Australie, usine éolienne : le silence la nuit! ENFIN!

  "  L’indignation est un commencement. Une manière de se lever et de se mettre en route. On s’indigne, on s’insurge, et puis on voit. On s’indigne passionnément, avant même de trouver les raisons de cette passion. On pose les principes avant de connaître la règle à calculer les intérêts et les opportunités... "
  David Bensaïd, 1946-2010, Théorèmes de la résistance à l’air du temps
 
 
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Une décision historique donne raison aux victimes : la Cour suprême ordonne l'arrêt total durant la nuit des turbines d'une usine éolienne!

stopthesethings
2022 03 26

  Dans une première mondiale, des voisins tourmentés par le bruit des éoliennes ont remporté une victoire historique, obligeant l'exploitant à fermer toutes ses turbines la nuit.

 https://stopthesethings.files.wordpress.com/2020/08/bald-hills-635x325-1.jpg?w=460&h=235

 
  Hier, la juge Melinda Richards de la Cour suprême de Victoria a prononcé une injonction à l'encontre d'une usine éolienne parce que le bruit qu'elle génère rend les voisins fous depuis sept ans et que l'exploitant n'a absolument rien fait pour soulager leur souffrance.
  Son Honneur a également ordonné des dommages et intérêts, y compris des dommages et intérêts aggravés pour la manière autoritaire dont l'exploitant a traité ses victimes. Depuis mars 2015, la communauté entourant l'usine de 52 éoliennes dit " Bald Hills Wind Farm " [usine éolienne les " Collines de Bald " ; région de Far County, État de Victoria ; celui-ci est le deuxième territoire éolien du pays : 20% de la puissance installée, 520MW], des Senvion MM92 de 2 MW, est torturée par des bruits à basse fréquence et des infrasons générés.
  Dès le début de l'exploitation de l'usine, 2015, les riverains ont commencé à se plaindre du bruit auprès de l'exploitant. Mais, comme souvent dans ce type de réclamation, celui-ci a tout simplement rejeté les plaintes qui s'accumulaient et a poursuivi son activité.

 Au sud-est de Melbourne, l'usine de 52 éoliennes dit "  Bald Hills Wind Farm." @ maps.google.fr/




Une partie de l' usine de 52 éoliennes dit " Bald Hills Wind Farm ". Photo 

  Les victimes ne se sont pas démontées pour autant. Au contraire, ils ont pris un avocat. Ils ont engagé la dure et tenace Dominica Tannock.
  À partir d'avril 2016, Dominica Tannock s'en est pris au conseil du comté de South Gippsland qui, en vertu de la loi de 2008 sur la santé publique et le bien-être de l'État de Victoria, est chargé d'enquêter sur les plaintes pour nuisance et a l'obligation légale de remédier à toutes ces plaintes dans son district municipal.
  Les habitants ont obtenu un premier succès, lorsque le juge Richards a estimé que le bruit généré par les éoliennes constituait une " nuisance déraisonnable " au sens de la loi sur la santé publique et le bien-être.
  Suite à celui-ci, Dominica Tannock a lancé une nouvelle procédure civile, devant la Cour suprême, basée sur une action en nuisance de droit commun. L'action était portée par treize plaignants en tout - les six plaignants " historiques ", rejoints plus tard par sept autres.
  Au final, elle a pu faire indemniser, onze de ses clients, à des conditions très favorables, restées confidentielles ; d'après nos informations, le chiffre se monte à plus de 2 millions de dollars pour chaque ménage affecté.
  Cependant, deux des plaignants, Noel Uren et John Zakula, ont rejeté les propositions financières de l'opérateur, car ils étaient furieux de la façon dont les riverains et eux-mêmes avaient été traités et, par conséquent, ils ont décidé d'aller jusqu'au bout de l'affaire.
  Après un combat éprouvant, au cours duquel l'exploitant [Infrastructure Capital Group : gestionnaire d'actifs en Australie et Pacifique, situé à Sydney] a été jusqu'à dissimuler des preuves essentielles aux plaignants, comme, par exemple, son expert en acoustique qui a été surpris en train de " trier ", c'est-à-dire de détruire, des données sur le bruit, qui s'est conclu par un procès âprement disputé, ces messieurs très courageux se sont vus confirmer ce qu'ils savaient depuis le début : tout le monde a un droit juridiquement exécutoire de dormir tranquillement la nuit dans sa propre maison ; et l'industrie éolienne a détruit ce droit en toute impunité, pendant bien trop longtemps.
  Ce que Noël Uren et John Zakula ont accompli n'est pas seulement remarquable et noble, mais reflète l'adage selon lequel le mal l'emporte que quand, et seulement quand, les hommes de bien ne font rien.
  Ainsi, refusant de se laisser intimider par les menaces, les brimades et les pressions de l'exploitant , ces hommes ont résisté ;  aussi, qu'ils reçoivent la gratitude éternelle de toutes les victimes de l'industrie éolienne pour ce qu'ils ont accompli et, qu'ils soient remerciés pour avoir permis de graver, à jamais, dans le marbre des archives publiques, cette décision judiciaire. Enfin. Enfin, après si longtemps. Vengeance. Oh! douce vengeance.
  Ce que leurs efforts ont également mis en lumière, c'est la corruption monstrueuse qui fait partie intégrante des pratiques de l'industrie éolienne, et que, par celle-ci, elle a compromis l'intégrité de toutes les institutions politiques et gouvernementales de ce pays ; et, sans aucun doute, partout dans le monde où elle opère.
  À un moment du procès, le commissaire national des usines éoliennes, un larbin de l'industrie éolienne nommé par le gouvernement fédéral, s'est approché directement du cabinet du juge, à l'insu des avocats des plaignants, et a offert son " assistance " à la juge Richards, notamment en lui proposant de lui fournir des informations et des connaissances sur les " bienfaits " des éoliennes afin de nourrir sa réflexion. La juge Richards n'a pas été amusée.
  Il s'agit du premier jugement de ce type, dans lequel les plaignants ont établi que le bruit généré par les éoliennes constitue une interférence déraisonnable avec l'utilisation et la jouissance de leurs maisons et, par conséquent, une nuisance pouvant faire l'objet d'une action, en droit commun.
  La décision est donc d'une importance incommensurable pour toutes les victimes de l'industrie éolienne, où que ce soit dans le monde où il existe un droit commun ;  à commencer par l' Australie, la Nouvelle-Zélande, le Canada, le Royaume-Uni, etc.. Et, sans aucun doute, elle sera saisie par nos cousins américains aux États-Unis.
  Le jugement complet est disponible ICI  

Côte d' Armor, Saint-Brieuc : comment et pourquoi l'usine éolienne de mer a atterri dans l'escarcelle d' Iberdrola?

  " Quand on parle pognon, à partir d’un certain chiffre, tout le monde écoute."
  Michel Audiard, Le Pacha, 1968.

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Iberdrola, les mains sales de l’énergie « propre »

Amélie Quentel
2022 03 29

  Splann !, média breton d’investigation, publie ce mardi 29 mars une enquête consacrée à Iberdrola, leader mondial de l’électricité éolienne. En 2012, cette multinationale espagnole a obtenu le marché public du parc éolien en baie de Saint-Brieuc, un projet vivement contesté.
  « Iberdrola, quand l’énergie “propre” a les mains sales. » Tel est le titre de la longue enquête publiée ce mardi 29 mars par Splann !, ONG bretonne dédiée à l’investigation journalistique en Bretagne. L’équipe de journalistes, déjà autrice en juin 2021 de plusieurs articles sur la pollution à l’ammoniac dans la région, s’est penchée cette fois-ci sur les activités d’Iberdrola en Amérique latine. La multinationale espagnole est une des plus grandes productrices d’énergie solaire et hydraulique dans le monde. Mais ses agissements en Amérique latine ont des conséquences néfastes, tant sur les populations que sur l’environnement.
  Mais pourquoi l’association bretonne s’est-elle intéressée à la première société mondiale d’électricité éolienne, 39 milliards de chiffre d’affaires en 2021 et 62 milliards de cotation en bourse : soit tout de même le double d’Engie d’après l’Express? Tout simplement parce qu’ Iberdrola, entreprise née en 1992 employant aujourd’hui 37 000 personnes, s’est vue attribuer le marché public du parc éolien en baie de Saint-Brieuc, Côtes-d’Armor, en 2012, par le biais de sa filiale Ailes marines.

 

© Gaëlle Sutton/Reporterre

  Celle-ci avait alors été désignée par les ministres de l’Écologie et de l’Industrie pour recevoir 62 éoliennes de 205 mètres de haut, au nez et à la barbe de la société concurrente Éolien maritime France, pourtant choisie par la Commission de régulation de l’énergie. Le comité des pêches des Côtes-d’Armor, dénonçant en outre aux côtés de l’ONG Sea Sheperd le « rejet de substance polluante » et l’« atteinte à la conservation des espèces animales non domestiques », avait ainsi saisi en août 2021 le Parquet national financier pour « recel de favoritisme ». Une enquête a depuis été ouverte, sachant que l’attribution de ce marché public à Ailes marines a déjà été jugée « irrégulière » par le Conseil d’État, en 2019. Alors que la mise en service du projet était prévue pour 2023, le chantier a donc pris du retard.
  Ainsi, à l’heure où Iberdrola s’avère en outre candidate à un projet d’éoliennes flottantes dans le sud de la Bretagne, Splann ! a souhaité lever le voile sur ce « qui se cache derrière la communication de [cette] entreprise » qui se targue d’avoir « l’engagement éthique et le respect de l’environnement » pour « principes fondamentaux ». Ses journalistes ont ainsi enquêté sur « plusieurs projets emblématiques “ d’énergie verte ” » menés par la multinationale au Mexique et au Brésil. Ils ont réalisé des entretiens et ont fouillé la documentation existante et des « travaux publiés par des journalistes locaux, à leurs risques et périls ». Ils évoquent ainsi des « accusations de violations de droits humains », une « hécatombe d’oiseaux migrateurs », des « poissons morts » et même des « activistes craignant pour leur vie » dans ces deux pays.



Le port de pêche d’ Erquy, dans les Côtes-d’Armor. © Hortense Chauvin/Reporterre

  Au Mexique, Splann ! a par exemple travaillé sur les deux grands parcs éoliens terrestres d’Iberdrola encerclant la commune de La Venta, près de l’isthme de Tehuantepec. En service depuis 2007 et 2012, ces deux parcs auraient de nombreux effets délétères pour les habitants de la zone, mais aussi pour les animaux : la Banque mondiale évoque ainsi le fait qu’en 2011 « neuf mille neuf cents oiseaux et chauves-souris seraient morts par collision avec les éoliennes » de l’un des deux parcs. Des « fuites d’huile » et une « hydrographie bouleversée » sont en outre évoquées. Les peuples indigènes, eux, dénonçaient en 2011 des « contrats déséquilibrés et illégaux » avec Iberdrola, et EDF, ou encore des « dommages permanents causés à leurs terres qu’ils attribuent à l’activité des éoliennes ». Contactée à ce propos par Splann !, Iberdrola n’a pas donné suite.
  Au Brésil, les journalistes ont enquêté sur trois barrages hydroélectriques dont Iberdrola est coactionnaire ou co-constructeur et co-gestionnaire. « Problèmes concernant les licences environnementales », « Problèmes d’alimentation et d’accès à l’eau potable pour les autochtones » ou encore « répressions des oppositions » et « perte de biodiversité et pollution des eaux » sont pêle-mêle évoqués concernant ces différents projets. Des révélations, pour la plupart commentées par Iberdrola, à lire dans leur intégralité sur le site de Splann !.


Orne, Échauffour : le combat contre l'usine éolienne se poursuit au tribunal

  Le Diable se cache dans les détails, dit l'adage, c'est vrai ici comme ailleurs.
  En avant toutes!
  La condition d'animal domestique entraîne celle de bête de boucherie.
  Tenir, fédérer, libérer.

   Courrier du Collectif des riverains de la centrale éolienne d' Échauffour

 





 
 
 
 
 
 
 
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Avec Voltalia : la discrète famille Mulliez dans la tourmente des éoliennes !

Louis Marin

  La société d’exploitants éoliennes Voltalia vient de lancer une action en diffamation contre une association de Normandie qui lutte contre la pollution sonore des centrales électriques à vent qui ont été installées sur le village d’ Échauffour
  La première audience de consignation se tiendra le 5 avril au Tribunal correctionnel d’Argentan où ont été cités les victimes des bruits des éoliennes. Le contentieux est doublement symbolique car il concerne d’une part un Tribunal de province qui a été à l’avant-garde de la dénonciation du scandale des prises illégales d’intérêt dans l’éolien, avec la première condamnation d’un élu en France pour une atteinte à la probité dans ce domaine d’activité, et d’autre part d’un village d’irréductibles normands qui sont parvenus, à force de ténacité et de recours, à faire arrêter les éoliennes la nuit en raison du vacarme que celles-ci produisaient. Autant dire qu’il s’agit là d’un duel d’un David normand contre un Goliath puissant consortium industriel financier.
  Si la société Voltalia qui poursuit les citoyens résistants à l’éolien a un nom banal et caractéristique des exploitants éoliennes, la famille qui s’abrite derrière cette coquille financière est beaucoup plus intéressante. En réalité la société Voltalia est détenu à hauteur de 70% environ par la holding Creadev, le fonds d’investissement de l’Association Familiale Mulliez. D’ailleurs, la société Voltalia a pour Présidente Laurence Mulliez membre de la famille Mulliez dont le patriarche est Gérard Mulliez plus connu pour avoir été le créateur des supermarchés Auchan. D’ailleurs les Echos
évoquait dans un article que la société Voltalia était la pépite de la famille Mulliez.

Mais qui est exactement la discrète famille Mulliez ?
  Partie d’un petit commerce de textile « Les Textiles d’Art » à Poitiers dans les années 40, la famille Mulliez a créé l’enseigne Auchan dans les années 60 dans le nord de la France à Roubaix et est devenue au fils des décennies un des acteurs français les plus importants de la grande distribution, propriétaire d’un nombre d’enseignes très connues et diversifiées comme Décathlon, Leroy Merlin, Norauto, Flunch, Pimkie et Kiabi etc… C’est donc une formidable réussite française, exemplaire et légitime, de petits commerçants partis de rien et qui ont fondé un remarquable empire.
  Ayant développé ses activités dans le monde entier, la réussite de la Famille Mulliez dépasse les frontières de la France au point que son implication dans la Russie de Poutine suscite – dans ce contexte de guerre en Ukraine - de nombreuses indignations. Le quotidien le Monde titrait d’ailleurs le 17 mars 2022 un article de la journaliste Cécile Prudhomme intitulé « Les Mulliez en Russie, une« success story » en eaux troubles ».
  En effet l’empire Mulliez comprend de nombreuses participations capitalistes dans des sociétés de la grande distribution installées en Russie. Et de manière très intéressante, la famille a annoncé par la voix de son PDG vouloir rester en Russie afin de « protéger le pouvoir d’achat des habitants ». C’est
que la famille Mulliez a de véritables valeurs chrétiennes.
Elle milite pour le catholicisme social et humaniste et on comprend bien que c’est son attachement à ses valeurs qui l’incite à rester en Russie pour « aider les populations locales ! ».
  C’est probablement aussi au nom de ses valeurs charitables que la famille Mulliez a décidé en 2005 de participer au développement de la société Voltalia spécialisée dans l’installation d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques en France ou à l’étranger quitte à perturber la vie des riverains. Là il ne s’agit pas pour l’entreprise de réaliser une marge légitime sur des produits de grande distribution, souvent fabriqués en Chine d’ailleurs, non il s’agit pour la société de profiter de la manne considérable d’argent public qui est distribuée aux producteurs d’électricité d’origine éolienne ou solaire en particulier en France.
  L’entreprise Voltalia s’enrichit cette fois en vendant à EDF de l’électricité à tarif subventionné et garanti, financé soit par la CSPE, Contribution au service public de l’électricité, prélevée sur les factures d’électricité des français, soit via la Taxe carbone prélevée sur les français lors de leur plein d’essence. Et s’il n’y a aucune atteinte à l’honneur à vouloir profiter des largesses des gouvernements successifs, est-ce pour autant éthiquement et socialement responsable ?
  La famille Mulliez ne se contente plus de gagner de l’argent sur la marge prélevée sur leurs clients mais s’enrichit en touchant une partie de l’argent public financé par les citoyens également clients de leurs enseignes de grande distribution. C’est donc de l’argent public qui sert à alimenter les bénéfices de cette entreprise privée. C’est d’ailleurs une dépêche AFP qui titrait « Renouvelables : Voltalia affiche un bénéfice net 2020 en forte progression »
  Mais le grand souci c’est qu’installer des éoliennes de 140 mètres de haut dans la campagne ne passe pas inaperçu et trouble le cadre de vie de nos concitoyens. Et en ce sens le village d’ Échauffour est devenu un village emblématique de la lutte entre ces grands groupes familiaux qui veulent gagner de l’argent en touchant les subventions issues d’argent public et les habitants des communes rurales qui aspirent à une préservation de leur cadre de vie fortement perturbé par l’installation de ces immenses monstres d’acier et de fibres de verre sous prétexte de transition écologique.
  Et là, il faut le souligner, la famille Mulliez est tombé sur un os ! L’association Échauffour Environnement a d’abord réussi à faire brider les éoliennes qui causaient un incroyables vacarme la nuit : autant de manque à gagner financier de la pauvre multinationale. Et la situation s’envenime !
Non décidée à se laisser faire par la multinationale, l’association locale des résistants remet légitimement en cause le travail de l’expert soi-disant indépendant diligenté par la préfète pour réaliser les mesures des bruits des éoliennes. Il s’avère que ce bureau d’étude serait aussi au service
d’une filiale de Voltalia au Brésil !

