ESPAGNE : OU COMMENT LE RÉGIME CHRÉTIEN FRANQUISTE ASSURA LE TRI " RACIAL " ET SOCIAL DE LA POPULATION

    "... Sous couvert de la loi, et ce pourquoi elle n’est pas prévu à l’origine, le régime franquiste se donne les moyens, au moins théoriques, d’assurer le tri « racial » et le tri social, nécessaire selon certains de ses sbires, à l’arrêt de la dégénérescence de la Nation. (...) "
  Mais cette idéologie ne serait-elle pas de nouveau dans l'air du temps ?... 
  Encore le retour vers le futur !?
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Hygiénisme racial et kriminalbiologie

L'influence nazie dans l'appréhension des gitans par les autorités franquistes en Espagne




Gitans, études Tsiganes, n° 30, Éditeur : FNASAT, 2007/2.


   Le régime franquiste, contrairement à ses alliés nazis et fascistes n’a jamais été soupçonné de racisme, en tout cas le racisme n’a jamais été considéré comme un des traits fondamentaux du régime du Caudillo. Aucun des grands spécialistes de la question, que ce soit les historiens anglo-saxons Stanley G. Payne ou Paul Preston ou les français Guy Hermet ou Bartolomé Benassar, n’ont évoqué ce point dans leur définition du régime pas plus que les historiens espagnols de toute obédience. Ainsi dans l’avertissement de l’édition espagnole de Histoire du fascisme espagnol, de Stanley G. Payne, Francisco Farreras affirme :
« Les particularités qui ont fait la singularité du mouvement espagnol sont les mêmes qui ont empêché l’implantation d’un véritable fascisme dans ce pays comme en Allemagne et en Italie. Le racisme, un des traits essentiels du fascisme, ne pouvait prendre corps en Espagne, faute de Juifs à persécuter. […] L’unique trait commun avec les autres fascismes fut le nationalisme exacerbé [1] »
  De fait le régime franquiste n’a pas participé au génocide perpétré par les nazis et leurs alliés. Il s’est lui-même toujours présenté comme non-raciste en raison de son caractère catholique et de sa vision de « l’ hispanidad » qui en découlait. Formidable outil de propagande à usage interne et externe, ce concept d’« hispanidad », dans l’interprétation franquiste, était censé représenter l’union des peuples hispanophones, autrefois colonisés, à qui l’Espagne aurait amené le christianisme et donc la civilisation. La célébration annuelle du « dia de la raza », fête symbolique instituée dès avant le franquisme, était voulue comme l’exaltation de la grandeur de l’Espagne et de son œuvre évangélisatrice dans le monde.
  Si l’antijudaïsme de type catholique, l’antisémitisme de type « racialiste » ou les relents de racisme de « suprématie blanche » de l’ hispanidad, on été mis en avant par certains chercheurs comme Marie-Aline Barrachina [2], l’influence, la diffusion et l’utilisation idéologique des « théories racialistes [3] », nées au XIX e siècle et qui trouveront leur funeste apogée et conséquence dans la politique « raciale » du régime nazi et dans ses avatars telle la kriminalbiologie, l’ « hygiène raciale », voire l’eugénisme, n’ont pour l’instant pas été mis en avant. Autre phénomène rarement mis en lumière dans les études portant sur le franquisme, le traitement par le régime du Caudillo des populations considérées comme « déviantes » ou « asociales » [4], angle sous lequel, au-delà des considérations racialistes, les populations gitanes furent appréhendées dans la plupart des pays d’Europe occidentale jusqu’au milieu du XX e siècle et parfois, voire souvent, beaucoup plus tardivement.
  À ce titre, l’étude de l’approche idéologique des populations gitanes en Espagne par le régime franquiste et ses institutions, ou en tout cas par ceux qui les représentent, peut certainement apporter quelques éléments de réponse. Et cela à plus d’un titre, d’une part parce que les Gitans constituent la seule minorité « visible » de la péninsule, — qui plus est, considérée comme de « souche » étrangère, même si des années I930 aux années I960, la question de leur origine reste bien mystérieuse y compris pour les élites intellectuelles [5], — et d’autre part, parce que la criminologie espagnole, à travers ses plus illustres représentants, qu’ils se revendiquent de l’école positiviste ou « classique », tels Rafael Salillas y Panzano, I854-I923, Jeronimo Montes, I865-I932, ou Bernaldo de Quiros, I873-I959, a toujours présenté les Gitans comme une « race de délinquants » et ce, bien avant la période franquiste [6].
  La diffusion de telles conceptions, agrémentées par de nombreuses créations littéraires et par une presse sensationnaliste, — et ajoutée à une longue tradition de répression et de surveillance des populations gitanes, d’abord en tant que telles jusqu’au milieu du XIX e siècle [7] puis englobées dans les populations visées par les législations contre les « vagos » ensuite, — permit d’englober les Gitans dans le cadre de la Ley de vagos y Maleantes [Loi sur le vagabondage] [8]. Cette loi, rédigée et proposée par les juristes socialistes Luis Jimenez de Asua, I889- I970, et Mariano Ruiz-Funes, I889- I952 [9], fut adoptée en I934 pendant la Seconde République. Elle s’inscrivait alors dans le cadre des législations dites de « défense sociale » inspirées des théories positivistes du XIX e siècle sur la criminalité, dont les Italiens Lombroso, I835-I909, et Ferri, I856-I929, étaient les chefs de file.
  On peut grossièrement résumer les théories positivistes en matière de criminalité à l’idée selon laquelle on naît, plus qu’on ne devient, délinquant, en raison de toute une série de facteurs, notamment héréditaires et « raciaux ». Ce principe déterministe pouvait laisser supposer qu’il était possible d’intervenir sur le délinquant avant même qu’il n’ait commis d’actes délictueux. Dans le contexte scientiste de la fin du XIX e, ces idées, s’appuyant sur de pseudo-sciences telles la phrénologie [I0] ou l’anthropologie physique, firent de nombreux émules parmi les juristes libéraux ou socialistes qui virent en elles la possibilité de substituer des politiques préventives à la simple et brutale répression. Toutefois, la dangerosité de telles conceptions déterministes semble, aujourd’hui, évidente. Et leur utilisation par les régimes autoritaires ou totalitaires n’en est qu’une preuve supplémentaire.
