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On prétend que la Convention devrait décréter que tous les citoyens qui ont des fusils soient tenus de les porter aux comités révolutionnaires de leurs sections, afin d'armer promptement les citoyens de la première réquisition qui ne le sont pas ; il paraît même que c'est le vœu général, car presque partout on demande cela.
Ronsin continue à ne pas mériter l'estime publique. " La haine qu'il porte à Rochez414, celui qui a gardé au Temple Louis le raccourci [Louis XVI] indispose beaucoup contre lui, parce qu'il est estimé des vrais sans-culottes, disait un vrai républicain au café de Foy ; l'affiche qu'il a placardée contre Ronsin est vrai, et je m'étonne comment les Comités de sûreté [générale] et de salut public souffrent cela " disait-il. Il paraît que tous ceux qui écoutaient cela paraissaient tous en faveur de Rochez.
On craint beaucoup pour les jours de Robespierre et de Couthon415 ; déjà mille-conjectures s'élèvent à ce sujet ; la médisance débite déjà que peut-être ils ont été empoisonnés ; d'autres disent que c'est la suite d'un travail, que le feu est passé dans leur sang. On désire savoir au juste quel est le genre de maladie qui les retient au lit, attendu que cela intéresse beaucoup les vrais amis de la République. Aussi, que des personnes de connaissance se rencontrent, après s'être dit bonjour on se demande : " As-tu des nouvelles de Robespierre et aussi de Couthon? " Il est incroyable combien l'on s'intéresse à leur personne. On finit par dire : " C'est cela qui ferait un grand vide, si nous venions à perdre ces deux hommes-là. " [ " Au Jacobins, le 1er juillet [13 messidor an II], Robespierre réfute les accusations d'injustice et de cruauté qui accablent " les défenseurs de la République. " [...] Plus que jamais, il irrite et inquiète, mais en a-t-il seulement conscience? À force de dénoncer les conspirateurs, d'en voir partout et s'en cesse de nouveaux, il n'aperçoit pas le front qui, insensiblement, se dessine contre lui. Il n'entend pas. Il ne voit pas. [...] Au Comité de salut public, il ne peut plus s'appuyer que sur sa garde rapprochée : Saint-Just et Couthon [...] Robespierre jette comme un défi : " Je demande qu'on m'envoie à la mort. " Alors, un obscur député de l' Aveyron, Louis Louchet, crie : " Il faut en finir! Le décret d'arrestation contre Robespierre! " Le décret est voté contre Robespierre Saint-Just et Couthon, [...] Après un passage par le Comité de sûreté générale, on conduit les cinq prisonniers dans cinq prisons différentes. Il est 6 heures du soir, le 9 Thermidor [27 juillet]. [...] 10 thermidor [28 juillet], il est 5 heures du soir. Une foule immense borde les artères où doit passer le cortège des trois charrettes qui emportent les deux Robespierre, Saint-Just, Couthon, Payan, Fleuriot-Lescot, Dumas, Hanriot et tous ceux qui se trouvaient dans la salle du Conseil de la Commune lors de l'assaut final. 22 au total. [...] Les charrettes arrivent place de la Révolution à 6 heures du soir. Couthon, blessé lui aussi, est guillotiné le premier. Robespierre attend sont tour, étendu sur le pavé. Il est exécuté l'avant-dernier... " Claude Quétel, Crois ou meurs! Histoire incorrecte de la Révolution française, Texto, Editions Tallandier/Perrin, 2019-2021 ; pp.370 372] Exécution de Robespierre, Saint-Just, Couthon et Dumas
Rapport de Dugas, W 112
Il paraît une caricature qui représente les Prussiens et les Autrichiens fuyant les environs de Landau avec leur général auquel on a donné six jambes. La foudre les poursuit, et on lit ces mots au-dessous : Ils n'ont pas assez de jambes pour fuir.
