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Les trois décrets634 que la Convention a rendus aujourd'hui ont paru faire plaisir au peuple, par les applaudissements qu'il leur a donnés, notamment le décret relatif aux détenus qui n'ont été arrêtés que par sûreté ; et pour les membres des comités révolutionnaires qui, souvent, à ce qu'observe le peuple, ont arrêté des citoyens arbitrairement.
Le peuple ne cesse de dénoncer les journaux qui en imposent journellement au peuple, non seulement de Paris, mais pis encore, dans les départements. Tous les jours ce sont des plaintes que l'on entend faire dans tous les groupes. Les habitants des campagnes ne savent à quoi s'en tenir d'après ces journaux. Les mensonges qu'ils écrivent occasionnellement des querelles quand ils annoncent des victoires remportées par l'armée de la République, et qu'il se trouve que cela n'est pas. Tous les jours cela arrive.
Dans plusieurs groupes l'on observait que l'on devrait le plus tôt possible planter des choses utiles dans les jardins qui ne servaient à rien, quand on n'y sèmerait que des pommes de terre.
L'on observe encore qu'il y a plusieurs individus qui vont cinq à six fois dans le jour à la boucherie ; sous le prétexte que leurs femmes sont malades, ils accaparent la viande.
L'on se plaint que, dans la disette où l'on est d'avoir des denrées, il y a des individus qui affichent, pour vexer le peuple, toutes sortes de provisions à leurs fenêtres, et surtout de la viande de boucherie, bœuf, veau et mouton, que l'on porte chez eux.
L'on se plaint aussi que les femmes qui vendent de la volaille aiment mieux la laisser perdre que de la vendre à un prix raisonnable.
Un citoyen, dans un groupe, disait qu'il voudrait voir cinquante personnes guillotinés par jour, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de conspirateurs, et tous ceux qui l'entendaient l'applaudirent. Il faut, disait-il, dans un gouvernement révolutionnaire, agir révolutionnaire[ment] ; ce n'est qu'avec ces grandes mesures que l'on parviendra à effrayer ceux qui seraient tentés de conspirer.
Il se trouve souvent des citoyens patriotes dans les groupes, qui rassurent le peuple par des discours dictés par la raison et le patriotisme ; aussi le peuple les écoute-t-il avec attention.
Ce n'est pas le sans-culotte indigent qui se plaint le plus en ce moment-ci, mais bien une classe de ce qu'on appelait autrefois bourgeois. Le sans-culotte dit, pourvu qu'il ait du pain, qu'il sera content.
Rapport de Prevost, W 112
Il a été arrêté, sur la section de la République, une voiture chargée de beurre et d’œufs ; la plus grande partie du beurre était, dit-on, moisie. Le tout a été distribué aux citoyens à un prix raisonnable.
Il serait cependant à désirer que toutes les marchandises soient conduites à la Halle, afin que tous les citoyens puissent, en y allant, en avoir. Il y aurait un moyen bien simple, et, pour empêcher l'accaparement, je voudrais que tous les marchands qui vont acheter aux marchés dans les campagnes, etc., soient tenus lorsqu'ils ont assez suffisamment de marchandises pour faire un voyage à Paris, ils fassent leur déclaration dans le district de leur résidence, du nombre de volailles, œufs, livres de beurre, etc., à l'effet d'en tirer un bon ; qu'ils seraient tenus de déclarer pour quel endroit est la destination, et, aux entrées de Paris, en donner connaissance aux commandements du poste qui se trouve aux entrées.
Il serait aussi très à propos que ces mêmes marchands fassent viser leur bon par un ou plusieurs préposés qui se tiendraient au carreau de la Halle, pour, ensuite, vendre leurs marchandises aux prix fixés par la loi. Pour connaître la consommation qui se fait dans Paris et empêcher la fraude, il faudrait que ces mêmes marchands remettent au commandant du poste des entrées de Paris par où ils doivent passer le bon visé par le préposé, qui attesterait que les marchandises ont été vendues sur le carreau. C'est le seul moyen d'empêcher qu'on ne tue toutes les bêtes qui vont se trouver prohibées par la loi qu'on propose de rendre à ce sujet.
La Halle aux vins est on ne peut mieux garnie ; il y a une très grande quantité de vins de Mâcon [" L’appellation Mâcon s’étend sur plus de 4 223 ha au sud de la Bourgogne, au sud de la Saône-et-Loire. Elle s’inscrit dans le triangle Mâcon-Cluny-Tournus : une large bande allant de Sennecey-le-Grand au Nord, jusqu’à Crèches-sur-Saône au sud, bordée par la Saône à l’est et la vallée de la Grosne à l’ouest... " ; source] ; les marchands le vendent 10 livres par pièce de moins que la taxe du maximum. Les marchands de vins n'en veulent pas, à ce que dit un marchand de vin.
La Halle aux vins, emplacement actuel de la faculté des sciences de Jussieu, rue et quai des Fossés Saint-Bernard, 5ème arrondissement ; 1810, Hibon, Auguste, 1780-1857 ; dessinateur. Source
Le beurre est si rare dans la capitale qu'il y a une pension, faubourg Saint-Honoré, où il y a 60 élèves, leur cuisinier n'en pouvant avoir, fut tenu de faire de la soupe avec de la mauvaise huile.
Un marchand de vin, au-dessus de la barrière des Champs-Élysées, dit que dans la campagne le porc frais vaut 40 sous la livre ; encore n'en trouve-t-on pas. Il ne peut avoir ni beurre, ni œufs. Il dit que le pain se vend à Passy 19 sous les quatre livres.
On entend dans les marchés beaucoup de citoyens se plaindre. Un particulier dit qu'on amusait les citoyens par des fêtes souvent réitérées, qu'il ne se passait pas une décade sans qu'il n'y en ait, que la Commune s'enrichissait aux dépends des malheureux, que les membres qui la composaient menaient absolument la Convention, qu'elle ne faisait rien sans l'assentiment de la Commune.
