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La dernière période des guerres d' Aureng Zeb est encore plus confuse que la précédente. La disparition de Sivaji, loin d'avoir éclairci la situation, la compliqua, par les rivalités qui mirent aux prises ses fils et ses généraux.
Le fils aîné de Sivaji, Sambadji,[ou Sambhaji Bhonsle, I657-I689; "... Le règne de Sambhaji a été largement marqué par les guerres incessantes entre l'empire Maratha et l'empire Moghol, ainsi que d'autres puissances voisines telles que les Abyssins de Janjira, les Wadiyars de Mysore et l'empire portugais de Goa. (...) À l'âge de neuf ans, Sambhaji est envoyé vivre chez Raja Jai Singh Ier d'Amber en tant qu'otage politique pour garantir le respect du traité de Purandar que Shivaji a signé avec les Moghols le II juin I665. (...) Le comportement de Sambhaji, notamment son irresponsabilité présumée et sa dépendance aux plaisirs sensuels, conduit Shivaji à emprisonner son fils au fort de Panhala en I678 afin de mettre un frein à son comportement. (...) À la mort de Shivaji, dans la première semaine d'avril I680, Sambhaji est toujours retenu en captivité au fort de Panhala. À cette époque, Soyrabai, l'ambitieuse veuve de Shivaji et belle-mère de Sambhaji, ainsi que des courtisans influents tels qu'Annaji Datto et d'autres ministres conspirent contre Sambhaji pour l'empêcher de succéder au trône. (...) À cette nouvelle, Sambhaji prépare son évasion et prend possession du fort de Panhala le 27 avril après avoir tué le commandant du fort. Le I8 juin, il prend le contrôle du fort de Raigad. Sambhaji monte officiellement sur le trône le 20 juillet I680. Rajaram, sa femme Janki Bai et sa mère Soyarabai sont emprisonnés. (...) Aureng Zeb décida alors d'attaquer la capitale marathe, le fort de Raigad, directement par le nord et le sud. Il a tenté d'encercler la capitale marathe, ce qui a conduit aux invasions mogholes du Konkan : I684. Les Moghols essuient une cuisante défaite en raison de la stratégie des Marathas et du climat rigoureux de la région. Ces échecs obligent Aurangzeb à se détourner de l'empire Maratha (...) Sous Sambhaji, I680-89, les Marathas parcourent l'Inde occidentale de long en large (...) Les récits de la confrontation de Sambhaji avec le souverain moghol, de la torture qui s'ensuivit, de son exécution et de l'élimination de son corps, varient considérablement selon la source, mais tous s'accordent généralement à dire qu'il a été torturé et exécuté sur l'ordre de l'empereur., ... "; sur le Web] du vivant de son père avait embrassé le parti des Mogols; il s'empressa pourtant de revendiquer la succession paternelle, mais il eut beaucoup de mal à se faire reconnaître de la plupart des officiers que soutenaient les brahmanes. Ces chefs prétendaient profiter des circonstances pour se rendre indépendants, chacun dans le gouvernement qui lui avait été assigné en récompense de ses services. Ils finirent pourtant par se rallier au fils de leur ancien maître, mais avec une bonne volonté chancelante, toujours prêts à trahir ou à agir pour leur propre compte.
Statue de Sambhaji dans la ville de Tulapur, État du Maharashtra : 20I2. Auteur Upadhye Guruji
L'occasion paraissait favorable à Aureng Zeb pour reprendre la guerre. Il n'avait jamais abandonné ses prétentions sur le Dekkan. Dans une curieuse lettre à l'un de ses meilleurs généraux, Zul Fikar Khan, [Muhammad Ismail, I649 ou I657 - I7I3, connu sous le nom de Zulfiqar Khan. (...) Sous le règne d' Aureng Zeb, Zulfiqar Khan a mené plusieurs campagnes militaires à la poursuite des ambitions de l'empereur dans le Deccan et le sud de l'Inde, dont la plus notable est le siège de Jinji. Il a également occupé le poste de mir bakhshi, trésorier général, nommé vers la fin du règne d' Aureng Zeb et servant jusqu'à celui de Bahadur Shah I. Dans les années I700, Zulfiqar Khan était le noble le plus puissant de l'empire. Pour le rôle qu'il a joué dans l'accession de l'empereur Jahandar Shah, Zulfiqar Khan a été qualifié de premier " faiseur de rois " de l'histoire moghole. Pendant le règne de cet empereur, Zulfiqar Khan a occupé le poste de vizir et a agi en tant que dirigeant effectif de l'empire, avant d'être exécuté en I7I3, par le prétendant au trône Farrukhsiyar., ... "; sur le Web] lettre non datée, mais qui ne doit pas être antérieure à I690, il rappelle ses titres de propriétés sur cet immense territoire de l'empire mogol : " Jadis ce pays était gouverné par les rois de Delhi. Les puissants rois Bahamani [ou Bahmanî, était un sultanat situé dans le Dekkan, en Inde du Sud. I347 : révolte contre Delhi et fondation du sultanat; vers I470 : apogée du sultanat; I5I8 : démembrement en 5 États, Ahmadnâgar, Bîjâpur, Bîdâr, Berâr et Golkonda, appelé sultanats du Dekkan; leur guerre incessante entre eux, facilite leur intégration dans l' empire moghol; I527 : mort du dernier Sultan] l'usurpèrent, dépossédant les rois afghans de Delhi. Les ayant trouvés adonnés aux plaisirs sensuels et assujettis à des préoccupations profanes et viles, nous, — empereurs mogols, — prenons avantage de cet état de choses et nous saisissons du trône et du dais à notre profit. Les rois Bahamani traitèrent leurs traîtres avec méchanceté et infidélité; à leur tour, ils furent traités de même par leurs serviteurs. " Aureng Zeb se présente ici comme l'héritier et le vengeur des rois afghans de Delhi, justifiant ainsi sa conquête des États d' Ahmadnagar, de Bedar, de Berar, de Golconde et de Bijapur, débris du vaste empire fondé au XIVe siècle par la dynastie de Bahamani et morcelé au XVIe siècle en cinq royaumes distincts.