  Ainsi le régime franquiste qui abrogea l’ensemble de l’œuvre législative de la Seconde République, conserva précieusement cette Ley de vagos y Maleantes qu’il utilisa, couplée à un arsenal pénal classique très dur, pour maintenir son ordre politique et social. Comme toute loi de « défense sociale », la Ley de vagos y maleantes déterminait les catégories d’individus qui, selon les normes alors en cours, représentaient un danger pour la société et parmi lesquelles se trouvaient inclus les Gitans, implicitement, dans la catégorie des Vagos. Le régime franquiste n’eut qu’à adapter son interprétation de cette loi, sans d’ailleurs beaucoup la modifier, pour lutter contre les déviances politiques et sociales qu’il entendait éradiquer. Les populations gitanes, déjà stigmatisées et visées par le passé, furent à nouveau, mais pour des raisons sensiblement différentes dans lesquelles rentrent en compte les considérations « raciales », dans l’œil du cyclone. Cependant pour certains juristes, médecins ou universitaires, et pas des moindres, qui s’intéressaient de près ou de loin à la criminologie ou à la « biologie raciale » en Espagne, ce traitement des déviants et de la criminalité, et donc, à leur yeux, des Gitans, était lacunaire au regard des politiques menées dans les États totalitaires fascistes et surtout nazis. L’hygiénisme racial et la Kriminalbiologie, « disciplines » promues par les théoriciens et les scientifiques nazis, commencèrent alors à rencontrer un écho en Espagne.


L’influence de l’hygiénisme racial en Espagne avant la Guerre Civile
  La « biologie raciale », issue de l’anthropologie physique du XIX e siècle, est l’une des disciplines à prétention scientifique qui fournit, dans l’Allemagne nazie, la justification de la « suprématie aryenne », — ou « nordique », c’est selon, — et des politiques racistes qui en découlèrent. Des scientifiques et des intellectuels espagnols, pour la plupart issus de la droite nationaliste ou de l’extrême droite, se firent rapidement l’écho de ces théories allant parfois même jusqu’à exalter les politiques entreprises par les nazis. Parmi eux, trois figures se détachent : Antonio  Vallejo-Nájera [11], psychiatre et futur psychiatre en chef des armées nationalistes puis directeur de la clinique psychiatrique militaire de Madrid après la guerre civile, Joaquin Mestre Medina, inspecteur du corps sanitaire national et Misaël Banuelos, professeur de médecine à Valladolid et « anthropologue » [I2]. Tous trois publient leurs premiers ouvrages dans les années I930 à un moment où la situation économique et sociale de l’Espagne est préoccupante.

La sélection des « surdoués » chez le psychiatre Vallejo-Nájera
  Ce qui ressort des premières publications de  Vallejo-Nájera, qui publie Hygiène de la race et asexualisation des psychopathes, en I934 : l’urgence et la gravité de la situation. Le contexte historique s’y prête. La République proclamée en I932 est honnie par la droite et l’extrême droite et accusée d’amener l’Espagne à sa perte. Le développement sans précédent du mouvement ouvrier, à travers notamment ses deux principales organisations syndicales, la CNT, anarcho-syndicaliste, et l’ UGT, socialiste, qui revendiquent à elles deux plus de deux millions d’adhérents, n’est pas sans inquiéter les tenants d’un ordre social conservateur ou réactionnaire, pour lesquels la tentation fasciste se fait chaque jour un peu plus forte. Tentation à laquelle Vallejo semble avoir succombé :
  « Nous sommes parvenus nous les Espagnols à un point de notre développement historique extrêmement dangereux et délicat pour l’avenir de notre race, en effet ou nous nous laissons emporter par les courants positivistes et matérialistes qui dominent dans la majeure partie du monde, ou, avec les peuples italien et allemand nous retournons dans l’arène afin de récupérer nos valeurs spirituelles et raciales qui nous permirent de civiliser des terres immenses, aujourd’hui encore liées à la Mère Espagne, après un siècle d’indépendance matérielle, par des liens culturels et raciaux [I3]. »
  Vallejo affirme donc que l’Espagne est à un carrefour et que deux voies se présentent à elle. Soit la voie du « matérialisme », compris dans ses acceptations démocratiques libérales ou socialistes, au sens large, qui pousserait l’Espagne encore plus loin dans sa déchéance, soit celle, qu’il privilégie avec force, d’un fascisme à connotation raciste, qui rendrait, selon lui, à l’Espagne sa force et sa gloire passée.
  « Le racisme allemand, — qui aujourd’hui montre la voie au concert des nations, — s’est profondément préoccupé, il ne pouvait pas faire moins, des problèmes biologiques qui affectent l’amélioration de la race, polarisés sur leur aspect hygiéniquo-social, et se sert des grands organes de la presse médicale, ceux les plus diffusés parmi les professionnels, pour diffuser des idées nouvelles, menant toutes au même but, sans que la jeunesse soit oubliée, et dont la conséquence est de rendre obligatoire l’enseignement de l’hygiène des races, de l’eugénisme et de l’hérédité quatre heures par semaine dans toutes les facultés de médecine. [14] »
  Selon Vallejo, et c’est une affirmation qui fut longtemps partagée dans les cercles médicaux, comme l’a démontré Michel Foucault [I5], le corps médical peut être l’un des vecteurs de la sauvegarde de la nation et de la « race ». Lui-même entend accroître le rôle des médecins dans la politique familiale et notamment dans la politique matrimoniale. On perçoit aisément, à travers ses écrits, la fascination qu’exerce sur lui, les théories et la législation nazie, — et notamment la loi de stérilisation des malades mentaux adoptée en I934, — en matière d’hygiène raciale et d’eugénisme :
  « La promulgation en Allemagne de la loi de stérilisation des malades mentaux et la fermeture des centres de consultation matrimoniale jusqu’à nouvel ordre, annoncent l’effondrement des principes eugéniques classiques pour les substituer par des orientations plus osées, dont nous devons suivre le développement autant pour en accepter les points positifs que pour en refuser ce qu’elles ont de répudiables. Le programme de la politique eugénique national socialiste a été tracé magistralement par le professeur Fischer [I6], récemment nommé recteur de l’université de Berlin, dans une conférence transcendante prononcée à Köningsberg… [I7] »