Au moyen de ce que le beurre et les œufs sont des plus rares, je crois qu'il serait très à propos qu'il fût fait défense aux pâtissiers d'en employer pour faire leurs pâtisseries ; cette défense aurait lieu jusqu'à ce que l'abondance renaisse.
Un particulier du faubourg Saint-Marcel, marchand mercier [" D’après les définitions du 18e siècle, le marchand-mercier vendait « toutes les belles estoffes de soye, d’or & d’argent, et quelque marchandise que ce soit tant du Royaume, que des pays estrangers, comme estoffes, cuirs, fourrures, tapisseries, passements, soyes, jouailleries, drogueries, métaux, armes, quincaillerie, dinanderie, coutellerie, et tous ouvrages de forge et de fonte »... " ; source], a loué l'église du couvent ci-devant dit de l' Enfant-Jésus, pour le prix de 500 livres par an ; on y exerce le culte catholique ; il y a quatre prêtres qui y disent des messes, fêtes et dimanches ; il y a un tronc dans l'église où mettent les citoyens qui y vont en grand nombre ; cette collecte est pour payer les prêtres et les chantres [personne qui assure les chants dans les offices liturgiques ; Larousse] qui y sont employés. On dit que le chef de cet établissement est autorisé par la Commune.
Un particulier étant au café Manoury, quai de l' École, dit qu'il a fait lecture d'une lettre d'un volontaire qui dit que, dans les hôpitaux de l' armée du Nord, les malades y sont on ne peut plus maltraités, qu'on leur fait du bouillon avec des chiens et des chats ; encore n'en donne-t-on qu'aux plus protégés ; les autres ont du pain et du vin qui, fort heureusement, ne manquent point. Il serait essentiel de connaître si le fait est constant ; il est bien douteux.
Rapport de Rolin, W 112
Hier plusieurs citoyens se sont permis de murmurer sur la quantité des guillotinés qui, disaient-ils, périssent tous les jours, tant à Paris que dans les départements. Un, entre autres, disait que la plupart du temps ils n'étaient point convaincus des crimes qu'on leur reprochait. Je suis allé pour chercher un garde ; pendant ce temps ils se sont évadés.
Un mendiant, qui se met devant les bureaux où on donne les billets du Théâtre de la République, se permet aussi de prendre un ton plaintif sur les scélérats dont on nous fait justice ; il en sait le nombre par cœur chaque décade, et en fait le récit ; j'ignore s'il se contrefait pour que ceux qui le croient aristocrate, et qui le sont aussi, lui fassent la charité.
On se plaint beaucoup du nombre prodigieux d'estropiés en tout genre qui étalent leur misère dans les rues et sur les places publiques. Plusieurs d'entre eux ont des maladies et blessures qui sont propres à produire, par leur aspect, de très mauvais effets sur des femmes enceintes.
On assurait aujourd'hui que plusieurs membres du club des Cordeliers s'étaient flattés d'écraser les Jacobins, et que sous peu il n'y aurait plus de club des Jacobins à Paris, ce qui paraît faire fomenter (sic) les esprits ; on assurait que la majorité des sociétés sectionnaires de Paris635 étaient pour les Cordeliers, et qu'elles ne voulaient plus de la Société des Jacobins.
On improuve [désapprouve] hautement le comité révolutionnaire de la section Marat, qui a fait tenter des marchands qui faisaient venir une quantité de sucre et autres marchandises à Paris, lesquels marchands ont été arrêtés et leurs voitures, chevaux et marchandises saisis, pour avoir cédé leurs marchandises à un prix au-dessus du maximum au courrier que le comité leur avait envoyé pour les tenter.
On continue de se plaindre de la manière dont sont traités les détenus de la Petite Force et autres lieux qui n'ont point de fortune.
Dans plusieurs groupes, on assurait que la majeure partie des places étaient confiées à des prêtres. Un citoyen a dit que la société fraternelle de sa section s'occupait d'une adresse à présenter à la Convention pour lui demander qu'aucun prêtre marié ou non marié ne puisse entrer dans aucun poste salarié par la République ; d'autres ont promis d'en faire la motion dans leurs assemblées respectives.
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Les trois décrets634 que la Convention a rendus aujourd'hui ont paru faire plaisir au peuple, par les applaudissements qu'il leur a donnés, notamment le décret relatif aux détenus qui n'ont été arrêtés que par sûreté ; et pour les membres des comités révolutionnaires qui, souvent, à ce qu'observe le peuple, ont arrêté des citoyens arbitrairement.
Le peuple ne cesse de dénoncer les journaux qui en imposent journellement au peuple, non seulement de Paris, mais pis encore, dans les départements. Tous les jours ce sont des plaintes que l'on entend faire dans tous les groupes. Les habitants des campagnes ne savent à quoi s'en tenir d'après ces journaux. Les mensonges qu'ils écrivent occasionnellement des querelles quand ils annoncent des victoires remportées par l'armée de la République, et qu'il se trouve que cela n'est pas. Tous les jours cela arrive.
Dans plusieurs groupes l'on observait que l'on devrait le plus tôt possible planter des choses utiles dans les jardins qui ne servaient à rien, quand on n'y sèmerait que des pommes de terre.
L'on observe encore qu'il y a plusieurs individus qui vont cinq à six fois dans le jour à la boucherie ; sous le prétexte que leurs femmes sont malades, ils accaparent la viande.
L'on se plaint que, dans la disette où l'on est d'avoir des denrées, il y a des individus qui affichent, pour vexer le peuple, toutes sortes de provisions à leurs fenêtres, et surtout de la viande de boucherie, bœuf, veau et mouton, que l'on porte chez eux.
L'on se plaint aussi que les femmes qui vendent de la volaille aiment mieux la laisser perdre que de la vendre à un prix raisonnable.
Un citoyen, dans un groupe, disait qu'il voudrait voir cinquante personnes guillotinés par jour, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de conspirateurs, et tous ceux qui l'entendaient l'applaudirent. Il faut, disait-il, dans un gouvernement révolutionnaire, agir révolutionnaire[ment] ; ce n'est qu'avec ces grandes mesures que l'on parviendra à effrayer ceux qui seraient tentés de conspirer.
