COUR DES COMPTES, ÉOLIEN : MAIS LAISSER LES AFFAIRISTES DU VENT FAIRE LEUR BUSINESS, QUE DIABLE !

   Les magistrats financiers de cette vénérable institution apportent à leur tour leur contribution au développement à pales forcées de l'éolien. Et pas qu'un peu !
  " pour le renouvellement des parcs éoliens installés avant 2011, permettre de déroger à la règle de 500 mètres des habitations; [...] "
 
  " Ce n'était pas le destin qu'il poursuivait mais le sort qu'il fuyait "
  Allan Moore, Jérusalem, Éditions Inculte, 20I6.

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La Cour des comptes fait le point sur les soutiens à l'éolien en France

 
  La Cour des comptes a présenté ce I6 octobre « ses observations définitives sur les soutiens à l'éolien » et les résultats des politiques publiques de développement de cette filière depuis 20I7 : rapport accessible en bas de cet article.
 
Rappels sur le parc éolien français et les objectifs de développement
  À fin 2022, la France comptait 2 260 parcs éoliens, composés d'environ 9 000 mâts(1) au total, raccordés au réseau électrique, « presque tous terrestres et presque tous en métropole », avec une puissance cumulée de 20,9 GW, dont 0,5 GW en mer. L'éolien a compté pour 8,5% de la production d'électricité en France métropolitaine en 2022 : ce qui en faisait la 4e source nationale d'électricité l'an dernier derrière le nucléaire, l'hydroélectricité et le gaz. La France figurait l'an dernier, avec 37,5 TWh générés par ses parcs éoliens, au « troisième rang en Europe pour ce qui concerne la production d’électricité d’origine éolienne, derrière l’Allemagne, I25 TWh, et l’Espagne, 62 TWh », précise la Cour des comptes.

Mix électrique de la France en 2022



  La Cour des comptes rappelle dans son rapport les différents objectifs de développement de la filière éolienne aux niveaux français et européen. En France, la deuxième programmation pluriannuelle de l'énergie, « PPE 2 » qui porte sur la période 20I9-2028, fixe en particulier pour cibles de disposer de 24,I GW de capacités éoliennes terrestres installées en 2023(2) et entre 33,2 GW, option basse, et 34,7 GW, option haute, en 2028. Pour l'éolien en mer posé, les objectifs de puissance installée sont de 2,4 GW en 2023 et entre 5,2 GW, option basse, et 6,2 GW, option haute, en 2028.
  Ces objectifs ont depuis été encore rehaussés lors de différentes annonces : lors de son discours de Belfort, Emmanuel Macron « a formulé l’objectif d’un déploiement massif de l’éolien en mer, avec 40 GW répartis en 50 parcs en 2050. Pour l’éolien terrestre, l’objectif annoncé de doubler les capacités d’ici à 2050 correspond à environ 37,6 GW, soit seulement 2,6 GW de plus que l’option haute de la PPE pour 2028 », est-il ainsi rappelé.

Des contraintes réglementaires...
  « Bien que plusieurs fois reportés dans le temps par les PPE successives, les objectifs relatifs à la production d’électricité d’origine éolienne n’ont pas été atteints », constate la Cour des comptes, notamment en raison de nombreux freins réglementaires avec en particulier « deux verrous essentiels » :
  • l ’existence de servitudes qui limitent l’accès au foncier disponible pour l’implantation de parcs éoliens terrestres, autrement dit « à peine 20% du territoire est accessible aux éoliennes » ;
  • une procédure d’autorisation de l’éolien terrestre et maritime « peu performante », avec « un taux de recours contentieux anormalement élevé ». Le délai moyen en France pour obtenir une autorisation de construire un parc éolien, purgée des recours est ainsi « de sept ans pour l’éolien terrestre et de dix ans pour l’éolien maritime, soit parfois près du double des pays voisins selon le gouvernement ».
  Certaines « réponses ont été apportées » par de nouvelles législations, notamment la loi du I0 mars 2023 dite d’accélération des énergies renouvelables, AER, concède la Cour des comptes qui déplore par ailleurs que les recommandations de ses précédents rapports sur le sujet en 20I4 et en 20I8 « n’avaient été que partiellement suivies d’effet ».

Les soutiens à l'éolien
  Pour rappel, le système d'obligation d’achat, de l'électricité produite par les installations éoliennes, prévalait jusqu'en 20I6 avec des rémunérations, fixées par l'État, garanties durant toute la durée des contrats. Un système de complément de rémunération dépendant du prix auquel le producteur vend sa production sur le marché est désormais en vigueur, mécanisme fonctionnant dans les deux sens, censé garantir une rémunération suffisante des producteurs tout en évitant les « rentes indues en cas d'augmentation importante des prix de marché ».
  Mais « l’évolution des modalités d’attribution des soutiens a été plus lente que celle du mode de rémunération », constate la Cour des comptes. Ainsi, le système du « guichet ouvert » pour l'éolien terrestre, « accessible à toute installation éligible, est longtemps resté le modèle dominant au détriment d’une mise en concurrence par appel d’offres [...] ce manque d’attractivité des appels d’offres a contribué, avec le rythme trop lent de délivrance des autorisations environnementales, à freiner la progression de la production éolienne », indique la Cour des comptes. Cette dernière note que la limitation du champ du « guichet ouvert » aux très petites structures et aux projets citoyens, intervenue en avril 2022, « permet enfin la généralisation des procédures d’appels d’offres nécessaire à l’accélération du développement de la filière terrestre ».
  Il est constaté une diminution progressive du niveau des soutiens résultant des appels offres, cette baisse étant sans surprise particulièrement sensible dans le cas de l'éolien offshore : « le dernier appel d’offres, Normandie, dont les dossiers ont été finalisés en 2022, a été attribué à un tarif de 44,9 €/MWh alors que les précédents appels d’offres, instruits plusieurs années auparavant, avaient atteint des montants supérieurs à 200 €/MWh avant d’être renégociés par l’État ».
  Durant la période contrôlée par la Cour, années 20I7 et suivantes, le développement de l’éolien s’est traduit par des charges croissantes pour le budget de l'État « jusqu’en 2020 », année durant laquelle ces charges ont atteint près de 2 milliards d'euros. La forte augmentation des prix de marché l’électricité a en revanche « conduit en 202I à un effondrement des dépenses supportées par l’État au titre des mécanismes de soutien, 200 millions d'euros en 202I » et la CRE prévoit désormais « des charges prévisionnelles négatives, donc des recettes pour l’État, pour 2022 et 2023 » : 'État récupérant la différence entre le prix garanti et le prix de marché auquel l'électricité est vendue(3) : le montant prévisionnel du bénéfice pour l'État(4) est d'environ 9 milliards d'euros pour l'année 2022 : ce qui porterait à plus de 3 milliards d'euros ledit bénéfice sur la période 20I7-2022.

