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Cette réunion ou plutôt cet entassement de troupes autour de Metz était inutile et dangereux. Nous n'avions pas à redouter une grande bataille, le gros de l' armée allemande était encore trop éloigné. L'état-major était fixé avec certitude par ses espions puisque ce n'est que sept jours plus tard, à Borny, que les Allemands ont fait leur première apparition.
La retraite sur Châlons fut très vivement critiquée par nos grands chefs. Quant à nous, il nous fallut rester encore à Montigny-lès-Metz cinq longs jours.
Tout cela semblait extraordinaire, tout jusqu'à la façon dont notre général conduisait sa division. Les officiers de cavalerie n'ignorent pas les grosses difficultés qu'il y a à bien diriger une troupe de cette arme et à la présenter dans de bonnes conditions pour combattre. Nous étions dans une situation particulière comme division indépendante, n' ayant pas le plus souvent à conserver un dispositif dans l' ordre de marche. On pouvait donc ménager les chevaux en profitant des endroits ombragés pour trotter par fractions, faire des haltes pour les laisser souffler, et les rafraîchir avec l'éponge chaque fois qu'un ruisseau était à proximité.
Mais notre divisionnaire crut plus prudent, même en retraite, loin de l'ennemi, de nous faire marcher avec les distances réglementaires, la division compacte dans la main de son chef; de sorte que la colonne, sauf l'escadron de tête, était aveuglée de poussière. La division n'était pas fractionnée comme le terrain l'exige souvent; elle restait toujours au pas sans flanqueurs.
Toute une journée à cheval, avec une armure sur le dos par les grandes chaleurs, voilà qui rend le cavalier somnolent et entraîne pour le cheval des blessures et des indisponibilités. Enfin nul ne se plaignait, on se reposait au bivouac.
Nous trouvâmes Metz encombrée par les troupes et les états-majors. L' Empereur avec son fils logeait à la préfecture; le maréchal Lebœuf avait son quartier-général à l' hôtel de l' Europe, les généraux dans d'autres hôtels ou chez des particuliers.
Les conversations étaient contradictoires, les uns considéraient la retraite sur Châlons comme un mouvement indispensable et de haute sagesse; les autres eussent préféré une installation en arrière de la Moselle. Ils étaient cependant tous d'avis, avant de s'y résigner, que l'on pouvait tenter quelque action sur l'ennemi pendant sa désorganisation.
Les partisans du maréchal, dont le nombre diminuait chaque jour, pensaient, qu'en procédant de cette façon, l' armée atteindrait le camp de Châlons en peu de temps, ce qui permettrait au maréchal de Mac-Mahon de se réorganiser sans précipitation. Fort bien ! mais pourquoi ces retards ? Il fallait franchir la Moselle sans perdre de temps.
À Metz, dans les hautes sphères du commandement, on admettait que le maréchal " s'était conduit comme un divisionnaire timide, mais non comme un chef d' armée ". Aussi quelle surprise, quand on apprit que l' Empereur était décidé à lui céder le commandement suprême de toute l'armée du Rhin ! Après la journée du 6, cette décision apparaissait étrange et injustifiable.
C'est alors que les récriminations se donnèrent libre cours. Avant même que Bazaine fût investi de cette haute fonction, il fallait entendre les officiers ayant fait campagne au Mexique exprimer leur méfiance ! [l'expédition du Mexique est une expédition militaire française qui se déroula entre I86I et I867; 1861 à 1867; " « Mais qu'est-il allé faire dans cette galère ? »… Lorsque l'on évoque la malheureuse campagne du Mexique, dans laquelle Napoléon III s'est lancé, tête baissée, à la fin de l'année I862, c'est, le plus souvent, la célèbre question du Bourgeois gentilhomme, s'inquiétant pour son fils, qui vient à l'esprit. Pourtant, si l'on se replace dans le contexte de l'époque, on constate que l'Empereur des Français ne manquait pas de bonnes raisons pour élaborer et mettre en oeuvre un projet stratégique de grande ampleur qui passerait par l'établissement d'une sorte de protectorat sur ce grand pays d'Amérique centrale plongé, depuis un demi-siècle, dans une anarchie chronique. L'Empereur devait, malheureusement, aborder et traiter cette question avec la même légèreté que la plupart des grandes questions de politique étrangère de son temps. Il la condamnait, de ce fait, à n'aboutir, — comme les autres,— au mieux, qu'à un demi-succès, au pire, à un échec retentissant, un risque mortel pour un régime fondé, comme le sien, sur la gloire militaire et le prestige d'un nom illustre., ... "; sur le Web]
C'est un devoir impérieux, qui doit passer avant toute espèce de sentiment, de dire la vérité; mais dans cette circonstance, malgré l'autorité de ceux qui portaient un jugement sévère sur le maréchal, le doute est entré dans mon esprit. Je supposais que beaucoup accusaient Bazaine, animés contre lui par le ressentiment des fautes commises les jours précédents; mais hélas ! rien dans leurs dires n'était exagéré, et leurs craintes se trouvèrent par trop amplement justifiées dans les jours qui suivirent.