Il se trouve souvent des citoyens patriotes dans les groupes, qui rassurent le peuple par des discours dictés par la raison et le patriotisme ; aussi le peuple les écoute-t-il avec attention.
Ce n'est pas le sans-culotte indigent qui se plaint le plus en ce moment-ci, mais bien une classe de ce qu'on appelait autrefois bourgeois. Le sans-culotte dit, pourvu qu'il ait du pain, qu'il sera content.
Rapport de Prevost, W 112
Il a été arrêté, sur la section de la République, une voiture chargée de beurre et d’œufs ; la plus grande partie du beurre était, dit-on, moisie. Le tout a été distribué aux citoyens à un prix raisonnable.
Il serait cependant à désirer que toutes les marchandises soient conduites à la Halle, afin que tous les citoyens puissent, en y allant, en avoir. Il y aurait un moyen bien simple, et, pour empêcher l'accaparement, je voudrais que tous les marchands qui vont acheter aux marchés dans les campagnes, etc., soient tenus lorsqu'ils ont assez suffisamment de marchandises pour faire un voyage à Paris, ils fassent leur déclaration dans le district de leur résidence, du nombre de volailles, œufs, livres de beurre, etc., à l'effet d'en tirer un bon ; qu'ils seraient tenus de déclarer pour quel endroit est la destination, et, aux entrées de Paris, en donner connaissance aux commandements du poste qui se trouve aux entrées.
Il serait aussi très à propos que ces mêmes marchands fassent viser leur bon par un ou plusieurs préposés qui se tiendraient au carreau de la Halle, pour, ensuite, vendre leurs marchandises aux prix fixés par la loi. Pour connaître la consommation qui se fait dans Paris et empêcher la fraude, il faudrait que ces mêmes marchands remettent au commandant du poste des entrées de Paris par où ils doivent passer le bon visé par le préposé, qui attesterait que les marchandises ont été vendues sur le carreau. C'est le seul moyen d'empêcher qu'on ne tue toutes les bêtes qui vont se trouver prohibées par la loi qu'on propose de rendre à ce sujet.
La Halle aux vins est on ne peut mieux garnie ; il y a une très grande quantité de vins de Mâcon [" L’appellation Mâcon s’étend sur plus de 4 223 ha au sud de la Bourgogne, au sud de la Saône-et-Loire. Elle s’inscrit dans le triangle Mâcon-Cluny-Tournus : une large bande allant de Sennecey-le-Grand au Nord, jusqu’à Crèches-sur-Saône au sud, bordée par la Saône à l’est et la vallée de la Grosne à l’ouest... " ; source] ; les marchands le vendent 10 livres par pièce de moins que la taxe du maximum. Les marchands de vins n'en veulent pas, à ce que dit un marchand de vin.
La Halle aux vins, emplacement actuel de la faculté des sciences de Jussieu, rue et quai des Fossés Saint-Bernard, 5ème arrondissement ; 1810, Hibon, Auguste, 1780-1857 ; dessinateur. Source
Le beurre est si rare dans la capitale qu'il y a une pension, faubourg Saint-Honoré, où il y a 60 élèves, leur cuisinier n'en pouvant avoir, fut tenu de faire de la soupe avec de la mauvaise huile.
Un marchand de vin, au-dessus de la barrière des Champs-Élysées, dit que dans la campagne le porc frais vaut 40 sous la livre ; encore n'en trouve-t-on pas. Il ne peut avoir ni beurre, ni œufs. Il dit que le pain se vend à Passy 19 sous les quatre livres.
On entend dans les marchés beaucoup de citoyens se plaindre. Un particulier dit qu'on amusait les citoyens par des fêtes souvent réitérées, qu'il ne se passait pas une décade sans qu'il n'y en ait, que la Commune s'enrichissait aux dépends des malheureux, que les membres qui la composaient menaient absolument la Convention, qu'elle ne faisait rien sans l'assentiment de la Commune.
Au moyen de ce que le beurre et les œufs sont des plus rares, je crois qu'il serait très à propos qu'il fût fait défense aux pâtissiers d'en employer pour faire leurs pâtisseries ; cette défense aurait lieu jusqu'à ce que l'abondance renaisse.
Un particulier du faubourg Saint-Marcel, marchand mercier [" D’après les définitions du 18e siècle, le marchand-mercier vendait « toutes les belles estoffes de soye, d’or & d’argent, et quelque marchandise que ce soit tant du Royaume, que des pays estrangers, comme estoffes, cuirs, fourrures, tapisseries, passements, soyes, jouailleries, drogueries, métaux, armes, quincaillerie, dinanderie, coutellerie, et tous ouvrages de forge et de fonte »... " ; source], a loué l'église du couvent ci-devant dit de l' Enfant-Jésus, pour le prix de 500 livres par an ; on y exerce le culte catholique ; il y a quatre prêtres qui y disent des messes, fêtes et dimanches ; il y a un tronc dans l'église où mettent les citoyens qui y vont en grand nombre ; cette collecte est pour payer les prêtres et les chantres [personne qui assure les chants dans les offices liturgiques ; Larousse] qui y sont employés. On dit que le chef de cet établissement est autorisé par la Commune.
Un particulier étant au café Manoury, quai de l' École, dit qu'il a fait lecture d'une lettre d'un volontaire qui dit que, dans les hôpitaux de l' armée du Nord, les malades y sont on ne peut plus maltraités, qu'on leur fait du bouillon avec des chiens et des chats ; encore n'en donne-t-on qu'aux plus protégés ; les autres ont du pain et du vin qui, fort heureusement, ne manquent point. Il serait essentiel de connaître si le fait est constant ; il est bien douteux.
Rapport de Rolin, W 112
Hier plusieurs citoyens se sont permis de murmurer sur la quantité des guillotinés qui, disaient-ils, périssent tous les jours, tant à Paris que dans les départements. Un, entre autres, disait que la plupart du temps ils n'étaient point convaincus des crimes qu'on leur reprochait. Je suis allé pour chercher un garde ; pendant ce temps ils se sont évadés.