  Le problème cependant auquel doit faire face Vallejo, comme tout représentant de la droite et de l’extrême-droite espagnole, est de concilier les pratiques de l’ « hygiène raciale » et un catholicisme intransigeant, considéré, dans ces milieux, comme le pilier de l’organisation sociale traditionnelle espagnole. Catholicisme théoriquement universaliste et égalitariste, au moins dans la capacité rédemptrice de chaque âme sans distinction de « race » ou de classe. Remettre en cause le mariage « librement consenti » et le caractère « sacré » de la procréation, quel qu’en fut le résultat, n’est moralement pas admissible dans les rangs de l’Espagne conservatrice catholique. Aussi Vallejo, s’ingénie-t-il à trouver des solutions qui puissent concilier les deux impératifs hygiéniste et catholique :
  « Nous sommes d’accord avec les nationaux-socialistes sur le fait que chaque race a une signification culturelle particulière, dont les valeurs biopsychiques doivent s’exalter conjointement mais sans craindre des liens bâtards entre Saxons, Latins et Juifs. En aucune manière nous prétendons défendre l’endogamie des sociétés primitives, et plutôt que d’empêcher le mélange entre castes supérieures et inférieures, nous plaidons pour une supercaste hispanique, ethniquement améliorée, spirituellement parfaite. Nous voulons un eugénisme positif dont les racines résident dans la stimulation de la fécondité des choisis car nous croyons qu’en matière de biologie la quantité s’oppose à la qualité. » [I8] 
  L’axe central de la théorie de Vallejo repose sur la distinction entre un eugénisme négatif, tel qu’il a pu se pratiquer au début du siècle aux États-Unis ou en Suède et qui consiste à « éliminer » ou à empêcher la reproduction des individus « indésirables », — notamment par la stérilisation ou la castration,  —, et un eugénisme « positif », — qu’il nomme hygiène raciale, — qui assurerait la constitution d’une « super caste » perçue comme une véritable « aristocratie raciale » :
  « Un programme d’amélioration de la race par la simple élimination des indésirables serait absurde. Nous devons améliorer les plus aptes pour le perfectionnement de la race, ce qui requiert une sélection préalable. Face à la sélection naturelle résultante des gouvernements oligarchiques ou aristocratiques, il existe une sélection artificielle, seulement possible dans les pays d’organisation socialiste. L’expérience est en faveur de la sélection naturelle, qui favorise les surdoués, en même temps que les inférieurs biologiques sans leur porter préjudice. » [I9] 
  Il rejoint pleinement les conceptions des partisans du darwinisme social, conceptions largement partagées par toutes les idéologies fascisantes, selon laquelle les systèmes démocratiques et socialistes par leur égalitarisme et par l’aide apportée aux « moins aptes » et aux « inférieurs », — dont les catégories sont variables suivant les systèmes, — seraient à l’origine de la dégénérescence de la population qui ne pourrait se débarrasser de ses éléments les plus faibles au détriment des éléments « normaux » ou « supérieurs ». Dans un ouvrage paru en I938 et intitulé Politica racial del nuevo estado, [Politique raciale du nouvel État] il appelle les dirigeants du camp nationaliste à la mise en place d’une véritable politique d’hygiène raciale notamment à travers une politique matrimoniale orientée vers les « sélectionnés ». Ainsi, affirme-t-il, « à travers la guerre, la race a trouvé l’instrument approprié pour forger les groupes de sélectes » et « les héros survivants seront les régénérateurs de la race hispanique ». [20]
  En dépit de son refus affiché d’un eugénisme « négatif », s’éloigne-t-il en réalité tant que cela de l’hygiénisme racial prôné par les nazis ? Il ne peut cacher l’intérêt qu’il porte à leur politique et il reprend à son compte la volonté de créer une aristocratie raciale par la sélection de « surdoués », — qui répondraient à des critères physiques et psychologiques, — et par la stimulation de leur reproduction. Et ce serait eux qui assureraient le commandement de la nation au sein d’un régime autoritaire, autre condition sine qua none selon Vallejo, d’une régénération de la « race ». Il semblerait que les distances qu’il prend avec certaines formes de pratiques eugénistes soit plutôt celles qui sont réalisés dans des États démocratiques et non catholiques comme les États-Unis [2I], la Suède ou la Suisse. On peut pour terminer s’interroger sur la place que Vallejo accorderait aux Gitans dans une telle conception de l’hygiène raciale lui qui quelques années plus tard en I947, et se cachant derrière Bánuelos affirmait :
  « Race gitane : « les Gitans ne constituent pas aujourd’hui une unité raciale mais un peuple errant et sans patrie caractérisé par sa vie nomade, ses habitudes et ses coutumes. Banuelos considère les gitans espagnols comme un mélange de race orientale et préasiatique. (…) Banuelos affirme que la race gitane est une race inférieure, caractérisée par son goût pour le commerce de mauvaise qualité, et que si elle se surpasse parfois dans l’art c’est dans celui de la tauromachie, même si elle ne se remarque pas par son courage. » [22]
  On peut convenir que s’il n’avait pas été d’accord avec ses propos, il n’aurait pas pris la peine de le citer. On imagine mal que le professeur Vallejo, dont l’interprétation du monde est basée sur la différenciation entre « supérieurs » et « inférieurs », qui affiche son admiration pour les travaux des scientifiques nazis et qui souhaitent la régénération de la « race hispanique », puisse considérer les Gitans comme un élément régénérateur.
 
 
 Hérédité et hygiène de la « race » chez Mestre Medina
  Autre partisan de l’ « hygiène raciale », Joaquin Mestre Medina, qui publie en I935 un ouvrage intitulé Hérédité et eugénisme [23], lui aussi fortement influencé par la « raciologie » allemande et par les récents travaux des scientifiques nazis en matière d’hérédité :
  « La constance de la physionomie raciale et des hybrides de croisement entre races distinctes est un fait de plus à ajouter aux phénomènes héréditaires, qui se développent en contrôlant certains stigmates anatomiques ou physiologiques, si connus que, même à l’intérieur de la même race blanche, il ne nous est pas possible de confondre l’anglo-saxon avec le méditerranéen, ni même, chez les premiers, le Britannique du Teuton, et avec beaucoup plus d’éléments, la séparation qui existe entre races de couleurs différentes. Les facteurs héréditaires de couleur, la stature, la physionomie, les mesures crâniennes, les différences de caractères, d’aptitudes et de psychisme font de chaque race l’archive des caractéristiques génotypiques qui constituent les centres de perpétuation des caractères dominants en elle. » [24]
  Il cite abondamment les travaux du généticien allemand Bauer dont l’ouvrage, Théorie de l’hérédité humaine, publié en collaboration avec Lenz et Fischer, en I92I, fut la « bible » des « raciologues » et des généticiens nazis et dont les principes, selon Benoît Massin, servirent de référence à Hitler dans la rédaction de Mein Kampf [25].
