Un grand merci encore une fois à Hartmut Lauer qui, par son travail imposant de récupération de données et par sa faculté à nous en faciliter la lecture et la compréhension, permet, à nous, béotiens en la matière, de mieux appréhender le " comment ça marche " de la transition énergétique et, de la production d'électricité en particulier.
Ainsi, en parallèle avec la fermeture de réacteurs nucléaires et, grâce à des conditions météorologiques très favorables*, la production d' électricité des EnR, éolien et photovoltaïque, a battu des records, avec 44,4% de la production brute d'électricité ; sauf que ce succès est tout relatif, puisqu'il a généré, en même temps, l'augmentation nette du charbon, lignite et autre houille qui représentent, encore, aujourd’hui, environ 90% de la production d'électricité ; cette situation a fait que les émissions de gaz à effet de serre ont... stagnées!
Oui, vraiment, plus ça va, moins ça va!... Le climat et la santé des populations peuvent attendre.
* "... Les énergies renouvelables intermittentes, éolien et photovoltaïque, représentent presque deux tiers de la puissance nette totale installée. Cependant, leur contribution à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – s´élève à un tiers seulement. Cela correspond à un facteur de charge moyen[1] d´environ 16%,... " On ose imaginer le facteur de charge moyen dans les années à venir, si les conditions météorologiques redevenaient " normales ", ou, devaient " mauvaises "!...
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Allemagne : les chiffres clés de l´énergie en 2022
Hartmut Lauer
Résumé
La nouvelle coalition gouvernementale en Allemagne en fonction depuis décembre 2021, composée par les Sociaux-démocrates, SPD, les Verts, Bündnis 90/Die Grünen, et les Libéraux, FDP, voulait apporter un nouveau rythme à la transition énergétique.
L´atteinte des objectifs de l´accord de Paris sur le climat a été considérée comme la priorité absolue. Une part de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité est visée d´ici 2030 contre 65% par le gouvernement sortant et un approvisionnement en électricité quasi climatiquement neutre d´ici 2035. Le gouvernement a aussi souhaité accélérer la sortie de la production d´électricité à partir du charbon, actuellement prévue pour 2038, et l´avancer à 2030 « dans l´idéal ».
La crise énergétique, née de la guerre en Ukraine, a changé la donne car l´Allemagne a été sevrée du gaz russe dont elle était fortement dépendante. Les prix de l´énergie ont atteint des niveaux records et favorisé considérablement l´inflation qui a dépassé les 10%. Des mesures de presque 300 Mds€ ont été adoptées pour soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile. Face à la menace d´une pénurie d´énergie, le gouvernement a appelé à la mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La consommation d´énergie primaire a ainsi baissé de presque 5% par rapport à 2021. La consommation de gaz a chuté de presque 15%, en revanche celle des autres énergies fossiles a augmenté, soit 3% pour le pétrole, 4,8% la houille et 5,1% le lignite : environ 90% de la consommation ont contribué à la production d´électricité.
La gestion de la crise à court terme a déterminé l´agenda politique en faveur de la sécurité énergétique, en partie au détriment des objectifs climatiques. En conséquence, les émissions de gaz à effet de serre stagnent au niveau de 2021 malgré une baisse de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables ne décolle pas.
Selon les données statistiques provisoires, les résultats énergétiques 2022 se résument comme suit :
- Les émissions de gaz à effet de serre stagnent au niveau de l´année dernière et se situeraient à 758 ± 3 Mt CO2éq : 2021 : 759 Mt CO2éq. L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, risque d´être manqué. L´Allemagne prend du retard sur ses ambitions d´une réduction de 65% d´émissions de gaz à effet de serre d´ici 2030 par rapport à 1990 ;
- La consommation d´énergie primaire recule de 4,7%, 3,9% corrigée des variations climatiques, par rapport à 2021 et s´élève à 3 286 TWh : 283 Mtep. Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée. Au total, les énergies fossiles, pétrole, gaz naturel, houille et lignite, comptent pour près de 79% de la consommation d’énergie primaire : contre environ 77% en 2021 ;
- La consommation d´électricité recule de 3% par rapport à 2021 suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement et les effets de la hausse des prix. Elle atteint à nouveau le niveau de l´année 2020 marquée par la Covid ;
- La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique : la part de la production brute d´électricité à partir du gaz baisse à 13,4%, 2021 : 15,8%, en revanche la part du couple lignite/houille augmente à 31,7% contre 28,2% en 2021. Cela s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à charbon en réserve. La part du nucléaire baisse à 6,5% contre 11,8% en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacités nucléaires fin 2021 ;
- Grâce aux bonnes conditions météorologiques, les filières renouvelables marquent une augmentation record. Leur part à la production brute d´électricité atteint 44,4% , 2021 : 40,1%, et, en conséquence, leur part dans la consommation brute augmente à 46,5% contre 41,4% en 2021. L´éolien, terrestre et maritime, est en 2022 à nouveau la première source de production électrique juste devant le lignite. Malgré ce record la crise du développement de l´éolien terrestre persiste, l´ajout net atteint 2,1 GW en 2022. Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024. Au total, neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits en 2022. L´attribution du volume mis aux enchères étant loin d´être atteinte, leur développement risque de rester en deçà des besoins dans les années à venir. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022 ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030 ;
- Le solde exportateur d´électricité augmente à presque 27 TWh, 2021 : ~19 TWh, en hausse pour la première fois depuis 2017. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe. À titre d´exemple : le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021 selon l´Agence Fédérale des Réseaux ;
- Sur le marché de gros de l´électricité le prix journalier double en 2022 par rapport à 2021 pour atteindre 235 €/MWh. Il a été fortement influencé par le prix du gaz.