  Tout cela ne sent pas bon et les problèmes des éoliennes de Voltalia est dévoilé par les opposants sur Facebook. Et comme l’adage le précise : « il n’y a que la vérité qui blesse », le groupe Voltalia mécontent de ces révélations se lance un peu trop rapidement dans une action en diffamation contre les opposants en espérant à tort les intimider pour obtenir peut-être leur silence. Et là, la société Voltalia a commis une forte erreur d’analyse de la situation car tout exploitant éolien doit avoir à l’esprit que, dans cette guerre asymétrique, toute agression ou menace d’un géant éolien contre un membre de la communauté de résistance à la pollution éolienne est une attaque contre l’ensemble de la communauté des 1800 associations françaises avec des réactions immédiates.
  D’autant que le groupe Voltalia est régulièrement dénoncé pour ses atteintes à la nature. Tout récemment c’est la Ligue de protection des oiseaux qui a alerté contre la potentielle disparition d’un rare perroquet brésilien en raison des éoliennes implantées dans ce pays par cette société. Le producteur a été également pointé du doigt pour ses investissements dans les énergies renouvelables en Birmanie où elle a décidé finalement de se retirer en février 2021.
  Bref l’investissement dans les éoliennes n’est pas de tout repos pour la famille Mulliez qui implante ses machines industrielles dans la campagne française et à l’étranger. Et il y a fort à parier qu’à vouloir s’attaquer au petit David normand elle finisse par se casser les dents face à la ténacité et l’opiniâtreté des habitants du petit village d’ Échauffour, prêts désormais à contrattaquer durement après leur victoire judiciaire qui s’annonce comme inéluctable.
   Et là le risque est grand désormais que la famille Mulliez se trouve emportée par le cyclone qui s’annonce à l’horizon dans le domaine des éoliennes.

HAUTE-MARNE, SONCOURT-SUR-MARNE : L' ÉOLIEN POINTE LE BOUT DE SES PALES

  En préambule, rappelons que le projet d'usine éolienne présenté devant le conseil municipal a pour nom " L'Étoile ", qu'il comprend I2 machines dont 3 sur le territoire de Soncourt-sur-Marne et, qu'il concerne les communes de Marbéville, La Genevroye, Mirbel et Vignory ; voir carte ci-devant.

 Lire sur le même sujet : HAUTE-MARNE, VIGNORY : QUAND DEUX PROJETS D'USINES ÉOLIENNES ENTRENT EN CONCURRENCE OU... EN CONNIVENCE?

SONCOURT-SUR-MARNE

1. Situation
  Le village se situe à I5km à vol d'oiseau, au nord de Chaumont ; c'est une des communes de la Communauté de l' Agglomération de Chaumont : anciennement la communauté d'agglomération de Chaumont, du Bassin Nogentais et du Bassin de Bologne Vignory Froncles ; 366 Soncourtoises et Soncourtois y vivent à plein temps : INSEE 202I ;
  Ici,, nous sommes en plein cœur des territoires perdus de la Haute-Marne, colonisés par l'éolien :

  • 204 turbines en activité sur l'ensemble du département,
  • 23 usines, 
  • I38 aérogénérateurs au nord de Chaumont!,
  • 7 usines en construction,
  • 20 usines en instruction.
N'en jetez plus! le " Pays de l'eau " dégueule!

Un aperçu de la colonisation éolienne...   Source 

Légendes



Source

2. Équipe municipale
   Lors des élections de 2020, le conseil municipal a été fortement renouvelé : 6 nouveaux entrants sur les 11 postes ouverts.
  À noter :
  • deux tours de scrutin ont été nécessaires pour élire le conseil municipal,
  • une forte abstention : 34% des inscrits.
Conseil municipal 2020-2026
   - Christelle De Castro, professions intermédiaires de la santé et du travail social,
  - Sophie Remy, professions intermédiaires administratives de la fonction publique,
  - Didier Jolly, maire, technicien en machines agricoles,
  - Christophe Bossu, artisans,
  - Fabien Cornu, chauffeurs,
   - Manon Gardien, employés administratifs d'entreprise,
  - Emmanuel Da Silva, employés civils et agents de service de la fonction publique,
  - Philippe Gabet, ingénieurs et cadres techniques d'entreprise,
  - André Godart, anciens ouvriers,
  - Christian Schmidt, techniciens,
  - Émilien Tonner, élèves, étudiants.
    En gras, les réélus en 2020
 
  - inscrits : 282 / 282 en 20I4
  - abstentions : 68 / 95
  - votants : 2I4 / I87
  - blancs ou nuls : 8 / 6
  - exprimés : 206 / I8I
  Source

Qu'ont-ils fait de la Haute-Marne, ils l'ont patiemment gâchée !

 
jhmQuotidien 2022 03 22

 
 
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Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, épisode XXV

Précédemment
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   Faubourg Franciade [rue du ; aujourd'hui rue du faubourg Saint-Denis, 10ème arrondissement] des femmes ont cherché dispute à un boulanger qui leur dit qu'il se foutait de leurs pratiques. Elles ont dit que tous les marchands quelconques étaient de vrais scélérats, que le peuple ne serait heureux que lorsqu'ils iraient à la guillotine. Ces femmes disaient aussi : " Avant peu il y aura quelques évènements qui enfin nous ferons avoir des denrées, et il faut espérer que les marchands ne seront pas si gueux. " La garde est arrivée, et a invité, au nom du bien public, tous les citoyens et citoyennes à se retirer.
  À la Vallée, et au marché Martin480, en m'informant du prix de la volaille, j'ai vu, et chose très extraordinaire, des hommes ayant des bas tout troués, des souliers à peine portables et des chemises extrêmement sales, acheter des lapins jusqu'à 12 livres, et sans marchander. Après qu'ils étaient partis, les marchands disaient : " Voilà un citoyen qui est bien sans-culotte! Mais il fait bon lui vendre. " Et ensuite les sarcasmes roulaient sur les hommes en place qui se masquaient, disait-on.
  Depuis quelques jours, le fanatisme reprend des forces à Vaugirard. Sous peu j' indiquerai les moyens de les détruire, car j'attends à faire connaître les auteurs, d'après les renseignements certains que je me persuade avoir.
  Au marché Jean481, il y avait beaucoup de légumes ; mais le peuple crie de ce qu'ils sont chers.
  Rue Amelot, dans un cabaret on a lu le Journal du Soir482. L'article de la Vendée a étonné tous les citoyens qui étaient dans cet endroit. On y disait que cette guerre malheureuse ne finirait jamais, parce qu'il y avait des gens intéressés à la faire trainer en longueur pour mieux voler. Une femme, qui a son mari canonnier au 10e bataillon de Paris, et à présent à Saumur, a assuré que de longtemps cette guerre ne serait finie, parce que son mari lui avait marqué qu'on était diablement trahi.
  Je n'ai rien vu d'extraordinaire.

Rapport de Charmont, W 112

  Pour le coup on a manqué aujourd'hui de viande chez les bouchers et les charcutiers ; le peuple a murmuré hautement. Le peuple indigné menace, dans certains quartiers, de se porter à des voies de fait. On disait à haute voix, dans le milieu des rues : " Quoi! avec de l'argent on ne peut plus rien avoir? Maudit soit le maximum ; c'est son imperfection qui nous met dans ce labyrinthe, et, si on tarde encore quinze jours sans y remédier, il y aura tout lieu de craindre. " Ainsi parlait-on aujourd'hui dans les marchés.
  Les cours de salpêtre483 se continuent avec force ; un concours prodigieux de citoyens remplissait l'auditoire. Fourcroy [Antoine François, 1755-1809 ; médecin et chimiste ; député 1793-1795, en remplacement de Marat assassiné ; conseiller d' État nommé par Napoléon Bonaparte 1799-1809 ; Directeur général de l'Instruction publique 1802-1808 ; Directeur du Muséum national d'histoire naturelle 1804-1805 ; il fut, entre autres, promoteur de la loi de germinal an XI [mars 1803] : " Le régime de la pharmacie, de la création du Collège de pharmacie à la loi de Germinal an XI, est tout d'abord brièvement rappelé. Le promoteur de cette loi, Antoine-François de Fourcroy fait l'objet de cette étude. Après la présentation d'éléments bibliographiques, ses travaux de chimie sont analysés, ainsi que l'apport fondamental de son enseignement et de ses ouvrages à la propagation de la chimie moderne. Enfin, de son rôle politique, de la Révolution à l'Empire, il ressort que Fourcroy a pris une part importante aux grandes réformes de l'éducation, de la médecine et de la pharmacie, en particulier." ; source] y a développé des principes incontestables, qui en peu de mots vont apprendre aux citoyens l'art de faire le salpêtre. Jamais école ne fut mieux suivie ; c'est à qui s'empresse d'y aller.

Antoine-François de Fourcroy

  Les ateliers des sections pour le salpêtre sont bien loin d'atteindre au but proposé par le citoyen Fourcroy. Il résulte, selon lui, de grandes dépenses et peu de rapport. Des citoyens mis en réquisition à l'atelier des Jacobins Jacques484 se sont permis de laisser couler une barrique d'huile appartenant à l'administration de la filature485. Les administrateurs se plaignent de ce qu'on ne met pas de frein à ce désordre là, attendu que voilà deux fois que cela récidive.
  On se plaint de ce que beaucoup de jeunes gens de la première réquisition sont revenus dans Paris avec des soi-disant pouvoirs du ministre de la Guerre, sous le prétexte qu'ils doivent entrer dans le génie.
  On assurait aujourd'hui que les Jacobins voulaient faire dissoudre aujourd'hui les sociétés populaires de sections, sur ce qu'elles sont imprégnées d'intrigants qui les poussent à des excès anti-patriotiques. " Il est de fait, disait-on, que, sur vingt séances, il n'y en avait pas une de bonne pour l'intérêt public ; qu'elle ne passait son temps qu'en dénonciations, les trois quarts du temps fausses, et que, lorsqu'ils veulent placer un de leurs sociétaires, on le place sans autre forme de procès, quelquefois même au détriment d'un père de famille, sur la seule cause qu'il n'est pas sociétaire. "
  Au café Manoury on était sur la question de l'opinion publique en Angleterre sur la Révolution française. Il en résulte des dires que l' Angleterre est plus que jamais tombée dans les griffes du despotisme ; qu'à moins que les Français n'aillent lui rendre une visite patriotique, il n' y [a] aucune espérance de la (sic) rendre à la liberté. Notre seul parti à prendre est de tâcher de lui enlever le plus que nous pourrons son commerce et ses vaisseaux.
  Il n' y a pas de plus heureux dans cette guerre que le tyran de Prusse qui, s'étant approprié une partie de la Pologne, se retirera de ses frais en argent, mais non pas en hommes.
  On avait promis, il y a quelques jours, d'approvisionner Paris de sucre ; beaucoup de citoyens malades attendent avec impatience que ce sucre arrive ; il n'arrive pas, cela fait encore murmurer. Les citoyennes surtout sont celles qui se plaignent le plus : " On nous promet, disent-elles, et on ne nous tient guère parole. "

Rapport de Dugas, W 112
  Lulier, agent national [fonction créée pendant la Terreur ; "... Le 28 brumaire an II, 18 novembre 1793, Billaud-Varenne présente au nom du Comité de salut public un rapport sur l'organisation du Gouvernement révolutionnaire et un projet de décret adopté par la Convention nationale le 14 frimaire : 4 décembre. Ce décret institue, dans sa deuxième section, articles 8 et 13 à 22, des agents nationaux pour représenter le gouvernement auprès des administrations des districts et des communes, en remplacement des procureurs-syndics de district, des procureurs de commune et de leurs substituts. [...] les agents nationaux sont supprimés le 28 germinal an III : 17 avril 1795... " ; source], recommande plus que jamais l'union entre les vrais républicains, et, dans le même placard486, il fait sentir la nécessité de cette union sans laquelle tout serait perdu.
  On a répandu que la femme de Chaudot, livrée à son désespoir depuis l'exécution de son mari487, s'était précipitée par la fenêtre et qu'elle était enceinte. On n'a pas manqué de citer, à ce sujet, l'histoire tragique de la femme Auriol de Lyon, qui s'est jetée dans le Rhône avec ses deux enfants dans une même circonstance488.
  Le siège de Toulon489, au Théâtre de la rue Feydeau, attire beaucoup de monde. On ne se lasse pas de s'y amuser du rôle que l'on y fait jouer au ci-devant Monsieur, et qui est rempli par un acteur qui le copie parfaitement.
  Aux Jacobins490, après la lecture de la correspondance et le scrutin épuratoire de cinq à six membres, Carrier, représentant du peuple, est monté à la tribune. Il y a fait l'historique de la guerre de Vendée, à peu près et dans les mêmes termes qu'il l'avait fait à la Convention491. Les résultats en sont qu'il y a encore vingt mille hommes, armés ou non armés, à détruire dans ce malheureux pays, et que, dans deux mois au plus tard, par les mesures qui ont été prises, la paix règnera enfin dans toute cette contrée.
  Carrier descendait de la tribune lorsque la Société lui a demandé son opinion sur les généraux qui ont servi dans cette guerre. Il a fait l'éloge des talents et de la modestie de Rossignol ; mais, à l'égard, de Westermann, il a déclaré que, malgré son courage et son audace, il ne le croyait pas propre à commander une armée. Philippeaux [Pierre-Nicolas, 1756-1794 ; "... Attaché au parti de Danton, il fit la motion d'allouer 300,000 livres à quiconque livrerait Dumouriez [...] [il] fut envoyé peu après en Vendée pour y réorganiser les administrations. De concert avec l'état-major de Nantes, il préconisa et inaugura un système de guerre en opposition avec celui des officiers et représentants réunis à Saumur : c'était le système dit des « colonnes mobiles » destinées à agir à l'improviste et à organiser contre les rebelles une véritable chasse à l'homme. [...] Le Comité de Salut public donna la préférence au système des colonnes mobiles ; mais les Vendéens redoublèrent d'ardeur et de rapidité dans leurs mouvements, et infligèrent plusieurs échecs aux colonnes, échecs qui provoquèrent le rappel de Philippeaux. Il prétendit alors que ses adversaires, Rossignol et Ronsin, généraux de l'armée de la Rochelle, l'avaient desservi et s'étaient efforcés de faire échouer ses mesures : il se plaignit également des commissaires de la Convention. Dénoncé par les jacobins, poursuivi par les accusations d' Hébert, de Levasseur, de Choudieu, de Vincent, il fut déclaré traître à la patrie par les clubs populaires, et le 30 mars 1794 [10 germinal an II], sur le réquisitoire de Saint-Just, qui l'accusa de trahison, d'avoir écrit en faveur de Roland et de l'appel au peuple, d'avoir demandé le renouvellement de la Convention, il fut arrêté comme complice de Danton. La faction des Philippeautins était alors des plus suspectes à la Montagne. Traduit devant le tribunal révolutionnaire, le 5 avril [16 germinal] suivant, Philippeaux reconnut qu'il avait dénoncé le Comité de salut public et dévoilé les trames des intrigants, et fut condamné à mort comme coupable de complicité « avec d'Orléans, Dumouriez, et autres ennemis de la République ». Il mourut avec courage. n'a pas été oublié... " ; source] : Carrier ne le regarde pas comme un conspirateur, mais comme un fou, qui n'a jamais vu en face un seul rebelle de la Vendée et qui prétendait toujours que son panache avait été caressé par les balles des ennemis.