  Le contexte espagnol des années I930, outre le contexte politique que nous avons déjà évoqué, se prête tout à fait au développement du sentiment de dégénération. L’Espagne est alors à la traîne des autres puissances européennes après avoir connu un passé glorieux sans cesse évoqué. La génération de 98, issue et marquée par la perte de Cuba et donc du dernier bastion de l’empire colonial espagnol, [I898 : " La guerre hispano-américaine, souvent désignée en Espagne sous le nom de désastre de I898, « Desastre del 1898 », est un conflit armé qui se déroula d'avril à août I898 entre les États-Unis d'Amérique et l'Espagne, et qui eut pour conséquence la confirmation, à la suite de la guerre d'indépendance cubaine, de l'indépendance de Cuba jusqu'en I90I, et la prise de contrôle d'anciennes colonies espagnoles dans les Caraïbes et l'océan Pacifique par les États-Unis d'Amérique (...) "; sur le Web https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_hispano-am%C3%A9ricaine] est devenue le porte voix des inquiétudes d’une élite intellectuelle qui cherche des solutions, et sûrement des responsables, à sa déchéance. Mestre Medina voit dans la dégénérescence raciale, une des explications de celle-ci.
   « On entend par dégénération d’un peuple sa marche progressive vers l’infériorité. Et ses possibilités sont déterminées par deux éléments : un biologique, véritable cause intime, qui est la dévalorisation continue du potentiel héréditaire, et l’autre, dans de nombreuses occasions responsables de la précédente, et toujours conjointes à celle-ci, représentées par le milieu, les coutumes, l’éducation, les caractéristiques de l’époque, les convulsions de la vie, etc. La dégénération biologique a toujours été accompagnée d’une décadence culturelle et politique. ». [26]
  Mestre Medina, prenant en cela ses distances avec les théoriciens nazis, s’oppose à la promotion ou à l’obligation d’une « endogamie raciale » en raison des risques dégénératifs qu’elle comporterait. Il illustre son propos en citant le cas des Juifs et des Gitans :
  « Je pense, à moins de s’enfermer dans l’endogamie sémitique ou gitane, dont on voit les résultats, que tous les peuples ou toutes les nations disposent, au cours de leur histoire, de la race qui, à chaque moment et chronologiquement, lui correspond, produit des mélanges les plus divers et des circonstances les plus contradictoires [27] ».    
  Ne pouvant occulter la diversité des peuples qui ont conquis et occupé la péninsule ibérique, il en fait même une force pour la nation. Il convient toutefois de relativiser la portée de cette « apologie » des mélanges « raciaux ». Tout d’abord parce qu’il donne dans son interprétation historique une place démesurée du rôle des Wisigoths [au VI e siècle, les Wisigoths s'installent en Espagne. Ils y créèrent une civilisation florissante et originale; celle-ci disparaîtra 200 ans plus tard, avec leur dernier roi, Rodrigue, sous la conquête du pays par les Mores : "... La « Chronique du roi don Rodrigue et de la destruction de l’Espagne et de comment les Mores la gagnèrent » de Pedro de Corral, également connue sous le nom de Crónica Sarracina, en constitue l’un des premiers fleurons. Contée à la manière d’un roman de chevalerie, l’histoire du roi Rodrigue y devient une illustration du thème de la Fortune, cher au XV e siècle. Le roi Rodrigue « possédait une renommée incomparable et l’état le plus élevé qu’eût un roi ». De son temps, l’Espagne était « florissante et insigne », « plus qu’aucun autre royaume ». Mais Dieu, pour punir les péchés du roi et des Espagnols, « permit que toute l’Espagne fût détruite par les barbares infidèles », pour sa « pénitence terrible et épouvantable ». Le roi Rodrigue est devenu un héros romantique, l’instrument du Destin. (...) "; sur le Web  https://books.openedition.org/cvz/2150?lang=fr ] présentés comme une « race nordique » ensuite parce qu’il minimise fortement l’influence des musulmans sur la péninsule, eux qui auraient plus pris à l’Espagne qu’ils n’auraient apporté [28].
  De fait il fait de la mixité, thème que l’on retrouvera fréquemment chez les « racialistes » espagnols, un apport positif des « races supérieures »,— nordiques d’abord puis européennes ensuite, — aux « races inférieures ». Et c’est en réalité là que repose toute la construction théorique de l' hispanidad qui voit dans l’histoire espagnole, le don de la « race » hispanique, présenté comme un creuset des Celtes, des Ibères et des Goths, — et dans une moindre mesure des Romains,— aux peuples colonisateurs,  — les Maures, — et colonisés,— les Amérindiens. Il évoque ensuite les résultats « visibles » de l’endogamie raciale décriée chez les Juifs et les Gitans :
  « L’endogamie, qui est le chemin le plus expéditif vers la consanguinité, détermine également l’augmentation des tares en constant surpassement, expliquant la dégénération classique des peuples fanatiquement refermés sur eux mêmes, et des souches et des généalogies qui ont été victimes du préjugé orgueilleux de leurs sangs ou de raisons d’État, dans les normes directrices de leur procréation [29] ».
  Pourtant s’il semble, comme Vallejo-Nájera et pour les mêmes raisons, s’opposer aux méthodes de l’eugénisme « négatif » nord-américain, il n’en reste pas moins lui aussi attentif, voire admiratif, face aux possibilités que celui-ci pourrait offrir et déclare, avant de reproduire en intégralité le texte de la loi allemande de stérilisation adoptée en I934 :
  « Nous ne pouvons pas nier que l’expérience, la grande tentative allemande, revêt une importance extraordinaire. Le monde entier la regarde et guette le moindre de ses mouvements. (…) Pour cela, nous pouvons affirmer que si, dans ces conditions, le procédé échoue, il y aura lieu de l’abandonner définitivement. Mais s’il triomphe malgré tous ses contretemps, en dépit de son caractère moral incertain et de ses appuis biologiques incertains, nous pensons qu’il sera impossible d’éviter sa généralisation immédiate [30] ».
 
Racisme « nordique » et tentation eugéniste chez Misaël Banuelos
  Misaël Banuelos fut certainement, des trois, l’auteur le plus partisan, en tout cas le plus affiché, des nazis allemands. Dans son Anthropologie actuelle des Espagnols, publié en I94I, il soutient ouvertement, quoique de manière plus nuancée et adaptée aux spécificités espagnoles, les thèses « nordicistes », — selon lesquelles la « race nordique » est la plus avancée et est appelée à dominer les autres, — inspirée de l’allemand H.F.K. Gunther dit « Gunther la race ». De I932 à I936, il publie de nombreux articles sur la situation politique et « raciale » de l’Espagne qui seront ensuite publiés, dans le camp nationaliste, entre I936 et I938 sous le titre : Problèmes de ma patrie et de mon temps [31], et qui, peut-être à l’image de ce que put faire un Gobineau en son temps, ne sont qu’une interprétation « racialisée » des évènements politiques que traverse l’Espagne en cette période.