Portrait de Zulfiqar Khan, vers I690. Auteur inconnu. The Indian Portrait - I0. N.p., Archer Art Gallery, 20I9, pp. 30-33. Références
C'est en I686 et I687, après la disparition de Sivaji, que les deux principaux de ces royaumes, ceux de Bijapur et de Golconde, furent définitivement conquis par Aureng Zeb. Quand ils comprirent, trop tard, que leur désunion les perdait, et qu'ils sentirent la situation désespérée, les rois de ces deux États songèrent à lier leurs intérêts à ceux de Sambadji, en formant avec lui une sorte de ligne défensive. À ce moment-là, une nombreuse armée mogole était réunie à la frontière du Dekkan. Mais la ligue projetée n'exista jamais que de nom et resta sans effet, par la suite de la faiblesse personnelle des trois alliés; le roi de Golconde complètement dominé par les brahmanes, le jeune roi de Bijapur, élevé dans le sérail par les femmes, sans argent, sans troupes et livré à des ministres corrompus, le chef Mahratte, détesté de ses officiers et de ses soldats pour ses excès et ses cruautés.
Bijapur s'effondra le premier, moins sous le poids des armées ennemies que sous l'effet de la désagrégation intérieure; même les chefs fidèles, qui tenaient encore beaucoup de places fortes, furent obligés de céder faute d'argent et d'hommes. Aussi faible, mais plus habile, le roi de Golconde cherchait à gagner du temps en flattant le Grand Mogol par de nombreux présents; celui-ci ne manquait pas d'exploiter la situation et se livrait à un véritable chantage sur un monarque impuissant qui avait complètement aliéné son autorité entre les mains du brahmane Madena. Un jour, il lui fit réclamer un diamant de 420 carats, qu'on n'osa pas lui refuser; ["... Le Mogol continuant sa politique ordinaire à l’égard du roi de Golconde, renvoya le diamant de 420 mangelins qu’il avait reçu sous prétexte qu’ayant besoin d’argent et ne pouvant trouver à vendre cette pièce, il la renvoyait afin qu’on lui en fit tenir la valeur ; toute cette conduite, ainsi que je l’ai déjà remarqué, pour tirer peu à peu les richesses de ce prince, afin de le dénuer de forces et le mettre hors d’état de lever des troupes lorsqu’il trouverait à propos de l’attaquer., ... "; MARTIN François, Mémoires de François Martin, fondateur de Pondichéry : I665-I696. Tome II, Société de l'Histoire des colonies françaises, I932. p.36I.] chaque mois, au cours de l'année I684, c'était de nouvelles exigences et des sommes considérables passaient du trésor de Golconde dans celui de Delhi. La rupture se produisit en août I685 : l'infortuné souverain avait eu un sursaut d' énergie; profitant de l'absence de l'ambassadeur mogol, il avait fait saisir dans le palais de l'ambassade un million deux cent mille roupies destinées au tribut annuel; après quoi, il avait signifié à l'ambassadeur un ordre d' expulsion. Aureng Zeb riposta en faisant immédiatement marcher contre Golconde une armée sous les ordres du prince Muazzam.[ou Chah Alem] Cette armée n'éprouva aucune résistance sérieuse et, à la fin de l'année, les troupes ennemies, commandées par Madena et le général Mehemet Ibrahim, se retirèrent sous la protection de la forteresse où le roi s'était enfermé. Pendant ce temps, Muazzam entrait dans le Bagnabar,[ou Bagnagar] une des plus riches ville de l' Inde, où Mehemet Ibrahim, trahissant son maître, vint le rejoindre. Madena fut mis à mort au moment où il se disposait, lui aussi, à passer dans l'autre camp. ["Cet avis fut donné au prince pendant qu’il s’entretenait dans son palais avec Madena sur l’état de ses affaires ; il demanda à ce brahme ce qu’il disait de cet avis ; il répondit que si S. M. voulait lui donner la permission de sortir de la forteresse, il s’engageait à lui livrer ce traître. C’est ainsi qu’il nommait Mehemet Ibrahim. Le roi, sans répliquer, entra dans l’appartement des dames d’où l’on entendit une voix d’une des premières dames, que Madena était un perfide, qu’il ne demandait à sortir de la place que pour donner le coup à la trahison qu’il avait brossée et qu’il fallait le tuer. On ne sait