 
Pierre, Nicolas Philippeaux, 1756 - 1794

  Thirion [Didier, 1763-1815 ; député 1792-1795 ; "... Il prit parti contre les Girondins, défendit Marat, se prononça pour l'établissement du maximum, devint secrétaire de la Convention, et fut envoyé en mission dans la Vendée. [...] ayant voulu s'immiscer dans les opérations militaires, fut rappelé sur le rapport de Couthon au bout de deux mois. Cette circonstance l'éloigna de Robespierre, dans la journée du 8 thermidor [26 juillet]. Thirion, qui avait présidé le club des Jacobins, parla contre les sociétés populaires et prit part aux mesures de réaction qui suivirent immédiatement la défaite des robespierristes. [...] À l'époque des événements de prairial, il se mit du côté des insurgés et accepta d'eux le titre et les fonctions de secrétaire. Arrêté, il bénéficia de l'amnistie du 4 brumaire an IV [26 octobre 1795] et n'appartint plus à d'autres assemblées. [...] Commissaire du Directoire près le tribunal de Bruges, 1796 [an VII], puis près l'administration centrale de la Moselle, juillet 1799 [messidor an VII], il rentra dans l'enseignement après le coup d’État de brumaire et obtint la chaire de belles-lettres à l’École centrale de Sambre-et-Meuse; il passa en 1803 [an XI] au lycée de Mayence et, le 20 juillet 1809, fut nommé professeur de littérature latine à la faculté des lettres de Douai. " ; source] a parlé pour défendre Westermann, mais Collot d' Herbois l'a réfuté complètement.
   Avant-hier, la force armée avait dissipé et arrêté plusieurs personnes, en hommes et en femmes, dans un souterrain du Jardin de la Révolution, où l'on dansait ; aujourd'hui le bal a repris de plus belle, et l'on a dansé jusqu'à onze heures du soir.

Rapport d' Hanriot, W 112
  La coupable négligence des voituriers qui, loin de se tenir à la tête de leurs chevaux, en conformité des règlements de police, les abandonnent au hasard des évènements, vient de causer un malheur bien déplorable à la Pointe Sainte-Eustache. [également appelée place de la Pointe Saint-Eustache, carrefour de la Pointe Saint-Eustache, voire plus simplement Pointe Saint-Eustache, est une ancienne voie qui était située dans l'ancien 3e arrondissement de Paris et qui a disparu... " ; source] Une femme de soixante-trois ans a été écrasée par une charrette. Il a fallu une vigoureuse opposition pour arracher le voiturier à la fureur populaire.
  Toujours des craintes partout sur les subsistances ; toujours des plaintes plus amères sur la disette de viande.
  Hier, en passant dans la section des Invalides, je me suis approché d'un groupe de femmes fort mécontentes de ce qu'ayant attendu longtemps à la porte des bouchers, elles s'en étaient retournées les mains vides. Je demandai à une quelle pouvait être la source d'une pénurie semblable ; elle me répondit qu'il n'y avait rien d'étonnant en cela, attendu que les citoyens en réquisition pour les poudres et les salpêtres, l'hôpital national des Invalides et l'hôpital du Gros-Caillou [nommé auparavant : hôpital des Gardes-Françaises ; en août 1789, à la suppression de celles-ci, il devient la propriété de la ville de Paris et change de nom ; installé en 1759, il sera démoli en 1899 ; "... Quelques hôpitaux militaires font exception et sont dignes de ce nom. C'est, tout d'abord, l'hôpital de la Garde à Paris, l'hôpital du Gros-Caillou, rue Saint-Dominique, qui est bien équipé et où les soldats de ce corps d'élite sont très bien soignés. Les officiers de santé de la Garde qui sont parmi les meilleurs du Service de santé y exercent. Larrey en est le chirurgien en chef, Sue, le médecin chef et Sureau, le pharmacien en chef. Les adjoints sont qualifiés et nombreux ; en 1813, on compte 3 médecins mais 5 chirurgiens de 1re classe, 12 chirurgiens de 2e classe, une trentaine de chirurgiens de 3e classe et une quinzaine de pharmaciens.Un corps d'infirmiers militaires tiré des bataillons d'administration et des équipages du train de la Garde complète le personnel de santé de cet hôpital... ; source] se fournissent aux bouchers de cette section, et que leur approvisionnement n'est point en raison de la consommation. Une autre, plus loin, m'assura qu'il y avait toujours de la part des bouchers une préférence cachée pour ceux qui la payent au delà du maximum, et que c'était là la principale manœuvre qui faisait manquer de viande.
 

Hôpital militaire du Gros-Caillou, 7ème arrondissement, Paris. 28 février 1895 ; Emonts ou Emonds, Pierre ,1831 - après 1912, photographe. Musée Carnavalet

  La section du Contrat-Social, dans sa sage prévoyance, sentant combien il est essentiel de pouvoir à la subsistance des mères qui enfantent des sujets de la République, vient d'établir dans son arrondissement un hospice où seront reçues les femmes enceintes, où on leur procurera le bouillon et la viande nécessaires en pareil cas. Cet établissement, en excitant l'admiration, a piqué en même temps l'émulation des autres sections. Plusieurs se proposent déjà de marcher sur ses traces.
  Nos succès journaliers dans la Vendée sont pour les bons patriotes, une source de consolation, aux yeux des malveillants le motif d'une défiance liberticide qu'ils veulent insinuer aux autres. " Depuis quelques jours, disait un individu à un autre, on nous annonce plusieurs milles de brigands tués encore dans la Vendée. Sont-ce là ces restes épars dont on nous parlait avec tant de mépris? Puisqu'on les tue par mille, c'est qu'ils sont encore en grand nombre : des restes épars ne forment pas des rassemblements aussi considérables. D'ailleurs, La Rochejacquelein, dont on nous avait annoncé la mort, est toujours à la tête de son armée. " J'aurai désiré qu'il continuât sa conversation pour entendre ses conclusions : mais un citoyen vint à passer au milieu de six fusiliers en se débattant beaucoup, ce qui empêcha le reste.

Rapport de Le Breton, W 112
  J'ai entendu dire ce matin, par un individu qui prétend avoir connu parfaitement le ci-devant Bouillé492 à Nancy, que le général désigné sous le nom de Charette, et qui commande l'armée des rebelles, n'est autre chose que le même Bouillé. J'observe que ce particulier a dit arriver de la Vendée, et avoir fait toute la guerre de ce pays comme grenadier de la gendarmerie nationale, faisant le service à la Convention.
  Je suis allé ce matin du côté des Halles, et j'ai cru remarqué quelques inquiétudes dans le peuple, sur le peu de consommation (sic) que l'on apportait des campagnes à Paris ; particulièrement, beaucoup de cuisiniers et cuisinières crier après la rareté et la cherté des denrées, et les approvisionneurs se rejeter sur le prix excessif qu'ils payaient eux-mêmes les choses. Il est de fait que le maximum n'est plus observé sur rien, et que ces gens là s'abouchent [être aboucher : se mettre en rapport avec quelqu'un, le plus souvent pour une affaire suspecte ; s'accointer, s'acoquiner ; Larousse] entre eux de manière à dérouter la vigilance des commissaires.
  Dans la section de la Fontaine-de-Grenelle, on a fait aujourd'hui une quête chez les citoyens pour les engager à fournir du bois pour la préparation du salpêtre. Cette quête a donc eu lieu, et chaque citoyen a fourni son contingent bois proportionnellement à ses provisions. On fouille toutes les caves que l'on croit susceptibles d'en fournir et ce procédé réussit assez bien pour notre section. Chacun porte aussi ses cendres.
  On dit dans le public que cette campagne ci sera chaude, à commencer du mois germinal [mars / avril], et qu'à la fin de l'été le sort de l' Europe sera décidé, que d'ailleurs les puissances d' Allemagne ne sont pas en état de soutenir plus longtemps une guerre aussi ruineuse pour eux.
  On dit aussi que Pitt fait de nouveaux efforts pour corrompre chez nous, mais que ses moyens sont affaiblis par le peu de succès que ses démarches ont eu jusqu'à présent, et par l'or qu'il n'a plus la facilité de répandre.
  Paris est tranquille.

Rapport de Monic, W 112
  Un citoyen m'a parlé aujourd'hui du nommé Saint-Criq, garde du corps de Capet493. C'est le même particulier que j'avais dénoncé dans un de mes rapports pour avoir été un des protégés de Beurnonville [Pierre-Riel, marquis de, 1752-1821 ; Pair de France ; source] dans la partie de la fourniture des toiles pour le compte de la Nation. Ce citoyen m'a assuré que ledit Saint-Criq recevait les toiles de ses agents sans débourser un sou, qu'ensuite il livrait les toiles à la Nation à un très gros bénéfice, et puis, lorsque les toiles qu'il avait fournies lui étaient payées, il remboursait ses agents ; que, par le moyen des gains qu'il avait faits dans ses fournitures il avait ramassé une assez grosse fortune pour quitter l'hôtel de Malte, rue ci-devant Richelieu et rue Saint-Nicaise, ces deux maisons appartenaient au même maître, où le sieur de Saint-Criq a demeuré fort longtemps, pour occuper à lui seul un grand hôtel rue de Ménars, la première porte à droite en entrant par la rue de la Loi. Il m'a dit aussi que, la nuit du 9 au 10 août [La journée du 10 août 1792] Saint-Criq avait reçu chez lui plusieurs individus jusqu' à une certaine heure de la nuit, et qu'ils furent ensuite aux Tuileries se joindre à la bande monarchique. Il demeurait dans ce temps-là rue Saint-Nicaise, hôtel de Malte. Il m'a dit aussi que Saint-Criq avait été chargé d'une fourniture de souliers pour la troupe ; que le citoyen Legrand, cordonnier rue des Petits-Champs, lui avait fourni cette commande, mais que Saint-Criq avait bénéficié vingt-cinq à trente sous par paire de souliers. Le portier de l' hôtel de Malte, comme étant très ancien dans ladite maison, et connaissant depuis très longtemps le sieur Saint-Criq, pourrait donner des notions certaines sur la conduite que le sieur Saint-Criq a menée.
  Aujourd'hui dans la matinée, le peuple s'est porté en très grande foule chez le charcutier de la rue de Rohan. La force armée a été obligée d'y venir pour y maintenir l'ordre.

Rapport494 de Panetier, W 112

  Citoyen, je crois qu'il est bon de vous informer de ce qui se passe. J'ai entendu dire que les fondeurs et marchands d'argent vendaient beaucoup d'or gris qui ressemble, étant laminé, à de l'acier. Je crois qu'il serait très urgent d'y faire une visite, et d'empêcher que l'on déguise l'or de cette nature, et très aisé à transporter et cacher sans qu'on puisse s'en apercevoir. Je puis vous assurer que c'est une vérité.
  Et il serait très nécessaire d'empêcher le jeu de loto qui est introduit dans les prisons, qui empêche beaucoup de prisonniers de se procurer leur nécessaire, et beaucoup de petits marchands qui vendent leur marchandise le double de leur valeur.

Rapport de Perrière, W 112

Marchands de bois. — Ce combustible se corde [corder du bois : ramasser une certaine quantité de bois. La corde représente une quantité de quatre pieds de bois ; un pied représente 0.283m3], on ne peut plus mal, tout le long du quai, vis-à-vis le Jardin de l' Infante [" entre Louvre et Seine, où les reines mères profitaient des beaux jours de printemps. [...] Le jardin de l’Infante se situe à proximité du Louvre. Plus précisément c’est l’espace entre le Louvre et les quais, entouré de grille. Jusqu’au début du XIXe siècle, le jardin de l’Infante était d’un seul tenant, entre la colonnade du Louvre et la Galerie d’Apollon. Au XVIIIe siècle, le jardin était d’un seul tenant. Il est aujourd’hui coupé en deux par un passage reliant le Louvre au pont des Arts... " ; source], et encore ne consiste-t-il qu'en bois de quartier très peu économique parce qu'il brûle très vite et que, vu son volume, on est forcé de le brûler en beaucoup plus grande quantité qu'on ne voudrait.
  En revanche, il en est arrivé quelques bateaux de rondins entre les Invalides et le pont de la Révolution [anciennement " pont Louis XVI ", puis " pont de la Révolution ", puis, " pont de la Concorde ", puis, de nouveau, " pont Louis XVI ", 1834, pour finir définitivement en " pont de la Concorde " : 1830], ci-devant royal, qui a consolidé les citoyens du bois de quartier ; et la probité du marchand a consolé aussi de la friponnerie de ceux qui se sont installés vis-à-vis le Jardin de l' Infante : il laissait les particuliers se mesurer eux mêmes, et tout ce qu'il demandait, c'est qu'on ne débordât pas la membrure ; aussi tout le monde s'empressa-t-il de lui rendre justice lorsque le commissaire, encore tout furieux des malversations qu'il venait de réprimer dans un autre endroit, se présenta pour assister au cordage.

Pont de la Concorde. Photo : Mathieu Clabaut @CC BY-SA 3.0

  Ces commissaires se montraient véritablement les amis du peuple, et ils parlaient d'un ton à effrayer les coquins : " Citoyens, disaient-ils, si vous êtes mécontents des cordeurs, faites transporter votre bois à la section ; là on le mesurera de nouveau, et soyez sûrs que, s'il y a eu de la mauvaise foi, elle sera sévèrement punie. " Ils ont fait conduire en prison un marchand de bois dont tout le monde s'était plaint.
  Misère extrême du peuple. — Dans une des petites rues qui ouvrent sur la grande rue Saint-Martin, un malheureux ouvrier, père de sept enfants, plus deux, est réduit à se nourrir de pain et de fromage, drogue qui a succédé, pour la nourriture du peuple, à la viande si chère, si difficile à avoir, aux légumes, mis en réquisition. Ces faibles aliments ne donnent ni la force aux hommes, ni lait aux femmes. Un enfant criait sur le sein de sa mère : " Donnez-lui donc à têter, dit une voisine. — Eh! je ne lui refuse pas le sein, répondit cette infortunée en le lui présentant ; mais vous voyez qu'il le rejette à l'instant, parce qu'il n'en peut rien retirer! "
  Voilà les dignes objets de la sollicitude du gouvernement ; il faut croire qu'il s'en occupe aussi efficacement que le permettent les circonstances difficiles où nous nous trouvons.
  Café de Foy. — Ce café si fréquenté, si abondant en politiques, se remplit aujourd'hui, comme presque tous les lieux publics, d'indifférents ou de sourds-muets qui craignent d'entendre ou de parler. Hier au soir, on y lisait le journal, [lecture] qui, comme les sermons des fameux prédicateurs, était accompagnée d'une foule d'auditeurs si considérable que la queue s'étendait jusque dans l'office du limonadier. Après la lecture, qui par là devenait encore plus semblable à un sermon, silence profond, conversations à l'oreille ou sur les choses étrangères, jeux et boissons.
  La Maison Égalité495 elle-même, ce centre précoce et ardent du patriotisme, n'offre plus depuis longtemps la moindre trace de rassemblement. Il n'existe absolument que le groupe immortel du Jardin national, et celui que la curiosité forme dans la cour du Palais de la Justice nationale.
  Est-ce la preuve que le gouvernement prend de la consistance, ou que l'on est las de politique, ou que l'on trouve aujourd'hui ce sujet trop épineux? J'ignore ; c'est aux habiles à décider cette question.