  Banuelos a l’obsession de « l’internationalisme » qui se rapprocherait plus, dans le sens qu’il l’emploie, de l’universalisme dont la mixité raciale, qu’il rejette ouvertement, serait un des avatars. Il affirme d’emblée être d’accord avec Adolf Hitler lorsqu’il déclare que dans l’union entre « races supérieures » et « races inférieures », ce sont les premières qui ont tout à y perdre [32].
  Cet internationalisme, incarné par les communistes « slaves », les démocrates libéraux, les Juifs et, dans une moindre mesure parce que considérés comme plus inoffensifs, les Gitans, serait une véritable menace pour la prédominance des nordiques en Europe. Ce qui selon lui ne pourrait que se « répercuter de manière notable, sur l’esprit et la civilisation du monde qui en résultera ». Il affirme alors que ce « danger » potentiel est à même de justifier les mesures racistes adoptées par les nazis :
  « On peut trouver raisonnable la position dans laquelle se placent de nombreux racistes allemands, à vouloir protéger leur trésor de sang eurasique nordique, refusant pour cela les idées internationalistes, surtout des peuples et des races qui menacent le plus le sang allemand d’origine nordique. Les idées internationalistes conduiraient, si elles étaient indéfectiblement appliquées dans leur intégralité, à la multiplication et à la croissance des races et des sous-groupes raciaux inférieurs, qui sont ceux qui ont la plus grande fécondité, non pour des raisons naturelles car le phénomène est dû au fait qu’en obéissant aux lois de l’instinct ils se marient plus tôt et ont plus d’enfants, et en dernier recours, s’ils ne se marient pas, ils les ont en dehors du mariage ce qui fait que le résultat est toujours le même : une plus grande multiplication des groupes les moins doués ».
  On perçoit la peur de la submersion par les « races inférieures » qui telles des bêtes guidées par leurs instincts lubriques se reproduiraient démesurément. Selon lui donc, les « races supérieures » doivent se défendre énergiquement, à l’exemple des Allemands, contre les risques que ferait courir cet internationalisme à la civilisation occidentale dont les nordiques, parmi lesquels il se classe au détour d’une phrase, représente l’accomplissement suprême :
  « Si l’on souhaite l’internationalisme intégral, se profile, sans que l’on y prenne garde, le retour à l’homme des cavernes, et on renonce au progrès de la vie spirituelle et matérielle de l’homme. Et si l’on ne souhaite pas cela, on ne peut y parvenir non seulement en luttant contre l’internationalisme mais par le racisme et l’eugénisme racial, intimement liés aux nationalismes, comme cela se passe en Allemagne et dans les États-Unis du nord de l’Amérique [33] ».
    Les références aux interdictions des mariages mixtes, entre Juifs et non Juifs en Allemagne nazie ou entre population d’origine européenne et population d’origine africaine dans le Sud des États-Unis est ici explicite et présentée comme la condition sine qua non de la lutte contre la dégénérescence raciale. Il distingue d’ailleurs, une hiérarchie des dangers suivant qui professe cet internationalisme :
  « L’internationalisme seulement intellectuel donne lieu à d’autres formes de réflexion. Les effets qu’il produit sont très différents selon que ceux qui le défendent soient les individus qui le font depuis longtemps, les membres de groupes raciaux déterminés comme les Juifs ou les Gitans, ou les personnes membres des grands groupes raciaux qui peuplent le centre et l’ouest de l’Europe [34] ».
  Et selon Banuelos, les Gitans qu’il décrit comme des sous-civilisés et à qui il concède un apport positif pour le « pittoresque » des villes andalouses, ne représentent pas, pour cette raison même un réel danger. Leur marginalisation même serait la garantie de leur exclusion volontaire et du peu de risque de mélange qu’ils pourraient présenter :
  (…) de manière différentes [aux Juifs], les Gitans dont il est bien connu dans notre pays comment ils échappent au service militaire, déjà par temps de paix et encore plus pendant les époques de guerre. Nombre d’entre eux ne figurent même pas dans les Registres d’état civil pour pouvoir éviter, le jour venu, le service militaire, mais aussi toutes les charges directes de l’État. Il est clair qu’avec cela disparaît la possibilité de sortir de leur vie semi nomade et errante et de bénéficier des grands avantages qu’offre à l’individu la vie civilisée et sociale de notre temps [35] ».
  En I94I, son attitude envers les Gitans se fait plus agressive et méprisante. Et s’il reconnaît qu’un certain nombre d’entre eux, malgré le fait qu’ils appartiennent à une « race étrangère et parasite », ont pu être civilisés au contact de la société espagnole et qu’il y sont maintenant intégrés, il s’inquiète du « danger » que pourrait représenter ceux qui conservent leur mode de vie traditionnel, ou ceux qui viendrait de l’étranger, en fait, ceux qui n’auraient pas assimilé les vertus de la civilisation hispanique, seule possibilité selon lui d’échapper à leur condition « d’inférieurs ». Il demande que des mesures soient prises :
  « Il reste comme noyau parasite les tribus qui sont parvenues avec retard dans notre nation, et qui continuent encore à arriver ces dernières années, ce qui représente un danger constant de décadence raciale pour notre nation. Pour cela nos gouvernants devraient veiller à fermer les frontières du pays à cette immigration d’humanité inférieure qui ne peut donner plus que des conséquences désastreuses pour l’avenir de l’Espagne [36] ».
  Il renchérit d’ailleurs dans le même sens à la suite en affirmant qu’un bon Gitan est un Gitan, non pas mort, mais qui a cessé d’en être un.
  « C’est assez œuvre de charité d’assimiler les tribus antiques, mais cela serait une grave erreur de continuer d’en admettre des nouvelles. Seules les tribus et familles qui ont acquis la vie sédentaire et qui se sont incorporées au mode de vie national normal sont dignes de respect et de tolérance; mais les autres doivent être exclues de la manière la plus humanitaire possible. Elles doivent être traitées avec toute la pitié et toute la charité; mais elles ne doivent pas vivre en Espagne. Ou elles partent dans des pays étrangers ou elles s’en vont dans nos colonies ou leur présence n’est pas dangereuse [37] ».
  C’est bien le « salut de la race » qui est invoqué ici, les Gitans représentant un risque sérieux de dégénérescence raciale. Banuelos, comme de nombreux auteurs de son temps influencés par la « raciologie » allemande, ne voit le salut de la nation qu’à travers une hygiène raciale stricte passant par le refus des métissages notamment avec des « races extra-européennes ». Il le dit encore plus clairement ensuite :
  « Les problèmes raciaux sont des problèmes sérieux, en supposant que les problèmes nationaux équivalent aux problèmes de famille. Et, de la même manière qu’une famille ne se mélange pas avec une autre, malgré ses opinions religieuses, si elle sait que celle qui va se mélanger à elle n’est pas honorable ou physiquement ou moralement saine, la nation aussi doit accomplir ses devoirs primordiaux d’hygiène corporelle, mentale et raciale [38] ».