Les projets phares de la transition énergétique allemande en 2022 :
- Adoption courant 2022 d´un ensemble de mesures économiques urgentes, temporaires et exceptionnelles de presque 300 Mds€ pour atténuer la flambée des prix de l´énergie et l´impact de l´inflation. L´objectif : soutenir les citoyens et l´industrie pendant cette période difficile et préserver les emplois. La principale mesure, le plafonnement temporaire des prix du gaz, de la chaleur et de l´électricité, a reçu le feu vert en décembre 2022 ;
- Adoption en juillet 2022 d´un paquet législatif de presque 600 pages visant à accélérer le développement des énergies renouvelables et à renforcer la sécurité d´approvisionnement en énergie. La mesure phare de ce paquet est l´amendement à la Loi sur les Énergies Renouvelables du secteur électrique : EEG 2023. Les objectifs à l´horizon de 2030 ont été fortement rehaussés par rapport au gouvernement sortant, soit 115 GW pour l´éolien terrestre, au moins 30 GW pour l´éolien marin et 215 GW pour le photovoltaïque. Les 360 GW visés nécessitent au cours des huit prochaines années presque un triplement de leur puissance installée fin 2022 ;
- Suite à la menace de pénurie d´énergie, née de la guerre en Ukraine, des mesures en faveur de la sécurité de l´approvisionnement d´électricité ont été prises : prolongation du fonctionnement des 3 derniers centrales nucléaires jusqu´au mi-avril 2023 et réactivation temporaire des centrales à houille, lignite et fioul en réserve jusqu´à fin mars 2024, tout en maintenant l´objectif de l´abandon du charbon en 2030.
(...)
Consommation énergétique
Selon AG Energiebilanzen, AGEB 2022a, la consommation d´énergie primaire atteint 3286 TWh, 283 Mtep, en 2022, cela correspond à une baisse de 4,7 %, ~ 162 TWh, par rapport à l´année précédente : 2021 : 3448 TWh ou 296 Mtep. Elle atteint son niveau le plus bas dans l´Allemagne réunifiée.
Les principales raisons sont des températures plus chaudes par rapport à 2021 et la forte hausse des prix de l´énergie, en particulier pour le gaz naturel, qui a déclenché une mobilisation générale en faveur de la sobriété énergétique. La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine et les efforts de l´Allemagne pour s´émanciper de sa forte dépendance au gaz russe. La baisse de la production dans certains secteurs économiques a également contribué à la réduction de la consommation énergétique.
Une raison de la hausse de la consommation énergétique est la reprise économique après la suppression des restrictions liées à la pandémie de la Covid.
Corrigée de l´aléa météorologique la consommation énergétique baisse seulement de 3,9% selon AG Energiebilanzen : AGEB 2022a.
Les énergies fossiles continuent de représenter 79% de la consommation énergétique. Le pétrole reste l´énergie fossile la plus importante en 2022 suivi par le gaz naturel.
La consommation des produits pétroliers a connu une hausse de 3% par rapport à 2021. La substitution du gaz naturel par le pétrole explique en partie l´augmentation de la part du pétrole dans la consommation d´énergie primaire à 35,2% : 2021 : 32,5%.
La consommation de gaz naturel baisse de presque 15% en 2022. Cause principale : les températures temporairement plus chaudes et une vente réduite dans tous les secteurs de consommation due à la hausse du prix du gaz. La part du gaz naturel dans la consommation d´énergie primaire s´est réduite à 23,8% contre 26,6% en 2021.
Les conséquences de la guerre en Ukraine se sont traduites par une nette modification de la structure des importations du gaz naturel. En 2021, environ 52% du gaz naturel provenait de Russie, alors qu´en 2022 ce chiffre est tombé à 22% : BNetzA 2023e. Depuis septembre 2022, plus aucun transport par gazoduc en provenance de Russie vers l´Allemagne n´a eu lieu. La cessation de ces livraisons a été partiellement compensée par une augmentation des importations entre autres via des gazoducs en provenance des Pays-Bas, de la Belgique et de la France. Les plus grandes importations provenaient de la Norvège : environ 33%.
Le charbon, couple lignite/houille, atteint une part totale de 19,8% de la consommation d´énergie primaire contre 18,0% en 2021.
La consommation du lignite augmente de 5,1% en 2022. Le lignite atteint une part de 10%, 2021 : 9,1%, de la consommation d´énergie primaire. Environ 90% ont contribué à la production d´électricité. L´augmentation de la part du lignite a compensé la réduction d´autres sources d´énergie et notamment du gaz naturel pour la production de l´électricité et de la chaleur.
La consommation de la houille augmente de 4,8% en 2022. Son utilisation dans les centrales électriques augmente même de plus de 16%, favorisée par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve pour assurer la sécurité de l´approvisionnement d´électricité. En revanche, dans l´industrie sidérurgique l´utilisation de la houille a diminué de 6% en raison de l´évolution conjoncturelle. La houille atteint une part de 9,8%, 2021 : 8,9%, de la consommation d´énergie primaire.