Un mendiant, qui se met devant les bureaux où on donne les billets du Théâtre de la République, se permet aussi de prendre un ton plaintif sur les scélérats dont on nous fait justice ; il en sait le nombre par cœur chaque décade, et en fait le récit ; j'ignore s'il se contrefait pour que ceux qui le croient aristocrate, et qui le sont aussi, lui fassent la charité.
On se plaint beaucoup du nombre prodigieux d'estropiés en tout genre qui étalent leur misère dans les rues et sur les places publiques. Plusieurs d'entre eux ont des maladies et blessures qui sont propres à produire, par leur aspect, de très mauvais effets sur des femmes enceintes.
On assurait aujourd'hui que plusieurs membres du club des Cordeliers s'étaient flattés d'écraser les Jacobins, et que sous peu il n'y aurait plus de club des Jacobins à Paris, ce qui paraît faire fomenter (sic) les esprits ; on assurait que la majorité des sociétés sectionnaires de Paris635 étaient pour les Cordeliers, et qu'elles ne voulaient plus de la Société des Jacobins.
On improuve [désapprouve] hautement le comité révolutionnaire de la section Marat, qui a fait tenter des marchands qui faisaient venir une quantité de sucre et autres marchandises à Paris, lesquels marchands ont été arrêtés et leurs voitures, chevaux et marchandises saisis, pour avoir cédé leurs marchandises à un prix au-dessus du maximum au courrier que le comité leur avait envoyé pour les tenter.
On continue de se plaindre de la manière dont sont traités les détenus de la Petite Force et autres lieux qui n'ont point de fortune.
Dans plusieurs groupes, on assurait que la majeure partie des places étaient confiées à des prêtres. Un citoyen a dit que la société fraternelle de sa section s'occupait d'une adresse à présenter à la Convention pour lui demander qu'aucun prêtre marié ou non marié ne puisse entrer dans aucun poste salarié par la République ; d'autres ont promis d'en faire la motion dans leurs assemblées respectives.
9 ventôse an II636, 27 février 1794
Rapport de Bacon, W 112
L'assemblée populaire de la section de l' Homme-Armé était assez nombreuse ; mais il y avait beaucoup de femmes, de vieillards et de porteurs d'eau aux tribunes. On a parlé pendant très longtemps de la paye que la section donnerait aux ouvriers qui travaillent au salpêtre. Les uns voulaient qu'on ne donnât que 3 livres 10 sous ; d'autres 4 livres ; d'autres enfin voulaient une marche uniforme, c'est-à-dire inviter toutes les sections de Paris à ne donner qu'un même prix : grand bruit, grande confusion! chacun voulait avoir la parole ; aussi les femmes disaient-elles : quels braillards qui parlent d'une chose qu'ils ne connaissent pas du tout! Sur ces entrefaites, les membres de la commission du salpêtre sont arrivés, et voici ce qui sera proposé demain à l'assemblée générale : que, pour concilier le bien public d'un côté et pour payer ceux qui travaillent au salpêtre, il sera donner aux ouvriers 4 livres 10 sous par jour ; la section fournira deux hommes par compagnies pour traîner la brouette. Un membre voulait qu'on donnât 5 livres, parce que ceux, a-t-il dit, qui gardent bien chaudement les gens riches dans de beaux appartements, ont bien 5 livres : des femmes ont crié : cela est juste. Bruit... bruit...637. Enfin, demain l'assemblée statuera.
Un membre de la société a aussi annoncé que demain, dans le temple de la Raison, situé dans l'étendue de la section, on y lirait la Déclaration des Droits, les décrets de la Convention et la feuille du Père Duchesne, qui dit de grandes vérités au peuple : à cette annonce, les femmes disaient : qu'il aille donc se faire foutre avec son père Duchesne ; il nous ennuie! Moi, a dit un autre, j'irai demain, mais ce sera pour connaître ce que dit la Convention. À la bonne heure, ont répondu les autres. La séance a fini très tard. L'esprit public est bon.
La société populaire de la section des Droits-de-l'Homme a prêté son local pour faire le recensement des citoyennes dont les maris sont à défendre la Patrie. Le nombre était très considérable. J'ai entendu quelques unes qui se disaient en sortant : " Si la Convention n'eût pas songé à nous, nous étions sans pain, car avec les sections, on ne peut jamais rien finir. " Par ce que j'ai remarqué, je me suis aperçu d'une grande reconnaissance, de la part de ces citoyennes, pour les législateurs.