  Qu’importe que les Gitans soient catholiques, ou qu’il prétendent l’être car la suspicion sur ce thème est fréquente, il sont avant tout « racialement » différents. Banuelos reprend ici, sans grande originalité, l’un des grands thèmes de l’ « hygiénisme racial » nazi, à savoir la hantise du métissage par crainte de dégénérescence raciale. Conception à l’origine des lois de Nuremberg de I935 visant notamment à interdire les mariages entre Juifs et non-Juifs. Sur ce point, bien entendu, l’État franquiste ne pris jamais de disposition visant à interdire les mariages entre Gitans et non-Gitans, ce n’était de toute façon pas la peine tant cette idée pouvait paraître incongrue à l’époque. Et en cela l’idéologie officielle, ou répandue par des canaux officiels, portent sa part de responsabilité. 
 
 
L’influence de la Kriminalbiologie sur les pénalistes et criminologues franquistes
  On pourrait opposer ici l’argument selon lequel l’influence nazie en matière de théorie racialiste et d’hygiène raciale s’est limitée à quelques excentriques non représentatifs de l’idéologie dominante. On peut l’imaginer pour Banuelos, malgré son titre de professeur d’université et malgré les autorisations de publier qu’il reçut d’une censure pourtant omniprésente, c’est déjà un peu plus difficile dans le cas du psychiatre en chef des armées Vallejo-Nájera et cela devient franchement troublant à la lecture des livres et des articles de quelques uns des plus éminents spécialistes pénaux et criminologues de l’Espagne franquiste comme Juan del Rosal, professeur de droit pénal dans les universités de Valladolid puis de Madrid, ou encore Cuello Callon ou de ceux, de stature plus modeste, qui écrivaient dans les revues pénitentiaires, juridiques et de droit pénal.
  Chez tous ceux là ressort une indéniable influence de l’une des branches des pseudo-sciences qui fut, elle aussi, mise au service du projet raciste des nazis à savoir la Kriminalbiologie : criminobiologie ou biologie criminelle. Si cette discipline peut être considérée comme « une criminologie d’orientation médicale, biologisante et eugéniste [39] » il ne faut pas omettre de signaler ses implications juridiques et son influence sur le droit pénal nazi notamment à travers la loi de novembre I933 sur les « délinquants habituels ». En réalité, on peut distinguer deux branches à cette discipline en Allemagne : l’une « scientifique » représentée par Lenz, Schultz et le « spécialiste des Tsiganes » Ritter, l’autre plus juridique menée par Franz Exner, I88I-I947, et Edmund Mezger : I883-I962. Les deux branches eurent des répercussions en Espagne notamment dans la construction de l’image « criminelle » des populations gitanes.
  La Kriminalbiologie allemande avait la prétention de déterminer les causes du délit, et se voulait, sous la plume des professeurs et juristes Exner et Mezger en tout cas, comme une synthèse des différentes théories criminologiques. La Kriminalbiologie nazie reprenait, en réalité, de nombreux éléments des axiomes déterministes de l’anthropologie criminelle de la fin du XIX e siècle, en les dépoussiérant toutefois, tels que l’imputabilité du crime à des facteurs intrinsèques à la « nature » du délinquant, facteurs dans lesquels l’appartenance raciale et l’hérédité occupaient une place considérable. Si elle en reprenait les bases déterministes, la kriminalbiologie s’efforça toutefois de se démarquer de la scuela positivista tant ses fondements scientifiques avaient été invalidés. Ainsi plutôt que d’évoquer une prédestination au crime, — comme l’avait fait Lombroso et Ferri, — les criminobiologistes nazis préféraient évoquer des dispositions criminelles.
  Dès le début des années I942, le livre de Mezger Kriminalpolitik est traduit en espagnol par José Artur Rodriguez Munoz, et celui de son compatriote Exner Kriminalbiologie est traduit en I946 par le juriste Juan de Rosal. C’est certainement ce dernier qui eut le plus d’influence sur les franquistes. Ce qui frappe d’emblée c’est l’empressement avec lequel ses traductions et surtout les publications sont réalisées dans un pays où tout, dans les années qui suivent la guerre civile, est rationné y compris l’encre et le papier.
  Rappelons que Franz Exner, fut professeur à la faculté de droit de Munich où il enseigna avec Edmund Mezger, de I933 à I934, la discipline « Criminobiologie, disposition héréditaire et crime » puis seul « Criminobiologie, disposition héréditaire, milieu et crime » de I934 à I936, matière qu’il reprend en I940. De I94I à I942, il poursuit son enseignement sous le titre « Criminobiologie » avec le professeur Th. Viernstein, l’un des fondateurs des instituts de biologie raciale en Bavière [40].
  Dans sa traduction Del Rosal ne tarit pas d’éloges pour Exner et pour son œuvre :
  « Cet auteur parvient, grâce à un travail patient de plusieurs années et à son intelligente compréhension de ces problèmes, à nous offrir un texte dans lequel se mélangent les considérations théoriques à l’enseignement pratique ; dans lequel les positions extrêmes apparemment irréductibles, dans un domaine aussi complexe que la criminologie, sont entrelacées par l’art de cette rare et magnifique habileté scientifique (…) [4I] ».
  Franz Exner lui même affirme que la criminobiologie est une science globale et qu’elle « n’est pas une théorie de la personnalité de l’auteur du délit mais une théorie de l’apparition totale du délit dans la vie du peuple comme dans celle du particulier [42] ».  
  Il insiste, comme l’on fait avant lui de nombreux criminologues, et pas seulement allemands, sur le rôle de l’appartenance nationale ou ethnique comme facteurs criminogènes :
  « La criminalité d’un peuple c’est la somme des délits de chacun des individus qui le composent. Partant de cela, si, dans certaines limites, la disposition détermine le « vouloir » et le « faire », et avec ça, également, les faits qu’accomplit un individu considéré comme délinquant, nous voyons que, d’une certaine manière, il est biologiquement conditionné, grâce à quoi nous arrivons facilement à la réflexion suivante : le nombre de délits de tout un peuple est en relation avec son essence biologique [43] ».     