Rapport de Pourvoyeur, W 112
  La guerre de la Vendée occupe beaucoup le peuple. " Pourquoi, dit-il, ne met-on pas le feu aux bois qui les recèlent? Il faut brûler toute cette contrée, et qu'il n'en soit plus parlé. "
  Un volontaire disait qu'il venait de recevoir une lettre de son frère qui est chirurgien-major dans le 2e régiment de Paris, et qui était à la Vendée. Il lui mandait que l'on disait la Vendée détruite, et que rien n'était plus faux, et qu'en aperçu les brigands avaient au moins encore 25.000 hommes, que la suppression des églises et des prêtres leur avait fait des adhérents, que ce pays en général est très fanatique, que peut-être aurait-on dû attendre que les brigands de la Vendée fussent entièrement anéantis avant que d'abolir toutes les églises. Des citoyens qui connaissent les habitants de ces contrées disent qu'ils sont si fanatiques que, lors du serment des prêtres, ils allaient chercher des messes à six lieues [~30km] de leur endroit, et qu'ils ne souffraient point que l'on porte la cocarde nationale.
  Des citoyens observaient, dans le même groupe, qu'en voyageant dans la Lozère ils avaient remarqué le même esprit de fanatisme.
  Ce qui prouve qu'il y a même encore de cet esprit de fanatisme à Paris, c'est ce que j'entendais derrière moi des particuliers qui disaient : " En effet, l'on a mal fait de toucher aux églises, au moins dans ce moment-ci ; l'on aurait dû attendre jusqu'après la guerre. "
  Plusieurs citoyens se plaignaient qu'il n'y avait plus rien dans Paris, et disaient qu'il y avait trois semaines qu'ils n'avaient pu avoir de la viande. On leur répondit qu'il fallait faire des sacrifices dans ce moment, et qu'il fallait se passer de viande pour la laisser à nos frères d'armes, qu'ils en avaient plus besoin que nous.
  Malgré cela, le peuple est indigné de voir combien il y a encore de malveillants, puisque tous les jours l'on trouve des subsistances dans la rivière. Il est temps, dit le peuple, que la hache nationale frappe les fermiers et les gros marchands, les seuls auteurs des maux que nous souffrons à présent.
  L'on observe qu'il n'y a pas de vin dans Paris, mais que cela n'est pas étonnant, parce que ceux qui achètent une grande quantité de vin n'osent pas le faire entrer à Paris ; ils le laissent à quelques lieues, et tout le long des bords de la rivière, si l'on voulait fouiller dans les caves, l'on en trouverait des magasins.
  L'on observe que nous sommes environnés plus que jamais de conspirateurs qui veulent nous faire venir la famine, et qu'ils y parviendraient si l'on ne prend pas des mesures vigoureuses.
  Plusieurs personnes observent que les grandes fortunes étaient toujours la source de crimes, que c'était elles qui avaient fait notre malheur, et qui le font encore ; les aristocrates s'en servent non pour être utiles aux sans-culottes, mais bien pour achever de les ruiner. L'on dit qu'elles devraient être supprimées.

Rapport de Prevost, W 112
  Les ouvriers se plaignent très fortement de ce qu'ils ne peuvent plus avoir, dans les auberges, de viande ni souper, ils mangent du pain et des harengs saurs. Dans presque toutes les auberges, il n'y avait pas une once de viande. Les légumes, par cette raison, sont d'un rare étonnant et montés à un prix exorbitant.
  Quatre particuliers employés à tirer les cercueils des églises rapportent qu'il a été levé des corps qui n'ont pas été vidés des cimetières ; les commissaires à cet effet n'ont pas voulu. Ces particuliers disent que bien certainement on y aura trouvé des bijoux, en ce que les personnes qui y étaient renfermées étaient très riches, que sur ces cercueils il y avait de très grandes plaques d'argent pour indiquer ceux qui y étaient.
  Les Champs-Élysées renferment non seulement des voleurs et filous, mais encore des hommes sans pudeur qui insultent toutes les femmes qui y passent.

   À suivre...

   Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 249-261.

480. Sur la Vallée, cf. t. II, p. 51, note 3. — Le marché Saint-Martin était situé sur une portion du territoire de l'ex-abbaye de Saint-Martin-des-Champs.
481. Le marché Saint-Jean, entre la place Baudoyer et la rue de la Verrerie.
482. Cf. t. II, p. 343, note 2. — " L'article de la Vendée " désigne un passage du compte rendu de la séance de la Convention du 3 ventôse [21 février], publié dans le n° 516.
483. Cf. ci-dessus, p. 228, note 2.
484. La maison des Jacobins de la rue Saint-Jacques.
485. Pas de renseignements.
486. Pas de renseignements.
487. Cf. ci-dessus, p. 98, note 2.
488. Nous n'avons pas trouvé de renseignements sur le fait (?) dont parle Dugas. Deux dossiers du fonds du Tribunal révolutionnaire, Arch. nat. W 20, doss. 1123, et 324, doss. 515, concernent les époux Auriol, tous deux impliqués dans l'affaire Chaudot, cf. ci-dessus, et qui venaient d'être acquittés par le Tribunal : cf. ci-dessus, p. 61, note 1.
489. La prise, et non Le siège de Toulon, tableau patriotique en un acte, mêlé d'ariettes [Italie : petite mélodie, de caractère aimable. Larousse], par Picard, musique de Dalayrac, représenté pour la première fois au Théâtre de la rue Feydeau le 13 pluviôse [1 février].
490. Séance du 3 ventôse [21 février] : Aulard, La Soc. des Jacobins, t. V, p. 659.
491. Le même jour, 3 ventôse [21 février] : Moniteur, réimp., t. XIX, p. 537.
492. Le marquis François-Claude Amour de Bouillé, 1739-1809, dont la vie est bien connue.
493. Cf. ci-dessus, p. 66, la note 1, au rapport de Le Breton du 24 pluviôse [12 février] ; on n'a pas le rapport de Monic dont son auteur parle ci-après.
494. Il s'agit plus exactement d'une lettre, datée de Saint-Lazare et adressée à Francqueville [chef de la correspondance au ministère de l'Intérieur, arrêté le 12 (?) germinal an II [1 avril 1794], sur ordre des Comités de salut public et de sûreté générale] chez le ministre de l' Intérieur, rue Neuve-des-Petits-Champs, à Paris. Elle comporte un dernier paragraphe ainsi conçu : " J'ai renvoyé le certificat que le ministre a bien voulu m'accorder à ma mère, pour le prier de vouloir bien la faire tenir au Comité de sûreté générale de la Convention. S'il était en votre pouvoir faire quelque chose pour moi à cet égard, vous me rendrez le plus grand service. Je vous souhaite le bonjour, et suis avec fraternité, salut. " Il ressort de cette pièce que Panetier, dont nous n'avons pas de rapport postérieur, était, au début de ventôse [février], incarcéré.
495. Ex Palais-Royal

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Union européenne, gaz : quand la Commission réinvente... le monopole!

  “ L'humour vient tout seul à l'homme comme les poils au pubis.
  Pierre Desproges
 
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De l’eau dans le gaz européen

Descartes
2022 03 25

  On ne peut que rendre hommage – un hommage de la vertu au vice, s’entend – à la capacité sans limite de nos eurolâtres à transformer une défaite en victoire. Dernier épisode en date, les propositions annoncées par la Commission européenne par la bouche de sa présidente pour diminuer la dépendance de l’Europe au gaz russe et pour réduire le coût de l’énergie.
  Pour apprécier cette proposition à sa juste valeur, il n’est pas inutile de faire un petit peu d’histoire. Nous avions, dans nos beaux pays européens, des monopoles publics de distribution de gaz issus des réformes de l’après-guerre. Chez nous, il s’appelait Gaz de France, en Grande Bretagne British Gas, et ainsi de suite. Ces monopoles concluaient avec les pays fournisseurs, des contrats de long terme, qui compte tenu de leur taille et des garanties publiques dont ils bénéficiaient étaient conclus à des tarifs relativement avantageuses. Ces monopoles achetaient est stockaient – car leur priorité était non pas le profit, mais la sécurité d’approvisionnement – et en fin de chaîne, ces monopoles distribuaient le gaz au prix règlementé.
  Mais ces opérateurs ne choisissaient pas leurs fournisseurs ou leurs politiques de stocks purement en fonction des profits à réaliser. Dans ces choix, rentraient aussi des considérations comme la souveraineté nationale, l’indépendance énergétique, la sécurité des approvisionnements. Et s’ils pouvaient se permettre ce luxe, c’est parce que leur position monopoliste leur permettait de transférer le coût supplémentaire induit par ces considérations au consommateur.
  Mais un jour, les eurolâtres sont arrivés, armés de textes affirmant l’objectif d’un « marché libre et non faussé » dans tous les domaines. Et que croyez-vous qu’il arriva ? Les monopoles furent cassés, les marchés ouverts à la concurrence, les contrats de long terme voués aux gémonies. La « main invisible du marché », vous savez, celle qui « transforme les vices privés en vertus publiques », devait faire son travail. Grâce à elle, les prix allaient baisser, les stocks allaient être optimisés. Une ère de paix, de bonheur et de prix bas allait s’ensuivre. Une politique énergétique ? Pour quoi faire, puisque le marché allait guider les décisions des acteurs privés pour le bien de tous ?
  Hélas, trois fois hélas… la « main invisible du marché » a fait son œuvre. Et c’est cette œuvre que nous contemplons maintenant. Car le marché n’a qu’une règle : celle du meilleur coût. Pourquoi voulez-vous que dans une logique de concurrence le consommateur accepte de payer plus alors qu’il peut payer moins ? Si demain vous aviez le choix entre plusieurs stations de service, l’une vendant de l’essence issue de pétrole russe, l’autre du pétrole saoudien, l’autre du pétrole américain, et ainsi de suite, laquelle choisiriez-vous ? Réponse évidente : celle qui vend l’essence moins cher. C’est là l’essence de la concurrence : l’acheteur cherche le coût le plus faible. Et le fournisseur est donc obligé d’optimiser le coût, quitte à jeter par-dessus bord des concepts tels que la diversification des approvisionnements ou l’indépendance nationale. Si le gaz russe est moins cher, le marché achètera du gaz russe, de la même façon qu’il achètera des masques chinois quand bien même on en fabriquerait en Europe. Le marché est insensible aux concepts abstraits et ne voit qu’un indicateur, le « signal prix ».
  On ne peut imaginer qu’une régulation par le marché aboutisse, en plus de fournir au consommateur le prix le plus bas, à sauvegarder les intérêts de l’indépendance et la souveraineté, qu’elle soit nationale ou européenne. L’Allemagne est dépendante du gaz russe non parce que son gouvernement a décidé d’acheter chez les Russes, mais parce qu’il a décidé de faire confiance au marché pour choisir chez qui acheter. Alors, il faut faire des choix : si l’on veut prendre en compte des priorités autres qu’économiques, il faut que la volonté des Etats prime sur les marchés. Autrement dit, c’est la fin des marchés « libres et non faussés », et leur remplacement par des marchés « conditionnés et faussés » par l’intervention publique, voire par la régulation administrative.
  Et c’est, curieusement, la solution proposée par la Commission pour le problème qu’elle a elle-même créé : Un « acheteur unique » de gaz pour l’ensemble de l’Union et des obligations de stockage. C’est – en apparence en tout cas – une révolution, cher lecteur, bien plus que l’Allemagne abandonnant sa politique de ne pas fournir d’armes aux belligérants dont on fait tout un foin. Devant nos yeux, la Commission abandonne sa foi dans le marché « libre et non faussé » et propose de rétablir un monopole ! Hier, elle expliquait que pour le marché fonctionne, il faut multiplier les acheteurs et les vendeurs – ce qu’on appelle un marché « atomisé » – et donc casser les gros opérateurs. Aujourd’hui, elle propose de créer un opérateur gigantesque à l’échelle européenne chargé d’acheter pour tous. Mais s’il y a un « acheteur unique » qui négociera avec les fournisseurs des contrats de long terme et fournira ensuite aux distributeur à un tarif unique, si l’on impose administrativement la politique de stockage, quelle marge restera-t-il aux distributeurs indépendants de gaz ? Eux, dont le seul métier est d’acheter et de vendre, comment justifieront-ils leur existence ? Comment pourront-ils se concurrencer les uns les autres alors qu’ils n’ont aucun paramètre pour se distinguer ? En bonne logique, l’acheteur unique et la politique de stockage unique annoncent le distributeur unique…
  On peut bien entendu se poser des questions sur la sincérité de la conversion de la Commission aux délices des monopoles, de la planification et des prix régulés. Personnellement, je ne parierai pas là-dessus. Comme toujours, avec la Commission c’est « deux pas en avant, un pas en arrière ». Quand la révolte contre les prix de l’énergie gronde, il faut bien proposer quelque chose, et l’on propose la seule chose qui soit à peu-près rationnelle. Mais de là à la mettre en œuvre… je suis prêt à parier qu’une fois la parenthèse ukrainienne fermée, on reviendra aux vieux errements du « marché partout et pour tout », et on oubliera que l’indépendance et la souveraineté ont un prix, et que pour que ce prix soit payé on ne peut compter sur le marché.
  Mais il y a une question encore plus pressante : est-ce qu’on peut faire confiance à l’institution qui a créé les problèmes – et cela malgré les très nombreux avertissements des experts du sujet – pour trouver les solutions ? Est-ce que la Commission, toujours aveuglée par les mêmes œillères idéologiques – et soumise aux mêmes intérêts – est capable de faire autre chose que ce qu’elle a déjà fait ? Qu’on me permette d’en douter.
  En attendant, on voit aujourd’hui les dégâts de la non-politique européenne de l’énergie dans le domaine du gaz. Dans les années qui viennent, on verra ses effets dans le domaine de l’électricité. On voit en effet d’année en année se réduire les marges opérationnelles des réseaux électriques, au fur et à mesure que les anciennes installations thermiques ou nucléaires arrivent en fin de vie. Ces installations ne sont pas remplacées tout simplement parce que les contraintes de la production électrique font que la pénurie est bien plus avantageuse pour les opérateurs que l’abondance.  Aujourd’hui, aucun opérateur n’a intérêt à construire…
  Faudrait-il un grand black-out, un hiver sans gaz pour que les citoyens réalisent enfin où nous mène la non-politique européenne de l’énergie ?

Haute-Marne, Voisey : le projet d'usine de 5 éoliennes poursuit son petit bonhomme de chemin

Précédemment
https://augustinmassin.blogspot.com/2021/11/haute-marne-voisey-le-maire-le-conseil.html

   La lune de miel se poursuit entre le " cueilleur-chasseur de subventions publiques " du vent et le conseil municipal : aujourd'hui, la présentation du dossier de synthèse. Après en avoir pris connaissance, le CM a formulé trois interrogations, par le même élu ; pas de quoi vraiment ébranler les certitudes des six autres membres qui ont voté favorablement pour le projet : voir ci-dessus ; quand à monsieur le maire qui, étant partie prenante dans l'affaire, ne peut participer ni aux réunions* et ni aux votes traitant du sujet, il s'est engagé " à faire remonter ces trois remarques." Sans nul doute, les intérêts éoliens sont bien gardés...

   * On peut toutefois s'étonner que monsieur le maire, vu sa position, est pu, même, apparemment, participer à la séance du conseil municipal.
  Rappel : "... La jurisprudence judiciaire a déjà établi que la participation d'un conseiller à une séance de l'organe délibérant, même sans l'intervention d'un vote, équivaut à la surveillance ou à l'administration d'une opération au sens de l'article 432-12 du code pénal : Cour de cassation, chambre criminelle, 9 février 2011, req. n° 10-82988. Par conséquent, un élu municipal, propriétaire d'un terrain sur lequel il est prévu ou envisagé d'implanter une éolienne, qui participerait à une séance du conseil municipal au cours de laquelle un débat, en dehors de tout vote, aurait lieu sur le projet d'ensemble d'implantation d'éoliennes sur le territoire de la commune, pourrait effectivement être poursuivi pour prise illégale d'intérêts. Par ailleurs, le même élu qui participerait, en outre, à un vote visant à donner un avis sur le projet d'ensemble, pourrait être considéré comme un conseiller intéressé au sens de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales. La délibération relative à cet avis serait alors illégale et susceptible d'entraîner l'illégalité d'autorisations relatives à la réalisation du projet d'ensemble dès lors que cet avis serait pris en considération dans le cadre de la procédure administrative. Ces éléments ne peuvent cependant être présumés et doivent être examinés au cas par cas par le juge compétent." À creuser, non?😙
  Source

   À suivre...

   Et, ce projet ne fait pas partie des 52 éoliennes en approche à moins de 9km autour de Pressigny-lès-Éoliennes et se situe, encore, sur le territoire de la Communauté de communes des Savoir-Faire...

      
 Carte : association Van d'osier

jhmQuotidien 2022 03 25

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La guerre de 1870-1871 et de la Commune de Paris : l'engagement des combattants volontaires grecs

Sur une barricade, au milieu des pavés
Souillés d'un sang coupable et d'un sang pur lavés,
Un enfant de douze ans est pris avec des hommes.
- Es-tu de ceux-là, toi ? - L'enfant dit : Nous en sommes.
- C'est bon, dit l'officier, on va te fusiller.
Attends ton tour. - L'enfant voit des éclairs briller,
Et tous ses compagnons tomber sous la muraille.
Il dit à l'officier : Permettez-vous que j'aille
Rapporter cette montre à ma mère chez nous ?
- Tu veux t'enfuir ? - Je vais revenir. - Ces voyous
Ont peur ! où loges-tu ? - Là, près de la fontaine.
Et je vais revenir, monsieur le capitaine.
- Va-t'en, drôle ! - L'enfant s'en va. - Piège grossier !
Et les soldats riaient avec leur officier,
Et les mourants mêlaient à ce rire leur râle ;
Mais le rire cessa, car soudain l'enfant pâle,
Brusquement reparu, fier comme Viala,
Vint s'adosser au mur et leur dit : Me voilà.
La mort stupide eut honte et l'officier fit grâce. 
Victor Hugo, L'année terrible, Sur une barricade, 1871
 
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S’engager en guerre et en révolution. Les volontaires grecs dans la guerre franco-allemande et la Commune de Paris


Xenia Marinou
2022 03 19

   C’est l’histoire de la solidarité révolutionnaire internationaliste que retrace Xenia Marinou dans cet article. À partir d’un corpus d’archives solides, elle met au jour un pan original et trop méconnu de la guerre de 1870-1871 et de la Commune de Paris : la participation des combattants volontaires grecs qui ont traversé l’Europe pour rejoindre la France en effervescence. Ce dont donc des existences vouées au combat pour la liberté et la justice sociale qui reprennent vie ici. 
 
