L' AGONIE D'UNE ARMÉE, METZ I870, JOURNAL DE GUERRE D'UN PORTE-ÉTENDARD DE L' ARMÉE DU RHIN, ÉPISODE VI

Précédemment
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  Le terrain où l'action allait se dérouler avait été l'objet d'études particulières de sa part, il sut en tirer avantage pendant une partie de l'action; s'il eût été soutenu, de l'avis de tous les officiers, il eût été facile d'écraser les troupes allemandes qui s'étaient avancées témérairement à proximité de toute l'armée française. On aurait pu remporter une victoire qui aurait modifié toute la campagne; c'était une conviction partagée par toute l'armée39.
  Comme les Prussiens, sans attendre les ordres, ont l'habitude de marcher au canon, leurs renforts arrivèrent rapidement40. En présence de cette situation le général Frossard tint le général Bazaine au courant des phases de la bataille, en lui demandant de prompts secours. Il renouvela ses demandes pressantes toute la journée sans plus de succès. Ce n'est que trop tard qu'il reçut quelques renforts insignifiants4I.  
  Les divisions d'infanterie des généraux Metman et de Castagny relativement peu éloignées ne marchèrent pas au secours du 2e corps, attendant elles aussi des ordres. On savait le maréchal rigide, jaloux de son autorité, ce qui paralysait les initiatives. Néanmoins ces deux divisions reçurent l'ordre d'appuyer le 2e corps, mais à une heure trop tardive. Elles mirent, a-t-on dit, une telle lenteur volontaire à exécuter leur marche, qu'elles n'atteignirent pas le champ de bataille42. Voilà le bruit qui s'est fortement accrédité, je le reproduis avec les réserves d'usage.
  On n'ose pas répéter ce qui se disait alors couramment : que quelques généraux jaloux, des faveurs impériales, n'étaient pas fâchés de voir l'échec du commandement du 2e corps. Ce sentiment déplorable était-il vrai ? Il s'accréditait dans l' armée; l'avenir devait en fournir la preuve et c'est avec tristesse que nous avons entendu l'un deux s'en réjouir.
  J'ai intimement connu le général Gerder, ancien chef de bataillon au corps de Frossard, qui m'a confirmé cette opinion, ajoutant des choses si grave sur les deux divisionnaires, que je ne me crois pas le droit de répéter, bien qu'il m'en ait donné l'autorisation.
  Privé de secours, le général Frossard, débordé, se voyant sur le point d'être écrasé, ordonna la retraite43.
  C'est un fait inouï ! Le 2e corps resta en quelque sorte isolé au milieu d'une armée de I65.000 hommes44 qui assista à sa défaite en spectatrice, comme si elle eût été indifférente ou neutre.
  

 6 août I870, la bataille Spickeren-Forbach commence; carte tirée de l'ouvrage " Spicheren I870 " du lieutenant-colonel Maistre Berger-Levrault - I908. " À l'aile droite française, la 3e division du général de Laveaucoupet [Sylvain-François Jules Merle de la Brugière, comte de, I806-I892] est en charge de la défense des solides positions du Rother-Berg et du Gifert Wald. Après avoir résisté héroïquement dans la matinée, le I0e bataillon de chasseurs qui en avait la charge doit évacuer la position sous la pression des masses prussiennes. Laveaucoupet engage alors ses régiments d'infanterie pour reprendre la position. Restée en réserve derrière la brigade Micheler,[Charles, I8I0-I888] la brigade du général Doens,[Augustin Alexis, I8I0-I870; tué lors du repli] 2e et 63e régiments d'infanterie, est bientôt appelée en soutien par le général de Laveaucoupet. Le 63e régiment est destiné à appuyer la gauche de la position dans le Gifert Wald et le Rother-Berg ; Le 2e de ligne reçoit mission de défendre à droite, la clairière située près de Pfaffen Wald. L'effectif français sur les hauteurs est alors de 8.000 hommes. Les Prussiens vont les attaquer avec des forces écrasantes ; ils ont en outre pour eux l'immense avantage d'une artillerie supérieure. Les batteries françaises retirées en arrière des crêtes, près de Spickeren, ne peuvent agir efficacement que dans le cas où les Prussiens déboucheraient du Rother-Berg et du Gifert Wald. " Sur le Web.