Vers I872 : portrait officiel de Benito Juárez, I806-I872, président des États-Unis mexicains, I86I-I862 et I867-I872. Auteur : José Escudero et Espronceda, I835-I906, peintre d'origine espagnol, installé au Mexique en I860.
Expédition française au Mexique. Auteur : Romain0
11 août.
On signale de tous côtés l'apparition de patrouilles de cavalerie prussienne70; celle-ci ne perdait pas son temps et gagnait la réputation de supériorité que, décidément, nous lui laissions prendre. À quoi songeraient nos chefs en s'abandonnant au repos ?
De notre côté le service d' exploration était fait théoriquement par la cavalerie légère, comme en garnison7I.
Nous continuions nos promenades de chevaux autour de Montigny, nos chefs semblant oublier comment la cavalerie devait se conduire pour être victorieuse.
I2 août.
Comme preuve de ce que je viens de dire, le matin du I2 août, nous arriva la nouvelle que la cavalerie allemande détruisait la voie ferrée et s'emparait du matériel de la gare de Pont-à-Mousson. Or, Pont-à-Mousson est à environ 27 kilomètres de Metz, et Montigny-lès-Metz à I8 kilomètres de Pont-à-Mousson. Donc, pendant que nous promenions nos chevaux, les Prussiens opéraient cette destruction, à notre barbe !
Nous étions à proximité, mais c'est la brigade de chasseurs d' Afrique de l' héroïque général Margueritte, beaucoup plus éloignée que nous, qui reçut l'ordre de pousser une reconnaissance sur ce point. Pendant le trajet, ce vigoureux général apprend qu'un fort détachement occupe la ville, ses dispositions sont rapidement prises pour cerner cette troupe d' avant-garde. Nos chasseurs s'engagent ensuite sur la voie principale qu'ils franchissent au galop, ils arrivent au chemin de fer, sur le dos des hussards de Brunswick [corps de volontaires, appelé Schwarze Schar, troupe noire, créé en I809, par Frédéric-Guillaume de Brunswick-Wolfenbüttel, dit le " duc noir ", I77I-I8I5; en I867, après que le duché de Brunswick ait rejoint la Confédération de l'Allemagne du Nord, l'unité est rebaptisée " I7e régiment de hussards ducal brunswickois ". En I870, elle est dirigée par le lieutenant-colonel Friedrich Wilhelm von Rauch, I827-I907. Après la convention militaire avec la Prusse, en I886, le régiment est incorporé à l'armée prussienne et reçoit sa désignation définitive de « I7e régiment de hussards brunswickois »., ... "; sur le Web] et des dragons prussiens qu'ils surprennent en bras de chemise, en train d'enlever les rails et de scier les poteaux électriques.
Nos chasseurs sabrent ces cavaliers et s'emparent de leurs chevaux attachés à des wagons, pendant que d'autres chasseurs contournaient la ville pour couper la retraite à l'ennemi.
Pont-à-Mousson débarrassé, le général fit rallier ses escadrons; la brigade rentra à Metz sans avoir subi de pertes, ramenant avec elle les chevaux pris à l'ennemi. Elle confia ses prisonniers à un régiment de ligne rencontré sur la route qui fut très fier d'avoir l'honneur de les garder.
Ce brillant coup de main m'a été raconté par mon ami, le lieutenant Reverony, décédé général de brigade. [Anatole, I843-I899; en I870, il est l' aide de camp du général Margueritte; nommé général de brigade, il dirigera la 3e brigade de hussards de I894 jusqu'à sa mort] Il a fait le plus grand honneur aux chasseurs d' Afrique et prouve que notre cavalerie bien conduite n'a jamais été inférieure à la cavalerie prussienne. Tous, nous ne demandions qu'à le prouver.
Dans l'après-midi du I2 août, terrassé par la souffrance, l' Empereur prend la grave détermination de céder le commandement de l' armée du Rhin tout entière, garde impériale comprise, au maréchal Bazaine. Celui-ci étala en cette occasion une insigne fausse modestie, faisant observer à l' Empereur qu'il y avait autour de lui des généraux de France plus anciens, plus méritants et plus dignes de son choix. Mais il se savait soutenu par une fraction importante de l'opinion publique et n'ignorait pas, dès son départ de Paris, qu'au premier revers, la puissance politique qui semblait compter sur lui, l'imposerait au souverain.