 
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  " J’entreprends de conter l’année épouvantable " : c’est sur cette phrase que s’ouvre le célèbre recueil de Victor Hugo L’année terrible, dont le titre souligne les liens étroits entre la guerre de 1870 et la révolution parisienne de 1871. Les deux évènements acquièrent presque immédiatement une dimension internationale, suscitant un vif intérêt à travers le monde et, surtout, en Europe. Franchissant rapidement les frontières nationales, ils sont perçus comme des épisodes capables d’influencer, et même de bouleverser la configuration politique du continent. Dans la presse et dans l’imaginaire de pays non-belligérants, la guerre franco-prussienne, devenue franco-allemande dès janvier 1871, et la Commune de Paris sont perçues comme un champ de bataille où se confrontent deux modèles civilisationnels opposés. Mais c’est également à partir de ce champ qu’émerge une forme politique révolutionnaire inédite, qui, pour une courte durée, semble victorieuse et qui parvient à créer de multiples représentations d’un nouveau monde.
  Suivre de près la mobilisation de volontaires étrangers provenant des pays non-belligérants, peut nous aider à retracer les espoirs, les peurs, les mutations et les antagonismes idéologiques en Europe, et à éclaircir la signification de l’internationalisme de la période en question. L’acte d’enrôlement dans une formation armée et/ou la participation à la Commune de Paris, ou à une Commune de province, sont, avant tout, des actions politiques. Si, dans plusieurs pays, la presse et les moyens de médiatisation des événements se trouvent entre les mains d’une élite intellectuelle et ne permettent que la diffusion des interprétations compatibles avec certains intérêts, la mobilisation des volontaires revêt un caractère plus autonome et complexe, qui rend possible un éclairage différent. Au cours de l’année terrible des milliers de volontaires étrangers arrivent en France. Comme le note Pierre Milza :
 " leur engagement n’est pas seulement le fruit d’un élan du cœur, il est idéologique. La plupart des individus qui intègrent la Légion étrangère, ou qui se réunissent pour former des compagnies de francs-tireurs, sont républicains, socialistes, anarchistes, et quand ils ne le sont pas, ils éprouvent le sentiment d’avoir une dette envers la France ".[1]
  Dans cet esprit, le présent article[2] essaie d’examiner la participation des volontaires grecs dans la guerre franco-prussienne et la Commune de Paris, et sa signification dans le contexte de cette époque.

La perception de la guerre franco-prussienne en Grèce
  La guerre franco-prussienne éclate le 19 juillet 1870 et occupe les gros titres de la presse athénienne qui prédit, et même souhaite, la redistribution de la carte européenne. Un grand nombre de journaux prend position – certains implicitement, d’autres plus ouvertement – en faveur de la Prusse, tandis que l’éventualité d’une victoire française suscite le ressentiment. En effet, dans la mesure où la politique extérieure de Napoléon III ne contribue pas à la réalisation de la « Grande Idée » [le projet d’expansion de la Grèce jusqu’aux frontières de l’empire byzantin] et au succès de la révolte crétoise [contre la domination ottomane], l’image de la France apparaît gravement ternie dans le royaume grec. L’hostilité envers la politique française se manifeste ouvertement et, rapidement, à Athènes et à Syra[3], la foule célèbre les premières défaites françaises.
  Cette colère antifrançaise, quasi-unanimement partagée au début de la guerre, perdra graduellement de son intensité. Néanmoins, c’est précisément dans ce climat antifrançais que naît le mouvement des volontaires grecs en faveur de la France. Le paradoxe de cette première mobilisation pourrait toutefois trouver son explication dans le bref séjour du révolutionnaire français Gustave Flourens en Grèce pendant l’été 1870. 

 

Communard noir, par Daniel Vierge, 1871.

Les rendez-vous révolutionnaires de Gustave Flourens en Grèce

  Gustave Flourens naît le 4 août 1838 à Paris dans une famille bourgeoise et intellectuelle. Il suit des études de lettres et de sciences et succède à son père à la chaire d’histoire naturelle au Collège de France. Il est bientôt démis de son enseignement, considéré comme athée et anti-bonapartiste, et voyage à Londres et en Belgique.[4] En 1866, rejoignant les rangs d’un mouvement renouvelé de philhellénisme en Europe, Flourens s’engage dans la Compagnie des Philhellènes de 1866. Celle-ci fait partie d’un corps de 400 volontaires qui, sous le commandement du colonel Vyzantios, débarquent en Crète, alors en pleine insurrection contre le joug ottoman. Flourens prend part à plusieurs opérations militaires avec le grade de capitaine et dresse la chronique de ce soulèvement dans plusieurs lettres adressées à son ami Kanellopoulos, rédacteur en chef d’un journal francophone d’Athènes, L’Indépendance Hellénique.

                                     

Gustave Flourens [musée Carnavalet].

  Sa participation à l’insurrection crétoise s’interrompt pendant quelques mois à la nouvelle de la maladie de son père. Il quitte la Grèce pour y retourner vers la fin de juillet 1867. Durant son bref séjour en France, il sert de nouveau la cause crétoise au moyen de longs articles publiés dans plusieurs journaux européens. Nommé ambassadeur de Crète à Athènes, il retourne en Grèce le 21 mars 1868 dans le but de prononcer un discours public à Athènes le 25 mars [jour de célébration du début de la guerre d’indépendance grecque de 1821], avant de regagner l’île révoltée. La police empêche la tenue de cette manifestation et Flourens passe par Syra avant d’arriver en Crète au début avril 1868. Le gouvernement provisoire de Crète lui accorde le titre de citoyen d’honneur et un siège à l’Assemblée crétoise. Membre d’une délégation envoyée à Athènes pour assister aux travaux de l’Assemblée nationale, Flourens est pourtant arrêté par la police grecque. Le gouvernement du royaume apprécie peu ses interventions et, cédant aux pressions du gouvernement français, l’expulse vers Marseille.
  Le dernier voyage du futur communard en Grèce a lieu vers la fin du printemps 1870. Son arrivée à Corfou, le 30 mai[5], provoque la mobilisation des autorités grecques et françaises qui décident de placer le révolutionnaire philhellène sous surveillance. Traqué initialement à Corfou par un vieil agent corse[6] de la police secrète de Napoléon III, Flourens débarque dans l’île ionienne sous la fausse identité de « Jules Guérin, professeur aux Beaux-Arts ». Le lendemain, caché à bord d’un bateau grec, il débarque au Pirée. Toutefois, ses efforts pour séjourner incognito en Grèce sont voués à l’échec, car il est rapidement repéré par ses vieilles connaissances et par le préfet de police d’Athènes et du Pirée.[7]
  Les informations relatives à sa présence en Grèce sont contradictoires, ce qui témoigne de l’incapacité des autorités françaises à contrôler pleinement ses activités.[8] Alors que les autorités grecques lui ordonnent de quitter le pays, Flourens entame une tournée qui le conduit dans plusieurs zones rurales de Grèce, où il parvient à obtenir parmi les populations locales des soutiens pour ses entreprises.
  Challet, le consul français à Syra, s’inquiète ainsi « du mouvement des esprits dans la population de Syra. Contrairement à toute raison et abandonnant ses anciennes et vives affections, une grande partie des habitants de [la capitale de l’île] Hermoupolis manifeste hautement ses sympathies en faveur du succès des armées prussiennes »[9] Pour expliquer les causes de cette agitation, Challet identifie deux groupes bien distincts qui essaient d’influencer l’opinion publique :
  " Les uns, en petit nombre il est vrai, mais ils existent, espèrent que l’insuccès des armées françaises amènerait en France un mouvement Républicain qui, en triomphant, déterminerait également l’organisation de la république dans la plupart des Etats de l’Europe. C’est la fraction dirigée par Monsieur Flourens qui ne quitte guère la Grèce et ses environs et dont la présence à Syra m’a été signalée depuis plusieurs jours. Les autres, et ce sont les plus honnêtes, sont abusés par la pensée que la Prusse victorieuse annexerait l’île de Crète à la Grèce, tandis qu’ils n’ont aucun espoir sous ce rapport du côté de la France. "[10]
  Après Syra, Flourens se rend à Missolonghi où, peu avant l’éclatement de la guerre franco-prussienne, il expose ses idées républicaines devant une assistance fournie d’environ mille personnes. Son discours passionné au casino de la ville amène le préfet de l’ Étolie-Acarnanie à envoyer une brève note à Athènes, dans laquelle il attribue au révolutionnaire français les propos suivants : « Napoléon, sera tué infailliblement et alors cet âne de Sultan, l’ennemi de la Grèce, ira, lui aussi, au diable ».[11] Ces paroles inconvenantes sont prononcées en présence du consul de l’Empire ottoman, qui entreprend immédiatement une démarche à ce sujet auprès du gouvernement grec, tandis que Flourens quitte Missolonghi pour gagner de nouveau Athènes, puis Corfou.
  En même temps, des dépêches confidentielles échangées entre les autorités françaises, italiennes, britanniques et grecques annoncent l’arrivée de Ricciotti et Menotti Garibaldi [les deux fils de Giuseppe[12]] à Corfou, ce qui suscite de nouveau l’inquiétude parmi les consuls représentant les puissances étrangères. Corfou est aussitôt qualifiée de « centre d’agitation politique », car on y constate également la présence de Giuseppe Mazzini, de Carlo Pepoli et du chef des maronites libanais Joseph Karam, ce dernier accompagné d’un nombre indéterminé de ses partisans.
  Le consul britannique Everton estime que cette rencontre entre révolutionnaires avait comme point de départ la question de l’Italie et que « la décision du gouvernement italien de conquérir militairement Rome a été le coup fatal pour les plans des chefs du mouvement lesquels depuis plus de trois mois avaient établi leur siège sur cette île »[13]. Selon Everton, Corfou, choisie en raison de sa neutralité et de sa position géographique, sert de plaque tournante à la communication clandestine des révolutionnaires ; celle-ci s’effectue par la voie maritime qui traverse la mer Adriatique, ce qui assure les contacts entre la Dalmatie, le Monténégro, les provinces slaves et le royaume grec.[14] Au début du mois d’août, Everton refuse de satisfaire l’exigence de son homologue italien, qui demande l’expulsion de tous les révolutionnaires de Grèce, car il estime que leur surveillance et, surtout, leur arrestation, en cas d’urgence, seraient plus faciles sur le territoire grec.[15] Les défaites militaires françaises précipitent finalement le départ des révolutionnaires vers la fin de l’été.
  Se pose néanmoins la question essentielle de l’objectif de ce rendez-vous révolutionnaire. Quels sont les buts de Flourens lors de son dernier séjour en Grèce ? Pourquoi a-t-il choisi cet itinéraire ? S’agissait-il de participer au Risorgimento italien, à l’irrédentisme crétois, ou bien avait-il l’espoir d’obtenir de l’aide pour entreprendre de renverser le régime impérial français ? Faut-il accorder foi aux explications de la presse athénienne, selon laquelle, traqué par la police bonapartiste, Flourens était tout simplement à la recherche d’un refuge ? Ce qui est sûr, c’est que s’il avait agi comme un fugitif ordinaire, il aurait dû éviter un aussi long séjour en Grèce, où il était facilement repérable tant par les autorités que par la population.
  Dans son ouvrage Paris Livré, écrit peu avant la Commune, lui-même se réfère, à la troisième personne, à son voyage en Grèce et à ses motivations du moment en ces termes :
  " Des lettres, qu’il avait reçues à Londres de ses amis d’Athènes, le prévenaient qu’un mouvement révolutionnaire se préparait en ce pays, que la population hellène, si indignement trahie par son gouvernement lâche et faux dans la question crétoise, ne demandait qu’à jeter bas le misérable roitelet, ennemi de son peuple, agent de la politique étrangère contre ses propres sujets […] Il retourna donc à Athènes pour remplir ses devoirs, et y fut aussitôt traqué par l’ambassade française, qui demanda son extradition au gouvernement grec. Celui-ci, hébété par la peur de Bonaparte, se couvrit de honte en accordant cette extradition. Mais le peuple soutint le proscrit, l’entoura de son affection, empêcha par son énergique attitude l’opprobre de l’extradition. " [16]
  Flourens explique plus loin que son projet initial a dû être modifié suite à la nouvelle de la défaite de l’empereur sur le front français :
   " (Flourens) s’occupait d’insurger Athènes. Ses anciens camarades de l’insurrection crétoise, les meilleurs sous-officiers de l’armée hellénique, étaient pleins d’enthousiasme pour la République. Il espérait, après avoir renversé le gouvernement bâtard et débile de la Grèce, trouver là assez de forces pour revenir insurger Marseille, et marcher sur Paris si la chute de l’Empire tardait trop. Mais les événements se précipitèrent à ce point, qu’à peine avait-il monté le complot, il apprit les grands et décisifs revers de l’armée française. " [17]
  Il semble donc que la tournure prise par la guerre ait interrompu le projet tramé autour des rencontres secrètes à Corfou. Les fils de Garibaldi apprennent via la presse l’organisation des troupes des volontaires sous le commandement de leur père et quittent Corfou pour les rejoindre,[18] tandis que, de son côté, Flourens part pour Paris. Mais il ne suit pas l’itinéraire maritime habituel via Marseille et se dirige vers Messine[19] Selon Alfred Mézières,[20] le même trajet est emprunté par les groupes de volontaires grecs qui ne disposent ni d’armements ni d’argent. De plus, la ville italienne est une destination de prédilection pour ces hommes, soit parce qu’ils tentent d’échapper au contrôle policier, qui s’est renforcé à Athènes suite à l’intervention du consul allemand Wagner, soit parce que Messine constitue selon toute probabilité un lieu de rencontre entre volontaires grecs et italiens. C’est là, attendant en vain leur transfert vers le front aux soins du gouvernement français, que, grâce aux réseaux et aux commerçants de la diaspora grecque, les volontaires réussissent finalement à embarquer pour les ports français.

Le mouvement des combattants volontaires grecs
  L’engagement des volontaires, nous l’avons dit, commence lorsque éclate la guerre de 1870.[21] Leur nombre, important, conduit le gouvernement grec à s’adresser officiellement aux autorités françaises, en leur demandant d’examiner la possibilité d’en intégrer tout ou partie dans l’armée française.[22] Le Second Empire décide dans un premier temps de ne pas permettre l’intégration des étrangers dans les corps militaires, ce qui n’empêche pas les premières compagnies des volontaires de se rendre en France.
  Peu après, la défaite de Sedan, qui marque la chute du régime bonapartiste, contribue à changer l’état d’esprit de l’opinion publique. La guerre, considérée comme un mouvement impérialiste en juillet, est alors perçue comme une lutte défensive. Ce revirement domine la presse athénienne ; de nombreux journaux se réfèrent aux graves conséquences de la guerre et relatent les souffrances du peuple français. Le très francophile journal L’Étoile, Αστήρ, continue à stimuler l’enrôlement de volontaires grecs en publiant des courriers et une série d’articles émouvants de Garibaldi qui promettent l’extension du rêve républicain aux Balkans et en Europe.[23] La guerre franco-prussienne y est présentée comme la lutte ultime de l’humanité contre le despotisme et la neutralité du gouvernement grec ouvertement désapprouvée. Le journal va jusqu’à publier des articles quasiment insultants à l’égard du monarque grec. Selon l’Étoile, la guerre n’a pas un caractère national mais idéologique. Les volontaires sont invités à s’armer et à partir vers la France, assumant ainsi un acte de désobéissance à l’égard des autorités grecques.[24]

 

Soldat de Garibaldi pendant la Commune de Paris, par Daniel Vierge, 1871.