D'après ce qui m'a été dit, et d'après les demandes que j'ai faites à différents sans-culottes, je dénonce le citoyen Huguenin638, natif de Neufchâtel, habitant depuis quelques années une commune près Montbéliard, et à Paris depuis quelques mois, rue des Vieux-Augustins, n° 61, maison Toulouse [ "... [cette rue] a été rebaptisée d’ Argout par décret du 27 février 1867 [...] Commence à la rue Coquillière, nos 44 et 46 ; finit à la rue Montmartre, no 71 et 73. Le dernier impair est 71 ; le dernier pair, 60. Sa longueur est de 317 m. — 3e arrondissement, quartier du Mail [...] Quelques moines Augustins vinrent d’Italie en France, attirés dans ce pays par la protection que le roi saint Louis accordait à tous les religieux. Ils s’établirent d’abord à Paris au delà de la porte Saint-Eustache, dans un lieu environné de bois où se trouvait une chapelle dédiée à Sainte-Marie Égyptienne. Joinville parle ainsi de cet établissement : « Le roi pourvut les frères Augustins et leur acheta la granche à un bourjois de Paris et toutes les appartenances et leur fit faire un moustier dehors la porte Montmartre. » Vers l’année 1285 les religieux quittèrent cet endroit pour aller s’établir dans le clos du Chardonnet. Peu de temps après leur départ, une rue fut ouverte à côté de leur ancienne demeure. On donna à cette voie publique deux dénominations : celle des Augustins à la partie comprise entre les rues Montmartre et Pagevin, et au surplus, jusqu’à la rue Coquillière, le nom de Pagevin. Ce ne fut qu’au dix-huitième siècle que la communication dont il s’agit s’appela dans toute son étendue rue des Vieux-Augustins. — Une décision ministérielle du 3 thermidor an IX, signée Chaptal, fixa la largeur de cette voie publique à 9 m. En vertu d’une ordonnance royale du 23 juillet 1828, cette largeur a été portée à 10 m. Les maisons nos 7, 71, 16 et 18 sont alignées ; celles de 33 à 69 inclus n’auront à subir qu’un faible retranchement... " ; source]
Source
Cet homme sollicite une manufacture d'armes auprès du Comité de salut public, et auprès de Dupin639, adjoint au ministre de la Guerre. Il est associé avec un tripotier [celui ou celle qui possédait ou gérait une salle de jeu de paume ou tripot], m'a-t-on dit, appelé Saigniet640, n° 8 rue [de] Gramont, et un autre appelé Faure, associé aussi de Dupont, imprimeur, et en même temps sont prote [chef d'un atelier de composition typographique, Larousse]641.Cet Huguenin vante les vertus de l'ex-ministre Lebrun [Pierre-Henri-Hélène-Marie Tondu, dit, 1754-1794 ; journaliste ; ministre de la Guerre de 1792 jusqu'à son arrestation en le 2 juin 1793 ; guillotiné le 28 décembre 1793], parce qu'il l'avait envoyé en commission, il y a dix-huit mois, avec Gobel, évêque de Paris642. Il s'apitoie aussi sur le sort de son ami Lasource [Marc David Alba, dit, 1763-1793 ; ancien pasteur, député, 1791-1793 ; il est jugé avec les Girondins auxquels il s’est rallié, octobre 1793 ; guillotiné avec les 20 autres accusés fin octobre ; ses derniers mots : " Je meurs le jour où le peuple a perdu la raison ; vous mourrez le jour où il l’aura recouvrée. "] qui a été guillotiné avec la compagnie Brissot. Cet Huguenin n'aime pas la Constitution des sans-culottes : qu'on prenne garde qu'en lui confiant de l'argent il n'aille en Suisse avec la caisse. Enfin, des paroles dites ça et là par des portiers m'ont engagé à parler de ce citoyen Huguenin, qui a été employé longtemps à Berlin par le roi de Prusse.
Marché Catherine643, on a distribué aux citoyennes en très grand nombre une très petite quantité de beurre. Tout s'est passé sans accident.
À la Halle, on se pressait, on se heurtait, on se donnait des coups pour avoir un quarteron de beurre, et, à la suite de cela, chacun se plaignait de ce que son portefeuille était volé. J'ai entendu des cuisinières ayant de beaux bonnets blancs dire : " O mon Dieu! que deviendrons-nous? On n'était pas si malheureux autrefois. " Une autre citoyenne leur a répondu : " Mes amies, vous n'êtes pas tant à plaindre, car vos ventres prouvent que vous mangez mieux que moi qui ai trois enfants aux frontières : et, à coup sûr, avec tous vos embarras, vous n'êtes pas foutues pour être de vraies républicaines. " Les cuisinières n'ont rien répondu.
Dans un cabaret, faubourg du Roule, on parlait du décret d'hier644, relatif aux biens des gens suspects incarcérés. Un homme disait : " Que deviendront à présent tous ces gens là? Quand ils seront dehors, il faudra donc qu'ils se mettent voleurs pour manger? " Une femme qui était avec deux autres citoyennes et des hommes en tabliers, a répondu : " Qu'avons-nous besoin de tous ces bougres-là? Tout ce que fait la Convention, n'est-ce pas pour les sans-culottes? Eh bien! si ces messieurs les gros marchands qui sont dedans ne sont pas contents, on les mettra dans une chaloupe comme ils avaient envie d'y mettre le peuple. " : on a beaucoup ri, et on a dit : Voilà une vraie patriote! — Oui, a-t-elle dit, je suis foutue, de même que mon mari, pour l'être. J'ai parcouru les environs du faubourg du Roule, et j'ai tout trouvé tranquille.
Rapport de Charmont, W 112
On a arrêté cette nuit dernière les auteurs du faux maximum645. On assure que c'est Froullé, libraire, sur le quai de la volaille, et l'imprimeur se nomme Crottet646. On assure qu'ils sont les auteurs de ce faux national. On ne devrait pas les laisser longtemps dans les prisons, car partout on demande qu'un exemple soit fait afin d'empêcher à l'avenir qu'un imprimeur en fasse de même que ceux-là.
Il y a aussi dans Paris deux façons de voir qui nuisent beaucoup à la République, et qui fait autant de tort que les faux papiers nouvelles : c'est que beaucoup, malheureusement, voient les choses de travers, et en tirent de mauvaises conséquences, et surtout des gens qu'on appelait autrefois gens d'esprit, qui, fâchés de voir que le gouvernement prend une marche terrible contre eux, se plaisent à dénigrer les travaux de la Convention.En voici à peu près une esquisse. Dans une société particulière : " J'assure, disait l'un, que le général Pichegru est à Paris, et qu'il a déclaré au Comité de salut public qu'il n'exécuterait point le plan du Comité, attendu qu'il en coûterait trop d'hommes à la République, de manière qu'il ne faut point penser à reprendre Valenciennes et autres villes qui sont occupées par l'ennemi, et que les travaux de nos ennemis sont formidables et que sera bien hardi celui qui osera les attaquer. — Oh, je l'ai toujours dit, disait un autre ; quand on a fait mourir le roi, je me suis dit : nous sommes perdus, ça ira de mal en pis ; et voilà la preuve, c'est que nous y sommes. Les députés s'en moquent bien, ils en sont quittes pour quelques belles phrases qu'ils débitent, où ils sont applaudis par des gens payés. " Et il est à croire qu'ils débitent ainsi leurs mauvaises nouvelles partout et que, par ce moyen, ils gâtent l'esprit public autant qu'ils peuvent.