On a dit aujourd'hui que Robespierre était plus malade416, et cette nouvelle a beaucoup affecté les vrais amis de la Patrie. On a assuré en même temps que Couthon était mieux.
On s'est porté en foule au Lycée des Arts, où Laharpe [Jean-François, de, 1739-1803 ; " Professeur de littérature à l'Athénée des arts de Paris dans les débuts de la Révolution, où il n'hésita pas en 1792 à « déclamer en plein Lycée, le bonnet rouge sur la tête, un hymne en l'honneur de la Révolution », La Harpe fut également partie prenante du monde du journalisme révolutionnaire en tant que rédacteur et critique littéraire au Mercure de France. Emprisonné quelques temps après le 9 Thermidor pour ses accointances montagnardes et ressorti converti à une forme de rejet de la Révolution et de sympathie pour la religion catholique, il redevint professeur au Lycée républicain des Arts, ainsi qu'à la toute-jeune École normale supérieure en l'an III. Il intégra également, comme journaliste, La Quotidienne, un journal royaliste tenu par Suard. Cet engagement contre-révolutionnaire ainsi que la publication en l'an V de son Du Fanatisme dans la langue révolutionnaire, ou De la persécution suscitée par les barbares au XVIIIe siècle contre la religion chrétienne et ses ministres explique sûrement pourquoi La Harpe eut à subir les foudres du 18 fructidor qui conduisit à sa déportation avec d'autres littérateurs hostiles au régime directorial comme Fontanes " ; source]a analysé plusieurs principes d' Helvetius [Claude Adrien, 1715-1771 ; " La situation et les revenus de Claude Adrien Helvétius lui permettent de jouir pleinement de la vie et de se consacrer à la poésie et à la philosophie. Il fréquente les salons et les grands personnages du XVIIIe siècle et collabore à l'encyclopédie dont il est aussi un mécène. Disciple de John Locke, 1632-1704, Claude Adrien Helvétius élabore un système matérialiste et sensualiste qui défend l'égalité naturelle des hommes, un athéisme relatif et une morale utilitariste. Il considère l'homme comme le produit de son environnement et de son éducation. Son ouvre capitale, De l'esprit, est condamnée par le conseil du roi. Son influence sur la pensée philosophique de son époque est considérable. ; source]
En relevant les grandes erreurs où ce philosophe moderne est tombé, il a fait très à propos quelques réflexions républicaines qui ont été fort applaudies.
Au Théâtre du Lycée, une femme fort élégamment mise a tourné le dos au parterre, qui l'a invitée à se tenir plus décemment ; elle a refusé, en s'obstinant de rester dans la même posture. Alors les cris des spectateurs sont devenus si violents, qu'un officier municipal a été obligé d'aller forcer lui-même la muscadine à plus de complaisance.
À la sortie des spectacles, plusieurs gendarmes, ayant à leur tête des officiers municipaux, ont investi les jeux publics, et les cafés des galeries du Jardin de la Révolution. Il en est résulté l'arrestation de plusieurs individus et de quelques femmes publiques.
On s'entretenait dans les groupes des dispositions de notre armée du Nord. C'est à sa première victoire, dont on ne doutait pas, qu'étaient attachés nos succès pour toute la campagne prochaine et la destruction des tyrans coalisés contre nous. On ajoutait que la nuit dernière il était parti dix-sept courriers du Comité de salut public pour cette armée ou celles du Bas-Rhin et de la Moselle.
On a entendu dire à plusieurs citoyens, à la porte des bouchers : " Nous ne pouvons pas avoir de la viande, mais nous avons du pain ; avec cela on peut attendre. "
On a parlé d'une femme qui, à force de soins et de sollicitations, est parvenue à se procurer trois livres de viande pour un malade, et sur laquelle on lui a donné près de deux livres de réjouissance.