  La mobilisation des premières compagnies de volontaires se déroule en effet aux marges du droit international dans la mesure où le statut officiellement neutre du pays – auquel la Grèce est tenue depuis son adhésion, 1866, au traité de Paris de 1856 – n’est pas suffisamment explicite sur la question des combattants volontaires en temps de guerre. Dès son début donc, le mouvement acquiert des traits d’une mobilisation qui déborde du cadre de la légalité internationale.[25]
  Toutefois, le ministère, français, de la Guerre change rapidement d’avis sur la question des volontaires et autorise leur transport vers certaines villes françaises, sans pour autant le financer.[26] Selon les instructions ministérielles, l’arrivée des volontaires en France ne doit pas revêtir le caractère d’un enrôlement, surtout lorsqu’il s’agit de citoyens des pays neutres comme la Grèce.[27]
  La mobilisation des volontaires grecs s’accentue progressivement, ce qui se reflète dans la presse et la correspondance diplomatique. La proclamation de la République, 4 septembre 1870, joue un rôle décisif dans ce processus. En effet, le gouvernement de Défense Nationale fait un pas supplémentaire, adressant à ses ambassades de nouvelles instructions concernant les volontaires étrangers : « nous paierons le transport des volontaires mais seulement de ceux qui sont équipés ».[28]
  Le baron Baude, ministre plénipotentiaire du gouvernement français à Athènes, parle d’un « grand nombre »[29] de volontaires sans pour autant préciser la taille de l’effectif. Au mois de décembre de la même année, lorsque le consul allemand à Athènes tente d’endiguer la mobilisation des volontaires, le gouvernement grec s’en remet du préfet de police, afin d’en tirer de plus amples informations. Ainsi, l’on apprend de son rapport que :
  " Peu après le début de la guerre franco-prussienne, quelques citoyens, dont la majorité provient de la classe populaire, et certains étudiants, aidés en secret par des étrangers qui habitent ici, ont décidé d’aller en France, sans l’autorisation ou le consentement des autorités, [….] tout au contraire, ils partaient en toute discrétion et sans passeports, parce que la police, à la demande de leurs parents, familles et amis, s’empressait de les rechercher et les stopper. [30] "
  Selon ce rapport, la mobilisation initiale des volontaires bénéficie d’une certaine aide financière et se fait sans difficulté notable, puisque la police n’intervient que si elle est sollicitée.
  L’examen des régions d’origine des groupes armés conduit à deux conclusions : d’une part, la mobilisation des volontaires grecs est bien plus significative dans les régions pauvres, ce qui pourrait signifier un engagement plus important de volontaires issus de milieux populaires, comme le suggère le rapport de police cité auparavant, et peut-être même de hors la loi : bandits, aventuriers[31] ; de l’autre, parmi ces régions, on retrouve les villes où s’est déroulée l’agitation de Gustave Flourens.[32]
  Au mois de septembre, l’engagement des militaires devient plus visible et se déroule sous le commandement de l’officier retraité de la cavalerie Spiridon Manoussos. En octobre, le mouvement semble être mieux organisé, puisque les volontaires sont équipés d’armes et de munitions, achetées à l’aide des fonds levés par la communauté française du Pirée.[33] L’armement transporté en France est important ; en une semaine, 17-25 octobre, deux coffres contenant 120 carabines Minié, une caisse remplie de sabres et de revolvers, 840 fusils et une quantité indéterminée de munitions, arrivent à Marseille sous la surveillance d’une compagnie des volontaires.[34] Pendant le mois de novembre, plusieurs journaux athéniens font état du départ des volontaires,[35] et L’Étoile procède une première évaluation du mouvement, en publiant un article sous le titre « La Grèce reconnaissante ».[36] C’est la période où la plupart des compagnies constituées de combattants étrangers ont déjà atteint l’état-major de Garibaldi pour former la Légion étrangère : « Garibaldi a passé aujourd’hui [12 novembre] en revue 120 volontaires grecs, vêtus de fustanelle, arrivant de Lyon ».[37] En décembre, un groupe important de volontaires, soit plus de cent personnes,[38] est pour la première fois bloqué par la police au port du Pirée. La question de l’endiguement du mouvement est alors posé par Johann Emil von Wagner, l’ambassadeur de la Confédération de l’Allemagne du Nord. Celui-ci entreprend plusieurs démarches auprès du gouvernement grec, demandant des explications sur le lamanage des bateaux étrangers et l’exportation d’armes.[39] En fait, le mouvement des volontaires grecs décline vers la fin du mois de janvier 1871, ce qui coïncide avec l’achèvement de l’organisation des armées irrégulières entrepris par Léon Gambetta.
  Ainsi, sur la base des informations fournies tant par la correspondance diplomatique que par des témoignages, par les articles de la presse athénienne et par les quelques lettres des volontaires publiées à Athènes, nous pouvons évaluer le nombre des volontaires grecs autour de 1500 personnes. Parmi eux, on peut repérer aussi des Grecs de la diaspora, venant surtout d’Alexandrie.[40] Toutefois de nombreux points restent à éclaircir, et en particulier ceux-ci : de quels milieux sociaux sont issus les membres de ce contingent et quel a été le ressort de leur mobilisation ? Parmi les volontaires, on repère à la fois des militaires, des étudiants, des citoyens issus de milieux modestes et des étudiants qui font leurs études à Paris. En ce qui concerne les militaires grecs formés en France, on peut supposer que certaines affiliations, ainsi qu’un sentiment de dette envers la France, ont pu motiver leur mobilisation. Il faut également noter que, durant l’été de 1870, un scandale éclate en Grèce au sujet de la tentative de malversations de certains militaires en vue d’obtenir leur avancement dans la hiérarchie militaire.[41] Le gouvernement grec laisse entendre que toute promotion se fait dans le plus strict respect du statut général des militaires. On peut donc supposer que la guerre franco-prussienne devient l’occasion pour certains militaires grecs de faire avancer leur carrière hors de Grèce. Quoi qu’il en soit, le fait est que la participation de militaires au mouvement des volontaires apparaît minoritaire. Au moment où l’Etat grec, dont la population ne dépasse pas 1,5 million d’habitants, essaie, souvent en vain, de grossir les rangs de son armée à l’aide du tirage au sort et de la conscription, il est peu probable qu’un grand nombre des militaires aient pu quitter leur poste. À l’inverse, les cas rapportés par la presse de jeunes étudiants et élèves sont abondants, et les histoires parfois bouleversantes, mais difficiles à vérifier. Les jeunes volontaires, qui savent qu’ils doivent être équipés afin de se rendre plus facilement en France, vendent leurs livres pour acheter soit des armes, soit leur billet pour Marseille.[42]
  En ce qui concerne les volontaires originaires de Crète, les indications de leur participation à la guerre sont très rares dans la presse athénienne. Pourtant, durant l’été 1870, ces mêmes journaux font état d’un grand nombre d’anciens combattants de l’insurrection crétoise qui, condamnés à une pauvreté extrême, arrivent à Athènes à la recherche d’un meilleur sort. Il est donc probable que ces militants aient finalement suivi Gustave Flourens et le mouvement des volontaires en partance pour Messine ou pour Marseille. En fait, la présence de quelques figures célèbres de combattants de Crète, comme celle de Nicolas Nicolaïdis, est attestée dans les corps des francs-tireurs qui arrivent à Paris. Quelques rares articles font également référence à l’enrôlement de Grecs qui se trouvent déjà en France, pour leurs études ou pour des affaires personnelles.[43]
  Dès le début du mois de septembre 1870, lorsque la guerre franco-prussienne prend un caractère défensif et que l’Empire cède la place à un gouvernement républicain, la « lutte à outrance » est prônée par l’ensemble des forces politiques, y compris par la gauche révolutionnaire. Même les membres de la section parisienne de l’Internationale, les seuls à s’opposer auparavant à la guerre, prennent conscience de la tournure des évènements et s’engagent dans la défense de la ville. Dans cet ordre d’idées, les informations selon lesquelles des étudiants grecs de Paris participent à la défense de la ville sont compatibles avec l’esprit guerrier qui caractérise la capitale française à l’automne 1870.
  Pour ce qui est des volontaires qui proviennent de milieux populaires, nous estimons qu’ils constituent l’écrasante majorité du mouvement, bien que, sur la base des éléments dont nous disposons, leur motivation n’apparaisse pas clairement. On en est donc réduit à formuler des hypothèses : un esprit d’aventurisme ou la volonté d’échapper à des poursuites judiciaires ont pu jouer un rôle. Par contre, les motifs financiers sont à exclure, et on ne peut en aucun cas parler de mercenaires. Au rang des motivations, il faut également reconnaitre la dette envers le philhellénisme français d’autrefois et plusieurs aspects de l’interculturalité franco-hellénique qui marque le 19e siècle. Cette interculturalité s’exprime aussi dans la réapparition d’une République qui incarne de nouveau des rêves et des aspirations également partagés par le peuple grec. La mobilisation de citoyens en soutien à une cause étrangère – et pourquoi pas internationale – témoignent donc de l’imprégnation d’une certaine idéologie politique, pas nécessairement cohérente, mais en tout cas capable de susciter un certain activisme.

Des trajets vers la guerre civile ?

  La ville de Tours, siège d’une délégation gouvernementale dirigée depuis octobre 1870 par Gambetta, devient le lieu de rencontre de milliers de volontaires, venus de l’étranger et des régions françaises qui ne sont pas occupées par les Prussiens. Sous le terme de « volontaire », il convient donc de désigner l’ensemble hétéroclite de conscrits français, de moblots, membres de la Garde nationale, de francs-tireurs ainsi que l’ensemble des combattants volontaires, étrangers ou non. Leur chiffre demeure indéterminé. Lucy Riall parle d’un « succès populaire » et de 55.000 francs-tireurs [44], Pierre Milza d’« un peu plus de 60.000 combattants pour 350 ou 400 unités », tandis que certains témoignages de l’époque font état d’un effectif qui dépasse les 100.000 personnes.[45] Quoi qu’il en soit, leur intégration dans l’armée régulière n’est ni facile ni souhaitée par le gouvernement de Défense nationale. Il en va de même des chefs militaires, qui se méfient à la fois des idées qui animent ces volontaires et de la liberté d’action que l’état-major leur accorde au début de la guerre : « La plupart des chefs militaires et des dirigeants politiques, à commencer par Gambetta, manifestaient par conséquent une réelle méfiance non seulement au regard de la capacité opérationnelle des compagnies de francs-tireurs, mais aussi parce qu’ils redoutaient de voir se constituer une armée populaire susceptible, une fois la guerre terminée, de disputer le pouvoir aux républicains de gouvernement ».[46] C’est donc en dernier recours seulement que l’intégration des volontaires dans l’armée régulière sera décidée, et ce, de manière précipitée, après la destruction des deux principales armées impériales. De fait, la majorité des compagnies qui arrivent à Marseille, à Lyon, à Tours et au Mans, est composée d’unités mobiles et de francs-tireurs qui pratiquent la guérilla.
  En six mois, comme nous l’avons vu ci-dessus, plusieurs compagnies de volontaires grecs parviennent à échapper aux contrôles policiers et gagnent Messine ou Marseille. Parmi eux, se trouve Alexandros Alexandrou, un officier de l’armée qui, dès son retour à Athènes, publie ses mémoires.[47] Selon son témoignage, corroboré par de nombreux articles de l’époque, la mobilisation de la population marseillaise et de la communauté grecque de cette ville est impressionnante. Les habitants prennent en charge la nourriture, l’équipement et même le divertissement des volontaires, et leur offrent des uniformes portant le signe distinctif de la Légion Grecque.[48] Des commerçants grecs lèvent des fonds pour l’achat des canons, de sorte que les mitrailleuses ainsi achetées portent des noms grecs.[49] La compagnie d’ Alexandrou arrive à Lyon le 11 novembre et tente d’éviter son incorporation aux troupes placées sous le commandement de Garibaldi. [50] Pour échapper à la Légion étrangère, constituée en majeure partie de « chemises rouges » garibaldiennes, les membres de la compagnie décident de ne pas bénéficier de leurs grades militaires, mais de se présenter comme de simples citoyens. Après l’intervention à Marseille d’un nommé Pierre Philippe, la compagnie d’ Alexandrou fait route vers Tours pour intégrer finalement l’unité du général Ernest de Lipowski. Une fois arrivés à Tours, les volontaires rencontrent l’ambassadeur de Grèce Phocion Roque, à qui ils livrent leur équipement grec et en reçoivent un autre fourni –à titre exceptionnel – par l’armée française.
  Au moment où la compagnie d’ Alexandrou se trouve à Tours, d’autres compagnies de volontaires grecs se dirigent soit vers la première armée de la Loire, établie à Orléans sous le commandement du général Aurelles de Paladines et destinée à libérer Paris, soit vers Tours, afin de rejoindre la Légion étrangère qui constituera bientôt le noyau de l’armée des Vosges.
  Après les opérations militaires du début décembre à Orléans, l’armée de la Loire se trouve coupée en deux, ce qui coûte à Aurelles de Paladines son commandement et oblige Gambetta à former l’armée de l’Est, commandée par Bourbaki, et la deuxième armée de la Loire : commandée par Chanzy. Bien que la compagnie d’ Alexandrou suive la deuxième armée de la Loire, des volontaires grecs sont présents dans les trois grandes armées et, peu après, parmi les troupes chargées de la défense de Paris. La difficulté à reconstituer les trajets précis des troupes mobiles et des francs-tireurs ne concerne pas seulement les unités formées d’étrangers mais l’ensemble des volontaires. Comme le souligne Milza : « Il n’est pas toujours facile de distinguer les actions menées, dès le début du conflit, par les mobiles et des représentants de la garde nationale, agissant dans le cadre des opérations de l’armée régulière, de celles de la masse des francs-tireurs et des autres volontaires. De surcroît, on ignore le nombre de ces combattants opérant par petits groupes non officiellement reconnus et souvent non identifiés par les chefs de l’armée régulière ».[51]
  Vers la fin de l’été 1870, le Second Empire, obligé d’accepter les compagnies de volontaires étrangers, prend plusieurs mesures de précaution concernant la capitale, notamment en y interdisant leur présence.[52] Cette restriction est facilement explicable dans la mesure où Paris connait une intense agitation, le mécontentement de la classe ouvrière s’étant déjà manifesté avec force durant les dernières années de l’Empire. Néanmoins, les échecs militaires et la menace d’une occupation allemande de Paris obligent les dirigeants politiques et militaires à faire entrer les troupes composées d’étrangers dans la capitale révolutionnaire.
  Carl Schmitt parle de la « guerre à outrance, populaire, nationale et improvisée » comme arrière-plan du modèle du franc-tireur, celui d’un guerrier improvisé et imprévisible, auquel le soldat allemand fait face pour la première fois sur le front de 1870.[53] Si le franc-tireur français est considéré à divers moments de « l’année terrible » comme une figure semi-légale tant par l’ennemi que par l’Etat, le franc-tireur, ou tout simplement le volontaire, étranger est la figure marginale par excellence. La clandestinité est inhérente à sa situation, qui le marque dès le moment de son enrôlement et le suit tout au long de sa trajectoire. Il se distingue du combattant régulier et, par sa simple présence, il représente une remise en cause de l’organisation militaire régulière. La création de la Légion étrangère apparaît donc comme la seule solution qui permette de régulariser le statut des volontaires.
  Dans ce contexte, l’arrivée de volontaires grecs à Paris, mentionnée par plusieurs témoignages, nous paraît très importante puisqu’elle présuppose un long itinéraire à l’intérieur du pays. Quittant la Grèce pendant l’été, les premiers groupes auraient pu être les témoins de l’agitation qui débute à Marseille dès le 7 août et de l’insurrection de septembre durant laquelle un comité révolutionnaire occupe l’Hôtel de ville et la préfecture.[54] Ce qui est certain c’est que, environ un mois plus tard, le 1er novembre, la compagnie d’ Alexandrou se trouve dans la cité phocéenne et observe quelque peu stupéfaite la première proclamation de la Commune à Marseille. Alexandrou relate l’occupation de l’Hôtel de ville et les autres évènements de la journée révolutionnaire mais ne participe guère à l’agitation.[55] Il est parmi ceux qui, après avoir accompli leur devoir envers la France, vont quitter le pays. Il apprendra les nouvelles de la Commune par les gros titres des journaux athéniens. Bien que complètement dévoué à sa carrière militaire, Alexandrou n’omet pas de décrire son expérience du front et ne manque pas de surprendre quand il exprime de l’intérêt, et même une certaine approbation, à l’égard des paroles d’un athée rencontré durant de son voyage.[56]
  Les villes par lesquelles passent les unités de volontaires étrangers pendant cette période de six mois sont le théâtre d’épisodes révolutionnaires, qui se soldent par des échecs mais laissent une bonne partie de la population en possession d’armes. La rébellion semble contagieuse à l’automne de 1870 puisqu’elle se propage à Lyon, Marseille, Toulouse et Nice. Des comités de salut public occupent les centres administratifs des villes en question, proclament la République, et parfois, comme ce fut le cas de Bakounine à Lyon, décrètent également « l’abolition de l’État ». Les insurgés pillent les armureries afin de distribuer les armes à la population et aux gardes nationaux. Ainsi, dans certains cas, les combattants irréguliers, français ou étrangers, ne se consacrent pas exclusivement à la défense du territoire, mais saisissent aussi l’occasion pour entrer en contact avec une lutte sociale et politique.
  Dans ce contexte, la réaction des 1500 volontaires grecs qui font le trajet de Marseille, Lyon, Orléans, Le Mans vers Paris, prend une importance tout particulière. On peut dire que les volontaires ne traversent pas tout simplement la France, mais aussi les « champs idéologiques » d’un pays qui se dirige à grands pas vers la guerre civile. L’initiative d’aller au front, le caractère semi-clandestin du mouvement, le contact avec un milieu populaire et animé de tendances contradictoire, le caractère d’une mobilisation en armes, la rencontre avec des populations locales prêtes au combat, tout cela nous permet de supposer des mutations idéologiques. La guerre devient l’occasion pour que s’affirme de nouveau en Europe une solidarité révolutionnaire internationaliste, qui peut également être reliée aux événements de la Commune de Paris.
  Mais avant d’en venir à la Commune, il conviendrait de mentionner quelques témoignages sur le rôle des volontaires grecs venant des certains acteurs de « l’année terrible », témoignages convergents malgré les divergences idéologiques et politiques de leurs auteurs. Le géographe libertaire, militant anarchiste et futur communard Élisée Reclus, dans son œuvre Nouvelle géographie, et plus précisément dans le chapitre qu’il consacre à la Grèce, saisit cette occasion de rendre hommage, ne serait-ce que brièvement, aux volontaires grecs de 1870, dont l’effectif se serait élevé à plus de 1000 personnes.[57] En 1871, l’historien, journaliste et philhellène Alfred Mézières, qui avait participé à l’insurrection crétoise, rédige un article exhaustif sur le même sujet publié dans La Revue des Deux Mondes.[58] Il y retrace la chronique de la perception de la guerre en Grèce, rend compte de l’hostilité initiale de l’opinion envers la France et mentionne la mobilisation de 1500 volontaires, tout en fournissant quelques informations sur l’organisation du mouvement. [59] Douze ans plus tard, il consacre de nouveau plusieurs pages de son livre Hors de France à la question des volontaires grecs. Il insiste sur le chiffre de 1500 volontaires et mentionne un effectif supplémentaire de 1200 personnes qui ont été finalement empêchées par la police grecque de partir pour la France.[60] De son côté, Edmond Desmaze, officier de haut rang pendant la guerre et la répression de la Commune, déclare qu’en janvier 1871 l’effectif des volontaires grecs est estimé entre 1300 et 1400 personnes et souligne qu’il a accueilli lui-même à Lyon le troisième « tagma [bataillon] de ces pallikares [nom des combattants de la guerre d’indépendance de la Grèce de 1821-1831] » afin de les conduire à l’armée de la Loire.[61]