Les 6 recommandations de la Cour des comptes
  La Cour des comptes émet les 6 grandes recommandations suivantes dans son rapport : 
  1. dans le cadre de l’instruction des demandes d’autorisation environnementale sur les projets éoliens, supprimer le caractère suspensif des demandes complémentaires d’informations dans la computation des délais réglementaires applicables;
  2. vérifier la cohérence de l’application des procédures de dérogations aux espèces protégées par les DREAL, Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, et en assurer un suivi national régulier;
  3. pour le renouvellement des parcs éoliens installés avant 2011, permettre de déroger à la règle de 500 mètres des habitations;
  4. structurer la maitrise d’ouvrage et le pilotage du déploiement des parcs éoliens en mer;
  5. organiser un contrôle pluriannuel des coûts et de la rentabilité des parcs;
  6. dans le cahier des charges des appels d’offres sur l’éolien, généraliser les clauses de partage de rentabilité.
Sources / Notes

  I. « Sur terre, la moitié des parcs ont une capacité comprise entre 8 MW et 12 MW, soit trois à cinq machines de taille moyenne. »
  2. « À la fin de 2022, les capacités éoliennes développées en France représentaient au total 20,9 GW, soit environ 80 % de l’objectif visé pour 2023 dans la PPE2, et avaient assuré 8,3 % de la production électrique nationale. Seul pays européen à ne pas avoir atteint les objectifs de la directive de 20I8, la France doit acheter des « droits statistiques » pour des sommes importantes et encourt en outre des sanctions financières. »
  3. La Cour des comptes note toutefois que « certains parcs ont pu échapper à l’obligation de reverser le produit des ventes réalisé au-delà du tarif de soutien. D’une part, des résiliations de contrat anticipées ont permis à certains parcs de profiter de prix de marchés supérieurs au tarif garanti. D’autre part, une clause de plafonnement des avoirs a pu limiter le volume des compléments de rémunération négatifs à verser à l’État. Des modifications de la réglementation ont mis fin à ces effets d’aubaine en 2022 et 2023. Pour autant, le manque à gagner pour l’État qui en a résulté s’élèverait à 767 M€ pour le seul Ier trimestre 2022 ».
  4. Montants concernant les charges de service public éolien : hors autres soutiens publics comme ceux au raccordement de l'éolien en mer.

 
 
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Et pendant ce temps-là...

▶️ Près de 3 000 GW de capacités renouvelables sont actuellement en attente d'un raccordement aux réseaux dans le monde, soit l'équivalent de 5 fois les capacités solaires photovoltaïques et éoliennes connectées en 2022..

▶️ Au Royaume-Uni, en Espagne et en Italie, ce sont plus de 500 GW de projets éoliens et solaires qui sont actuellement bloqués dans les files d'attente de raccordement au réseau. Beaucoup de développeurs d’ ENRI se détournent ainsi des projets lorsqu'ils découvrent que leur développement déclenche des frais plus importants que prévu pour une mise à niveau ou un renforcement du réseau. Tandis que les investissements dans les énergies renouvelables ont doublé depuis 20I4, pour les réseaux, ils n’ont pratiquement pas changé.

▶️ Selon le dernier rapport de l'AIE, il serait nécessaire d'« ajouter ou rénover un total de plus de 80 millions de kilomètres de réseaux d’ici 2040, soit l’équivalent de la totalité du réseau électrique actuel ». Or, « il n'est pas rare qu'une seule ligne aérienne à très haute tension, supérieure à 220 kV, prenne 5 à I3 ans pour obtenir des permis et être construites dans les économies avancées, en fonction de la longueur de la ligne et d'autres facteurs »

▶️ Après avoir rappelé que la fiabilité des actifs électriques diminue au fur et à mesure qu'ils vieillissent, et que ce manque de fiabilité peut entraîner non seulement des coupures de courant, mais aussi des dommages potentiels à l'équipement, l’AIE rappelle que les coupures d'électricité, amenées à se multiplier dans un contexte de sous-investissement, ont par ailleurs déjà un impact économique estimé à près I00 milliards de dollars par an.

Sources

  • Documents et Vérité
  • https://t.co/NX9zxXCPW5
  • https://t.co/6NSMgzPQEX
  • https://t.co/NX9zxXCPW5

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