Un membre de la commission du salpêtre de la section Chalier assurait ses concitoyens qu'il n'avait rien vu de si tenace que les citoyens riches de cette section ; on voit des citoyens pauvres se sacrifier plus qu'ils ne peuvent, et des riches regarder à deux fois s'ils donneraient une ou deux bûches ; et concluait qu'il fallait frapper à grands coups à la porte de ces égoïstes qui ne connaissent point de patrie.
Un chimiste disait que, s'il avait accès auprès du ministre de l' Intérieur, il l'inviterait à mettre dans chaque département une certaine quantité de potasse pour les ateliers de salpêtre de Paris, qui ne peuvent terminer leur dégraissement avec la lessive de cendres, attendus que ce sont de mauvaises cendres composées de toutes sortes de mauvais bois ; et il assurait que, s'il était possible de procurer à Paris ce moyen, que la République augmenterait de plusieurs milliers de salpêtre que l'on n'aurait pas sans potasse.
Le décret rendu hier647 fait un terrible plaisir pour les parents des détenus, et surtout de ceux qui craignent rien, dont il n' y a que le soupçon qui les a fait arrêter ; et les bons citoyens sont charmés de ce que l'on décrète la confiscation des biens de ceux qui ont contribué à notre perte.
Les bouchers continuent toujours à être gênés dans leur vente par la grande quantité de citoyens qui obstruent leur porte, et un de ces marchands disait que, si on n'avait pas tant de peine à avoir des certificats ou passeports, il pourrait aller dans les départements se fournir de bestiaux nécessaires à l'approvisionnement de Paris.
Rapport de Dugas, W 112
On a donné, sur le Théâtre-National, rue de la Loi,une première représentation d'un opéra en trois actes intitulé : Alisbelle ou les crimes de la féodalité648. Cette pièce, dans laquelle on remarque de grands traits de patriotisme, a été fort applaudie.
La séance des Jacobins649 était peu nombreuse. Il ne s'y est soulevé aucune discussion importante. On y a procédé au scrutin épuratoire, et tous les membres appelés ont été admis. Le reste de la séance a été consacré à entendre les orateurs de plusieurs députations.
On a distribué à tous les membres de la Société un exemplaire de la pétition de la section de l'Indivisibilité à la Convention nationale, sur les détenus dans les prisons d'arrêt650.
On a répandu dans les cafés que la flotte de Brest était sortie, mais on ne connaissait pas sa destination.
Le savon et la chandelle ne sont plus délivrés, par les épiciers, que par demi-livre.
Cet homme sollicite une manufacture d'armes auprès du Comité de salut public, et auprès de Dupin639, adjoint au ministre de la Guerre. Il est associé avec un tripotier [celui ou celle qui possédait ou gérait une salle de jeu de paume ou tripot], m'a-t-on dit, appelé Saigniet640, n° 8 rue [de] Gramont, et un autre appelé Faure, associé aussi de Dupont, imprimeur, et en même temps sont prote [chef d'un atelier de composition typographique, Larousse]641.Cet Huguenin vante les vertus de l'ex-ministre Lebrun [Pierre-Henri-Hélène-Marie Tondu, dit, 1754-1794 ; journaliste ; ministre de la Guerre de 1792 jusqu'à son arrestation en le 2 juin 1793 ; guillotiné le 28 décembre 1793], parce qu'il l'avait envoyé en commission, il y a dix-huit mois, avec Gobel, évêque de Paris642. Il s'apitoie aussi sur le sort de son ami Lasource [Marc David Alba, dit, 1763-1793 ; ancien pasteur, député, 1791-1793 ; il est jugé avec les Girondins auxquels il s’est rallié, octobre 1793 ; guillotiné avec les 20 autres accusés fin octobre ; ses derniers mots : " Je meurs le jour où le peuple a perdu la raison ; vous mourrez le jour où il l’aura recouvrée. "] qui a été guillotiné avec la compagnie Brissot. Cet Huguenin n'aime pas la Constitution des sans-culottes : qu'on prenne garde qu'en lui confiant de l'argent il n'aille en Suisse avec la caisse. Enfin, des paroles dites ça et là par des portiers m'ont engagé à parler de ce citoyen Huguenin, qui a été employé longtemps à Berlin par le roi de Prusse.
Marché Catherine643, on a distribué aux citoyennes en très grand nombre une très petite quantité de beurre. Tout s'est passé sans accident.
À la Halle, on se pressait, on se heurtait, on se donnait des coups pour avoir un quarteron de beurre, et, à la suite de cela, chacun se plaignait de ce que son portefeuille était volé. J'ai entendu des cuisinières ayant de beaux bonnets blancs dire : " O mon Dieu! que deviendrons-nous? On n'était pas si malheureux autrefois. " Une autre citoyenne leur a répondu : " Mes amies, vous n'êtes pas tant à plaindre, car vos ventres prouvent que vous mangez mieux que moi qui ai trois enfants aux frontières : et, à coup sûr, avec tous vos embarras, vous n'êtes pas foutues pour être de vraies républicaines. " Les cuisinières n'ont rien répondu.
Dans un cabaret, faubourg du Roule, on parlait du décret d'hier644, relatif aux biens des gens suspects incarcérés. Un homme disait : " Que deviendront à présent tous ces gens là? Quand ils seront dehors, il faudra donc qu'ils se mettent voleurs pour manger? " Une femme qui était avec deux autres citoyennes et des hommes en tabliers, a répondu : " Qu'avons-nous besoin de tous ces bougres-là? Tout ce que fait la Convention, n'est-ce pas pour les sans-culottes? Eh bien! si ces messieurs les gros marchands qui sont dedans ne sont pas contents, on les mettra dans une chaloupe comme ils avaient envie d'y mettre le peuple. " : on a beaucoup ri, et on a dit : Voilà une vraie patriote! — Oui, a-t-elle dit, je suis foutue, de même que mon mari, pour l'être. J'ai parcouru les environs du faubourg du Roule, et j'ai tout trouvé tranquille.