" Supplément aux observations du Ier ventôse. "
La séance des Jacobins417 n' a présenté après le scrutin épuratoire par lequel Garnier de Saintes [Jacques Garnier dit Garnier de Saintes, 1755-1788 ; député à la Convention nationale, 1792-1795 ; Conseil des Cinq-Cents, 1795-1798 ; Chambre des Représentants, 1815 ; source] a été admis, d'autre intérêt qu'une discussion qui s'est élevée entre Dufourny et Collot d' Herbois418. L’arrestation de Proly419 en a été la première cause. Quelques membres ayant annoncé cette nouvelle à un des secrétaires, Dufourny, qui n'en avait pas encore entendu parler, l'a gobée avec avidité pour avoir plaisir de l'annoncer. Le premier, il est monté à la tribune, et, comme s'il avait contribué efficacement à cette arrestation, il a parlé des avantages que devait en retirer la chose publique. Collot d' Herbois, le principal auteur de la découverte de Proly, lui qui avait mis des gens à la poursuite de ce contre-révolutionnaire, a reproché à Dufourny sa manie de vouloir tout s'approprier, de vouloir toujours parler, de se mettre en scène sur tous les objets qui se présentaient, et de faire perdre beaucoup de temps à la Société pour l'entretenir de lui ou de quelques individus qui ne méritaient pas souvent de l'occuper. Cette sortie a excité l'humeur de Dufourny, qui n'a pas pu, malgré son patriotisme et ses talents, détruire les vérités dont Collot d' Herbois l'a accablé.
Rapport d' Hanriot, W 12
La société de l'économie rurale, séante rue d'Anjou-Thionville420, vient de faire une adresse à la section de la Montagne. Cette Société, pleine de patriotisme, représente que, la famine étant le seul espoir qui reste aux Puissances coalisées pour subjuguer les Français, il était important de la prévenir, mais comment? " En mettant à profit tous les terrains qui sont incultes dans Paris et dans ses environs ; il ne faut même pas en excepter les jardins de luxe et de pur agrément ; c'est dans ces terres bien préparées que nous jetterons les semences de ces légumes et de ces haricots dont le suc nourricier est si salutaire à la vie. Je demande donc, au nom de la Société, que la section de la Montagne, de concert avec les autres, prenne connaissance de tous les terrains se son arrondissement, et qu'elle s'occupe des mesures les plus promptes et les plus efficaces pour en tirer les aliments nécessaires. "
Cette motion, fort applaudie, a été mise aux voix. Quand au défrichement qu'elle représente, quand à la préparation des terres, elle n'a souffert aucune difficulté.
" Tant que nous aurons des légumes, des haricots et des pommes de terre, à dit un membre, nous sommes sûrs de vivre et d'éviter cette famine horrible que les malveillants souhaitent introduire dans Paris. " La difficulté n'a donc roulé que sur la question de savoir si les sections avaient le droit de s'approprier ces terrains sans l'agrément des autorités constituées.
Un grand nombre prétendaient que la solution de cette question était du ressort de la Convention nationale, et qu'il fallait lui présenter cette motion pour obtenir un décret à ce sujet. La discussion était presque fermée, lorsqu'un membre, montant à la tribune, à dit : " En sollicitant un décret à ce sujet de la part de la Convention, nous sommes sûrs qu'elle demandera d'abord d'examiner la proposition ; qu'après l'examen elle la renverra à son Comité des domaines. Voilà donc, a-t-il dit sagement, déjà du temps de perdu, temps précieux puisque c'est dans ce moment que l'on prépare les terres à recevoir la semence des légumes dont nous pourrions jouir au printemps. Mais c'est la hiérarchie des pouvoirs qui doit nous guider dans notre démarche. Le département, les directoires du district sont les seules autorités dont l'acquiescement nous est nécessaire en pareil cas. " Son avis a été unanimement accepté, et il a été décidé qu'on en ferait aussitôt la demande au Département.