si le roi fit donner cet ordre par la dame ; un cafre, esclave du roi défunt, était alors auprès de Madena, il n’attendit point un deuxième ordre, il le tua sur-le-champ de plusieurs coups de sabre et, suivi ensuite de plusieurs de ses camarades, il fut au logis d’ Enkana, frère du ministre, qui eut la même destinée, ainsi que tous les autres brahmes qu’on trouva dans la forteresse. Les corps d’ Enkana et de Madena furent traînés par les rues et attachés après par les pieds aux murs de la forteresse en dehors, afin que l’armée en eût la vue. Leurs têtes furent coupées ensuite et envoyées au sultan Cha Alem. Elles furent portées depuis au Mogol ; ce prince les fit jeter aux pieds des éléphants. Voilà la fin du ministre Madena et de son frère. On n’en resta pas là ; les ordres furent donnés de faire main basse sur leurs parents et leurs créatures qui étaient en divers endroits du royaume et bien exécutés."; MARTIN François, Mémoires de François Martin, fondateur de Pondichéry : I665-I696. Tome II, Société de l'Histoire des colonies françaises, I932. pp. 4I6-4I7]
À Bagnabar, Badour Khan,[un des premiers omrahs ou grands de la cour du Mogol] à qui Muazzam avait abandonné le commandement de la place, exerçait les pires atrocités pour tirer l'argent de la ville; avec la complicité de Mehemet Ibrahim, il dépouilla méthodiquement les brahmanes, les riches commerçants et même les étrangers, imposant, par exemple, une rançon de cinquante mille roupies au chef du comptoir hollandais. Le prince Muazzam, qui jusqu'ici s'était montré plus humain, s'associa à ces excès quand il apprit qu'un convoi mongol, escortant le présent que son père lui envoyait en reconnaissance de sa belle conduite, avait été pillé par une bande de partisans qui tenaient la campagne. Il autorisa alors le sac de la ville. ["...Il y a ordinairement dans les armées du Mogol un corps de troupes qu’on appelle bandoles, et d’où vient peut-être le nom de bandits; ces gens-là ne reçoivent point de solde ; ils marchent à la tête des armées comme avant coureurs et ne subsistent que du pillage qu’ils font. Ces voleurs de profession se répandirent dans la ville, ils y firent tous les désordres dont les gens de ce caractère sont capables ; ils enlevèrent tout ce qu’ils rencontrèrent et firent souffrir des questions les plus cruelles aux gens qui tombaient entre leurs mains pour leur faire découvrir s’ils avaient caché de l’argent. Ge pillage dura vingt-quatre heures., ..."; MARTIN François, Mémoires de François Martin, fondateur de Pondichéry : I665-I696. Tome II, Société de l'Histoire des colonies françaises, I932. p. 4I8] Bagnabar fut abandonné, et Muazzam se retira, suivi de Mehemet Ibrahim, à qui Aureng Zeb, pour prix de sa trahison, avait donné un commandement dans son armée.
À partir de ce moment, tout alla de mal en pis pour le roi de Golconde; les revenus du royaume ne pouvaient plus suffire à payer le lourd tribu exigé par le vainqueur. En février I687, le Grand Mogol, s'avançait lui-même à la tête de son armée vers la capitale; les villes et les campagnes se dépeuplaient à son approche. Il ne trouvait devant lui qu'un corps de vingt-cinq mille cavaliers, alors qu'il disposait du double. En outre, le roi refusait de prendre le commandement de ses troupes; ses meilleurs officiers, rebutés par sa lâcheté, l'abandonnèrent successivement. La chute de Golconde était inévitable; les étrangers établis dans cette région de l' Inde, comprenant que cette victoire ferait tomber aux mains du Mogol tout le Carnatic, [ou Carnatique; le nom de Carnatique, Carnate, Karnatic ou Karnata, s'appliquait originellement à un vaste territoire comprenant presque tout le Deccan méridional, correspondant au royaume de Vijayanagara. Son étymologie viendrait, selon Robert Caldwell, Comparative Grammar of the Dravidian Languages, de kar « noir » et de nadu « pays », en raison de la couleur du sol du Deccan méridional] suivaient les évènements avec attention. Les Anglais, en particulier, s'inquiétaient pour leurs établissements de Madras.
