Nucléaire, Russie, Chine, Etats-Unis : la course au leadership mondial, mais pas l' Union européenne

  Et pendant ce temps, l' Union européenne s'occupe avant tout... d'écologie :
"Le plan de relance écologique de l'UE prévoit de faire pleuvoir des milliards sur la rénovation des bâtiments, les énergies renouvelables et l'hydrogène, ainsi que sur le ferroviaire et l'économie circulaire,..."
Source : https://www.euractiv.fr/section/economie/news/leaked-europes-draft-green-recovery-plan/
  C'est bien beau tout cela,  mais on fera comment quand les "proprios" nous fermeront
à leur guise le compteur d'électricité?

ZERO EOLIENNE ET BASTA!

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L’Union européenne hors course de la géopolitique nucléaire civile 

Samuel Furfari

  A l’heure où les Etats-Unis ne considèrent plus l’Union européenne comme une alliée mais un simple pion sur l’échiquier de son combat avec la Chine, il est plus que temps que l’UE ouvre les yeux sur la course nucléaire qui se déroule entre la Chine, la Russie et à présent outre-Atlantique, prévient Samuel Furfari, professeur en géopolitique de l’énergie à l’Université libre de Bruxelles et président de la Société européenne des ingénieurs et industriels. Tribune.
  En se focalisant sur l’incompréhensible déclaration de Donald Trump sur le gel hydroalcoolique, les médias, au même moment, sont passés à côté d’une décision bipartisane – et de toute première importance – du Congrès américain communiquée par le département américain de l’Energie, portant sur une « stratégie pour restaurer le leadership américain dans l’énergie nucléaire ». Surprenant ? Mettons cela dans son contexte géopolitique.

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  Le 6 février dernier, à l’initiative de l’ambassade de la Lituanie, s’est tenue à Bruxelles une rencontre intitulée « Les géopolitiques de l’énergie nucléaire », à laquelle j’ai été invité à intervenir. La construction par Rosatom, entreprise d’État russe, de deux réacteurs nucléaires en Biélorussie à proximité de sa frontière inquiète Vilnius. Manœuvre russe intelligente, car même si la Biélorussie importera moins de gaz russe, elle dépendra toujours de la Russie pour sa production électrique. Au cours de mon intervention, j’ai montré, exemples concrets à l’appui, pourquoi il ne fallait pas s’étonner de ces développements : l’énergie nucléaire est et reste une énergie d’avenir et la Chine comme la Russie sont bien positionnées pour en dominer la géopolitique.

  Le traité Euratom, signé en 1957, a constitué un des fondements de la création de l’UE : après la Seconde Guerre mondiale, les Etats européens avaient besoin d’une électricité abondante et bon marché, ce qui a suscité le recours à l’utilisation civile de l’énergie nucléaire. Deux décennies plus tard, la filière était conçue et savamment exploitée. On a ensuite dû faire face à l’opposition des activistes anti-nucléaires, que les médias ont majoritairement soutenus, et les politiciens leur ont emboîté le pas. Entre-temps, poursuivant leurs efforts d’innovation, les Russes et les Chinois sont parvenus à dominer cette industrie. Pour se faire une idée du gouffre qui s’est créé du point de vue technologique, il suffit de penser au très innovant surgénérateur Superphénix dont Mme Voynet a réussi à obtenir la fermeture en 1997, technologie que les Russes et Chinois maîtrisent à présent. Sans se soucier du qu’en-dira-t-on, ils s’installent calmement mais sûrement dans les marchés des régions qui ambitionnent de se développer, comme le Moyen-Orient et l'Asie du Sud, et ultimement l’Afrique qu’il est urgent d’électrifier.

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  Convaincus de l’avenir certain de l’énergie nucléaire, ces deux pays ont mis sur pied une géopolitique de l’énergie nucléaire destinée à contrôler le futur de la sécurité d’approvisionnement électrique du monde. La combustion dans une centrale au gaz naturel ne dépend pas du pays de provenance du gaz : cela reste toujours du méthane. S’agissant des centrales nucléaires, l’uranium et les assemblages qui le contiennent déterminent le fournisseur du combustible. En clair, en achetant une centrale, on se lie avec un fournisseur, dont on dépend géopolitiquement pendant la durée de vie de la centrale, c'est-à-dire de 50 à 80 ans.