À partir de ce jour, le maréchal prend donc effectivement la direction de l' armée.
On supposait qu'il agirait avec décision et rapidité pour reprendre cette retraite acceptée et commencée par lui depuis le 7. En tout cas, il n'aurait plus désormais à alléguer, comme excuse à ses propres tergiversations, les lenteurs et les indécisions de l'état-major impérial; il allait assumer seul la lourde responsabilité du haut commandement72.
À cette même date, le général Jarras fut nommé chef d'état-major du maréchal, malgré l'opposition de ce dernier qui aurait désiré placer à la tête de ce service le général Manèque, son ancien chef d'état-major au Mexique. [Claude Jules Isidore, I8I2-I870; en I870, il est chef de l'état-major du 3e Corps d'armée puis, il est nommé chef de l'état-major général des 2,3 et 4e corps de l' armée du Rhin; il est tué à la bataille de Noisseville, 3I août-Ier septembre, près de Metz. Il est enterré au cimetière de Saint Julien, près de Metz] L'Empereur ne céda pas aux instances du maréchal. Il lui imposa en quelque sorte Jarras, contre lequel Bazaine conserva un vif ressentiment. Ce général, sentant bien qu'il n'avait pas la confiance de son supérieur, insista auprès du souverain pour ne pas accepter le poste que celui-ci désirait lui confier; mais, sur la prière expresse de l' Empereur, il finit par se résigner73.
MANÈQUE Claude, général de brigade : képi de général de brigade en drap écarlate et bandeau noir brodé de feuilles de chêne dorées; paire d'épaulettes correspondantes ornées de trois étoiles; ceinture écharpe de commandement de général de brigade en fils dorés et rouges avec deux pompons ornés de trois étoiles de chaque côté; ceinturon porte-épée et pompon en cannetille doré pour dragonne de sabre orné de trois étoiles. À noter, des traces de brûlures sur le dessus de la visière du képi. Source
L'armée, entièrement groupée autour de Metz, formait à cette date une masse imposante; son effectif officiel comptait I73.688 hommes et plus de 40.000 chevaux. En outre, la garde mobile de Metz, qui ne fut pas utilisée, ne demandait qu'à marcher, réclamant l'honneur d'être incorporée à l'armée active, dont elle voulait partager les dangers.
Dans la nuit du I3 au I4, l'ennemi se présenta de nouveau à Pont-à-Mousson laissé sans garnison; il y exerça des réquisitions et fit payer cher aux habitants le succès du général Margueritte quarante-huit heures auparavant.
Pendant ce temps notre division était toute entière, au repos à Montigny, à I8 kilomètres environ de Pont-à-Mousson. Depuis notre départ de Chartres, nous n'avons été chargés que d'une seule mission, celle de nous transporter à Marienthal, pour soutenir cette fameuse retraite des divisions Metman et de Castagny .
Voici vingt-trois jours que la campagne est ouverte et nous n'avons même pas aperçu la pointe d'un casque prussien !
Le général Murat, mécontent de voir notre cavalerie au repos, ne tenait plus en place. Il se rendit à Metz secrètement pour tâcher de voir l' Empereur. On lui répondit que le souverain se reposait; que, s'il avait une communication à faire, il lui fallait s'adresser au maréchal Bazaine. Le prince se retira, ne jugeant pas cette démarche opportune.
J'ignore si le général de Forton a eu connaissance de cette tentative, je ne le crois pas. À son retour le prince rendit visite au colonel Friant; il avait l'air irrité. Il possédait trop de délicatesse pour mettre en cause le général de Forton; ce qu'il désirait, disait-il, " c'était de ne plus voir l'ennemi aussi rapproché de nous pour la deuxième fois, sans qu'il soit attaqué, et sans provoquer des ordres ". Son impatience était ressentie par toute la division.
Voyant que l'armée ne faisait plus aucun mouvement, on espérait encore que l'on ne s'éloignerait pas sans chercher à combattre. Des bruits contradictoires circulaient : cette retraite ne serait peut-être que partielle dans le but de renforcer l'armée de Mac-Mahon, et de procurer des cadres aux réserves qui ne manqueraient pas de se former; tel était la pensée dominante.
Dans l'après-midi le bruit se répandit que des patrouilles allemandes avaient été aperçues sur plusieurs points au nord de Borny, Retonfey, Failly, etc.