  On a prétendu que le maréchal avait éprouvé une vive irritation en apprenant cette attaque, qui dérangeait ses projets ignorés et qu'en toute justice un général en chef a le droit de ne pas révéler. Mais Frossard attaqué devait se défendre : cela ne se discute pas.  
  L'action étant engagée, le maréchal n'avait pas à suivre ses sentiments personnels en présence des intérêts de la France et de l' armée. C'était l'avis général, exprimé avec une indignation contenue par des chefs navrés45
  La perte de cette bataille altéra gravement l'estime que l'on avait pour le maréchal; on a su avec certitude que, dans un moment d'irritation, il aurait prononcé des paroles malveillantes à l'adresse du général Frossard, alors que celui-ci réitérait ses demandes de renforts : " Frossard a voulu sa bataille, dit le maréchal, eh bien ! il m'a maintenant. Si le pion est dans la mélasse, qu'il y reste ! " Ces paroles malheureuses, entendues dans l'entourage du maréchal, se sont propagées dans l' armée. Elles n'ont jamais été sérieusement démenties; je les reproduis telles qu'elles étaient colportées alors46.
  Quand l' Empereur apprit à Metz que le 2e corps était aux prises avec l'ennemi, il s'en réjouit, car cela entrait dans son système offensif; les renseignements sur l'ennemi n'annonçaient pas la présence d'un effectif élevé. Le maréchal Lebœuf, qui était très lié avec le nouveau commandant du 3e corps d'armée, supposait qu'il allait se distinguer. Le chef d'état-major conseillait à Napoléon III une offensive énergique sur toute la ligne pour écraser cette fraction de l'armée allemande, et franchir la frontière en pénétrant dans la Prusse rhénane. [ou Rhénanie prussienne, est une ancienne province du Royaume de Prusse, puis de l'État libre de Prusse, comportant 5 districts : Coblence, chef-lieu, Cologne, Düsseldorf, Aix-la-Chapelle et Trèves]  
  Si l' Empereur n'envoya aucun ordre au maréchal, c'est qu'il ne se doutait pas de son intervention pour appuyer Frossard, ou prendre la direction de la bataille si ses corps étaient engagés. Bien que le souverain conservât encore le commandement, le maréchal avait toute latitude pour agir selon son inspiration47
  On estimait qu'aux premiers coups de canon entendus à Saint-Avold, le maréchal, sans attendre des demandes de renforts, aurait du se diriger sur Forbach par le chemin de fer, qui était en notre pouvoir. Il ne lui fallait pas plus d'une demi-heure pour se rendre sur le terrain et juger par lui-même de l'action engagée. Son propre corps d' armée, le 3e, n'était qu'à une vingtaine de kilomètres, il avait le chemin de fer à sa disposition pour transporter les troupes. Et la cavalerie dont quelques corps étaient  à une distance moindre ! Est-ce qu'une cavalerie entrainée ne peut franchir en très peu de temps cet espace et contribuer au gain de la bataille48 ?
  On n'ignorait pas que, par décision impériale du 5 août, la veille, le maréchal avait été élevé à cette importante fonction de général en chef commandant trois corps d' armée.
  Les partisans du maréchal, pour atténuer sa responsabilité, ont répandu le bruit qu'il avait prévenu l' Empereur de l'action engagée et qu'il attendait des ordres pour se porter en avant. On n'a rien su de précis à ce sujet. Cependant le désir du souverain de prendre l'offensive lui était connu et cette excuse ne fut pas admise. Quand on est aux prises avec l'ennemi il n'y a pas à attendre ni à tergiverser; le temps perdu est une faute, et ne se rattrape plus, il faut agir résolument et marcher au canon49.  
  Les officiers, si joyeux au début, furent déconcertés, navrés. Le général Murat, qui aimait le précepteur du Prince impérial, ne put s'empêcher d'exprimer sa douleur au lieutenant-colonel Friant. 
  Pour ne rien omettre de ce qui peut faire la lumière sur ce sujet si important, je dois mentionner l'opinion qui avait cours et qui attribuait la non-intervention du maréchal à une vieille rancune de motif supérieur, contre le général Frossard. On affirmait en haut lieu que tout autre commandant de corps eût été secouru par le maréchal qui savait son armée capable, ce jour-là, de remporter la victoire. Était-ce vrai ? Que conclure de tels procédés50?
  Le maréchal Bazaine détestait Frossard, on en donnait la raison; ce général aurait, au début, pesé de toute son influence sur l' Empereur pour que le commandement en chef fût donné à un autre qu'au maréchal, et ce dernier avait été instruit de ces démarches. Très autoritaire, très omnipotent, ne songeant qu'à sa propre gloire, il aurait vu d'un mauvais œil le général Frossard remporter une victoire dans une action en dehors de son initiative. Si ces combinaisons mesquines et coupables ont  existé, le manque de renforts s'explique sans se justifier; la faute apparaît avec toutes ses conséquences.
  Certains généraux, et des mieux informés, affirment que le maréchal se montrait bassement jaloux de Frossard. On répétait d’ailleurs qu'en cas de victoire l'intention de Napoléon III était de nommer celui-ci maréchal et de l'élever à la dignité de duc.
  Bazaine redoutait en son inférieur, très en faveur auprès du souverain, un concurrent pouvant éclipser sa propre gloire et lui porter ombrage; il essayait de le gêner. Voilà l'opinion formelle de plusieurs généraux indignés.
 