  Les États-Unis ont bien compris le danger de la domination de la production future d’une large part de l’électricité mondiale par la Chine et la Russie. C’est pourquoi, à travers sa nouvelle stratégie, ils entendent « restaurer l'avantage concurrentiel de l'Amérique dans le domaine de l'énergie nucléaire ». Ils ont réalisé qu’ils ont perdu leur position de leader mondial en matière de technologie nucléaire au profit d’entreprises contrôlées par les gouvernements russe et chinois. Ils reconnaissent la sous-exploitation de leur production d'uranium de 1,2 million de tonnes, qui ne représente que 7% des besoins de leurs 98 centrales. Le reste est importé, notamment de la Russie. De plus, puisque la recherche de nouvelles filières hors UE s’amplifie, rendant cruciale la course à l'innovation technologique, Génération IV, SMR, etc., les Etats-Unis ont décidé d’encourager les investissements de recherche dans le nucléaire civil afin de consolider leurs avancées techniques et renforcer le leadership américain. Leur stratégie impliquera tous les départements de l’administration, afin d’aider l'industrie de l'énergie nucléaire américaine à exporter sa technologie, pour éviter ainsi que les entreprises publiques chinoises et russes ne règnent en maître sur le marché mondial.
  En mars dernier, le Pentagone a signé trois contrats portant sur la conception de micro-réacteurs nucléaires, dans le cadre d'un plan visant à générer de l’électricité nucléaire pour les forces américaines sur leur territoire d’intervention. Le ministère a attribué des contrats à BWX Technologies, Westinghouse Government Services et X-energy pour 39,7 millions de dollars. Le « Projet Pele » envisage un prototype de 1 à 5 mégawatts (MWe) à déployer dans les zones où la défense américaine aura besoin d’électricité abondante et sure.
  La France qui possède un savoir-faire nucléaire de pointe devra désormais se limiter au rôle de sous-traitant, notamment d’équipements de mesure et de régulation pour les centrales construites par d’autres. Qui voudra encore acquérir des centrales françaises alors que leur propriétaire – l’Etat français – affiche, par la fermeture de ses propres centrales, sa perte de foi dans l’avenir de la filière? De nombreux sous-traitants nucléaires français feront aveu de faillite, ce qui permettra à ceux qui sont en expansion et possèdent des liquidités – en particulier les chinois - de les acquérir à bon compte . Comment avons-nous pu en arriver au point de confier aux Chinois la construction de la centrale nucléaire de Hinkley Point (Royaume-Uni) ? Si le président Macron s’est laissé amadouer par les écologistes pour s’assurer une réélection en 2022, il restera dans l’histoire comme le fossoyeur du fleuron qu’était l’industrie nucléaire française.

  Au moment où l’énergie nucléaire redevient un enjeu stratégique, la Commission européenne, pourtant gardienne du traité Euratom, regarde ailleurs. De fait, elle s’emploie, dans son Pacte vert, à reléguer l'énergie nucléaire en arrière-plan. Par exemple, l'énergie nucléaire ne figure pas dans la « taxonomie » qui établit la liste de technologies qualifiées de « durables » et méritant d’être soutenues par les institutions européennes. A l’heure où les Etats-Unis ne considèrent plus l’UE comme une alliée mais un simple pion sur l’échiquier de son combat avec Chine, il est plus que temps que l’UE ouvre les yeux sur la course nucléaire qui se déroule entre la Chine, la Russie et à présent les Etats-Unis.
  Dans une tribune du 29 avril publiée dans le Washington Post, Nikki Haley, ancienne ambassadrice américaine aux Nations unies, affirme que les activités chinoises autour du coronavirus ne sont qu’une des multiples menaces que ce pays pose. D’évidence, le nucléaire civil chinois en est une. Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, admet qu’avec la Chine, nous avons été un peu naïf, et d’ajouter « c’est un concurrent économique qui assume une ambition de domination technologique » ; il aurait dû ajouter que ce l’est aussi dans l’avenir de la géopolitique de l’électricité.

  L’UE ferait mieux de se réveiller au lieu de confier son avenir énergétique – panneaux solaires aujourd’hui, centrales nucléaires demain – à un pays qui est plus convaincu que jamais de pouvoir imposer son modèle techno-efficient et autoritaire au monde entier et par la même occasion sa main mise sur notre économie. S’il est bon que la Chine développe des technologies nucléaires de pointe, car sa demande en électricité est appelée à croître, on peut se demander pourquoi nous, qui avions 30 ans d’avance sur elle, devrions abandonner ce qu’ils considèrent avec raison comme l’énergie décarbonée de l’avenir ?
  Il est urgent que l’UE comprenne, comme viennent de le faire les Etats-Unis, que l’enjeu est géopolitique et cesse de ne voir son avenir qu’à travers le prisme de la « monoculture » des énergies renouvelables. Qui se trompe ? L’UE ou bien le trio russo-sino-américain ? Arrêtons la naïveté verte, le monde court, pour de bonnes raisons, dans une autre direction ! Stratégie signifie « ce qui est à moi, je ne le partagerai pas avec vous ». Si elle persiste dans sa posture verte, l’UE ne disposera bientôt plus de l’électricité abondante et bon marché dont elle a tant besoin si elles veut tout électrifier y compris sa mobilité.

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