Des Grecs dans la Commune de Paris
  La participation des Grecs à la Commune est attestée par plusieurs sources, bien que leur nombre ait été plus que restreint. Peu avant la répression sanglante de la révolution parisienne, divers décrets publiés au Journal Officiel de la Commune nomment à des postes attachés à divers bataillons fédérés des ressortissants portant un nom grec : Stavros Dimitriou [apparaissant comme Stabross Démétrious], aide-major/187e bataillon),[62] Nicolas Sevastopoulos, chirurgien-major par intérim/105e bataillon, Michel/Michalis Nikiphorakis, aide-major/105e bataillon, [63] et Vasilis/Basile Soteriadès[64], chirurgien-major/82e bataillon. Il semble également qu’ Epaminondas Melanidès ait été arrêté par la police pour avoir participé à l’insurrection.[65] La presse française se réfère aussi à plusieurs personnes portant des noms grecs en leur attribuant d’autres nationalités comme par exemple un nommé Charalambo, chirurgien-major des éclaireurs fédérés, désigné comme Polonais, et Soteriades, chirurgien-major, identifié comme Espagnol.[66]
  Dès l’été 1871 et jusqu’à la fin de la même année, plusieurs pays européens sont informés par le gouvernement français à propos de la participation de certains de leurs citoyens à la Commune de Paris. Ils effectuent alors des démarches en faveur de leurs ressortissants arrêtés à la suite de l’insurrection. Le général Appert informe le ministre des Affaires étrangères, Jules Favre sur les détenus étrangers bénéficiant d’un non-lieu ou relaxés par la justice française.[67] Dans cette correspondance, on ne trouve aucune lettre adressée au gouvernement grec. Par contre, le 22 octobre et le 9 novembre 1872, Jules Favre est informé par le Ministère de Justice sur le cas de huit ressortissants étrangers bénéficiant d’un non-lieu, parmi lesquels figurent deux Grecs, Diamantis Diamantopoulos[68] et Georges Siatis.[69]
  Peu après, le gouvernement français commence à chercher des solutions afin de diminuer le nombre des prisonniers. Comme le souligne Jacques Rougerie, « les prisons de Paris, de Versailles, des environs, surpeuplés, on ne savait où mettre les détenus ; 28.000 d’entre eux furent tant bien que mal parqués à Brest, Cherbourg, Lorient, Rochefort, La Rochelle, exactement comme des forçats ».[70] Le gouvernement français, après avoir pourchassé les communards célèbres, étrangers ou français, essaie de se débarrasser de la plupart de ces révolutionnaires étrangers et inconnus. La solution adoptée, proposée par le garde des Sceaux Jules Dufaure, réactive une ordonnance datant de la Restauration, 2 avril 1817, selon laquelle à la détention peut se substituer le bannissement.[71] Les premiers transferts des détenus se font discrètement à destination des ports anglais, ce qui provoque la réaction de la Grande Bretagne. L’ambassadeur Lord Lyons mentionne le passage par Dieppe de six ressortissants étrangers, parmi lesquels on repère deux Grecs, mentionnés sous les noms de Passavanti et Mavrogianni.[72] Le 29 juin sept autres étrangers, dont trois citoyens grecs, suivent le même trajet. [73]
  L’affaire a fait l’objet d’une fuite dans la presse britannique et le quotidien Times souligne l’erreur inepte du gouvernement français de « détourner la rivière des communistes vers nos rivages ».[74] La peur d’un éventuel retour des membres de l’Association Internationale des Travailleurs [la 1ère Internationale] n’est pas apaisée par les propos du nouveau ministre des Affaires étrangères, Charles de Rémusat, qui assure son homologue britannique que les individus transférés ne sont pas des détenus politiques.[75] L’ensemble de la documentation démontre toutefois que les autorités françaises sont à la recherche d’une ruse qui leur permettra de renvoyer des prisonniers étrangers.[76] Une situation analogue se reproduit aux frontières belges, car la France essaie de présenter dans la correspondance officielle les prisonniers politiques comme de simples criminels du droit commun afin de les expulser de son territoire.[77] Suite au fiasco diplomatique, les autorités françaises examinent à peu près une dizaine des pays comme destinations possibles des communards étrangers expulsés. La Chine, la Russie, le Maroc, l’Argentine et la Grèce, entre autres, sont minutieusement évalués comme éventuels lieux de déportation. On examine leur législation relative à l’émigration et on cherche à savoir si les pays en question sont favorables à l’accueil des condamnés politiques étrangers, des mendiants et des infirmes sur leurs territoires.[78] L’Argentine est finalement choisie et des « compagnies d’immigration » entreprennent le transport des communards étrangers.[79]

Quelques questions sur le mouvement des volontaires grecs
  Les noms grecs qui apparaissent dans la documentation sur la Commune appartiennent aux Grecs seraient-ils ceux de Grecs qui résidaient déjà à Paris ? Selon le recensement de 1866, le nombre d’habitants grecs à Paris ne dépasse pas les 281 personnes[80]. Y aurait-il parmi eux des militants liés à l’Internationale, aux blanquistes ou à un autre groupe radical ? La communauté grecque à Paris est minutieusement surveillée tant par l’ambassadeur grec que par la presse athénienne. Celle-ci considère ses membres comme les représentants de la nation à l’étranger et manifeste à leur égard une grande admiration. Il nous semble que si l’un de ces Grecs avait rejoint les rangs de la Commune, la nouvelle aurait aussitôt circulé, provoquant l’intervention immédiate de l’ambassadeur grec. De plus, la communauté est composée, dans sa grande majorité, par des familles aisées qui, selon toute vraisemblance, n’avaient pas besoin de la solde de 1,5 franc par jour attribuée aux membres de la Garde nationale. Par ailleurs, la possibilité de quitter Paris se présente à plusieurs reprises durant « l’année terrible ». La grande masse de la bourgeoisie se réfugie en province ou à Versailles tant après la fin du siège prussien qu’à la veille de la révolution. Durant la Commune, le gouvernement versaillais invite à plusieurs reprises les habitants à quitter la capitale et la voie de sortie reste ouverte jusqu’à la mi-avril.
  Il est donc probable que les Grecs impliqués dans la Commune proviennent de l’effectif de 1500 volontaires grecs ayant pris part à la guerre franco-prussienne et que Gustave Flourens ait joué un rôle dans cette mobilisation. En octobre 1870, Flourens se trouve déjà à Paris et commandait une compagnie de tirailleurs-francs-tireurs qui opéraient dans les environs de Belleville. Mais si l’historiographie de la Commune a fourni, même de façon partielle, des prosopographies des noyaux de militants néo-jacobins, de blanquistes et de membres de syndicats et de sections de l’Internationale, les tirailleurs de Belleville qui agissent à Paris durant l’automne de 1870 restent anonymes, même dans les témoignages des acteurs qui sont en contact avec les milieux révolutionnaires.
  Après l’insurrection manquée du 30 octobre 1870, Flourens, arrêté le 7 décembre et condamné à mort par contumace, s’évade de la prison de Mazas grâce à l’aide d’ Amilcare Cipriani, garibaldien et ancien volontaire de l’insurrection crétoise.[81] Il rase sa barbe, se déguise et se cache à Meudon, chez Pierre Larousse. « Un étudiant d’Athènes, venu à Paris comme volontaire, le rencontra vers cette époque, aux alentours de Meudon ». [82] Si l’information fournie par l’officier Edmond Desmaze est exacte, il est remarquable qu’à un tel moment de danger, peu avant la Commune de Paris, Flourens entre en contact avec un volontaire grec. Nous n’insinuons pas que les tirailleurs de Belleville aient été des volontaires grecs. Les résultats de notre recherche nous permettent seulement de formuler quelques hypothèses.
  Le mouvement de volontaires grecs ne fut ni représenté ni soutenu par quelque parti politique que ce soit, et pourtant il a bel et bien existé. L’inertie sociale qui prévaut dans le royaume grec de l’époque, comme l’affirme une grande partie de l’historiographie grecque, se fracture sous la marche de ces 1500 volontaires. Certes, il s’agit d’un contingent hétérogène, inspiré par des motivations et des buts divergents. En plus de la diversité de leurs trajets spatiaux, les volontaires prennent des positions et participent à des initiatives aux buts variés ; ils s’accordent ou s’opposent aux personnes et aux événements qu’ils croisent. L’harmonie et la convergence dont fait état la presse athénienne n’apparaissent guère fondées sur des témoignages avérés. Quand on examine ses buts, l’unité du mouvement se fragmente et s’organise autour d’une pluralité de noyaux idéologiques : la dette envers la France, la tradition du philhellénisme et de la francophilie, la promotion au sein d’une carrière militaire, l’aventurisme, les facettes du rêve républicain, la franc-maçonnerie, l’irrédentisme et même le projet d’une confédération balkanique.
  La presse bourgeoise athénienne minimise systématiquement l’importance du mouvement et ne s’y réfère qu’à des occasions exceptionnelles, dans le seul but de valoriser la participation de quelques militaires, de faire l’éloge de la « gloire » de la « race » grecque, ou, plus prosaïquement, pour refouler le trauma de l’insurrection crétoise de 1866 et apaiser le scandale international résultant du massacre dit d’ Oropos[83]. Par contre, la majorité des participants du mouvement, provenant de milieux modestes, est condamnée à l’oubli. Que pourrait signifier ce silence et quel a été le sort de ces volontaires ?
  Il est probable que les volontaires issus de milieux populaires n’aient pas eu les moyens nécessaires pour rentrer en Grèce ou qu’ils aient décidé de ne pas entreprendre le trajet du retour. Il est aussi probable que plusieurs volontaires aient réussi à poursuivre leur trajet vers Paris, en suivant la Légion étrangère ou les autres armées régulières. En 1897, le journal catholique La Croix dédie un long article aux volontaires grecs. Il se réfère aux 1500 volontaires qui ont gagné la France aux 200 d’entre eux qui ont péri au combat et à 1200 personnes qui ont essayé d’arriver en France sans y parvenir. L’auteur de l’article fait l’éloge du mouvement, mais regrette que « le plus grand nombre des volontaires grecs avaient été versés dans la horde d’aventuriers commandée par Garibaldi, et [que] les tristes exploits de leurs compagnons ont jeté un voile sur le généreux dévouement des Hellènes ». [84] Cet article est par ailleurs représentatif de l’image du révolutionnaire italien – à qui, ne l’oublions pas la Commune avait proposé, sans succès, de prendre la tête des troupes fédérées – auprès de l’opinion conservatrice française, et même des républicains modérés. Dans son ouvrage de 1873 consacré aux opérations militaires dans l’est de la France durant la guerre de franco-prussienne, Charles Beauquier, franc-maçon actif et futur député radical-socialiste, se réfère avec un dégoût évident à « cette armée [la Légion étrangère] ramassis sans cohésion de soldats de toutes armes et de toutes nationalités »[85]. En fait, la majorité des volontaires grecs a suivi la Légion étrangère de Garibaldi[86] et, d’après ce qu’on connaît de l’historiographie de la Commune, une grande partie des étrangers présents dans les barricades de la capitale française au printemps de 1871 provient justement des rangs de francs-tireurs qui avaient participé à la guerre de 1870.[87] C’est sans doute l’une des raisons qui expliquent le refoulement leur présence et de leur contribution dans les récits consacrés de ces événements.
  Il semble que l’histoire de l’année 1870-1871 ne soit pas seulement nationale ; elle englobe et mobilise les forces variées et les espoirs portés par la solidarité révolutionnaire internationaliste des combattants volontaires étrangers, autant de questions qui restent encore à étudier et qui peuvent élargir notre regard historique.

* * *

  Xenia Marinou est historienne, basée à Athènes. Ses recherches portent sur la Commune de Paris, le mouvement social et le socialisme au 19e siècle. Elle est l’autrice de Αναζητώντας οδοφράγματα. Αστικός τύπος και ελληνικές συμμετοχές στον γαλλοπρωσικό πόλεμο και την Παρισινή Κομμούνα [À la recherche des barricades. Presse bourgeoise et participations grecques à la guerre franco-prussienne et la Commune de Paris], Athènes, Editions Kapsimi, 2015.