À cette heure-là, nos hommes cherchaient des pommes de terre sur le terrain du bivouac, pour suppléer à l'irrégularité des distributions. Or, comme ils n'avaient pas de bois pour faire cuire leurs aliments, ils démolirent des échafaudages sur la Moselle et s'en emparèrent. Ces déprédations constituaient une faute grave.
On fit une enquête sommaire à la suite des réclamations. Le délit fut vite constaté, mais il n'était guère possible de donner suite à cette affaire. Trop de cavaliers y avaient participé, donnant pour excuse que, " si on leur avait distribué le bois auquel ils avaient droit, ils n'auraient pas été forcés de se servir eux-mêmes ".
L'intendance, qui avait fait des distributions assez régulièrement jusqu'à ce jour, arrangea l'affaire, il n'en fut plus question.
Les espions signalèrent l'approche des Prussiens au nord de Metz. Des éclaireurs furent lancés en reconnaissance pour estimer les forces de l'ennemi, tâcher de lui enlever quelques vedettes, mais, suivant le principe invariable, on recommande aux cavaliers de se retirer sans combattre et de se montrer prudents.
Sans se séparer de nous, l' Empereur prend la résolution de quitter Metz pour se diriger sur Châlons. Il précédera l'armée, ayant la conviction absolue qu'elle le suivra. Dans cet espoir, il attendra à Verdun l'arrivée du maréchal Bazaine pour poursuivre la retraite. Il lui renouvela ses insistances, avec ordre d'agir rapidement74.
Sa première étape fut très courte. Il passa la nuit du I3 au I4 à Longueville-lès-Metz [commune contiguë à Metz, à l'ouest] chez le colonel en retraite Hénocque [Pierre François, I788-I878; il fut un temps maire de la commune] avec sa maison militaire, et y séjourna le lendemain, surpris par l'annonce de l'approche de l'ennemi.
Dans la soirée notre division reçut l'ordre de lever le camp le lendemain matin. Toute l'armée doit franchir la Moselle pour se porter de la rive droite sur la rive gauche. Il a fallu la présence des Prussiens pour que l'on prenne cette détermination si évidente et pourtant négligée jusqu'à ce jour.
Il était facile de procéder avec calme à cette opération en utilisant les ponts de pierre construits à proximité, par exemple ceux d' Ars et de Novéant, très rapprochés de notre division. Non seulement on en fit rien, mais on ne songea même pas à les détruire ! Et c'est grâce à cette incroyable faute que les Prussiens purent nous arrêter à Gravelotte, en franchissant le fleuve sur ces ponts si complaisamment laissés à leur disposition. [la bataille porte plusieurs noms : bataille de Saint-Privat ou, plus rarement, bataille d' Amanvillers, — appellations françaises, — ou bataille de Gravelotte, — appellation internationale; elle s'est déroulée le I8 août I870; elle est l'exemple parfait de ce qu'était une victoire tactique française mais avec, au final, une victoire stratégique prussienne ! " Le I6 août I870, l'armée allemande occupe la route principale reliant Metz à Verdun, ville forte que souhaite rejoindre le maréchal Bazaine à la tête de l'armée du Rhin pour se rallier à l'armée du maréchal de Mac-Mahon. La bataille de Mars-la-Tour débute alors. Malgré un répit des combats favorable aux Français, Bazaine refuse de lancer une contre-attaque générale qui aurait probablement engendré la défaite totale des IIIe et Xe corps prussiens. L'armée du Rhin est alors définitivement coupée du reste de l'armée française et se replie sur une position défensive à quelques kilomètres à l'ouest de Metz. (...) La bataille de Gravelotte débute le I8 août I870 à huit heures lorsque Moltke ordonne l'avancée de ses troupes en direction des positions française., ... "; sur le Web] Le général Coffinières a été plus tard rendu responsable de cette lourde négligence. [Grégoire Gaspard Félix, I8II-I887]
La carte de la bataille de Gravelotte.
Le passage qui aurait pu s'exécuter méthodiquement, sans précipitation, quelques jours auparavant, va s'opérer tumultueusement, en désordre, en présence de l'ennemi qui nous attaquera le lendemain, dans l'espoir de couper l'armée en deux.
J'ai lu bien des ouvrages sur la campagne, tous sincères, j'aime à le croire. Selon moi, ils ne reproduisent pas les faits tels qu'ils se sont passés dans la réalité. Il ne font pas ressortir l'inquiétude des chefs clairvoyants et les craintes que leur inspiraient dès le début les actes du maréchal, comme s'ils eussent prévu les évènements futurs.
