" Le principal fléau de l'humanité n'est pas l'ignorance, mais le refus de savoir. "
Simone de Beauvoir, I908-I986
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Comment les renouvelables font flamber les prix de l’électricité
Une tribune signée Jean-Luc Salanave, scientifique de l’énergie, professeur à l’école CentraleSupélec, expert de PNC-France : Patrimoine Nucléaire et Climat.
Les prix de l’électricité n’ont pas attendu la guerre en Ukraine pour grimper. En dix ans, l’introduction à marche forcée du photovoltaïque et de l’éolien dans le mix électrique français avait déjà provoqué une hausse de 50% des factures : hausse qui aurait pu être pire sans l’effet stabilisateur du nucléaire, comme en témoignent les factures chez nos voisins moins nucléarisés.
Certes, à la différence des « gilets jaunes », de nombreux citoyens ont accepté sans trop rechigner de subventionner solaire et éolien, déjà plus de 150 milliards d’euros, en France, 500 milliards d’euros en Allemagne, jusqu’à ce qu’ils deviennent compétitifs et autonomes. Mais étions nous conscients qu’un autre privilège plus discret allait dégrader profondément le marché de l’électricité, au point de provoquer pénurie, risques de coupures et hausse des prix ?
Ce privilège, lié, en France, à l’obligation d’achat imposée à EDF, c’est la « priorité d’injection », ou encore priorité d’accès au réseau électrique. C’est le passe-droit, accordé aux producteurs renouvelables, de pouvoir injecter leur électricité sur le réseau sans aucune contrainte temporelle, commerciale ou technique : c’est-à-dire au gré de la météo, indépendamment de la demande, ou de la stabilité en tension/fréquence du réseau.
Du coup, les injections devant, comme chacun sait, équilibrer à chaque instant la demande, ce sont les autres producteurs électriques, pilotables, qui sont tenus de s’ajuster aux caprices de la météo, à la baisse ou à la hausse. Produisant tantôt plus, ou tantôt moins qu’ils ne le souhaitent, leurs outils et leurs coûts de production se sont dés-optimisés.
L’Europe sous la pression Allemande, en confondant l’objectif, émettre moins de CO2, et les moyens, renouvelables, a ainsi provoqué le remplacement de moyens de production électriques pilotables, non aidés et non prioritaires, par des non pilotables, solaires et éoliens, généreusement subventionnés, dissuadant le maintien et le renouvellement des premiers.
En une décennie la France a abandonné 11 gigawatts de capacités électriques thermiques pilotables, pourtant précieuses et mobilisables lors des pointes hivernales, passant de 92,2 GWI en 20II à 8I,5 GW 2 en 202I. De nombreux électriciens européens, jadis florissants, ont été contraints de faire de même et de fermer des capacités pilotables, ou de les maintenir en secours au prix de coûts fixes que les renouvelables ne sont même pas tenus de leur compenser.
Le parc renouvelable a pris une telle ampleur que chaque fois qu’un coup de vent ou de soleil inonde le marché européen de kilowattheures « prioritaires », l’obligation d’achat dont bénéficient ces derniers impose aux autres producteurs d’électricité une obligation d’effacement équivalente, voire de coûteuses mises à l’arrêt.
À l’inverse, lorsque cette électricité intermittente est en panne ou faible, en moyenne environ les trois quarts de l’année, la pénurie de moyens pilotables oblige le marché à faire appel aux moins rentables, aux plus chers et aux plus polluants, dont le coût marginal, gonflé par le cours du gaz et la taxe carbone, tire immanquablement les prix du marché vers le haut.
Il est temps de mettre fin à la priorité d’injection. Ce serait la mesure la plus efficace pour sortir le marché électrique européen de sa spirale infernale et revenir à un cercle vertueux au bénéfice des consommateurs et de l’économie.
Pour cela il suffit que les producteurs éoliens et solaires deviennent des « gestionnaires d’équilibre » normaux sur le réseau, ayant à charge, comme tous les autres acteurs, ou groupes d’acteurs, d’équilibrer à chaque instant les injections/soutirages de leur « périmètre d’équilibre », constitué de leurs propres injections : kWh renouvelables, kWh gaz ou de déstockage, et des soutirages de leurs clients.
Certes ils devront se doter des moyens de stockage ou de production de secours qui leur manquent, afin d’offrir aux consommateurs une électricité qui satisfasse enfin la demande en temps et en quantité, sans que les producteurs pilotables n’aient plus besoin de leur servir de « béquille » au détriment des prix et du service rendu.
C’est à ce prix, l’abandon de la priorité d’injection, que les opérateurs renouvelables pourront à leur tour devenir durables, utiles et vertueux pour nos économies et pour le climat, et le marché sortir de la crise.
I. France, 20II, capacité de production électrique thermique pilotable 92,2 GW : nucléaire 63,I GW ; fuel I0,4 GW; gaz 9,5 GW; charbon 7,9 GW; thermique renouvelable 1,3 GW en dehors du thermique, l’hydraulique représentait 25 GW, éolien + PV 9 GW, – source RTE.
2. France, 202I, capacité de production électrique thermique pilotable 8I,5 GW : nucléaire 61,4 GW ; fuel 3,3 GW ; gaz 12,8 GW ; charbon 1,8 GW ; thermique renouvelable 2,2 GW, en dehors du thermique, l’hydraulique représentait 25 GW , éolien + PV 32 GW, – source RTE.
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