En avril, un fait inattendu vint contrarier les projets d' Aureng Zeb et retarder le siège de Golconde. Il apprit que son fils, le prince Muazzam, avait conclu un traité en secret avec le roi ennemi, après l'affaire de Bagnabar; [les espions de l'empereur interceptent des messages de trahison échangés entre Mu'azzam et Abul Hasan, le souverain de Golconda] se fondant sur les termes de ce traité, le prince protestait contre l'invasion du royaume par les troupes mogoles et refusait de s' y associer. Son père le fit immédiatement arrêter avec toute sa famille; ["... Aureng Zeb emprisonne Mu'azzam et ses fils, exécute ses plus proches partisans, ordonne que son harem soit " expédié dans la lointaine Delhi ". Aurangzeb interdit à Mu'azzam de se couper les ongles ou les cheveux pendant six mois, donne des ordres le privant de " bonne nourriture ou d'eau froide ". Il ne devait rencontrer personne sans l'accord préalable de son père., ... "; sur le Web] on lui enleva ses papiers, ses biens, jusqu'aux bijoux de ses femmes; les gens de sa maison furent dispersés et ses soldats incorporés de force dans l'armée impériale. Les historiens ont loué les bons sentiments et la droiture de caractère de Muazzam; on lui reproche même une certaine faiblesse. Il résista aux pressantes sollicitations de son jeune fils, qui le poussait à prendre les armes contre son père et à chercher une mort digne de lui plutôt que de subir une honteuse captivité. Quand il eut réglé cet incident familial, avec la froide et prompte décision qui lui était habituelle, Aureng Zeb reprit les opérations contre la citadelle de Golconde : les fossés avaient été comblés, des batteries hissées sur des terrasses surplombant les remparts; en juin, trois assauts successifs furent donnés et les assiégeants perdirent deux mille cinq cents hommes; à la faveur des brèches ouvertes par l'explosion de deux mines, les assiégés firent une sortie heureuse et pillèrent le camp mogol, où ils enclouèrent plusieurs canons. [nom donné à une pratique de sabotage sur les anciens canons à chargement par la bouche; cela consistait à introduire à coups de marteau un clou sans tête dans la lumière de mise à feu afin de l'obturer] Découragé, l'empereur résolut d'attendre que la trahison ou la famine lui livrassent la place. Son attente ne fut pas longtemps trompée : un matin, il trouva " les portes ouvertes, les troupes sur les murailles et les bastions, endormies sans armes, le roi dans son sérail, avec une espèce d'indolence, de même que s'il n' y avait point eu de guerre et que l'action ne l'eût point touché ". Ce tableau caractéristique nous est tracé par un contemporain. Au camp du Mogol, dont toute une partie était convertie en prison, le roi rejoignit les autres captifs de marque : son royal confrère de Bijapur, le prince Muazzam et ses fils. ["... Le Roi de Golconde fut envoyé à Dolatabad : c’est une forteresse dans le Décan, située sur une montagne de rochers, à six lieues d’ Aurengabad, pour y passer le reste de sa vie en prison ; le Mogol fixa une pension pour son entretien et pour celui des officiers qui furent enfermés avec lui pour le servir., ... "; MARTIN François, Mémoires de François Martin, fondateur de Pondichéry : I665-I696. Tome II, Société de l'Histoire des colonies françaises, I932. p. 509.]
La fin de Golconde entraînait celle de tout le Carnatic, dont Aureng Zeb pris possession sans effusion de sang. Les Anglais de Madras et les Hollandais de Paliacate s'empressèrent d'envoyer leurs félicitations aux vainqueurs, dont ils dépendaient désormais, et organisèrent de grandes réjouissances en son honneur. Mehemet Ibrahim, déjà payé de sa trahison par un important commandement militaire, fut nommé gouverneur de la contrée.
En ayant fini avec Bijapur et Golconde, Aureng Zeb allait pouvoir tourner toutes ses forces contre les Mahrattes.
Depuis I680, Sambadji s'était débarrassé de la plupart des partisans de son père qui lui étaient hostiles, afin d'établir plus solidement son autorité personnelle. C'était un terrible homme, plus déterminé encore que Sivaji, et plus cruel. Il fit quelques exemples parmi les officiers et les brahmanes, et obtint ainsi la soumission, tout au moins apparente, de ceux qui hésitaient encore. Notamment, le gouverneur rebelle de la province de Djindji [ou Gingee; "... est l'un des derniers forts existant au Tamil Nadu en Inde. (...) L'ouvrage est si puissamment fortifié que le roi Marathe Shivaji, l'a classé comme la forteresse la plus imprenable de l'Inde et il a été appelé la Troie de l'Orient par les Britanniques. (...) Les Nawabs de Bijapur, qui ont occupé le fort de I660 à I677, l'ont appelé Badshabad, tandis que les Marathes qui leur ont succédé l'ont appelé Chandry ou Chindy. Lors de leur prise du fort en I698, les Moghols l'appelèrent Nusratgadh en l'honneur du Nawab Zulfiqar Khan Nusrat Jung, commandant en chef de l'armée assiégeante. Plus tard, les Anglais et les Français l'appelèrent Gingee ou Jinji. Les premiers documents anglais de Madras donnent l’orthographe Chingee ou Chengey. (...) C'est la dynastie Kon qui aurait jeté les bases du fort en II90, mais la première mention du fort de Gingee se trouve dans une inscription évoquant le roi Chola Vikrama, III8-II33, (...) En I638, Gingee est donc sous le contrôle indirect du Sultanat de Bijapur du Vijayanagar. Il organise l'Inde du Sud sous la direction de trois Nayaks placés à la tête de trois régions; Madurai, Thanjavur et Gingee. Sous les Nayaks, les forts sont renforcés et la ville considérablement agrandie., ... ": sur le Web] avait été mis aux fers. Djindji est un nom que nous allons rencontrer souvent au cours de cette histoire; la citadelle qui commandait tout le pays jouera un rôle essentiel dans la lutte entre Mogols et Mahrattes. En mars I68I, Ary Raja, beau-frère de Sambadji, vint occuper cette position capitale, pendant que Sambadji lui-même, suivant les traces de son père, s'attardait à piller au nord l'importante ville de Berhanpur,[ou Burhanpur] et à dévaliser au passage les riches caravanes mongoles en route vers Agra. Tout le pays fut dévasté, malgré les efforts de Baloul Khan, frère de lait d' Aureng Zeb, envoyé par l'empereur pour contenir cette vague mahratte qui déferlait jusqu'aux abords d' Aurengabad. Mais le bruit courait que Baloul Khan s'entendait en sous-main avec l'ennemi qu'il était chargé de tenir en respect, et qu'il prélevait sa part du butin.