 
 BAZAINE François Achille, I8II-I888, maréchal. Photo Disdéri, Paris. Sur le Web.

VI

 

UNE PREMIÈRE RETRAITE. LA JOURNÉE DU 7 AOÛT


   Les bivouacs sont très animés par les nouvelles de la veille qui se débitent et se colportent contradictoirement. Il serait difficile de voir une plus grande incertitude et plus de versions différentes dans les journaux qui se répandent et que l'on recherche. Il faut attendre que le calme soit rétabli pour dégager la vérité de ce chaos.
  La division reçoit l'ordre, dans la matinée de ce jour, de se porter rapidement sur Marienthal [Moselle] et Puttelange. [Moselle; aujourd'hui Puttelange-aux-Lacs] Nous supposions avoir une mission importante : par exemple de poursuivre l'ennemi engagé la veille. Le lendemain d'une bataille, en en raison de ses fatigues, il ne pouvait être éloigné. La joie devient communicative; on va donc enfin joindre l' adversaire5I!
  Quelle désillusion ! Le général restait muet, il ne changeait pas son allure lente; singulière manière d' atteindre l'adversaire et de se porter rapidement à Marienthal. 
  Notre déception fut grande quand on sut que notre déplacement avait pour but de soutenir la retraite des divisions Metman et de Castagny non engagées la veille : c'était déconcertant !
  Quelle amère dérision ! Des troupes fraîches se retiraient, sachant que l'ennemi se trouvait à proximité, sur le territoire français, dans un état de désorganisation évidente après les combats du 6, sans garder le contact, si important à la guerre, et sans chercher à le prendre alors que c'était possible.
  Toute notre division de cavalerie en mouvement pendant une journée52 pour protéger une troupe qui ne courait aucun danger ! Au contraire une attaque eût été heureuse dans de telles conditions; elle n'était pas à redouter, malgré les craintes du maréchal qui avait prescrit cet ordre; c'était inexplicable, mais le devoir était d'obéir.
  Ce mouvement de protection nous fut d'autant plus pénible que nous devions fermer la marche et rétrograder derrière ces deux divisions; nous formerions donc bientôt un effectif de plus de 30.000 hommes, composé de toutes armes, qui aurait pu hardiment faire face à l'ennemi, et nous allions lui tourner le dos, sachant qu'il était épuisé par sa lutte avec le 2e corps53.
  On avait appris par les émissaires que les renforts qu'il pouvait recevoir étaient encore trop éloignés pour nous atteindre.
  Mais Bazaine, ayant eu connaissance de la défaite de Mac-Mahon, avait conseillé l' Empereur de garder l'armée compacte en la réunissant autour de Metz sans engager d'actions isolées; tel était le motif de notre reculade54.  
  C'était un dimanche, il faisait un temps superbe. Pendant le trajet, des nouvelles plus précises nous parvenaient. Des combattants, échappés à la poursuite de l'ennemi, arrivaient de tous côtés; dans leur affolement ils racontaient à leur façon ce qu'ils avaient vu ou entendu. C'était navrant et dangereux pour le moral de nos soldats. On écarta de suite ces isolés pour les questionner et éviter le contact avec les troupes.
  C'étaient des fuyards, certes, mais ils nous faisaient pitié, arrivant sur nous en un état de détresse lamentable. Ils communiquèrent des renseignements et furent assez bien accueillis par nous. Nul ne doit abandonner son chef et son drapeau; on leur fit comprendre la honte de leur action, puis ensuite on les fit parler en leur montrant un peu plus de bienveillance, car ces pauvres diables, traqués par la cavalerie prussienne, s'étaient sauvés comme ils avaient pu pour ne pas être faits prisonniers.
  Ils nous donnèrent des renseignements précieux sur la dispersion et l'isolement des groupes ennemis, que l'on aurait pu et dû poursuivre. Chacun faisait son plan de campagne à sa façon; le champ des imaginations était vaste, cela ne tirait pas à conséquence et alimentait la conversation pendant la marche.
  Celui qui s'agitait le plus, se transportant pendant la route d'une tête de colonne à l'autre, sans qu'aucun chef le maintînt en place, c'était le commandant Tascher de la Pagerie [Charles Robert Joseph, I8I7-I888] chef d'escadrons au I0e cuirassiers; il était de la famille impériale, mais en disgrâce et tenu à l'écart pour cause d'excentricité, ou d'autres motifs qui ne concernaient que lui. Dans l'intimité, il se flattait de tutoyer son cousin, le prince Murat, mais dans le service, il savait se tenir et l'appelait " mon général ". Ce dernier, tout en se montrant plein de bienveillance pour lui, l'évitait autant que possible, c'était visible pour tous. Officier jovial, peu sérieux, nos soldats s'en amusaient.
  Malgré la diversité des plans exposés, il y avait conformité d'avis chez la plupart de nos chefs, tous déploraient la retraite qu'ils ne s'expliquaient pas.
  Cette reculade attristait tous les officiers, nous évitions d'en parler pendant la route à nos hommes, dont la curiosité était excitée, on rencontre de vives intelligences parmi eux; ce ne sont pas des automates comme les Prussiens.
 
