; les assemblées se déroulaient dans l’ancien dépôt militaire des Gardes-Françaises, qui se situait au n° 38 du Bld des Italiens d'aujourd'hui ; arrêté préfectoral du 10 mai 1811, elle prit le nom de quartier Chaussée d'Antin, 2ème arrondissement de Paris].
337. En un acte et envers, représentée pour la première fois le 17 brumaire an II [7 novembre 1793], au Théâtre de la République : Tourneux, Bibliographie, t. III, n° 18507.
338. Actuellement, rue Béranger, 3e arrondissement.
339. Cf. ci-dessus, p. 122, note 3.
340. Cf. ci-dessus, p. 98, note 2.
341. Nous n'avons rien trouvé sur ce fait dans les Éphémérides sarthoises pend. la Révol. de P. Blin, 2° parie, 1925.

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