En novembre I68I, l'empereur lui-même concentra de grandes forces à proximité de Berhanpur,[ou Berhampour] dans l'intention de prendre l'offensive au Dekkan; il avait appris avec irritation que le chef mahratte était ravitaillé secrètement par les Portugais de Surate qui lui faisaient passer des armes et des munitions. ["... Le gouverneur de Surate qui en fut informé fit des plaintes aux courtiers de la Compagnie de ce qu’on envoyait des armes et des munitions aux ennemis du Mogol. On avait avis que ce prince s’était avancé jusqu’à Berhampour où il assemblait de grandes forces pour entrer dans la province du Décan et passer ensuite dans les États de Sommagy Raja y porter le fer et le feu. Rajapour était des dépendances de ce prince., ... "; MARTIN François, Mémoires de François Martin, fondateur de Pondichéry : I665-I696. Tome II, Société de l'Histoire des colonies françaises, I932. p. 277] Il savait que Sambadji n'était pas sans avoir lui-même de graves difficultés dans ses propres États, et il n'oubliait pas que ce chef ingrat avait trouvé jadis asile auprès de lui quand il fuyait les persécutions de son père. Les brahmanes, tout-puissants dans la plupart des principautés hindoues, étaient restés les ennemis irréductibles du nouveau chef mahratte; ils ne lui étaient soumis qu'en apparence. Autrefois, ils avaient poussé Sivaji à déshériter son fils aîné au profit de son second fils, Ram Raja.[Rajaram Raje Bhosle, I670-I700; il succède à son demi-frère aîné, en tant que Chhatrapati, empereur, après l'exécution de celui-ci par Aureng Zeb, en I689] [" ...Sivagy avait deux enfants de deux femmes : l’aîné Sommagy Raja, le cadet nommé Ram Raja. Sommagy, par l’antipathie qu’il avait contre les brahmes ou par d’autres raisons de politique, les haïssait autant que son père les aimait par les services qu’il en tirait. Ges gens-là, par la connaissance qu’ils en eurent, traversaient au jeune prince dans toutes les occasions, ce qui le porta à se retirer de la cour et d’auprès de son père et passer chez le Mogol. Je n’ai pas su les raisons qui le firent retourner quelques années après ; on dit que les brahmes qui n’avaient rien à espérer de bon de son gouvernement sollicitaient Sivagy d’instituer pour héritier de ses États Ram Raja. C’était pour lors un jeune prince de 8 à I0 ans; (...) Sommagy, outre qu’il leur était connu, était un homme fait. Sivagy mourut dans cette conjoncture ; quelques-uns ont dit qu’il avait fait son testament suivant l’inclination des brahmes qui l’avaient reçu dans leur tribu ; cependant Sommagy Raja s’empara du gouvernement après la mort de son père; (...) Voilà l’état de cette cour où l’on donnait avis que Sultan Akbar s’était retiré., ... "; MARTIN François, Mémoires de François Martin, fondateur de Pondichéry : I665-I696. Tome II, Société de l'Histoire des colonies françaises, I932. pp. 280-28I] Déçus de leurs espérances, ils reprenaient sourdement leurs intrigues, dans l'espoir que, s'ils élevaient ce jeune prince au pouvoir, ils seraient maîtres de l' État en son nom. Mais Sambadji avait fait arrêter et enfermé son frère. Averti d'un complot qui se tramait pour délivrer le prisonnier, il fit exécuter quatorze brahmanes, des plus considérables. L'histoire rapporte qu'il donna cet ordre dans un accès d' ivresse, car le chef mahratte joignait l' intempérance à tous ses autres mauvais instincts. En tout cas, cette exécution sommaire eut parmi ses sujets un grand retentissement.