  Afin de déterminer les « caractéristiques raciales » dans le domaine de la criminalité, Exner évoque diverses possibilités. La première serait une étude statistico-comparative de la criminalité de peuples de différents pays. Il rappelle les travaux de l’allemand Hacker dans ce domaine en I936 pour la Revue Internationale de droit Pénal ou ceux du finlandais Verkoo. La seconde méthode consisterait à examiner les statistiques d’un point de vue « racial » au sein d’un même espace juridique. Pour agrémenter la validité de cette méthode Juan de Rosal évoque en note de bas de page les travaux de l’Allemand Walder, publié en I908, portant sur les pays balkaniques et desquels il ressort que :
  « En plus, tant en Serbie qu’en Roumanie, la criminalité des Tsiganes est considérablement élevée. En Roumanie elle approche quasiment le triple de la moyenne [44] ».
  Ces études statistiques, menées à la lumière d’un racisme nordique très prononcé, ne peuvent que parvenir aux buts recherchés par leurs différents auteurs et correspondent, dans le cas d’ Exner, aux nécessités de la propagande nazie, à savoir que, la race joue un rôle dans la distribution de la criminalité et les peuples « nordiques » ou d’origine nordique sont beaucoup moins criminogènes que les autres alors que les Juifs présenteraient des attitudes criminogènes semblables dans tous les pays. Après une étude sur le comportement criminel et la répartition du crime en Italie, il affirme :
   « Ces chiffres et d’autres semblables apportent la preuve de la grande importance du climat. Mais il est beaucoup plus probable que cette différence dans les taux de criminalité entre le Nord et le Sud soit due, en premier lieu à la composition raciale des groupes populaires. L’intense influence nordique chez les Italiens et les Français du Nord est suffisamment claire tant pour les caractéristiques somatiques que pour les caractéristiques animiques [45] ». 
  En note Juan de Rosal fait écho à cette interprétation de Exner en la reportant, là encore de manière édulcorée, à la situation espagnole :
  « La cartographie de la criminalité en Espagne pendant un demi-siècle semble révéler que, mis à part le facteur criminogène de caractère social du à la densité de population des grands centres urbains, la fréquence et l’intensité délictive sont liées dans notre pays au facteur anthropologique, race, s’affaiblissant dans le noyau central de la péninsule, où domine la race ibère, et s’accentuant dans le sud où le caractère individualiste et combatif des Ibères souffre d’ une forte influence arabe [46] ».
  Bien entendu Exner, et Del Rosal à sa suite, évoquent l’influence des facteurs culturels et politiques, ce que faisait déjà Enrico Ferri au XIX e, permettant de mieux justifier une politique de contrôle total de la population. Mais l’influence lombrosienne est forte. Exner reprend les conceptions théoriques du criminel-né et des prédispositions criminelles tout en leur donnant un caractère plus moderne et moins systématique. De cette manière, du criminel-né, il passe à une théorie de la « biohérédité » des caractères asociaux [47].
  « On parle uniquement de probabilités : la « disposition criminelle » c’est la prédisposition au délit et non sa prédestination. Certainement qu’il y a des gens chez qui cette probabilité est si grande qu’il se rapproche en effet de ce que l’on a désigné avec l’expression « délinquant -né ». De manière pratique, le problème est différent parce que nous ne pouvons pas reconnaître directement la prédisposition d’un être humain mais nous devons la déduire de sa conduite et des conditions de son monde environnant » [48] ».  
  Exner expose ensuite les principes méthodologiques et « scientifiques » qui doivent permettre de déduire la prédisposition d’un individu : la recherche de la généalogie du délinquant, la généalogie statistique et la recherche sur les jumeaux. Pour illustrer le thème de la recherche du délinquant, Exner fait appel à la branche « scientifique » de la Kriminabiologie représentée par le docteur Ritter et ses travaux, tristement célèbres, sur, notamment, les Sinti d’Allemagne :
  « Ritter a mené de très importantes recherches sur la généalogie, sur les descendants des anciennes sociétés de Gitans et de vagabonds qui furent combattus par l’État il y a 200 ans comme produit social dangereux en raison de leur criminalité et de leur vie vagabonde. Leurs descendants ont perdu, pour la plupart, leur solidarité sociale, mais conservent leur physionomie biologique ; la plupart d’entre eux errent d’un endroit à l’autre comme des harangues et des vagabonds et ne démentent pas ce dont ils procèdent, malgré leur asociabilité et leur mélange sanguin (…). Nous avons une confirmation de la persistance de l’influence sanguine par l’expérience selon laquelle dans les établissements d’éducation et dans les maisons de correction, les descendants des Gitans sont quasiment ininfluençables [49] ».
  Comme Exner, Juan del Rosal entend replacer les sciences pénales et la criminologie dans un contexte plus juridique regrettant souvent la tournure strictement naturaliste qu’a pu prendre cette science sans remettre en cause cependant les explications biologisantes. Il se situe dans la lignée de l’école positiviste italienne mais pas seulement. Comme les apôtres de la Kriminalbiologie, il revendique un lointain héritage lombrosien, notamment dans la recherche des facteurs criminogènes, mais également celui de l’école classique de Carrara dont ils reprennent l’aspect punitif.
  C’est dans son ouvrage Acerca del pensamiento penal espanol, [À propos de la pensée pénale espagnole] qui regroupe des articles et des conférences réalisées entre I939 et I942 que Del Rosal expose ses conceptions et dans lequel on peut mesurer la forte influence qu’eurent sur lui les théories des « criminobiologistes » nazis. Cette influence, Del Rosal la reconnaît d’ailleurs bien volontiers, lui qui rend un hommage appuyé à son « maître » et à ses théories :
  « Si jusqu’à maintenant les récentes études sur la biologie criminelle pâtissaient d’une excessive prise en compte de la biologie du délinquant ou d’une trop grande préoccupation pour les facteurs sociaux, celle de Exner les surpasse toutes parce qu’elle situe le délit à sa juste limite entre fait humain et fait social et concrétise, dans un harmonieux dispositif, les trois éléments fondamentaux de toute biologie criminelle, qui sont la disposition, l’environnement et la personnalité, sans qu’il y ait de critère unilatéral qui gêne la bonne réalisation d’une juste évaluation biologicocriminelle [50] ».
  C’est l’imbrication entre facteurs endogènes, la disposition, et exogènes, le monde culturel, religieux et politique, qui est repris ici. Rien de bien novateur en réalité. Dans le même ordre d’idée, Del Rosal reconnaît sa dette envers un autre théoricien pénaliste nazi : le professeur Mezger :
  « Mezger disait, au début du mouvement national socialiste, que pour un nouveau droit pénal deux points de départ seraient nécessaires, pas dans le sens d’une transaction comme cela se fait aujourd’hui mais comme une synthèse plus élevée, à savoir : l’idée de la responsabilité de l’individu devant son peuple et celle de la régénération sociale du peuple comme un tout ».