Malgré la sévérité avec laquelle on a fait exécuter la loi du maximum, les craintes et les alarmes sur les subsistances, et principalement sur la viande, se sont point encore cessées. Outre la grande difficulté d'en avoir, les patriotes se plaignent du peu qui leur est accordé, et l'incertitude d'en avoir le lendemain les tourmente encore davantage. C'est ce qui leur fait désirer la publication d'un nouveau maximum comme le seul moyen de rétablir la fécondité. Le peuple, qui est toujours juste, désire surtout que cette loi ait pour base le prix imposé aux acquéreurs. Les bouchers disent, d'un autre côté, qu'il est de notoriété publique que la viande sur pied leur coûte beaucoup plus cher qu'ils ne la vendent, et qu'ils ont en outre de ce les frais du dépècement.
Premier rapport de Latour-Lamontagne, W 112
Un citoyen disait hier, au café de la République, galeries de bois du Palais-Égalité, qu'ayant fait des sacrifices de tout genre pour la Révolution, il ne pouvait, néanmoins, obtenir une place, parce que le comité révolutionnaire de sa section avait arrêté de ne point accorder de certificats de civisme à tous ceux qui ne seraient pas membres d'une société populaire. " J'ai fait, disait-il, toutes sortes de démarches pour entrer dans celle de ma section, mais une cabale puissante, dirigée par le comité révolutionnaire lui-même, m'en a toujours écarté. "
Je ne sais si cette dernière inculpation est fondée, mais, quand à l'arrêté, il est très certain que plusieurs comités en ont pris de semblables ; et cependant aucune loi n'a encore établi que les citoyens ne pourraient obtenir de certificats de civisme sans être membres d'une société populaire. C'est donner à ces sociétés une trop grande influence, c'est anéantir la juridiction des assemblées générales ; aussi a-t-on observé que celles-ci commencent à devenir désertes, et que les cabaleurs [personne qui conspire ; Larousse] et les intrigants sont parvenus à rendre les sociétés populaires le centre de toutes les affaires publiques des sections, afin de les diriger plus facilement. Il faut se hâter de prévenir et de réprimer un abus qui pourrait devenir funeste à la République.
On publie en ce moment que 5.000 Autrichiens ont déserté avec armes et bagages.
Le citoyen Gourbillon421 et sa femme logent rue Thérèse, la porte cochère après le marchand de vin. On assure qu'ils ont une somme considérable et des effets de prix cachés dans un trou pratiqué dans le mur, à côté du lit, et recouvert par une tapisserie.
Deuxième rapport de Latour-Lamontagne, W 112
La disette en tout genre est extrême, on se bat à la porte des marchands, les malveillants augmentent le désordre en criant : " Ce n'est rien encore, vous en verrez bien davantage, on se joue du peuple. - Oui, sans doute, s'est écrié un brave sans-culotte ; mais c'est vous, prophète de malheur, c'est vous et vos pareils qui vous jouez du peuple en cherchant à semer le trouble et la discorde parmi les citoyens au lieu de les inviter à la concorde et à la patience, les seules vertus qui puissent adoucir nos maux. Selon vous, il faudrait tout piller ; que nous en reviendrait-il? Nous ferions disparaître le peu de denrées qui nous reste ; point de violence, mes frères, le mal des uns ne guérit point celui des autres ; prenons patience, c'est une épreuve qu'il faut supporter en bons républicains. Ne pouvant nous réduire par la force, on veut nous réduire par la fin : hé bien, quand nous aurons plus de vivres, savez-vous ce qu'il faut faire? Il faut partir et tomber tous ensemble sur les brigands qui nous font la guerre, et terminer d'un coup, par la victoire ou la mort, la longue querelle des esclaves et des républicains. " Ce discours énergique a électrisé tous les cœurs, et on s'est écrié de toutes parts : Vive la République!
Rapport de Le Breton, W 112
J'ai entendu dire à un sellier de la rue Jacob, chargé des fournitures de l'armée pour brides, selles, harnais, etc., qu'il connaissait dans les environs de Paris beaucoup de cuirs accaparés que l'on laissait pourrir plutôt que les employer, mais qu'il se faisait un scrupule de faire des dénonciations à ce sujet. L'objet est intéressant pour que l'on y veille. Je ferai mon possible pour avoir quelques éclaircissements sur cet article, et j'en donnerai avis sur l'heure même.