Si dans la lutte engagée, les Portugais soutenaient les Mahrattes, les Anglais offrirent leur appui aux Mogols. Ils firent proposer à Aureng Zeb de mettre plusieurs vaisseaux à sa disposition, s'il acceptait de réduire les droits de douane pour leur Compagnie [ceux-ci étaient passés de I.5% à 2%] et de leur livrer la forteresse que Sivaji avait fait construire dans une île près de Bombay et qui les gênait. L'empereur semble avoir écarté ces propositions. En tout cas, il refusa l'offre des navires anglais et fit armer par le gouverneur de Surate les bateaux qui lui étaient nécessaires pour son entreprise : il voulait attaquer Sambadji à la fois par terre et par mer, pendant que celui-ci se disposait à marcher sur Goa. Aureng Zeb envoya aussitôt son fils Chah Alem, à la tête d'une forte armée, au secours des Portugais menacés. François Martin admire en ceci le sens politique du Grand Mogol : " Il hait également les Chrétiens et les Gentils; ses vues étaient de les détruire l'un par l'autre; il soutenait les Portugais parce qu'il ne les croyait pas en état de résister à Sambadji et il n'était pas de ses intérêts que ce prince s'agrandit davantage. "
Ajoutons à ce commentaire qu'on sera légitimement surpris de voir en cette affaire les marchands portugais qui, quelques mois auparavant, faisaient de la contrebande de guerre au profit des Mahrattes, n'obtenir, pour prix de leur collaboration, qu'une menace redoutable sur le point le plus sensible de leurs intérêts commerciaux. Mais dans ce difficile réseau d'intérêts et d'intrigues, les fils se croisent et s'embrouillent sans cesse, avec une absence de logique et de suite qui déconcerte l' historien.
La guerre entre les Mahrattes et les Portugais de Goa n'est qu'un épisode secondaire de notre histoire. Elle fut surtout le prétexte, de part et d'autre, à des destructions et à des pillages systématiques qui dévastèrent toute la côte de Malabar et y ruinèrent tout commerce pour quelques années. Sambadji avait occupé la plupart des îles et arrêtait les bateaux au passage. Les Portugais attendaient en vain les secours mogols.["... Ce n’était pas seulement à Goa que les Portugais étaient pressés, ils n’étaient pas mieux dans les terres qu’ils tiennent depuis Daman jusqu’à Basseïn ; les troupes de Sommagy désolaient aussi toute la campagne, brûlaient les aidées et faisaient main basse sur tout. Ils attaquèrent la forteresse de Maÿm dont ils furent repoussés ; ils réussirent mieux à l’attaque du fort de la roche d’ Asserim et presque imprenable sur une garnison qui aurait eu un peu de vigueur. C’est la clef de l’entrée des terres de Sommagy Raja sur celles des Portugais ; cette place fut enlevée par une espèce de surprise. On a soupçonné le gouverneur qui y était d’avoir été d’intelligence avec les ennemis moyennant une somme de 40 à 50.000 xéraphins qu’il reçut., ... "; MARTIN François, Mémoires de François Martin, fondateur de Pondichéry : I665-I696. Tome II, Société de l'Histoire des colonies françaises, I932. p. 340.] C'est seulement à la fin avril que l'armée de Chah Alem fit son apparition à proximité de Goa et cette approche intimida les Mahrattes. Aussitôt des bruits de paix coururent. Mais Aureng Zeb n'avait pas mobilisé pour rien une grande partie de ses troupes. Elles pénétrèrent sur le territoire conquis par Sambadji et achevèrent de ruiner le pays, en sorte que les Portugais ne tardèrent pas à se repentir d'avoir attiré si près d'eux de si dangereux alliés. Sous prétexte de prendre possession des terres que son père lui avait accordées en récompense de sa facile victoire, Chah Alem ne prétendait-il pas se faire livrer jusqu'aux cimetières dont les Européens avaient eu la propriété depuis de longues années ? Ce macabre différend ne fut aplani qu' avec peine. En réalité, Aureng Zeb ne pardonnait pas aux Portugais de s'être mis d'accord avec les Mahrattes en dehors de lui et sans avoir attendu l'effet de son intervention. Il aurait souhaité prolonger l'hostilité entre les deux partis, pour les affaiblir l'un par l'autre. Aussi fit-il le plus froid accueil à une ambassade qu'il reçut de Goa en novembre I684 : ses alliés lui demandaient d'avoir égard aux pertes qu'ils avaient subies en se jetant dans son parti contre Sambadji, et qu'ils évaluaient à vingt millions de roupies; pour appuyer leur requête, ils envoyaient en présent douze pièces d' artillerie, plusieurs caisses de bougies et des objets précieux du Japon. Le Mogol garda les canons, les bougies et les objets d' art, mais renvoya les ambassadeurs sans rien accorder. ["... le vice-roi de Goa y avait envoyé un ambassadeur qui lui présenta douze petites pièces de canon de fonte, des caisses de bougie blanche qui est aussi belle à Goa que dans aucun lieu du monde et plusieurs curiosités du Japon. L’essentiel de l’ambassade était de représenter au Mogol les pertes que les Portugais avaient souffertes de s’être jetés dans son parti contre Sommagy Raja ; on marquait que l’on faisait monter ces pertes à 20 laks de rs.— ce sont près de trois millions de nos livres — et que le vice-roi suppliait ce prince d’y avoir égard. Les présents furent reçus ; on renvoya l’ambassadeur avec de grandes promesses. C’est tout ce que les Portugais ont eu de cette guerre où l’on a cru qu’ils s’étaient jetés très mal à propos., ... "; MARTIN François, Mémoires de François Martin, fondateur de Pondichéry : I665-I696. Tome II, Société de l'Histoire des colonies françaises, I932. p. 372.]