Rapport de Charmont, W 112
On a arrêté cette nuit dernière les auteurs du faux maximum645. On assure que c'est Froullé, libraire, sur le quai de la volaille, et l'imprimeur se nomme Crottet646. On assure qu'ils sont les auteurs de ce faux national. On ne devrait pas les laisser longtemps dans les prisons, car partout on demande qu'un exemple soit fait afin d'empêcher à l'avenir qu'un imprimeur en fasse de même que ceux-là.
Il y a aussi dans Paris deux façons de voir qui nuisent beaucoup à la République, et qui fait autant de tort que les faux papiers nouvelles : c'est que beaucoup, malheureusement, voient les choses de travers, et en tirent de mauvaises conséquences, et surtout des gens qu'on appelait autrefois gens d'esprit, qui, fâchés de voir que le gouvernement prend une marche terrible contre eux, se plaisent à dénigrer les travaux de la Convention.En voici à peu près une esquisse. Dans une société particulière : " J'assure, disait l'un, que le général Pichegru est à Paris, et qu'il a déclaré au Comité de salut public qu'il n'exécuterait point le plan du Comité, attendu qu'il en coûterait trop d'hommes à la République, de manière qu'il ne faut point penser à reprendre Valenciennes et autres villes qui sont occupées par l'ennemi, et que les travaux de nos ennemis sont formidables et que sera bien hardi celui qui osera les attaquer. — Oh, je l'ai toujours dit, disait un autre ; quand on a fait mourir le roi, je me suis dit : nous sommes perdus, ça ira de mal en pis ; et voilà la preuve, c'est que nous y sommes. Les députés s'en moquent bien, ils en sont quittes pour quelques belles phrases qu'ils débitent, où ils sont applaudis par des gens payés. " Et il est à croire qu'ils débitent ainsi leurs mauvaises nouvelles partout et que, par ce moyen, ils gâtent l'esprit public autant qu'ils peuvent.
Un membre de la commission du salpêtre de la section Chalier assurait ses concitoyens qu'il n'avait rien vu de si tenace que les citoyens riches de cette section ; on voit des citoyens pauvres se sacrifier plus qu'ils ne peuvent, et des riches regarder à deux fois s'ils donneraient une ou deux bûches ; et concluait qu'il fallait frapper à grands coups à la porte de ces égoïstes qui ne connaissent point de patrie.
Un chimiste disait que, s'il avait accès auprès du ministre de l' Intérieur, il l'inviterait à mettre dans chaque département une certaine quantité de potasse pour les ateliers de salpêtre de Paris, qui ne peuvent terminer leur dégraissement avec la lessive de cendres, attendus que ce sont de mauvaises cendres composées de toutes sortes de mauvais bois ; et il assurait que, s'il était possible de procurer à Paris ce moyen, que la République augmenterait de plusieurs milliers de salpêtre que l'on n'aurait pas sans potasse.
Le décret rendu hier647 fait un terrible plaisir pour les parents des détenus, et surtout de ceux qui craignent rien, dont il n' y a que le soupçon qui les a fait arrêter ; et les bons citoyens sont charmés de ce que l'on décrète la confiscation des biens de ceux qui ont contribué à notre perte.
Les bouchers continuent toujours à être gênés dans leur vente par la grande quantité de citoyens qui obstruent leur porte, et un de ces marchands disait que, si on n'avait pas tant de peine à avoir des certificats ou passeports, il pourrait aller dans les départements se fournir de bestiaux nécessaires à l'approvisionnement de Paris.
Rapport de Dugas, W 112
On a donné, sur le Théâtre-National, rue de la Loi,une première représentation d'un opéra en trois actes intitulé : Alisbelle ou les crimes de la féodalité648. Cette pièce, dans laquelle on remarque de grands traits de patriotisme, a été fort applaudie.
La séance des Jacobins649 était peu nombreuse. Il ne s'y est soulevé aucune discussion importante. On y a procédé au scrutin épuratoire, et tous les membres appelés ont été admis. Le reste de la séance a été consacré à entendre les orateurs de plusieurs députations.
On a distribué à tous les membres de la Société un exemplaire de la pétition de la section de l'Indivisibilité à la Convention nationale, sur les détenus dans les prisons d'arrêt650.
On a répandu dans les cafés que la flotte de Brest était sortie, mais on ne connaissait pas sa destination.
Le savon et la chandelle ne sont plus délivrés, par les épiciers, que par demi-livre.
Il s'est porté beaucoup d'amateurs au Théâtre de la République pour y voir les débuts de Vanhove [1739-1803 ; " Entré à la Comédie-Française en 1777 ; sociétaire en 1779. Fils d'un cafetier de Lille, il débute au théâtre en province et à l'étranger. Il épouse en Hollande sa camarade Andrée Coche, qui lui donne deux filles dont la cadette épousera Talma en secondes noces. Joseph Vanhove est appelé à la Comédie-Française en 1777 pour doubler Brizard dans les pères nobles et les rois de tragédie. Il débute dans Auguste de Cinna. Arnault, auteur de Marius à Minturnes – un de ses plus grands succès –, avoue avoir tiré profit de ses défauts-mêmes pour créer le personnage de Marius. Reçu sociétaire en 1779, il est de ces acteurs utiles qui ne refusent jamais un rôle, même « mauvais ». Il crée, en 1784, Basile dans Le Mariage de Figaro. Arrêté en 1793, il est relâché au bout de cinq mois, à condition d'entrer au Théâtre de la République où joue déjà Talma. En 1799, il est conservé dans la troupe réunie, bien qu'il ait épaissi et que son débit soit devenu monotone ; il rend encore de nombreux services dans ses meilleurs rôles : Don Diègue du Cid, Coucy d'Adélaïde Du Guesclin, etc.. Il a créé plus de 50 rôles, notamment aux côtés de Talma, dans les adaptations de Ducis d'après Shakespeare. Tombé malade chez son gendre, à Brunoy, c'est là qu'il meurt en 1803 et est enterré dans le jardin de cette maison de campagne de Talma, aujourd'hui disparue au profit d'un complexe immobilier. " ; source] dans le rôle de Brutus651. Ce comédien n'a pas rempli l'espérance de ceux que sa réputation y avait attirés.