Le séquestre des biens des gens mis en arrestation422 fait un très grand effet, suivant la manière dont j'en ai entendu parler. ["... À l’instigation de Louis-Antoine Saint Just, la Convention nationale devait adopter les « décrets de ventôse », 26 février-3 mars 1794, pensant mettre un terme à l’indigence présente un peu partout dans les rues de la capitale ainsi que dans le reste de la France. Pour ce faire, le dispositif imaginé consistait à mettre en place un système de recensement national de manière à pouvoir dresser une liste permettant d’identifier les personnes dans le besoin. Une fois que cette tâche eut été accomplie, tous les biens des suspects, au sens de la loi du 17 septembre 1793 [1er jour complément an I] et émigrés mis sous séquestre seraient transférés « aux patriotes indigents ». Véritable système de redistribution des richesses, même si la méthode est pour le moins abrupt puisque tout repose sur la confiscation des biens des « ennemis de la République », l’opinion publique accueillit la mesure très favorablement. Cantonnée à un pâle commencement d’exécution, elle devait cependant disparaitre très rapidement après la chute de Robespierre en juillet 1794... ; source] On disait à ce sujet que l'intention était, aussitôt la paix faite, d'indemniser nos frères d'armes qui sont sur les frontières, avec chacun une portion de terre à cultiver soit dans les environs de Paris, soit ailleurs, appartenant jadis aux gens suspects. Les uns disaient que c'était vouloir la loi agraire, d'autres allouaient (sic) à (sic) ces mesures en disant que nos troupes méritaient bien individuellement quelques propriétés pour avoir conservé la Liberté, et notre territoire.
À la porte des bouchers la foule est toujours la même. J'ai vu ce matin, dans le passage Saint-Roch, des femmes se battre, s'arracher leur viande, beaucoup jurer, tempêter en sens pour et contre tout ce qui se passe.
Rapport, au nom des comités de Salut Public et de sûreté générale et décret de la Convention Nationale relatif aux personnes incarcérées, du 8 ventôse, l'an II... Source
On marquait quelque impatience dans un groupe des Tuileries pour le jugement des députés détenus423. Un citoyen disait que la loi était lente à prononcer sur leur compte. Un autre disait : " Ne vous inquiétez pas ; s'ils sont coupables, elle frappera ; il faut s'en rapporter à nos braves législateurs. "
La section de la Fontaine-de-Grenelle ne croit pas que celle de Bonne-Nouvelle possède la liste des pétitionnaires424. J'ai entendu dire aujourd'hui qu'elle seule était dépositaire de cette liste ; mais on n'y croit pas.
La ville m'a paru tranquille.
Rapport de Le Harivel, W 112
La suppression projetée de l'administration des Douanes425 nationales ["...C’est en vérité de manière fort peu préméditée que les douaniers ont, comme tels, pris part aux guerres de la Révolution. L’initiative est venue d’administrations locales, districts et départements, dans les zones frontalières. Les services centraux de la Régie se trouvèrent alors placés devant le fait accompli et tout laisse penser qu’ils se gardèrent d’adhérer à des mesures dont le résultat le plus certain était de désorganiser un service à peine constitué. [...] Déjà, au cours des semaines précédentes, des initiatives avaient été prises dans quelques localités des Flandres, soit à l’instigation de chefs locaux, soit à celle de municipalités ou de conseils de districts, pour réquisitionner des douaniers ou en former des unités d’éclaireurs. Ces mesures n’avaient pas l’heur de plaire à tout le monde et elles suscitèrent même l’opposition de «patriotes » qui tenaient les douaniers pour suspects d’incivisme. Ne s’agissait-il pas d’anciens commis de la Ferme, donc d’individus compromis dans les abus de l’Ancien Régime ? Le bruit ne courait-il pas que certains d’entre eux tiraient parti de leurs allées et venues à l’extrême frontière pour entretenir «des intelligences» avec les émigrés, donc avec les ennemis de la France nouvelle ? N’y avait-il pas dès lors un danger à permettre aux douaniers, sous couvert de défense nationale, de conserver des armes qui tombaient sous le coup de la réquisition ? N’était-ce point d’ailleurs à cette seule fin, et pour rester en mesure de remplir avec efficacité des fonctions honnies par la population frontalière, que certains de leurs chefs avaient imaginé de les «militariser» ?... " ; source] alarme beaucoup de pères de famille qui y sont employés depuis très longtemps, et qui croyaient, d'après la nouvelle organisation de cette administration, pouvoir jouir paisiblement des places qui leur avaient été réassignées.