En avril I685, les relations furent de nouveau rompues entre les Mahrattes et Goa, parce que les Portugais avaient donné asile à quelques officiers de Sambadji qui, révoltés des cruautés de leur maître, avaient formé une conspiration contre lui.["...plusieurs de ses principaux officiers de former une conjuration contre lui ; elle fut découverte et plusieurs exécutés. Deux dessays se retirèrent à Goa ; (...) Ces dessays sont des gens autorisés dans le pays qui ont du bien, plusieurs esclaves, des troupeaux et qui font valoir les terres du prince qu’ils prennent à ferme et, comme ils sous-afferment aux peuples de la campagne, ils les ont presque tous à eux ; ils sont capables de faire du mal dans un pays lorsqu’ils s’unissent entre eux., ..."; MARTIN François, Mémoires de François Martin, fondateur de Pondichéry : I665-I696. Tome II, Société de l'Histoire des colonies françaises, I932. p. 390-39I.] Comme ils refusaient de les livrer, la guerre faillit reprendre, mais peu à peu l'alerte s'apaisa et, à la fin de I686, les Européens furent délivrés de leur redoutable voisin.
La mort de Sambadji, sans aplanir toutes les difficultés, fut un soulagement provisoire pour son propre peuple, comme pour les peuples qu'il avait combattus. Il succomba à un complot formé par les brahmanes avec l'appui des Mogols. Les premiers, n'osant le tuer eux-mêmes, le livrèrent à ses ennemis au cours d'une partie de chasse. Les officiers d' Aureng Zeb qui surprirent le chef mahratte alors qu'il se baignait dans une rivière, lui tranchèrent la tête et la portèrent à l'empereur qui la fit exposer dans plusieurs villes de ses États. En même temps que Sambadji, son fils Sahu [I682-I749; il resta prisonnier des Mogols jusqu'en I707; libéré, après la mort d' Aureng Zeb, sous la condition de provoquer une lutte intestine avec les factions de Tarabai, tante de Sahu et, belle-fille de Sivaji, régente de l'Empire marathe de l'Inde de I700 à I708, pendant de la minorité de son fils, Shivaji II; il défie immédiatement Tarabai et son fils Shivaji II pour la direction de la politique marathe. Il sort vainqueur de la bataille de Khed, I2 octobre I707, qui l' oppose aux armées de Tarabai et de Shivaji II; il devient Sahu I; considéré comme le " Bhola Shankar ", incarnation bienveillante de Shiva, il était réputé pour sa proverbiale équité et fréquentait librement les civils; Shahu a accru la vaillance de ses soldats et, leur donnant un vaste champ d'expansion, il a étendu les dominations Maratha dans toutes les régions de l'Inde, réalisant ainsi les souhaits ardents de son grand-père Shivaji. L'un des traits particuliers du caractère de Shahu était qu'il éprouvait le plus grand plaisir à rendre les autres heureux, non seulement ses dépendants et ses sujets, mais même les étrangers de race, de religion et de régime. Lui-même menant une vie d'ascète simple et frugale, il se réjouissait de voir les gens s'adonner à leurs différents métiers et activités. On pourrait même dire qu'il était un saint à cet égard. Même face à des meurtriers qui venaient l'attaquer, il les laissait impunis et créait ainsi dans l'esprit du public un véritable sentiment de vénération pour sa personnalité; Chhatrapati Shahu est mort le I5 décembre I749 à Shahunagar. Dans ses archives après la mort de Shahu, Malhar Chitnis déclare : " Il était un père et un protecteur pour les jeunes et les vieux, pour les hommes et les femmes, pour les nobles et les serviteurs, pour les grands et les petits. Un tel roi n'avait jamais existé auparavant. Sous son gouvernement, même les criminels n'étaient pas traités avec sévérité. Il n'avait pas d'ennemi., ... "; sur le Web] et son favori Kalisa avaient été capturés.
Cette fin misérable d'un rival détesté vengeait le Grand Mogol de toutes les pertes et surtout de toutes les humiliations qu'il avait subies au cours des années précédentes. L'une des plus sensibles était la capitulation de Khasim Khan, l'un de ses généraux préférés et des plus braves, dans le Carnatic; après la défaite de Danderi, le général, ses officiers et ses soldats avaient été dépouillés de leurs armes et de leurs vêtements par un ennemi implacable.
À plusieurs reprises, dans ses lettres, Aureng Zeb laisse éclater sa haine contre cette terrible famille de Sivaji et sa volonté de l'exterminer jusqu'au dernier rejeton. Mais la disparition de Sambadji en I685 ne le délivrait pas de cette obsession. Le raja laissait un fils tout jeune, incapable d'exercer le pouvoir par lui-même. C'est pourtant autour de lui que se groupèrent une partie des officiers mahrattes, tandis que le parti des brahmanes soutenait Ram Raja, le second fils de Sivaji. Les troubles et l'espèce de guerre civile qui suivirent ce règlement de succession permirent au Mogol de faire quelques progrès dans le Dekkan et de rétablir la situation à son profit. À Djindji, le gouverneur, Ary Raja, qui était un gendre de Sivaji, avait voulut profiter de l'occasion pour se rendre maître de toute la province; mais les commandants des forteresses lui opposèrent une vive résistance. Bien conseillé par ses partisans, Ram Raja fit acte d' autorité en confirmant purement et simplement chaque officier dans le commandement que son frère lui avait confié, et la plupart des rebelles se soumirent. Mais la révolte couvrait sourdement, aucun des deux partis, celui des brahmanes et celui des militaire, n'ayant désarmé.
