Transition énergétique : j'aime regarder les voitures électriques à la station service, en plein cœur de l'été

  Attention Futur, les utopies ont la vie dure et sont,...inabordables pour le commun des mortels. 
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La voiture électrique : repères techniques


Pierre Nicolas
  Ingénieur à la direction de la recherche d’un groupe automobile, et ancien représentant syndical CGT en comité central d’entreprise.

  « L’humanité ne se pose jamais que les problèmes qu’elle peut résoudre, car, à regarder de plus près, il se trouvera toujours que le problème lui-même ne se présente que lorsque les conditions matérielles pour le résoudre existent ou du moins sont en voie de devenir. » Karl Marx.
  Les déterminants de la consommation d’un véhicule, aérodynamique, roulement, moteur, confort, conditionnent son autonomie et les types de batterie nécessaires. Pour être adapté aux longs trajets, un véhicule doit avoir une batterie trois ou quatre fois plus importante que pour un usage quotidien, alors que les longs trajets ne représentent qu’un cinquième du roulage moyen.
  La décarbonation des transports est un enjeu majeur. Les émissions liées aux pratiques dans le secteur des transports sont le premier contributeur aux gaz à effet de serre de la France, à l’origine d’environ 30 % des émissions sur le territoire national. La voiture particulière est responsable pour moitié de ce bilan, suivie des poids lourds et des véhicules utilitaires qui ont des émissions
comparables.

Déterminants physiques de la consommation
  Les principaux postes de consommations d’un véhicule sont les pertes aérodynamiques, les pertes roulement, pneus, les pertes moteur, groupe moto-propulseur, c’est-à-dire électronique de puissance, moteur et réducteur sur un véhicule électrique, et le confort thermique : chauffage et climatisation. 

Les pertes aérodynamiques
  Ces pertes sont proportionnelles à la densité de l’air, qui est plus forte par temps froid, à un coefficient appelé SCx et au carré de la vitesse. C’est pourquoi sur autoroute, et sur les longs trajets, elles représentent de loin le premier poste de consommation.
Le SCx est le produit de la surface frontale, S, du véhicule, largeur par hauteur, et d’un coefficient de forme : Cx. Le SCx varie, selon les véhicules, entre 0,52 pour la Tesla 3, et près de 1 pour un petit véhicule utilitaire ; il est de 0,76 pour une Zoé. La forme idoine pour un aérodynamisme optimal serait celle d’un suppositoire, mais un véhicule en forme de suppositoire ne serait pas vendable. La forme est donc un compromis entre style, habitabilité et aérodynamisme. Les Tesla sont des véhicules bas, S faible, qui s’apparentent à des coupés, et longs, avec un aérodynamisme optimisé : Cx faible.
  Leur consommation sur autoroute est faible, de l’ordre de 20 kWh/100 km, mais la position de conduite est basse, et la place disponible en hauteur est limitée, particulièrement pour les places arrière. À l’inverse, un gros SUV, sport utility vehicle, comme l’Audi e-Tron consomme plus de 30 kWh/100 km.

Les pertes roulement

  Ces pertes dépendent bien sûr du type de pneu et augmentent par temps froid et avec une vitesse plus importante. Mais elles sont surtout proportionnelles à la masse du véhicule. Des batteries lourdes vont donc augmenter les pertes. Ainsi, les SUV cumulent deux défauts : d’un côté un véhicule, et de l’autre une batterie, chacun lourd et volumineux consomment beaucoup, donc il leur faut des batteries importantes, qui sont lourdes et volumineuses, ce qui les rend encore plus lourds et volumineux.
  À l’opposé, le cercle vertueux faible consommation-batterie plus petite-forte autonomie des Tesla en a fait le succès. Les Tesla sont des berlines basses. Les autres constructeurs ayant fait le constat que les berlines basses thermiques se vendaient de moins en moins bien, les clients préférant les SUV et les véhicules à position de conduite haute, se sont désengagés de ce segment. Or ce qui était vrai pour les véhicules thermiques ne l’a pas été pour les véhicules électriques, ce qui a laissé le champ libre à Tesla. Les ingénieurs Renault avaient conçu il y a quelques années un prototype de véhicule de ce type, l’ Eolab, avec un SC x de 0,47. Mais la direction n’a pas donné suite à ce projet.