 
 TASCHER DE LA PAGERIE, Charles Robert Joseph, I8I7-I888, commandant.
 
  Le projet d'envahir la Prusse rhénane avec nos I68.000 hommes était réalisable, mais platonique, puisque le chef qui aurait pu donner cet ordre était d'un avis contraire, malgré l'opportunité d'arrêter la poursuite des débris de l' armée battue à Reichshoffen. 
  Notre armée échelonnée de Saint-Avold à Puttelange pouvait, suivant nos généraux, franchir rapidement, aidée par la voie ferrée, les quelques kilomètres qui la séparaient de la frontière et pénétrer sur le territoire ennemi55
  Aucune contradiction ne se faisait entendre; tous les officiers demeuraient persuadés que le devoir était d'agir maintenant. On ne pouvait comprendre ce mouvement rétrograde de toute l'armée, sans tenter le moindre effort sur des troupes forcément très en l'air et disloquées, qui avaient combattu la veille, et signalées comme très proches, dans un état de lassitude évident.
  Tout le bruit qui se faisait en commentant les ordres était inutile. Il fallait obéir.

  À suivre...
 
39. La lutte s'est produite dans des conditions telles qu'aucune condition plus favorable ne pouvait se présenter pour les Français. Si malgré tout les Prussiens échappèrent à une défaite, ils ne le doivent pas à leur mérite, mais uniquement aux fautes commises par les Français. De l'initiative des chefs en sous-ordre à la guerre. Général de WOYDE, [Karol Augustus, I833-I905; "... Woyde a eu une carrière impressionnante dans l'armée tsariste : il est devenu président de la commission historique de l'état-major général, membre du comité scientifique du ministère de la guerre ; il a pris sa retraite avec le grade de général d'infanterie, décoré de nombreux ordres. Il participe activement à la répression de l'insurrection de janvier et se distingue à Bolimov. Général depuis I874, commandant d'une brigade d'infanterie. Chef d'état-major du district militaire d' Orenbourg, en I88I-1I890 chef d'état-major du district militaire de Varsovie, il supervise la construction de la citadelle de Varsovie. À partir de 1900, il est lieutenant-général et commandant d'une division d'infanterie.,...  "; sur le Web] 60. D'après le lieutenant-Colonel PICARD, si Bazaine avait donné en temps utile à ses lieutenants l' ordre de marcher au canon, la journée se serait probablement terminée par une victoire. Voir loc. cit., I08, I09. Le lieutenant-colonel ROUSSET est également d'avis que si le 3e corps avait appuyé le 2e nous devions remporter la victoire. I, 324.
 