En I688, alors qu' Aureng Zeb, poursuivant ses progrès, était presque en vue de Djindji, cette discorde se manifesta, avec les effets les plus menaçants pour la cause mahratte. Deux des plus puissants gouverneurs, ceux de Maïssour [ou Mysore; "... Le royaume était gouverné par la Dynastie des Wodeyar, avec une brève période d'interrègne dans les années I760 et I770 lorsque les sultans Haidar Ali et Tipû Sâhib, le Tigre de Mysore, étaient au pouvoir., ... "; sur le Web] et de Maduré [aujourd'hui : Madurai, dans le Tamil nadu, dans le sud-est du pays] se faisaient une guerre acharnée; le premier avait même occupé une partie du territoire de Djindji. On accusait les brahmanes d'entretenir en sous-main ces tragiques querelles dont ils étaient les seuls à recueillir les bénéfices. " On a recours à eux, écrit François Martin, lorsqu'on est las de la guerre, et leur intérêt est toujours ménagé. "
Jugeant le moment favorable pour une attaque décisive, et encouragé par ses récentes victoires sur Bijapur et Golconde, Aureng Zeb pressait ses préparatifs. Au mois d' octobre I688, il faisait armer à Surate une flotte puissante, à la fois pour attaquer Ram Raja par mer et pour ravitailler l'armée de terre. En mai I689, ces vaisseaux pénétrèrent dans le port de Bombay et les équipages mis à terre pillèrent tout le pays sans que les Anglais opposassent de résistance. Ce retard dans une opération que l'empereur aurait voulu mener avec plus de rapidité, pour surprendre ses adversaires, permit aux Mahrattes de reprendre l'avantage en refoulant les Mogols à la frontière du territoire de Djindji. Ram Raja avait pris personnellement le commandement de cette dernière place; comme il manquait d' argent pour l'entretien de sa cour et de ses troupes, il établit une sorte de chambre de justice où l'on cita tous les gouverneurs, notables, commerçants, soupçonnés à tort ou à raison de s'être enrichis malhonnêtement, pour leur faire rendre gorge. Poursuivant leur politique sournoise, les brahmanes avaient complètement subjugués Ram Raja, prince d'un naturel faible et indolent, en l'énervant par l'abus de plaisirs; ils lui firent épouser trois ou quatre femmes en deux mois, rapporte un contemporain, et peuplèrent sa cour de danseuses et de musiciennes. Bientôt la plus grande confusion régna dans la place : au début de I690, l'armée n'était plus payée; les soldats mécontents traitaient les habitants comme en pays ennemi, pillant les boutiques et rançonnant les marchands. L'énergie d'un chef mahratte, Bandar, réussit à tirer quelque temps Ram Raja de son inertie, en l'arrachant à l'influence des brahmanes. Il conclut avec lui un accord, réunit ses troupes aux siennes, pour former un corps de quinze mille cavaliers et de plusieurs milliers de fantassins, et marcha sur le Carnatic. Les Mogols, surpris par cette brusque attaque, se replièrent vers Madras, où ils se mirent sous la protection des Anglais. Pour se procurer de l'argent, Ram Raja céda aux Français les douanes de Pondichéry contre une forte avance; ["... I690 : François Martin avance I6.000 livres à Ram Rajah, chef des Mahrattes, qui cède aux Français, jusqu'au parfait remboursement, les douanes et autres revenus de Pondichéry, et prend l'engagement de défendre la ville contre tout ennemi: juin. (...) I69I : En mars, Ram Rajah offre à Martin de lui vendre entièrement Pondichéry, dont il lui avait déjà cédé les revenus. Martin s'excuse, car, une fois la place devenue propriété française, Ram Rajah n'eût plus eu aucun intérêt à la protéger contre les entreprises éventuelles des Hollandais., ... "; Société de l'histoire de l' Inde française précis chronologique de l' Inde française : I664-I8I6] il se trouvait dans une telle détresse financière que, pour empêcher ses troupes du Carnatic de déserter, faute de paie, il était prêt à vendre aux Européens plusieurs places de ses États, à n'importe quel prix. [" I690 : ... Peu après, Ram Rajah vend Tévénépatam aux Anglais, qui érigent ensuite le fort Saint David, à Goudelour : I5 septembre., ... "; Société de l'histoire de l' Inde française précis chronologique de l' Inde française : I664-I8I6]
En juillet I690, Bandar se fit battre dans le Carnatic par les Mogols.
À suivre...
BOUVIER René et MAYNIAL Édouard, " Le dernier des grands Mogols, vie d'Aureng Zeb ", Paris, Éditions Albin Michel, I947, 309 pages, pp. 266-277.
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