Pour la journée du 7 août, par exemple, on ne trouve que des renseignements contradictoires; dans nombre d'ouvrages sérieux il n'en est pas même question; ces faits méritent cependant d'être cités.
Je tiens à signaler un incident qui causa une grande peine au 7e cuirassiers. Dans cet après-midi, le colonel Nitot fit appeler ses officiers pour leur donner connaissance de l'ordre de la division qui remettait le commandement du régiment au lieutenant-colonel Friant.
Notre colonel était étendu sur un lit de troupe installé dans un fourgon; il était cloué là par une crise rhumatismale. Ses pieds enflés et violacés ne lui permettaient pas de se tenir debout; il souffrait affreusement, mais sa plus grande douleur était de quitter son beau régiment. Son chagrin, partagé par ses officiers, faisait mal à voir; de grosses larmes roulaient sur les jours de ce brave soldat que nous aimions tant. Ses adieux furent touchants, les regrets de tout le régiment sincère.
Il nous recommanda de reporter sur le colonel Friant la confiance que nous lui avions toujours témoignée. Notre nouveau chef, qui appartenait depuis trois ans au régiment, s'était fait apprécier par de brillantes qualités.
Il prouva ensuite par sa bravoure qu'il était digne de ce commandement.
VIII
PASSAGE DE LA MOSELLE
I4 août.
La cavalerie et l'infanterie traversèrent la Moselle sur des ponts de chevalets [ou de tréteaux] et de bateaux, les cavaliers à pied pour guider leurs chevaux sur ces passerelles étroites75. L'artillerie et les convois furent dirigés sur les ponts plus solides de Metz.
Le mouvement aurait pu se faire plus rapidement si on avait utilisé les ponts dont il a été parlé, ceux d' Ars et de Novéant négligés et laissés à l'ennemi.
Le passage s'effectue simultanément. En arrivant sur la rive gauche, les têtes de colonnes se heurtent à un effroyable entassement de troupes, des unités de toutes armes, des voitures, des bagages, des chevaux, pêle-mêle sur une seule route : une véritable cohue. Cet attristant désordre provoque un arrêt forcé sur ces ponts provisoires dont la solidité laissent à désirer, ce qui ne fut pas sans beaucoup inquiéter les officiers du génie chargés de surveiller le passage76.
Soudain, vers midi, une vive canonnade se fit entendre : c'était la bataille de Borny qui commençait. Un exemple de pont de chevalets et de bateaux.
À suivre...
70. La cavalerie, allemande, s'est enfin décidée à prendre du champ; elle forme en avant des colonnes un épais rideau jusqu'à l'ouest de la Nied allemande vers Raville, Chauville, Remilly, Bacourt, Oron, et grâce à notre négligence fournit des renseignements importants. Voir lieutenant-colonel PICARD, loc. cit., I, I93.
7I. Le 11 août, le major-général et le maréchal Bazaine demandent à la cavalerie d'exécuter quelques reconnaissances. Sur la manière dont ces reconnaissances sont faites, voir lieutenant-colonel PICARD, loc. cit., I, I60 et I6I.
72. L'Empereur n'avait pas résigné sans arrière-pensée le commandement entre les mains de Bazaine; il eût voulu sans doute se réserver un droit de contrôle et de haute direction. De là des témoignages de mauvaise humeur de la part du maréchal et de son entourage pour qui le départ de Napoléon III sembla produire une impression de soulagement. Voir Germain BAPST, le maréchal Canrobert, IV, 99. — Voir lieutenant-colonel PICARD, loc. cit., I, I76-I77.
73. Le général Jarras n'accepta ce poste qu'avec la plus extrême répugnance et sur les instances de l' Empereur et du général Lebrun. Voir lieutenant-colonel PICARD, loc. cit., I, I8I.
74. L'Empereur pressa par lettre Bazaine, le I3, de hâter le mouvement de retraite. Voir lieutenant-colonel PICARD, loc. cit., I, I99-20I, 202.
75. Voir au sujet de cette négligence lieutenant-colonel PICARD, loc. cit., I, 204.
76. Pour l'établissement de ponts sur la Moselle, voir lieutenant-colonel PICARD, I, 202-203. — Ces ponts étaient beaucoup trop rapprochés, aussi l'encombrement fut-il effroyable, l'armée se trouvant entièrement entassée dans Metz et les alentours immédiats.
COMMANDANT FARINET, L'Agonie d'une Armée, Metz-I870, Journal de guerre d'un porte-étendard de l' Armée du Rhin, ancienne librairie Furne, Boivin & Cie, Éditeurs, I9I4, p. 72-83.
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