40. Sur cette solidarité des troupes allemandes, voir La Guerre franco-allemande, Historique du grand état-major général, III, 368 : " La tendance à joindre l'adversaire toujours prédominante chez les Allemands, l'esprit de camaraderie, de solidarité des chefs et leur coutume de prendre l'initiative en temps opportun sont toutes choses qui paraissent ne pas avoir existé au même degré dans l'armée française. "
 
4I. Frossard envoie en effet à Bazaine de nombreux télégrammes : 9 h. I0, 9 h. 50, I h. 25, 2 h. 25, 3 h. 20, 5 heures, 5 h. 45, 6 h. 45, enfin dépêche annonçant la retraite 7 h. 35. Dans la matinée, il prie Bazaine de faire protéger ses flancs qu'il trouve exposés. À I h. 25, télégramme plus pressant. La bataille a réellement commencé vers 11 h. 30, et Frossard demande du renfort. À 5 heures accalmie, à 5 h. 45, au contraire, des renforts demandés d'urgence, de même à 6 h. 45. — De l'avis du lieutenant-colonel Picard et de Cardinal von Widdern, [Georg Cardinal, I84I-I920, officier prussien] Frossard se découragea trop tôt et se décida à la retraite quand la partie n'était nullement perdue.  

42. Pour arriver sur le champ de bataille la division Montaudon [ Jean-Baptiste Alexandre, I8I8-I899, général de brigade; député en I889] avait I4 kilomètres à parcourir, la division de Castagny I2, la division Metman I0, la division Decaen I8. Si elles avaient reçu avant 2 heures l'ordre de marcher au canon, en prenant une moyenne de 4 kilomètres à l'heure, elles pouvaient entrer en ligne successivement entre 4 h. 30 et 6 h. 30, ce qui aurait évidemment changé la face des choses. Au lieu de cela Bazaine agit de la façon la plus déconcertante, conservant une partie de ses forces à Saint-Avold où il craignait, dit-il, une attaque et qu'aucun ennemi ne menaçait, et laissant à peu près livrées à elles-mêmes les divisions Montaudon et de Castagny dont les troupes toujours en mouvement, surtout celles de la division de Castagny, ne servirent à rien. Les divisionnaires montrèrent du reste une inertie et un manque d'initiative que l'exemple du chef ne saurait excuser. — À rapprocher de la note précédente. 
 
43. Le général Frossard constate dans son rapport que ses troupes, à la valeur desquelles il rend hommage, n'avaient pas subi d'échec; " l'ennemi s'était trouvé impuissant à les déloger de leurs positions, celles-ci à I0 heures du soir étaient encore sensiblement les mêmes que celles occupées le matin ". Général Frossard, Rapport sur les opérations du 2e corps de l' armée du Rhin, 5I. Le général Frossard se serait replié sur le plateau d' Œting par suite du débouché d'une colonne prussienne sur Forbach et du manque d'espoir d'être soutenu le lendemain. Mais l'arrivée des Prussiens sur Forbach ne rendait pas la situation désespérée et ne semble pas avoir affecté le moral des troupes; d'autre part, tout permettait d'escompter l'arrivée de secours dans la nuit ou au plus tard  vers le matin. Bazaine avait télégraphié à 6 h. I6 à Frossard, l'informant du mouvement de ses divisions vers le champ de bataille. En effet, la tête de colonne de la division Metman arrive à Forbach vers I0 heures, apprend alors la retraite du 2e corps sur Sarreguemines et se décide à suivre la même direction. La division de Castagny n'est qu'à quelques kilomètres de Forbach quand elle apprend le retrait du 2e corps. Elle se maintient à Folckling jusqu'à une heure et demie du matin, puis se retire sur Puttelange. La division Montaudon, arrivée près de Bousbach [Moselle, arrondissement de Forbach] à 9 heures du soir, apprend que Frossard est en retraite sur Sarreguemines et s'achemine aussi vers Puttelange. Le 60e ligne de la division Decaen envoyé en chemin de fer à 6 heures du soir, rejoint la division Metman. 
 
44. Cette armée était trop dispersée pour que tous les corps pussent se prêter un mutuel appui; ni le 4e corps ni la garde ne pouvaient soutenir Frossard, vu la distance qui les en séparait.
 
45. Voir colonel d' ANDLAU, loc, cit., 49.
 
46. Le maréchal Bazaine aurait dit : " Il y a trois ans que le général Frossard étudie la position de Forbach et qu'il la trouve superbe pour y livrer bataille. Eh ! bien, il l'a maintenant, cette bataille. " Procès Bazaine Rapport, p. I3. Le maréchal a déclaré ne pas se souvenir des paroles prononcées à ce sujet.
 