Notes

[1] Pierre Milza, L’année terrible, La guerre franco-prussienne, septembre 1870-mars 1871, Paris, Perrin, 2009, p. 235.
[2] Une première version de ce texte a été publiée dans les actes du colloque de Strasbourg de février 2020 : Nicolas Bourguinat, Alexandre Dupont, Gilles Vogt (dir.), La Guerre de 1870, conflit européen, conflit global, Paris, Editions du Bourg, 2020.
[3] L’île de Syra, ou Syros, et sa capitale Hermoupolis, qui compte 20 000 habitants, forment le deuxième noyau urbain de Grèce, Athènes, la capitale, atteint à peine 40 000 habitants à l’époque, et le principal centre manufacturier et portuaire du jeune Etat.
[4] Voir la notice qui lui est consacrée dans le Maitron en ligne.
[5] Archives Diplomatiques, Ministère des Affaires étrangères, Correspondance Politique [M.A.E.E./C.P.], Grèce, 1814-1896/v. 5/ Boismont, dépêche, Corfou, 1/6/1870.
[6] Boismont écrit le nom de l’agent comme « Griselli de Venzano »: M.A.E.E./C.P.C./Corfou/1869-1875/v. 2/Boismont à Gramont, Corfou, 8/6/1870. Nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une erreur de transcription du nom de Jacques François Griscelli de Vezzani, agent secret sous le Second Empire, lui-même surveillé durant cette période par la police parisienne sous les ordres de Joseph Marie Pietri.
[7] M.A.E.E./C.P./Grèce/1869-1870/v. 96-97/ Baude à Gramont, Athènes, 4/6/1870.
[8] M.A.E.E./C.P./Grèce/1869-1870/v. 96-97/ dépêche, Baude, Athènes, 10/6/1870.
[9] M.A.E.E./C.P.C./Syra/ 1868-1874/v.3/Challet à Gramont, Syra, 16/8/1870.
[10] Idem.
[11] M.A.E.E./C.P./Grèce/1869-1870/v. 96-97/Préfet d’ Acarnanie et Etolie au Président du Conseil, Missolonghi, 12/6/1870.
[12] Giuseppe Garibaldi, figure centrale du Risorgimento, a dirigé de nombreuses campagnes militaires qui ont conduit à l’unification de l’Italie. Connu aussi comme « le Héros des deux Mondes » pour avoir participé à de multiples entreprises militaires en Europe et en Amérique du Sud, il incarne le modèle du volontaire révolutionnaire du 19e siècle. Faisant converger nationalisme et internationalisme dans une conscience quasi-universelle, sa vie légendaire reflète plusieurs contradictions du Romantisme. À soixante ans, Garibaldi débarque à Marseille, le 7 octobre 1870, et entreprend d’organiser un corps de quelques centaines de volontaires italiens qui se trouvent déjà à Chambéry et à Marseille. Ce corps, auquel se joignent des compagnies de francs-tireurs d’autres nationalités, constituera le noyau de l’armée des Vosges, chargée par Gambetta d’affronter les Prussiens dans l’est de la France. Garibaldi, seul général français à ne pas avoir été vaincu, comme le souligna Victor Hugo, est élu à l’Assemblée Nationale par les Parisiens, mais il démissionne suite au tumulte déclenché par les députés de la majorité monarchiste et bonapartiste.
[13] Foreign Office [F/O.].32/410/Everton à Gladstone, Corfou, 6/10/1870.
[14] F.O.32/410/Saunders à Gladstone, Corfou, 21/6/1870? confidentielle, Everton à Gladstone, Corfou, 21/6/1870, Everton à Gladstone, Corfou, 2.8.1870 . confidentielle.
[15] F.O.32/410/Everton à Gladstone, Corfou, 2/8/1870 . confidentielle.
[16] Gustave Flourens, Paris Livré, Paris, Librairie Internationale A. Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1871, p. 24-25.
[17] Ibid., p. 62-63.
[18] « Interviewing Garibaldi », The Wellington Independent, n° 3090 du 27/12/1870. Ricciotti Garibaldi ne quitte Corfou qu’au mois d’octobre et il est probable qu’il cordonne des corps des volontaires grecs.
[19] M.A.E.E./A.D.P./Grèce/1815-1896/v. 5/dépêche, Athènes, 6/8/1870.
[20] Alfred Mézières, Hors de France, Italie-Espagne, Angleterre-Grèce Moderne, Paris, Librairie Hachette, 1907, p. 202-208.
[21] M.A.E.E./C.P./Grèce/1869-1870/v.96-97/Baude, dépêche, Athènes, 23/7/1870.
[22] M.A.E.E./C.P./Grèce/1869-1870/ vol. 96-97/Baude, dépêche, Athènes, 23/7/1870.
[23] Αστήρ, n° 23, 5/10/1870. Garibaldi promet, après la libération de la France, celle de l’Épire et de la Macédoine. Voir aussi Αστήρ, n° 18, 12/9/1870.
[24] Αστήρ, n° 25, 19/10/1870.
[25] Carl Schmitt, La notion de politique, suivi de Théorie du partisan, Paris, Champs/Flammarion, 2009.
[26] M.A.E.E./F.N./Guerre 1870- Commune 1871/d. 68/Ministère de la Guerre, n° 4750, 6/9/1870.
[27] M.A.E.E./F.N./Guerre 1870-Commune 1871/d. 67/Bureau du Recrutement, n° 237, Paris, 27/7/1870.
[28] M.A.E.E./C.P./Grèce/1869-1870/v. 96-97/ à Baude, Tours, 16/10/1870.
[29] M.A.E.E./C.P./Grèce/1869-1870/v. 96-97/Baude, dépêche, Athènes, 14/10/1870.
[30] Archives Diplomatiques et Historiques du Ministère Grec des Affaires Étrangères [ADH]/1871/dossier 99.2, Athènes, 16/12/1870.
[31] Le phénomène du « brigandage » atteint son apogée en Grèce durant les années 1870-1871 ; suite au retentissement du massacre d’ Oropos? cf. ci-dessous note 105, la répression des brigands par l’Etat s’intensifie.
[32] Mézières, Hors de France…, op. cit., p. 289-295. L’auteur se réfère à la mobilisation qui a eu lieu surtout à Nauplie, en Messénie, à Sparte, en Épire et dans le Péloponnèse.
[33] M.A.E.E./C.P./Grèce/1869-1870/v. 96-97/Baude à Favre, Athènes, 20/10/1870.
[34] M.A.E.E./C.P./Grèce/1869-1870/v. 96-97/Baude à Favre, Athènes, dépêche, 20/10/870, Meyssonier à Chaudordy, Pirée, 20/10/1870.
[35] Παλιγγενεσία, n° 1879, 20/11/1870, n° 2064, 24/11/1870, n° 2066, 27/11/1870, n° 2076, 12/12/1870.
[36] Αστήρ, n° 33, 14/11/1870.
[37] La Bourgogne pendant la guerre et l’occupation allemande, 1870-1871, d’après la Gazette officielle de Carlsruhe, Dijon, J. Marchand-Manière Loquin, 1875, p. 76.
[38] M.A.E.E./C.P./Grèce/1869-1870/n. 96-97/Baude à Favre, Athènes, 13/12/1870.
[39] ADH/1871/d. 99,2/Wagner à Deligeorgis, 5/12/1870.
[40] M.A.E.E./F.N./Guerre 1870-Commune 1871/d. 68/Offres d’engagement volontaire d’étrangers et transmises par les représentations françaises ou autres ministères au département : 19 juillet-14 septembre 1870. Offres de service de chirurgiens, transmises par le ministère de la Guerre : juillet-août 1870.
[41] Αλέξανδρος Φ. Αλεξάνδρου, Απομνημονεύματα των εν Γαλλία Μεταβάντων Εθελοντών κατά τον πόλεμον του 1870 [Mémoires des volontaires de la guerre de 1870 en France], Athènes, Εκ του Τυπογραφείου Νικήτα Γ. Πασσάρη, 1871.
[42] Alfred Mézières, « La Grèce et ses Volontaires dans la guerre de 1870 », art. cit., p. 35. Voir aussi La Croix, 24/2/1897 et Αλέξανδρος Φ. Αλεξάνδρου, Απομνημονεύματα…, op. cit.
[43] Αυγή, n° 2720, 10/8/1871 ; Αστήρ, n° 22, 30/9/1870 ; Παλιγγενεσία, n° 2127, 27/2/1871.
[44] Lucy Riall, Garibaldi, Invention of a Hero, New Haven et Londres, Yale University Press, 2008, p. 352-353.
[45] La Bourgogne pendant la guerre et l’occupation allemande, 1870-1871, d’après la Gazette officielle de Carlsruhe, op. cit., p. 6.
[46] Pierre Milza, « L’année terrible » …, op. cit., p. 188.
[47] Αλέξανδρος Φ. Αλεξάνδρου, Απομνημονεύματα…, op. cit.
[48] Idem, p. 24-27.
[49] Μέλλον, n° 713/8-1-1871, Παλιγγενεσία, n. 2016/19-9-1870, n. 2020/25-9-1870· Μέλλον, n. 684-18/9/1870 ; Παλιγγενεσία, n° 2066-28/11/1870 ; Αστήρ, n° 21-26/9/1870, Μέλλον, n° 759-22/6/1871.
[50] À l’inverse, un autre volontaire renommé, Elias Stekoulis déclare sa fierté d’avoir servi sous les ordres de Garibaldi et dédie à sa mémoire une collection des poèmes, Ηλία Στεκούλη, Φρόνημα…, Athènes, Εκ του Τυπογραφείου της « Λακωνίας », 1882.
[51] Pierre Milza, « L’année terrible »…, op. cit., p.186-187.
[52] M.A.E.E./F.N./Guerre 1870-Commune 1871/d. 68/Ministère de la Guerre, général Charles Dejean à Jules Favre, n. 3947, Paris, 5.8.1870.
[53] Carl Schmitt, Théorie du partisan, op. cit., p. 239-244.
[54] Antoine Olivesi, La Commune de 1871 à Marseille et ses origines, Paris, Editions Jeanne Lafitte, 2004 ; Jeanne Gaillard, Communes de provinces, commune de Paris, 1870-1871, Paris, Flammarion, 1971.
[55] Αλέξανδρος Φ. Αλεξάνδρου, Απομνημονεύματα…, op. cit., p. 31-32.
[56] Ibid., p. 45.
[57] Élisée Reclus, Nouvelle géographie Universelle. La Terre et les Hommes, Paris, Hachette, 1876, p. 125.
[58] Alfred Mézières, « La Grèce et ses volontaires dans la guerre de 1870 », Revue des deux Mondes, 2e période, tome 94, 1/7/1871, p. 26-45, disponible ici.
[59] Ibid., p. 41.
[60]Alfred Mézières, Hors de France, Italie-Espagne, Angleterre-Grèce Moderne, Paris, Librairie Hachette et Cie, 1907, p. 291
[61] [Edmond Desmaze], Souvenirs d’un Philhellène : Gustave Flourens et l’insurrection Crétoise, Lyon, 1893, p. 383.
[62] Journal Officiel de la République française [Commune de Paris], 10/05/1871.
[63] Ibid., 11/05/1871.
[64] Ibid., 19/05/1871.
[65] Archives de la Préfecture de Police/Série B, Fonds issus du Cabinet du Préfet de Police (1869-1970)/sous-série BA, rapports et renseignements adressés au cabinet du Préfet, 2200 carton, )/BA 370, Dossiers de l’Insurrection de 2001.a.1 à 2001.a.4360.
[66] Le Petit Journal, 1/06/1871.
[67] M.A.E.E./F.N./Guerre de 1870 – Commune de 1871/d. 91/Les communards français et étrangers. Correspondance adressée à Jules Favre contenant les réclamations de diplomates étrangers en faveur de certains de leurs ressortissants détenus en France : 30 mai-23 décembre 1871. Réponses du département aux interventions de diplomates étrangers en poste en France en faveur de leurs ressortissants. Listes de détenus étrangers bénéficiant d’un non-lieu ou relaxés adressées par la Justice au département, 17 juillet-24 décembre 1871, /Appert à Favre, n° 358, Versailles, 17 Juillet 1871.
[68] M.A.E.E./F.N./Guerre 1870 – Commune 1871/d. 91/n. 2164, Versailles, 22/10/1871.
[69] M.A.E.E./F.N./Guerre 1870 – Commune 1871/d. 85/Service de la Justice, n. 2823, Versailles, 19/11/1871.
[70] Jacques Rougerie, Procès des Communards, Paris, Julliard, 1964, p. 20-21.
[71] M.A.E.E./F.N./Guerre 1870 – Commune 1871/d. 87/Ministère de la Justice, Direction des Affaires criminelles et de Grâces, Dufaure à Favre, n° 5795, Versailles, 8/6/1872.
[72] M.A.E.E./F.N./Guerre de 1870 – Commune de 1871/d. 87/Ministère de l’Intérieur, Direction de la Sûreté Générale, Marc-Antoine Calmon à Favre, Versailles, 28/6/1872.
[73] M.A.E.E./F.N./Guerre 1870 – Commune 1871/d. 87/ Les Communards, 12/6/1872.
[74] Times, 17/6/1872.
[75] M.A.E.E./F.N./Guerre 1870 – Commune 1871/d. 87/Rémusat à Lyons, Versailles, 4/7/1872.
[76] M.A.E.E./F.N./Guerre 1870 – Commune 1871/d. 87/Ministère de la Justice, Direction des Affaires criminelles et des Grâces, Versailles, 8/6/1872.
[77] M.A.E.E./F.N./Guerre 1870 – Commune 1871/d. 87/Légation de Belgique à Rémusat, n° 2342, Paris, 3/10/1872.
[78] M.A.E.E./F.N./Guerre de 1870 – Commune de 1871/d. 88/Ambassade de France en Angleterre, Direction Politique, Harcourt à Rémusat, n° 2328, Londres, 30/3/1873.
[79] L’expansion du mouvement anarchiste en Argentine et la parution du premier journal anarchiste à Buenos Aires par un ex-communard ne relèvent pas d’un hasard. Cf. Sheldon B. Liss, Marxist Thought in Latin America, Berkeley, University of California Press, 1984, p. 40
[80] Despina Papadopoulou, Les Grecs à Paris à la fin du XIXe siècle : la construction d’une communauté migrante, thèse EHESS, Paris, février 2004, tableau 5, p. 61.
[81] Amilcare Cipriani s’engage dans les troupes de Garibaldi dès l’âge de 15 ans. En 1864, il participe à la rencontre fondatrice de l’ AIT et s’installe à Alexandrie. Bien que sa présence à la révolution crétoise ne soit pas signalée par la presse de l’époque, Cipriani parle de cette aventure lui-même 31ans plus tard, dans une lettre-préface d’un ouvrage consacré à Flourens : Charles Prolès, G[ustave] Flourens, Insurrection Crétoise 1867-1868, Siège de Paris, 1870-1871, Paris, Dépôt Général, 1898, p. 28. Il se lie avec Flourens d’une amitié profonde et le rejoint durant la guerre franco-prussienne. Le 21 janvier 1871, Cipriani, à l’aide d’une centaine de gardes nationaux de Belleville, libère Flourens et l’ensemble des condamnés politiques de la prison de Mazas. Par une ironie du sort, Cipriani se trouve aux côtés de Flourens au moment de la mort atroce de celui-ci, mutilé au sabre puis fusillé par les Versaillais. Arrêté, Cipriani est jugé, d’abord condamné à mort, puis, finalement, déporté en Nouvelle Calédonie, où il reste jusqu’à l’amnistie de 1880.
[82] [Edmond Desmaze], Souvenirs d’un Philhellène, op. cit., p. 360-361.
[83] L’épisode du « massacre de Dilessi », ou « drame d ’Oropos », renvoie à la capture, la prise d’otages et finalement au meurtre d’un groupe de voyageurs anglais et italiens au début d’avril 1870 par des bandits. Cet événement a eu un impact dévastateur sur les relations diplomatiques entre la Grèce, l’Angleterre et l’Italie, et conduit finalement à la chute du gouvernement de Thrasyvoulos Zaïmis. Il constitue la toile de fond du film de Théo Angelopoulos Alexandre le Grand : 1980.
[84] La Croix, 24/2/1897.
[85] Charles Beauquier, Guerre de 1870-1871. Les dernières campagnes dans l’Est, Paris, Lemerre, 1873, p. 71, cité in Armel Dirou, « Les francs-tireurs pendant la guerre de 1870-1871 », Stratégique, vol. 93-94-95-96, n° 1-2-3-4, 2009, p. 290.
[86] À la veille de la Commune de Paris, des grecs très jeunes, 17-20 ans, servent encore comme francs-tireurs sous le commandement de Ricciotti et Giuseppe Garibaldi : G. Theyras, Garibaldi en France, Dole, Autun, Dijon, Autun, Imprimerie Dejussieu père et fils, 1888, p. 261, 643-664. Voir aussi Robert Middleton, Garibaldi, ses opérations à l’armée des Vosges, Paris, Garnier frères, Libraires-Éditeurs, 1872, p.246-252, Auguste Marais, Garibaldi et l’armée des Vosges, Paris, Librairie Germer Baillière, 1872. Je cite encore deux sources, avec une certaine réserve, puisqu’elles semblent faire partie de la propagande orchestrée par Versailles : Eugène Villedieu, Les Scélérats de la Révolution, Paris, E. Lachaud éditeur, 1871, p. 27-33· Louis Enault, Paris brûlé par la Commune, Paris, Henri Plon, 1871, p. 314. Les titres ci-dessus ne figurent pas dans la bibliographie sur La Commune de Robert Le Quillec, Bibliographie critique de la Commune de Paris 1871, Paris, La Boutique de l’Histoire, 2006.
[87] « La Commune et les étrangers », Migrance n° 35, 3e trimestre 2010, Numéro coordonné par Sylvie Aprile, Quentin Dupuis et Jacques Rougerie.

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