Les pertes moteur
  Elles sont relativement faibles sur un véhicule électrique. Pour son dimensionnement nominal, couple et vitesse nominale, le rendement des motorisations électriques est de l’ordre de 90 %.
  Mais il se dégrade un peu à haute vitesse, en particulier à cause du réducteur, un rapport fixe remplace la boîte de vitesses sur les véhicules électriques, et surtout à basse vitesse avec un faible ou un fort couple : en particulier à cause de l’électronique de puissance. En effet, un véhicule électrique a l’avantage de récupérer l’énergie au freinage : ce qui recharge la batterie. À l’accélération, le véhicule emmagasine donc de l’énergie cinétique, 1/2 mv2, restituée à la batterie lors des décélérations.
  Cela dit, le bilan n’est pas nul : il y a des pertes à l’accélération et des pertes à la décélération. C’est pourquoi, en ville, les pertes moteur sont un poste de consommation significatif sur un véhicule électrique, qui dépend du style de conduite et des variations de vitesse dues aux feux, aux priorités à céder, aux ralentissements de circulation, etc.

 


 

Le confort thermique
  Chauffage et climatisation, surtout le chauffage, constituent le dernier poste important de consommation. Il est prédominant en circulation dense et en hiver.
  Dans Paris intra-muros, où la vitesse moyenne est de 14 km/h, la principale source de consommation d’un véhicule électrique par temps froid en circulation dense est donc le chauffage. En outre, par temps froid, l’augmentation de la résistance interne de la batterie entraîne des pertes batterie non négligeables et qui s’ajoutent aux autres sources d’augmentation de la consommation.
  Les principales caractéristiques des véhicules, électriques et thermiques, qui influent sur la consommation sont les mêmes : masse, SCx. Cela dit, les véhicules électriques récupèrent de l’énergie au freinage ; et sur un véhicule thermique le moteur a un rendement de moins de 30 % : un tiers de l’énergie consommée est perdue dans le circuit de refroidissement, un autre tiers dans les gaz d’échappement.

Le problème de l'autonomie
  Les annonces des constructeurs, par exemple « Faire de la route n’est plus un problème avec la
ZOE E-TECH et ses 395 km d’autonomie
», site Renault, entretiennent parfois des illusions. Avec une autonomie annoncée d’environ 400 km en cycle de roulage normalisé, cycle WLTP [wordline light vehicle test procedures], il est illusoire d’imaginer pouvoir faire 800 km avec un seul arrêt de recharge lors d’un départ en vacances. Les longs trajets se font pour une grande part sur autoroute. Comme indiqué, la consommation sur autoroute est comprise entre environ 20 kWh/100 km, Tesla 3, et 30 kWh/100 km : gros SUV. Pour 25 kWh/100 km, il faut donc 50 kWh pour rouler 2 h ; soit 60 kWh minimum au départ en gardant 10 kWh de réserve par sécurité : 50 km d’autonomie environ ; mais, au bout de 2 h, avec une recharge rapide de 30 min, la batterie ne sera rechargée qu’à 80 %, soit un peu moins de 50 kWh pour une batterie de 60 kWh. En effet, la charge des derniers 20 %, et surtout des derniers 10 %, prend beaucoup plus de temps. Avec 40 kWh utiles, 50 kWh, dont 10 kWh de réserve, il n’est plus possible de rouler 2 h après un premier arrêt, sauf avec le SCx de Tesla, mais seulement un peu plus de 1 h 30 min, soit environ 200 km, avant de s’arrêter de nouveau pour une demi-heure, et ainsi de suite.
  Cela ne pose pas de problèmes pour un usage de départ en week-end, avec une pause déjeuner : si la station et les bornes ne sont pas saturées un jour de pointe.... Or un véhicule électrique avec une batterie de 60 kWh est déjà très cher. Pour être adaptés aux longs trajets des départs en vacances, surtout en hiver, les véhicules électriques doivent avoir des batteries encore plus importantes, de l’ordre de 80 kWh, donc lourdes, coûteuses, au bilan carbone peu favorable... et inabordables pour le commun des mortels. Une aberration sociale et écologique.
  Ces batteries ne sont que de peu d’utilité pour l’usage quotidien, qui est d’environ 7 kWh par jour. Elles s’avèrent par conséquent très surdimensionnées : en Tesla, on transporte l’équivalent d’un âne et d’une vache, c’est le poids de la batterie, dans son coffre pour aller chercher le pain ! Et c’est pire
avec un SUV électrique...