La part du nucléaire a baissé de près de la moitié en 2022 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. La production du nucléaire atteint une part de 3,2%, 2021 : 6,1%, de la consommation d´énergie primaire.
Figure 1 : Consommation d´énergie primaire selon AG Energiebilanzen : AGEB 2022a
La part des énergies renouvelables à la consommation d´énergie primaire a augmenté de 4,4% et atteint 17,2% : 2021 : 15,7%. Cause principale : une météo favorable pour l´éolien et le photovoltaïque. De plus, la biomasse, dont la part dans les énergies renouvelables est supérieure à 50%, a enregistré une légère augmentation de la consommation comme énergie de substitution notamment dans le secteur du chauffage.
Consommation et production d´électricité
La consommation intérieure brute d´électricité, y compris pertes de réseau et autoconsommation, recule de 3% en 2022 par rapport à 2021 suite aux tendances conjoncturelles au ralentissement, une météo plus clémente et une hausse drastique des prix de l´énergie notamment avec la guerre en Ukraine. Elle atteint avec environ 550 TWh à nouveau le niveau de l´année 2020 marquée par la Covid-19.
Grâce aux conditions météorologiques favorables, les filières renouvelables et notamment l´éolien et le photovoltaïque marquent une production record : AGEB 2022b ; Agora Energiewende 2023.
Sous l´hypothèse que l´électricité produite à partir des énergies renouvelables serait entièrement consommée en Allemagne, leur part dans la consommation intérieure brute augmente à 46,5%% contre 41,4 en 2021. Conformément aux prescriptions du gouvernement fédéral, il s´agit du taux déterminant pour la réalisation des objectifs en matière d´énergies renouvelables. La baisse générale de la consommation d´électricité amplifie statistiquement l´effet de l´augmentation de la part des énergies renouvelables.
La production brute d´électricité a également enregistré un net recul par rapport à 2021, cf. figure 2. En revanche le solde d´ exportation d´électricité de l´Allemagne a marqué une hausse : voir plus loin.
La production brute d´électricité baisse d´environ 1,2% à 577 TWh : 2021 : 584 TWh. La tendance à la hausse des prix du gaz naturel, déjà perceptible depuis la mi-2021, s´est renforcée de manière significative avec la guerre en Ukraine. Cela a entraîné des changements dans le mix électrique en faveur du charbon.
La part de production brute d´électricité à partir du gaz naturel diminue à 13,4%, 77 TWh, en 2022 contre 15,8% en 2021 : 92 TWh. La flambée des prix du gaz suite au manque de livraisons de gaz depuis la Russie a entraîné l´utilisation accrue du charbon en substituant la production à partir du gaz naturel.
La part de production d´électricité du couple lignite/houille a augmenté à 31,7% contre 28,2% en 2021. Les centrales au lignite ont produit 117 TWh, cela correspond à une augmentation de la production de plus de 6% par rapport à 2021 : 110 TWh. Les centrales à houille ont fourni 66 TWh, soit une augmentation d´environ 20% par rapport à 2021 : 55 TWh. La hausse de production s´explique en partie par la réactivation courant 2022 des centrales à houille en réserve : voir plus loin.
La part de production brute à partir du nucléaire baisse à 6,5% contre 11,8% en 2021 suite à la fermeture programmée de 4 GW de capacité nucléaire fin 2021. Les centrales nucléaires allemandes ont produit 38 TWh bruts, soit environ 45% de moins qu´en 2021 : 69 TWh.
Les filières renouvelables enregistrent une hausse de production de plus de 9%. Leur part dans la production brute passe à 44,4%, soit à 256 TWh, contre 40,1% en 2021 : 234 TWh. Le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année et la forte production des éoliennes en janvier et février 2022 ont largement contribué à cette hausse : voir plus loin.
Le tableau 1 ci-dessous détaille la production brute pour chaque filière en 2022 par rapport à 2021 pour l´ensemble du secteur de l´électricité, y compris la production destinée aux propres besoins de l´industrie et l´autoconsommation individuelle et collective.
Bien que l´éolien, terrestre et maritime, redevienne la première source de production électrique en 2022 et que la part des énergies conventionnelles baisse de plus de 8%, celles-ci continuent à contribuer pour 55% à la production brute. Seulement 51% de la production brute totale sont assurés par des sources décarbonées : renouvelables et nucléaire.
Le photovoltaïque contribue pour presque un quart à la production renouvelable totale. Cette quantité d´électricité comprend non seulement les injections dans le réseau public mais aussi l´autoconsommation.
La production à partir de la biomasse solide, liquide et gazeuse est en légère baisse par rapport à 2021. Malgré cela les sources d´énergies biogènes, en ajoutant la production des centrales à partir de déchets biogènes, ont contribué pour environ un cinquième à la production renouvelable en 2022.
La production d´hydroélectricité, qui a une importance limitée outre-Rhin, baisse d´environ 13% par rapport à 2021 suite à l´extrême faiblesse des précipitations en 2022.
Tableau 1 : production, hors transfert d´énergie par pompage, et consommation d´électricité 2021 et 2022 selon AGEB 2022b ; Agora Energiewende 2023
Depuis 2011 la production renouvelable a plus que doublé, tandis que la production du couple houille/lignite a reculé d´environ 30%. En revanche, l´année 2021, marque une inversion de la tendance : le charbon, couple houille/lignite, est à nouveau en hausse, cf. figure 3.