" Cinna ; tu t’en Souviens et veux m’assassiner. " M. Vanhove dans le rôle d’Auguste dans Cinna, de Pierre Corneille : 1787. Jean-François Janinet, 1752–1814. Source
Les rues sont de la plus grande malpropreté. Celle que l'on appelait Sainte-Anne652 est encombrée de fumier ; dans la partie qui avoisine la rue de Louvois, il y en a des tas le long des murs, qui y séjournent depuis quinze jours.
" Cinna ; tu t’en Souviens et veux m’assassiner. " M. Vanhove dans le rôle d’Auguste dans Cinna, de Pierre Corneille : 1787. Jean-François Janinet, 1752–1814. Source
Les rues sont de la plus grande malpropreté. Celle que l'on appelait Sainte-Anne652 est encombrée de fumier ; dans la partie qui avoisine la rue de Louvois, il y en a des tas le long des murs, qui y séjournent depuis quinze jours.
Malgré l'arrêté653 du Département concernant la mendicité, les pauvres fourmillent dans toutes les rues, dans les promenades et sur les boulevards.
Rapport d' Hanriot654
À suivre...
Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 356-368.
634. Deux d'entre eux sont, comme le prouve la suite du texte, la décret rendu sur le rapport de Saint-Just, cf. ci-dessus, p. 348, note 1, et le décret sur la proposition additionnelle de Danton : cf. ci-dessus, p. 351, note 1. Impossible de savoir quel est le troisième : il y en a sept autres, dont trois ont pu retenir particulièrement l'attention du public.
635. Cf. t. II, p. 101, note 3.
636. C.A. Dauban a publié dans Paris en 1794 et en 1795, p. 120-121, des extraits des rapports de Dugas et de Perrière du 9 ventôse.
637. Ces points de suspension sont dans le texte.
638. Huguenin père, mécanicien à Héricourt, Haute-Saône. Sur ses vaines démarches pour être chargé de la création d'une manufacture d'armes à feu, cf. C. Richard, Le Com. de sal. pub. et les fabric. de guerre sous la Terreur, p. 157.
639. Officier du génie, chargé de la 3e division du Ministère de la Guerre.
640. Pas de renseignements.
641. Exact. Faure, Jean-Louis, 60 ans, avait été impliqué dans l'affaire d' Imbert, suppléant de la Convention, condamné à mort par le Tribunal révolutionnaire le 18 nivôse [7 janvier] pour faux en écritures publiques. Il fut mis en liberté par jugement du Tribunal du 18 germinal an II [7 avril 1794] : Arch. nat., F7 4703 ; W 344, doss. 670. — L'imprimerie Nicolet était située rue Helvetius : aujourd'hui rue Sainte-Anne.
642. Lors de sa mission dans le Porrentruy [aujourd'hui, district de Suisse, dans le canton du Jura dans la région de l' Ajoie ; en avril 1792, la ville, du même nom, conquise, elle devint le chef-lieu du département français du Mont-Terrible de 1793 à 1800] à la fin de l'été de 1792 : cf. G. Gautherot, Gobel, p. 303.
643. Cf. ci-dessus, p. 248, note 3.
644. Cf. ci-dessus, p. 348, note 1.
645. Cf. ci-dessus, p. 325.
646. Un sieur Cretot ou Cretaux, Alexandre-Philippe, fut traduit devant le Tribunal révolutionnaire, avec plusieurs autres personnes, pour avoir imprimé et vendu de faux tableaux du maximum. Tous furent acquittés le 15 ventôse [5 mars], comme n'ayant pas agi dans une intention criminelle : Arch. nat., W 333, doss. 576. Quant à Froullé, Jacques-François, libraire quai des Augustins, que Charmont appelle le quai à la volaille parce que s'y tenait le marché de la Vallée, cf. t. II, p. 51, note 3, il fut traduit au Comité de sûreté générale en même temps qu'un de ses confrères nommé Le Vigueur, non pour l'affaire du faux maximum, mais pour avoir publié une brochure sur les derniers moments de Louis XVI, laquelle fut jugée de tendance royaliste. Tous deux furent condamnés à mort par le Tribunal révolutionnaire le 13 ventôse [3 mars] : Arch. nat., W 332, doss. 566.
647. Cf. ci-dessus, p. 348, note 1.
648. Par P.-J.-B. Choudard-Desforges, musique de Louis Jadin.
649. Du 9 ventôse.
650. Cette pétition, qui est datée du 30 pluviôse [18 février], est celle que mentionne Tourneux sous le numéro 8657 de sa Bibliographie, t. II.
651. Dans la tragédie de Voltaire. — L'acteur Vanhove, Ernest, arrêté le 3 septembre 1793 [17 fructidor an I], avait été emprisonné aux Madelonnettes ["... d'abord le couvent des Filles de la Madeleine. En 1618, Robert Montri, riche marchand de vins, ayant rencontré deux filles publiques qui manifestaient le désir de mener une vie régulière, les reçut dans sa maison, située près du carrefour de la Croix-Rouge. [...] La marquise de Maignelay, soeur du cardinal de Gondy, acheta en 1620, pour les y placer, une maison dans la rue des Fontaines, [...] Le roi donna d'autres secours, et le 20 juillet 1629, on tira de la Visitation-Saint-Antoine quatre religieuses pour gouverner cette maison qui, par la suite, fut divisée en trois classes de filles. [...] Ce couvent, supprimé en 1790, devint propriété nationale et fut converti vers 1793, en prison publique. En 1795, on y renferma les femmes prévenues de délits, et cette destination lui fut conservée jusqu'en 1830... " ; source] Il avait été remis en liberté par ordre du Comité de sûreté générale du 15 pluviôse [3 février an II] : Arch. nat. F7 477539.
La prison des Madelonnettes au XVIIIe siècle. Tableau de Louis Léopold Boily.
652. Et alors dénommée Helvetius.
653. Non trouvé.
654. Ce rapport d' Hanriot n'est pas daté. Comme in ne contient pas d'indication qui permette de le rapporter à telle ou telle journée, nous le laissons avec les rapports du 9 ventôse, au milieu desquels il se trouve.
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