D'après ce que l'on entend journellement des marchands, il paraît que la confiance a peine à prendre racine chez eux. Dans le marché des Innocents, une citoyenne, achetant des légumes de plusieurs espèces et en plus grande quantité qu'elle ne le pensait, était embarrassée comment les emporter : " Mets, lui dit la marchande, mets les dans ton jupon. Aurais-tu peur de le gâter? Va, tu ne l'useras pas, nous serons morts de faim avant qu'il soit usé. Ne vois-tu pas que déjà nous manquons de tout à Paris ; jette les yeux sur le marché et tu seras convaincue de ce que je dis... "426.
Un enfant demandait à un boulanger quand il comptait faire des flûtes, son père, disait-il, ne pouvant manger plus longtemps du pain ordinaire attendu qu'il l'incommodait toujours. Le boulanger et tous les citoyens et citoyennes présents lui dirent : " Va, va! lui comme les autres seraient bien heureux s'ils pouvaient se flatter de n'en jamais manquer de pareil. "
Un placard de Contamine427, soldat détenu sans savoir pourquoi, se plaint vivement de sa détention, et demande justice contre ses oppresseurs ou calomniateurs. Ce placard attirait l'attention de beaucoup de citoyens.
L’histoire administrative de la douane a fait l’objet de plusieurs études et l’essentiel de son évolution a été retracé. Cependant, l’histoire militaire comporte encore quelques zones d’ombre et l’épopée des douaniers militaires de l’an IX aux militaires douaniers de 1870 n’a pas encore vraiment fini d’être découverte… Source
Rapport de Mercier, W 112
Le peuple se plaint de ce que l'on ne veille pas d'assez près certaines femmes de la Halle qui ont la manigance d'aller au-devant des paysans pour leur arrêter les denrées qu'ils amènent à Paris, et à tel prix que ce soit, vu qu'elles nous font rançonner autant qu'elles veulent.
Des citoyennes s'entretenaient des prisonniers, et disaient qu'il serait bon de fixer ces messieurs pour leurs dépenses, qu'il n'y en avait que pour eux, qu'ils ne manquaient de rien parce qu'ils avaient le moyen de payer tout bien cher.
On crie toujours sur la quantité d'étrangers qui sont dans Paris et qui vivent, dit-on la plupart du temps, aux dépens de quelques aristocrates, qui, à coup sûr, nous font épier.
Des citoyens disaient qu'il serait urgent que les visites domiciliaires aient lieu une fois par décade, surtout dans les maisons garnies, et au moins une fois par mois chez les domiciliés ; qu'ils étaient sûrs que l'on arrêterait beaucoup (sic) qui n'ont que des faux papiers qu'ils présentent à leurs hôtes.
Il serait bon de veiller le bal qui se tient à la ci-devant hôtelle de Brégite (sic), rue de la Tixeranderie. J'y ai remarqué plusieurs jeunes gens qui ont l'air d'être de la réquisition, et beaucoup de militaires qui n'ont l'air de sortir que le soir.