Figure 3 : évolution de la production brute des différentes filières depuis 2010 (AGEB 2022b)
La figure 4 montre bien que la hausse célébrée de la production renouvelable ne cache pas le fait que la production nette totale bas-carbone, énergies renouvelables et nucléaire, est en baisse depuis 2020 : AGEB 2022b.
Figure 4 : évolution de la production nette totale bas-carbone (énergies renouvelables et nucléaires)
Après l´arrêt de la centrale nucléaire de Philippsburg unité 2 fin 2019, les énergies renouvelables n´ont pas été en mesure de pallier la perte de production du nucléaire. Le bilan de la production bas-carbone s´est encore s´aggravé depuis l´arrêt des trois centrales nucléaires fin 2021 et retombe au niveau de 2017.
Parc de production
L´Allemagne exploite deux parcs de production en parallèle pour une pointe de consommation autour de 82 GW.
Le pays disposait fin 2022 d´un parc de production d´environ 235 GW nets hors systèmes de stockage, STEP, batteries etc., dont ~ 87 GW de moyens pilotables conventionnels et ~148 GW d´installations renouvelables, BDEW 2022 ; BNetzA 2022a ; Agora Energiewende 2023 ; UBA 2022.
Pour réduire la consommation de gaz dans le secteur de l´électricité en cas de menace de pénurie de gaz, une « Loi de mise à disposition de centrales électriques de remplacement », Ersatzkraftwerkebereithaltungsgesetz en allemand, est entrée en vigueur mi-2022. Cette loi prévoit la réactivation, limitée dans le temps jusqu´au 31 mars 2024, des centrales thermiques à flamme, houille, lignite et fioul, situées dans la réserve stratégique, afin qu´elles puissent prendre le relais si l´approvisionnement en gaz est menacé par l´arrêt des livraisons de gaz russe : Allemagne Énergies 2022a.
Face aux baisses de livraison de Gazprom, une capacité d´environ 7 GW, 5,1 GW de centrales à houille et 1,9 GW de centrales à lignite, a été réactivée courant 2022. Au total environ 79 GW de centrales conventionnelles, y compris les centrales diverses mais hors systèmes de stockage, ont été activement sur le marché électrique fin 2022. La réserve stratégique restante s´élève à 5,6 GW, BNetzA 2022a, et environ 2 GW, gaz, fioul, sont provisoirement arrêtés.
Le tableau 2 détaille l´évolution de la puissance totale nette installée du secteur électrique en 2021 et 2022, hors installation de stockage de l´énergie, stations de transfert d´énergie par pompage, STEP, batteries, etc., .
Tableau 2 : Puissance installée en 2021 et 2022 y compris les centrales de l´industrie servant principalement à l´autoconsommation
Centrales conventionnelles et stockage d´énergie
Centrales nucléaires
En 2022 la puissance installée a baissé à 4,055 GW par suite de l´arrêt de trois centrales nucléaires, 4,058 GW, le 31.12.2021 : Allemagne Énergies 2022b. Le fonctionnement des trois centrales nucléaires restantes a été prolongé jusqu’au 15 avril 2023 : Allemagne Énergies 2022c.
Centrales à houille
Fin 2022 environ 18 GW ont été activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022 une capacité de 5,1 GW a été réactivée et 1,4 GW sont maintenus en réserve stratégique.
Centrales à lignite
Fin 2022 environ 17 GW sont activement disponibles sur le marché de l´électricité. Courant 2022, une capacité de 1,9 GW a été réactivée ce qui correspond à la totalité de la réserve stratégique existante et ~ 0,3 GW ont été arrêtés définitivement.
Centrales à gaz
Fin 2022 environ 30 GW sont activement sur le marché de l´électricité. Une capacité de presque 2 GW a été mise en service.
Environ 1,7 GW ont été fermés ou retirés du marché et environ 2,6 GW sont en réserve stratégique ou font partie du mécanisme de capacité.
Centrales au fioul et divers
Début 2022 environ 8 GW de centrales au fioul et divers, déchets etc., sont activement sur le marché de l´électricité. Centrales au fioul : sur les 4,8 GW installés environ 1,6 GW sont actuellement en réserve stratégique et 0,2 GW fermés ou retirés du marché.
Stockage d´énergie
L´Allemagne dispose fin 2022 d´une capacité de stockage totale d´environ 13 GW, Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2022a ; ISEA und PSG RWTH Aachen University 2022.
Les STEP, Stations de Transfert d´Énergie par Pompage, y compris les installations au Luxembourg et en Autriche qui injectent de l´électricité directement dans le réseau allemand ont une capacité nette totale de 9,8 GW. La capacité totale des batteries, domestiques et industrielles, s´élève à environ 3,4 GW.
Outre la capacité de stockage, GW, la quantité d´électricité stockée, GWh, est un paramètre important, car la capacité de puissance seule ne fournit pas d´informations sur la durée pendant laquelle cette capacité peut être mobilisée. Il convient de faire la distinction entre la quantité de stockage théorique et la quantité réelle. En effet, de nombreux systèmes de stockage par batterie ne sont pas entièrement déchargeables en mode de fonctionnement normal. Ces données ne sont malheureusement pas suffisamment connues. La quantité de stockage des batteries est estimée à 6 GWh maximal par cycle de charge : Agora Energiewende 2023.