Batterie et moteur électrique
  Les batteries des véhicules électriques sont du type lithium-ion. Les ions Li + se déplacent entre deux électrodes, dans un sens lors de la charge, dans l’autre lors de la décharge. Ce sont en général des empilages de cellules au format pouch, « sachet », une centaine en série pour une tension de 400 V, dans un pack composé de plusieurs modules. Il existe plusieurs variantes de technologie
d’électrodes.
  La plus utilisée est NMC : nickel,manganèse, cobalt. Elle a l’avantage d’avoir une forte densité d’énergie, ce qui est essentiel pour limiter le poids et le volume des batteries sur les gros véhicules à SC x élevé.
  L’autre technologie est LFP, lithium, fer, phosphate, un peu moins dense mais plus durable et moins chère. Elle est utilisée par Tesla sur certains véhicules ; Volkswagen a annoncé que ce serait la technologie de ses modèles d’entrée de gamme. Contrairement à une idée répandue, il n’y a donc pas nécessairement du cobalt dans une batterie de véhicule électrique, ni de nickel. Le cobalt provient principalement de la République démocratique du Congo, très majoritairement de mines industrielles sous contrôle de multinationales : suisse, belge, chinoises.
  Quant au lithium, il provient en premier lieu de mines d’Australie, en second lieu des salars du Chili : les salars de la Bolivie voisine ont un taux de magnésium important, ce qui rend trop complexe la production de lithium. Il y a différents procédés d’extraction du lithium, ainsi les ingénieurs de la société Eramet ont développé, à Trappes, en France, un procédé innovant
qui nécessite significativement moins d’eau.
  En ce qui concerne les moteurs électriques, ils sont principalement de deux types : les moteurs synchrones à aimants permanents et les moteurs synchrones à rotor bobiné. Ces deux technologies ont leurs avantages et leurs inconvénients : leur prix de revient dépend du cours des terres rares pour les moteurs à aimants et de celui du cuivre pour les moteurs à rotor bobiné.
  Ces derniers sont un peu plus gros, mais ont un meilleur rendement à haute vitesse quand la plage de vitesse est importante : ce qui est le cas en Europe du Sud, mais pas en Asie ou en Europe du Nord, où les limitations de vitesse sont plus basses. On peut les défluxer à haute vitesse en agissant sur le courant dans le rotor pour diminuer le champ magnétique dans le moteur. Sur un moteur à aimants, il faut agir sur le courant dans le stator, ce qui augmente les pertes.
  Les moteurs à rotor bobiné, utilisés par Renault, ne contiennent pas de terres rares. Contrairement à une autre idée répandue, il n’y a pas nécessairement de terres rares dans les moteurs des voitures électriques : comme dans ceux des éoliennes d’ailleurs. Ce n’est qu’un choix technico-économique.
  Il est fréquent qu’on associe à un produit manufacturé donné des éléments qui lui seraient consubstantiels. C’est ainsi, par exemple, que le véhicule électrique est couramment associé à terres rares, cobalt venu de la République démocratique du Congo, travail des enfants, etc.
  Or l’impact d’un produit manufacturé dépend d’abord des choix technico-économiques de conception et des choix du mode de production. Il y a souvent plusieurs solutions techniques, et la recherche permet d’en trouver de nouvelles. Il s’agit de choix, et dans le système capitaliste ces choix sont motivés principalement par la recherche de la rentabilité : le poêle à charbon n’était pas responsable du travail des enfants dans les mines au XIXe siècle, le responsable en était le patronat des mines.