Je suis en train de veiller les marchands de toile blanche et jaune, car c'est ainsi le terme que (sic) se servent messieurs les agioteurs d'argent.
Rapport de Monic, W 112
Dans la matinée, aujourd'hui, à la Halle, une de ces femmes de la campagne qui vendent à Paris des légumes a poussé la coquerie jusqu'à augmenter des lentilles qu'elle vendait à 17 sous le litron ; elle les a augmentées de cinq sous, ce qui faisait 21 (sic) sols le litron. Cette augmentation a indigné les citoyennes ; elles ont fait du train, la garde y est accourue et s'est saisie des lentilles. Ensuite, l'on a été faire une perquisition dans une cave qu'on disait appartenir à cette marchande ; l'on y a trouvé plusieurs paniers de pommes, beaucoup de lentilles, ainsi que des œufs. Tout cela a été vendu dans l'église ci-devant Saint-Jacques l' Hôpital.
Les citoyennes se plaignaient de ce que l'on ne fait pas des visites dans toutes les maisons qui avoisinent la Halle parce que, disaient-elles, les gens de campagne avec les malveillants de Paris enfouissent le plus qu'ils peuvent de comestibles dans les caves, et les revendent au prix qu'ils veulent. Deux jours auparavant, l'on avait trouvé chez un boulanger une quantité prodigieuse de beurre ficelé.
À suivre...
Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, , La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 203-213.
414. Cf. ci-dessus, p. 135 et 167.
415. Cf. ci-dessus, p. 148, note 1.
416. Cf. ci-dessus, p. 148, note 1.
417. Du 1er ventôse [19 février]
418. Cf. ci-dessus, p. 185, note 1.
419. Cf. ibid.
420. Sur cette société, voir : O. Festy, L'agriculture pendant la Révolution française, Les conditions de production et de récolte des céréales, p. 431, note 1. - La rue d' Anjou-Thionville est aujourd'hui la rue de Nesle.
421. Âgé de 81 ans. Il était soupçonné de détenir des effets précieux et des sommes provenant d'émigrés. Une perquisition tendant à les découvrir avait été effectuée le 14 février 1793 [26 pluviôse an I] à la maison des Filles-de-la-Croix, à Rueil, où croyait-on, ils étaient cachés ; on ne trouva rien. Une nouvelle perquisition allait avoir lieu, cette fois rue Thérèse, le 13 ventôse an II [3 mars 1794] ; elle devait, elle aussi, demeurer infructueuse :Arch. nat. F7 4730.
422. Voté en principe par la Convention, sur la proposition de Couthon, le 7 pluviôse [26 janvier], il allait donner lieu, le 8 ventôse [26 février], au décret adopté sur le rapport de Saint-Just ["... Le 3 mars 1794, 13 ventôse An II, il monte à la tribune de l'Assemblée et propose au nom du Comité de Salut Public un décret en vue de recenser les indigents et de leur attribuer les biens enlevés aux contre-révolutionnaires. Il fait valoir que cette mesure constituera une excellent propagande à l'étranger. C'est ainsi qu'il lance aux députés de la Convention : « On trompe les peuples de l'Europe sur ce qui se passe chez nous. On travestit vos discussions. On ne travestit point les lois fortes ; elles pénètrent tout à coup les pays étrangers comme l'éclair inextinguible. Que l'Europe apprenne que vous ne voulez plus un malheureux, ni un oppresseur sur le territoire français; que cet exemple fructifie sur la terre ; qu'il y propage l'amour des vertus et le bonheur ! le bonheur est une idée neuve en Europe »... ; source]
423. Chabot et Basire : cf. t. Ier, p. 309, note 2, et t. II, p. 13, note 6.
424. Cf. t. III, p. 133, note 2.
425. Rattachée au ministère des Affaires étrangères par décret du 17 du 1er mois de l'an II, l'administration des Douanes était alors en réorganisation.
426. Ces points de suspension sont dans le texte.
427. Pas de renseignements.