47. Dès le début de l'engagement, Bazaine a tenu l' Empereur et le major général au courant; il ne lui est pas envoyé d'ordre formel. — Le major général lui télégraphia simplement à 6 h. 40 du soir : " Je reçois de mauvaises nouvelles du général Frossard, quelles mesures prenez-vous ? " Ni l' Empereur ni le major général ne trouvèrent à propos de se rendre par chemin de fer à Forbach, ce qu'ils pouvaient faire en une heure, et ce qui leur aurait permis de se rendre compte de la situation.
 
48. Bazaine envoya à Frossard la brigade de dragons de Juniac.[Jacques Louis Ange Eugène Begougne de Juniac, baron, I8I0-I88I] Partie de Saint-Avold à 11 heures et demie elle arriva à Forbach vers 2 heures et se mit à la disposition du commandant du 2e corps. Celui-ci ne sachant comment en tirer parti la renvoya à Bening [Moselle; aujourd'hui Bening-lès-Saint-Avold] qu'elle quitta à 2 heures du matin.

 BEGOUGNE DE JUNIAC Jacques, général de brigade I8I0-I88I.
 
49. En résumé, en ne donnant pas en temps utile des ordres aux troupes placées sous son commandement, en restant éloigné du champ de bataille et par conséquent dans l'impossibilité de diriger le combat, Bazaine a pleinement assumé la responsabilité de la perte de la bataille de Spickeren, du désordre qui marqua les journées suivantes, du découragement profond qui en résulta pour nos troupes et de l'exaltation extraordinaire que ces évènements inspirèrent à l'ennemi. Procès Bazaine, Rapport, p. I3. 
 
50. Voir général LEBRUN, loc, cité., 275. 
 
5I. " Le moral des troupes qui n'ont pas combattu demeure excellent ", Dépêche du major-général à l' Empereur . Saint-Avold, 7 août, 7 h. 30 du matin.
 
 52. Toute la division de Forton part pour Marienthal, village situé entre Saint-Avold et Sarreguemines sur la route de Puttelange et couvre la retraite de la division de Castagny sur Saint-Avold... Cette division défile sans être inquiétée... Vers 7 heures du soir la division de Forton se retire par la route de Saint-Avold et va reprendre son bivouac à  Folschwiller [Moselle, située à environ 50km de Metz] qu'elle a quitté le matin, et où les bagages et les hommes à pied sont restés. DICK DE LONLAY, loc. cit., II, 395-396.
 
53. Dans l'armée prussienne on n'avait nullement l' impression d'avoir remporté un succès décisif. On s'attendait au contraire à la reprise du combat le lendemain et l'on restait sur place, prêt à répondre à une attaque ou à recommencer la lutte contre les Français qui pouvaient avoir occupé une position en arrière. CARDINAL VON WIDDERN, Die Führung der I und II Armee und deren Vortruppen, [Le commandement des armées I et II et de leurs avant-gardes] 253.

 54. On veut d'abord concentrer à Saint-Avold les 3e et 4e corps ainsi que la Garde, et se jeter sur le flanc de l'ennemi s'il continue  sa marche. — Des instructions en ce sens sont rédigées la nuit du 6 au 7 août. Puis l' Empereur renonce à son projet prend le parti de concentrer à Metz les corps de Lorraine. Dans le courant de la matinée, nouvelle évolution; l 'Empereur veut fixer à Châlons le point de concentration générale pour avoir le temps d'organiser des renforts et de les recevoir. Des ordres sont expédiés aux Ier, 2e et 5e corps; le mouvement du 6e de Châlons sur Nancy est contremandé, mais le conseil des ministres fait connaitre qu'il trouve une retraite impolitique. Ce plan est alors abandonné et l'on songe à concentrer les troupes à Metz en envoyant Canrobert à Paris où il formera le noyau d'une nouvelle armée. Toutefois les ordres de concentration sur Châlons, donnés au Ier et 5e corps sont maintenus. Voir lieutenant-colonel Picard, loc. cit., II6-I22. 
 
55. Les Allemands semblent avoir redouté une attaque : " La menace le plus à propos pour l' adversaire serait  peut-être l'offensive générale contre la 2e armée " : Correspondance militaire du maréchal de Moltke, n° II9.

  COMMANDANT FARINET, L'Agonie d'une Armée, Metz-I870, Journal de guerre d'un porte-étendard de l' Armée du Rhin, ancienne librairie Furne, Boivin & Cie, Éditeurs, I9I4, p. 46-58.

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