Batteries du futur, véhicules à hydrogène
  Au cours des dernières années, beaucoup d’espoirs ont été mis dans des technologies innovantes de batteries. Les annonces mirobolantes de start-up en recherche de fonds se sont multipliées, et c’est toujours le cas aujourd’hui, bien que l’enthousiasme soit un peu retombé. Il ne suffit pas de produire quelques milligrammes de matière active d’une chimie nouvelle pour faire une batterie industrialisable. Il y a beaucoup de contraintes : prix de revient bien sûr, durabilité aussi et surtout sécurité, en particulier le test de la pointe : une batterie traversée par un élément métallique lors d’un crash ne doit pas prendre feu. Les espoirs mis dans la technologie « tout solide » ne se confirment pas : certes la densité est plus élevée, mais il est nécessaire de maintenir les cellules sous une forte pression ; au final, le pack est plus volumineux et plus lourd, ce qui réduit en grande partie les gains de densité. Dans ce domaine, à un horizon visible, dix ans, des progrès sont attendus, mais pas de révolution.
  Il en va de même pour le véhicule à hydrogène. Un véhicule à hydrogène, ce n’est pas qu’un moteur et une pile qui produit de l’électricité et rejette de l’eau.
  Pour cet élément, il faut des réservoirs à 700 bar, 700 fois la pression atmosphérique, chers et volumineux. L’hydrogène est certes très énergétique, consommation : 1 kgH2/100 km environ, mais peu dense. Un véhicule à hydrogène consomme environ 25 L/100 km. Et il faut aussi un compresseur d’air en entrée de la pile, un convertisseur de puissance, DC-DC, pour élever la tension de sortie de la pile, une batterie de puissance comparable à celles des véhicules hybrides, car la puissance fournie par une pile H 2 ne peut pas suivre les variations de puissance en accélération et décélération.
  Il faut également un système de refroidissement volumineux.
  Tout cela est coûteux et aussi volumineux, au détriment de l’habitabilité. Une Toyota hydrogène fait 5 m de long et n’a pourtant qu’un coffre de la taille de celui d’une Clio, pour 4 fois son prix, contredisant ainsi une publicité restée dans les mémoires : « Elle a tout d’une petite, sauf le prix. »   C’est pourquoi, sauf pour des véhicules très haut de gamme, l’hydrogène n’est pas envisagé dans l’automobile pour les véhicules particuliers. L’hydrogène, à condition qu’il soit décarboné, est destiné en priorité à l’industrie, désulfuration des carburants et production d’engrais, puis éventuellement aux transports lourds.
  La pile H2 n’est d’ailleurs pas la seule solution pour rouler à l’hydrogène. Un moteur essence peut fonctionner à l’hydrogène sans beaucoup de modification.
  Par rapport à une pile, les rendements sont nettement moins bons. La combustion de l’hydrogène et de l’oxygène ne produit que de l’eau, il n’y a pas d’émissions de CO 2, mais le véhicule n’est plus totalement zéro émission, il reste un peu d’émissions de NOx, issu de la réaction entre l’azote et l’oxygène de l’air à haute température dans les moteurs thermiques. Mais cette solution à l’avantage d’être significativement plus économique et moins volumineuse que les piles H 2. Cependant, les réservoirs restent un problème, ainsi que l’infrastructure de recharge.

En synthèse
  Les impacts économiques et environnementaux des véhicules électriques sont principalement dus aux grands déplacements, qui dimensionnent techniquement ces véhicules. Pour être adapté aux longs trajets, un véhicule doit avoir une batterie très importante, trois ou quatre fois plus importante que pour l’usage quotidien, alors que l’usage longue distance ne représente que 20 % du roulage moyen. Les grands trajets sont significativement plus importants dans l’usage des ménages aisés, surtout urbains. En tout électrique, ces véhicules sont nécessairement lourds, chers et accessibles seulement à une minorité de ménages aisés. 

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