La durée de fonctionnement à pleine charge des stations de pompage-turbinage est également limitée dans le temps en fonction du niveau de remplissage lorsqu´elles sont appelées. La quantité d´énergie stockée maximale actuellement disponible des STEP connectées au réseau allemand correspond à environ 40 GWh par cycle de charge.
Énergies renouvelables
La puissance installée des énergies renouvelables a augmenté de 9,6 GW, soit 7% par rapport à 2021, pour passer à 148 GW : cf. tableau 2. Ce résultat est décevant compte tenu de l´annonce en décembre 2021 par la nouvelle coalition gouvernementale, composée des Sociaux-démocrates, SPD, les Verts, Bündnis 90/Die Grünen, et les Libéraux, FDP, de vouloir apporter un nouveau rythme à la transition énergétique et au développement des énergies renouvelables : Allemagne Énergies 2021.
Comme ces dernières années, l´ajout de la capacité photovoltaïque a été nettement plus élevé que celle de l´éolien terrestre : sur les 9,6 GW installés en 2022, environ 75 %, ~7,2 GW, sont dus au photovoltaïque. Les 2,4 GW restants se répartissent entre éolien terrestre, 2,1 GW, et éolien en mer : 0,34 GW.
Notamment le développement de l´éolien terrestre reste avec 2,1 GW nets en 2022 loin des attentes : Windguard 2023. Le double aurait été nécessaire pour se rapprocher de l´objectif d´une puissance installée de 69 GW fin 2024.
Les résultats des enchères en 2022 n´incitent pas non plus à l´optimisme pour l´avenir : neuf appels d´offres éoliens et solaires sur dix ont été sous-souscrits.
Éolien
Depuis 2019 sur 20 appels d´offres concernant l´éolien terrestre, 16 fois les volumes appelés n´ont pas été atteints. En 2022 un volume de 3,2 GW, 70% du volume appelé de 4,5 GW, a été attribué, cf. figure 5. Trois sur quatre appels d´offres ont été sous-souscrits.
Partant du présupposé erroné que la production d´électricité renouvelable devient toujours moins chère en raison des développements technologiques et des effets d´échelle, la politique avait fait intégrer des plafonds pour la rémunération de référence qui ne devaient pas être dépassés.
La guerre en Ukraine, l´inflation, la hausse de prix pour les matières premières, i.e. le cuivre, le ciment, ont rendu la construction des éoliennes tellement plus coûteuse que le plafond de la rémunération de référence de 58 €/MWh, jusqu´à maintenant en vigueur, ne suffit plus. Les derniers appels d´offres montrent les résultats : l´intérêt des investisseurs s´est considérablement réduit.
Figure 5 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres d´éolien terrestre 2019 à 2022 : Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b
Avec un délai moyen de réalisation de 30 mois entre l´adjudication et la mise en service, les objectifs manqués dans le passé se font maintenant sentir sur leur développement : Allemagne Énergies 2022d. Deutsche Windguard estime l´ajout à 2,7 – 3,2 GW en 2023, Windguard 2023, bien au-dessous des 5,5 GW au moins nécessaires pour atteindre l´objectif de 2024 : 69 GW.
Le développement de l´éolien en mer ne progresse pas non plus de manière optimale. La puissance installée atteint 8,1 GW en 2022. Seul le parc éolien « Kaskasi » en Mer du Nord a été connecté au réseau : 342 MW nets. Pour atteindre l´objectif de 2030 il faudrait installer 22 GW en mer en moins de huit ans.
Photovoltaïque
Aucun des six appel d´offres du photovoltaïque n´a permis d´atteindre le volume appelé en 2022, cf. figure 6. L´Agence Fédérale des Réseaux avait appelé un volume de 4,8 GWc : 3,1 GWc au sol et 1,7 GWc sur toiture. Le volume attribué pour les installations au sol s´élève à 2,4 GWc et pour celles sur toiture à 0,5 GWc : 30% du volume appelé. Pour atteindre l´objectif de la Loi EEG 2023, 88 GW en 2024, il faudrait ajouter au moins 11 GW en 2023.
Figure 6 : volumes appelés/attribués lors des appels d´offres du photovoltaïque 2019 à 2022, Agora Energiewende 2023 ; BNetzA 2023b
Les objectifs manqués des enchères laissent présager un développement en deçà des besoins dans les années à venir. L´écart entre les objectifs ambitieux et le développement réel se creuse toujours plus. Les mesures décidées par le gouvernement en 2022, Allemagne Énergies, 2022f, ne suffiront pas à atteindre l´objectif de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030.
L´électricité verte devient plus chère
Dans le but de rendre plus attractive la participation aux enchères pour l´éolien terrestre et le photovoltaïque, le Parlement a donné mi-décembre 2022 le feu vert pour une augmentation de la rémunération de référence. À partir de 2023 elle sera augmentée de 25% pour chaque filière, soit 73,50 €/MWh pour l´éolien terrestre, 112,50 €/MWh pour le photovoltaïque sur toiture, BNetzA 2022b, et 73,70 €/MWh pour le photovoltaïque au sol : BNetzA 2023f.
C´est un revirement dans l´histoire de la transition énergétique : après plus de vingt ans de baisse constante du prix de l´électricité verte, elle augmente pour la première fois à partir de 2023. Après la suppression du soutien aux énergies renouvelables, EEG-Umlage, mi-2022, il n´est plus prélevé directement par le consommateur mais c´est l´État qui assure entièrement le financement.
L´avenir nous dira si suffisamment d´investisseurs s´intéresseront maintenant aux enchères.
Relation entre puissance installée et production réalisée
La figure 7 montre pour chaque filière la relation entre la puissance installée et la production réalisée en 2022 : BDEW 2022 ; AGEB 2022b. Les énergies renouvelables intermittentes, éolien et photovoltaïque, représentent presque deux tiers de la puissance nette totale installée. Cependant, leur contribution à la production nette d´électricité – lissée sur l´année – s´élève à un tiers seulement. Cela correspond à un facteur de charge moyen[1] d´environ 16%, sans toutefois apporter une contribution durable à la sécurité d´approvisionnement car la production est très fluctuante au cours de l´année.
1) Le facteur de charge est le rapport entre l’énergie électrique effectivement produite par une unité de production sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait produite si elle avait fonctionné à sa puissance maximale durant la même période
Figure 7 : puissance nette installée et production nette en pourcentage en 2022 : hors installations de stockage d´énergie
À titre de comparaison, le nucléaire allemand, représentant environ 1,7% de la puissance installée, a produit 6% nets de l´électricité. Cela correspond à un facteur de charge moyen de plus de 92%.
Faits marquants des énergies renouvelables intermittentes en 2022
Grâce aux conditions météorologiques très favorables la production éolienne et photovoltaïque a augmenté en 2022 : voir tableau 1. La forte production éolienne en janvier et février 2022, voir figure 8, et le nombre élevé d´heures d´ensoleillement sur l´ensemble de l´année, voir figure 9, ont largement contribué à cette hausse : DWD 2022.
Figure 8 : fluctuation mensuelle de la production éolienne en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 : BDEW 2022
Avec 2025 heures d´ensoleillement en 2022 en moyenne sur l´ensemble du pays, l´Allemagne a connu une année record. C´est près de 30 % de plus que la moyenne historique 1961 – 1990 : 1544 heures par an. Dans le sud-ouest du pays, l´ensoleillement a même dépassé les 2300 heures.
En revanche la production hydroélectrique a reculé de plus de 13% par rapport à 2021 en raison de la sécheresse exceptionnelle. L´été 2022, le déficit de pluie atteint près de 40% par rapport à la moyenne historique : DWD 2022.
Figure 9 : fluctuation mensuelle de la production photovoltaïque et hydroélectrique en 2021 et variation en pourcentage par rapport à 2020 : BDEW 2022
Outre de nombreux épisodes de faible production éolienne et photovoltaïque au cours de l´année, une forte variabilité inter-saisonnière et interannuelle des sources renouvelables intermittentes a été à nouveau mise en évidence en 2022.
Échanges transfrontaliers d´électricité
Pour un pays donné, le solde total des échanges physiques et contractuels devrait, dans l´idéal, être le même. Il convient toutefois de noter qu´en raison de la situation centrale de l´Allemagne en Europe, une certaine partie des flux physiques transfrontaliers sont des flux de transit et des flux en boucle.
Les échanges transfrontaliers dépendent non seulement de l´offre et de la demande, mais aussi des prix de l électricité dans les pays voisins. Les prix de gros sur le marché day-ahead de chaque pays sont le résultat de cette interaction.
Le solde exportateur d´électricité de l´Allemagne augmente à presque 27 TWh, 2021 : ~19 TWh, en hausse pour la première fois depuis 2017 : AGEB 2022b. Les importations marquent une légère baisse à 49 TWh tandis que les exportations augmentent d´environ 7% à 75 TWh. Les principales raisons sont l´augmentation de la production d´électricité à partir des filières renouvelables et du charbon en Allemagne ainsi que les changements dans le mix de production d´électricité en Europe.
C´est vers l´Autriche que le solde exportateur a été le plus important, mais c´est surtout vers la Suisse et la France que les exportations ont augmenté, tandis que les importations ont augmenté en provenance du Danemark, de la Norvège et de la Suède.
Figure 10 : solde des échanges transfrontaliers d´électricité en TWh
Le solde exportateur des échanges commerciaux entre l´Allemagne et la France a plus que doublé en faveur de l´Allemagne en passant à 15,3 TWh en 2022 contre 6,5 TWh en 2021. Principalement en raison de la faible disponibilité des centrales nucléaires françaises en 2022 selon l´Agence Fédérale des Réseaux : BNetzA 2023a.
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Émissions de gaz à effet de serre
Sevrée du gaz russe dont l´Allemagne était fortement dépendante, le recours accru au charbon et au pétrole pour remplacer le gaz naturel a contrecarré les objectifs climatiques en 2022. Les émissions de gaz à effet de serre stagnent au niveau de 2021 malgré une baisse de la consommation d´énergie primaire de presque 5% : voir plus haut.
Les émissions de gaz à effet de serre se situent selon les estimations provisoires à 758 ± 3 Mt CO2éq, 2021 : 759 Mt CO2éq, selon (AGEB 2022a ; Agora Energiewende 2023. L´objectif national pour 2022, fixé par la Loi sur la Protection du Climat à 756 Mt CO2éq, risque d´être manqué. L´Allemagne prend du retard sur ses ambitions d´une réduction de 65% d´émissions de gaz à effet de serre d´ici 2030 par rapport à 1990.
Le secteur de l´énergie enregistre une hausse des émissions d´environ 5% pour atteindre 260 Mt CO2éq : 2021 : 245 Mt CO2éq. Il manque de peu sa cible sectorielle de 2022, fixée à 257 Mt CO2éq par la Loi sur la Protection du Climat.
Les émissions CO2 liées à la production d´électricité sont avec ~ 224 Mt CO2éq : 2021 : 213 Mt CO2éq, la raison principale pour l´augmentation des émissions du secteur de l´énergie. L´intensité carbone est estimée à 0,41 kg CO2éq /kWh, 2021 : 0,38 kg CO2éq /kWh, selon BDEW 2022. En cause le recours accru aux centrales à charbon qui a partiellement compensé le recul de la production nucléaire, arrêt de 4 GW fin 2021, et de la production à partir du gaz. En revanche la hausse des émissions a été atténuée par l´augmentation de la production renouvelable.
Pour les objectifs climatiques conformément à la loi sur la protection du climat, c´est le secteur de l´énergie et non pas le secteur électrique qui est déterminant. Outre les émissions de la production d´électricité, le secteur de l´énergie comprend les émissions du chauffage urbain, des raffineries et les émissions diffuses, par exemple des gazoducs.
Dans le secteur de l´industrie, les émissions ont baissé d´environ 11 Mt CO2éq, soit environ 6% par rapport à l´année précédente : 2021 : 184 Mt CO2éq. Les prix élevés du gaz naturel dans plusieurs secteurs industriels ont été déterminants pour le bilan des émissions. Avec environ 173 Mt CO2éq, le secteur se situe en dessous de la limite fixée par la Loi sur la Protection du Climat : 177 Mt CO2éq.
En revanche, les objectifs sectoriels fixés pour 2022 n´ont pas été atteints dans les secteurs du bâtiment et des transports.
Pour le secteur du bâtiment c´est la troisième fois consécutive. Bien que les émissions dans ce secteur aient reculé à 113 Mt CO2éq, 2021 : 118 Mt CO2éq, l´objectif sectoriel de 108 Mt CO2éq pour 2022 a été légèrement dépassé. La baisse des émissions est essentiellement due à des effets météorologiques et à la réduction temporaire de la consommation du gaz naturel et n´est donc pas durable.
L´objectif fixé pour le secteur des transports de 139 Mt n´a pas été atteint en 2022. Le secteur a émis 150 Mt CO2éq soit 3 Mt de plus qu´en 2021 : 147 Mt CO2éq. Encore influencée en 2020 et 2021 par des activités économiques réduites en raison de la Covid-19, l´augmentation des émissions en 2022 s´explique principalement par une normalisation du trafic routier et ferroviaire.
La figure 12 montre l´évolution entre 2010 et 2022 des émissions allemandes de gaz à effet de serre contenues dans le « panier de Kyoto » en millions de tonnes de CO2éq par an et les objectifs de 2030 selon la Loi sur la Protection du Climat. Source des valeurs : AGEB 2022a ; Agora Energiewende 2023 ; BDEW 2022 ; UBA 2023.
Figure 12 : évolution des émissions allemandes en millions de tonnes de CO2 éq par an, hors secteur des terres et forêts – UTCATF, et objectif 2030
Pour atteindre les objectifs de 2030, il faudra désormais réduire les émissions de 58% dans les huit prochaines années. Entre 2010 et 2022 la réduction des émissions de gaz à effet de serre était inférieure à 20% malgré des investissements importants dans les énergies renouvelables.
Suite à la réactivation des centrales à houille et lignite au moins jusqu´à fin mars 2024, conjuguée à l´arrêt des trois dernières centrales nucléaires, une production d´environ 30 TWh bas carbone, mi avril 2023, l´espérance d´une réduction des émissions de gaz à effet de serre en 2023 s´amenuise.
Évolution des prix sur le marché de gros de l´électricité
En 2022, le niveau des prix de gros de l´électricité en Allemagne a plus que doublé par rapport à 2021, alors que les prix avaient déjà triplé en 2021 par rapport à 2020 : BNetzA 2023a ; FFE 2023.
Dès septembre 2021, le prix sur le marché de gros de l´électricité avait augmenté. Cette tendance s´est poursuivie et s´est renforcée suite à la guerre en Ukraine.
La hausse du prix est liée à plusieurs facteurs : la flambée du coût des quotas de CO2, le prix moyen a augmenté d´environ 50% en 2022 par rapport à 2021, mais aussi la forte montée du prix de gros du gaz naturel.
L´évolution du prix du gaz en 2022 a été largement tributaire de la politique russe de livraison de gaz vers l´Allemagne et l´Europe. Les réactions du marché n´ont pas toujours été rationnelles.
Ainsi, début mars, le prix de gros du gaz a connu un premier pic à 220 €/MWh. Par rapport au prix moyen d´un peu plus de 24 €/MWh entre 2019 et 2021, cela représente presque un décuplement du prix. Au cours des mois suivants, les livraisons de gaz russe ont été réduites à de nombreuses reprises, pour finalement être totalement interrompues début septembre 2022. Le prix de gros du gaz atteint son plus haut niveau fin août avec 316 €/MWh, BNetzA 2023e, ce qui a également entraîné le prix de l´électricité le plus élevé de l´année, cf. figure 13 et tableau 3.
En conséquence, l´avantage en termes de coûts des centrales à gaz, résultant de leur besoin moindre en certificats de CO2, a été masqué par l´envolée des prix du gaz et a augmenté leurs coûts marginaux de production selon le bureau d´études FfE : Forschungsgesellschaft für Energiewirtschaft mbH. La hausse du prix du gaz s´est donc répercutée sur celui de l´électricité, figure 13, car, selon la logique du « merit order », le prix de gros de l´électricité est déterminé par les coûts marginaux de la dernière centrale appelée pour assurer l´équilibre entre l´offre et la demande : FFE 2023.
En revanche, les coûts marginaux des centrales à gaz ne fixent pas à tout moment le prix journalier de gros de l´électricité. D´autres filières de production peuvent aussi influencer la logique du « merit order. » En particulier, l´influence des énergies renouvelables intermittentes, éolienne et photovoltaïque, n´est pas négligeable avec des prix très faibles, voire négatifs, sur le marché. Par exemple, fin décembre 2022, lors d´une forte production éolienne et d´une faible demande d´électricité, le prix journalier de l´électricité sur le marché de gros a été nettement inférieur aux coûts marginaux des centrales à gaz, cf. figure 13.
Le prix de gros moyen a dépassé les 300 €/MWh en juillet et en septembre et a même atteint 465,18 euros/MWh en août : BNetzA 2023a. À partir d´octobre 2022, le prix de gros moyen a de nouveau baissé en raison d´une consommation d´électricité en baisse. De plus, les énergies renouvelables ont contribué pour une part plus importante à la production totale et, au dernier trimestre 2022, plusieurs centrales au charbon ont été réactivées sur le marché, augmentant ainsi l´offre sur le marché de gros.
La figure 14 montre les moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers, dit « day-ahead », sur le marché de gros pour la zone Allemagne/Luxembourg : BNetzA 2023a. Figure 14 : moyennes annuelles de 2019 à 2022 des prix journaliers sur le marché de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg
Le tableau 3 montre, pour la période de 2019 à 2022, les prix de gros extrêmes pour la zone Allemagne/Luxembourg selon BNetzA 2023a.
En 2022, le prix de gros le plus élevé de l´année a été enregistré le lundi 29 août entre 19h et 20h avec 871,00 €/MWh. Dans cette plage horaire, la forte consommation d´électricité a coïncidé avec une faible production des énergies renouvelables intermittente, rendant nécessaires une production conventionnelle accrue et une importation nette de l´ordre de 5 GW.
Le prix de gros le plus bas a été enregistré avec – 19,04 €/MWh le dimanche 20 mars 2022 entre 13h et 14h. Dans cette plage horaire, la production renouvelable a couvert presque entièrement la consommation. De plus, l´Allemagne a exporté 15 GW nets.
Tableau 3 : moyennes annuelles des prix de gros de l´électricité pour la zone Allemagne/Luxembourg
Bien que le volume négocié sur les bourses ne représente qu´une fraction du volume total des échanges commerciaux, les marchés journalier, day-ahead, de l´EPEX SPOT pour une livraison d´électricité le jour suivant sont considérés comme un indicateur des prix. Une fourchette de prix de -500 €/MWh à 4 000 €/MWh est définie pour le négoce « day-ahead » : EPEX SPOT 2022.
Épisodes de prix négatifs au marché journalier
Depuis plusieurs années le marché de gros en Allemagne est confronté à des épisodes de prix négatifs. Dans ces situations, les vendeurs payent les acheteurs, ce qui constitue une situation de marché singulière. Ces situations apparaissent en particulier en cas de forte production d´électricité d´origine renouvelable mais de faible demande, situations au cours desquelles certains moyens de production conventionnelle ne peuvent pas fonctionner en deçà d´un minimum technique.
En 2019 et 2020, l´augmentation des épisodes à prix négatifs a été un sujet majeur. En 2020 le nombre de pas horaires à prix négatifs a battu un record avec 298.
Depuis 2021, le nombre de pas horaires à prix négatifs a diminué en raison d´une flexibilité croissante du système électrique allemand et de la forte augmentation des prix de gros de l´électricité.
En 2022, il n´y eu que 69 heures de prix négatifs, cf. figure 15. Durant ces heures, le prix négatif moyen de -2 €/MWh était nettement plus faible que les années précédentes, où il se situait autour de -15 €/MWh : FFE 2023.
Alors que les exploitants d´une centrale conventionnelle doivent prendre à leur charge les frais des prix négatifs, la situation des producteurs d´énergies renouvelables dépend de la taille et de la date de mise en service des installations.
La réglementation en vigueur depuis 2017 prévoit la suspension de la rémunération si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins six heures sans interruption pour les éoliennes > 3 MW et les autres installations d´énergies renouvelables > 500 kW mises en service à partir de 2016. Dans ce cas les exploitants ne recevront plus le complément de rémunération rétroactivement à partir de la première heure de prix négatif.
Dans le cadre de l´avenant à la Loi sur les Énergies Renouvelables, entré en vigueur début 2021, EEG 2021, la suspension de la rémunération des nouvelles installations d´énergies renouvelables > 500 kW, exception faite des éoliennes pilotes, intervient si le prix de gros affiche une valeur négative pendant au moins quatre heures sans interruption. Il s´agit d´un durcissement de la réglementation de 2017 qui reste toutefois en vigueur pour les installations mises en service avant 2021.
Selon le bureau d´études FfE la valeur du marché des prix négatifs est estimée à environ 580 M€ pour la période de 2017 à 2021, FFE 2022, soit environ 116 M€ par an en moyenne. Ce montant est dérisoire par rapport au montant annuel global d´électricité négocié à la bourse.
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