  On perçoit rapidement comment de telles approches, — le peuple pensé comme un tout comme une entité propre soumise à une possible dégénération qu’il est du devoir de la loi de combattre en organisant sa régénération, — peuvent justifier des politiques « hygiénistes » voire « eugéniques ». Del Rosal, lui aussi, salue les politiques mises en place par les nazis et leurs alliés en Europe :
  « Mais de I933 jusqu’à aujourd’hui les choses ont beaucoup changé, à tel point qu’aujourd’hui, on peut considérer comme conquêtes inégalables de la loi ce qui n’était jusqu’alors qu’un vague désir de la doctrine. Car, par exemple, dans la majorité des lois européennes et d’autres pays,— utilisant, — comme modèle la loi allemande du 24 novembre I933 et, en partie, la loi espagnole de Vagos y maleantes, une partie des propositions de travail criminologique des années auxquelles nous nous référons, sont devenues une réalité législative pénale [5I] ».
  L’influence des penseurs nazis ne se retrouve pas uniquement dans la réflexion de Juan de Rosal. Nombreux sont les juristes et les criminologues qui reprennent et citent leurs travaux tant dans des essais juridiques ou de criminologues que dans les colonnes des revues officielles de la police,  — comme la revue Guardia Civil, —ou des institutions pénitentiaires, — telle la Revista de la escuela de estudios penitenciairios [Journal de l'école des études pénitentiaires] sur lesquels nous reviendrons ensuite. Citons, parmi les essais, celui du juriste Joaquin Bastero Archanco, représentant du Syndicat du Mouvement qui, dans La criminologia : su objeto [La criminologie : son objet] publié en I952, fait de nombreuses références à ses homologues allemands.
  « La biologie criminelle semble avoir gagner ses lettres de noblesses dans le monde doctrinal et de la recherche. C’est ce que confirme les publications modernes et la création de l’Institut de Biologie criminelle en Autriche, rattaché à l’université de Graz, œuvre du maître en droit pénal Adolf Lenz [52] (…) L’une et l’autre science, la somatologie et la biologie, en référence au processus physiologique de l’organisme du délinquant et à la vie de celui-ci ont donné lieu à cette science que Lenz et Exner ont dénommé Biologie criminelle [53] ».
  Au début des années I950, et cela malgré la connaissance de ce que fut le régime nazi et du rôle que jouèrent les théories des scientifiques comme Lenz et Exner, à leur corps défendant après coup, dans la justification de sa politique, leur point de vue sont encore présentés en Espagne comme « scientifiques » et sont érigés en modèle de réflexion criminologique.
 
L’exemple de la centrale de surveillance des vagabonds en Bavière et des travaux de Ritter




  Cette digression concernant la Kriminalbiologie est nécessaire pour comprendre l’accueil favorable que connurent en Espagne franquiste les thèses de docteur Ritter et de la Kriminalbiologie dans sa version « biologisante ». Ce dernier consacra une partie de ses travaux à la question des « asociaux », — parmi lesquels les « Tsiganes » occupaient, à ses yeux, une place prépondérante, — et des criminels, notamment juvénile.
  Les thèses de l’asociabilité des Tsiganes énoncées par la Kriminalbiologie nazie sont déjà en germe au début du XX e siècle en Allemagne et notamment en Bavière où, en I899, Alfred Dillman fonde le « Bureau central des affaires Tsiganes » : Zigeunerzentrale. Ce bureau devint rapidement une véritable « banque de données » sur les Roms qui se déplaçaient en Allemagne et, rapidement, d’autres États allemands contribuèrent à informer la centrale bavaroise. En I905 Dillman publia le tristement célèbre Zigeurnerbuch, [Livre tzigane] lequel contenait toutes les informations familiales, généalogiques et biographiques récoltées par la Centrale. Poursuivant dans cet esprit de contrôle des populations romani, la Bavière releva en I911 les empreintes digitales de tous les Roms présents sur son territoire. En I925, le fichier de la centrale possédait plus de I4 000 dossiers de « Tsiganes et vagabonds » [54].
  En I926, cet État de l’Allemagne méridionale adopta la « loi pour combattre les Tsiganes, les gens du voyage et les fainéants » limitant les déplacements et l’installation des itinérants ou des vagabonds qui étaient là indifférenciés. Dès I933, les travaux de la Zigeunerzentrale de Munich furent récupérés par les nazis pour servir de base à une législation nationale et les Roms furent alors pris entre deux feux : les législations concernant les asociaux et les « criminels » et celles englobées dans la politique raciale du III e Reich.
  C’est avant tout le premier angle d’approche qui intéressa les médecins et les juristes franquistes spécialisés dans les questions criminelles. La question strictement « raciale » ne fut pas forcément privilégiée, bien qu’elle fut présente en toile de fond dans toute évocation des Gitans par les représentants des institutions, alors que les moyens et les législations mis en place par les nazis pour combattre les « asociaux » furent l’objet d’une attention soutenue. Ainsi la revue professionnelle Guardia Civil, qui s’adresse à l’ensemble du corps policier de l’État franquiste, et fait alors autorité sur ces questions, se fait l’écho des travaux de Ritter. En I944, un de ses collaborateurs, un certain Valentin Guerra fit, dans ses colonnes, une présentation enthousiaste des travaux du « scientifique » allemand.
   « Commençons par faire référence aux résultats des études de quelques chercheurs allemands sur ce sujet [les vagabonds], dont les résultats ont un intérêt indéniable. Ce sont des études qui s’intéressent au phénomène qu’incarne, du point de vue social et psychologique, le vagabond (…)
    Même dans un pays aussi fort, socialement, que l’Allemagne, cinq années après que le national-socialisme est arrivé au gouvernement pour y assurer un pouvoir si énergique, on pouvait dénombrer, en I938, pas moins de 22 946 vagabonds dans le pays sans moyen connus de subsistance [55]
».
  Parmi ces « vagabonds », une grande majorité est d’ascendance romani et ces chiffres englobent très certainement ceux de la Centrale bavaroise qui la même année, en I938, fut transférée à Berlin. Guerra s’enthousiasme pour les mesures prises par le régime nazi et par l’État de Bavière pour combattre ce « fléau » :
   « L’Allemagne ne devait pas tarder à affronter un tel fléau. La Bavière, — qui est, après la Prusse, la plus grande région du Reich, — créa une « centrale de tutelle des sujets instables » qui, aidée par une législation discrète, a produit une efficacité admirable, qui mérite d’être estimée comme un exemple de coopération parfaite, de magnifique camaraderie entre toutes les institutions et autorités de l’État et du parti. Nous lui devons précisément une information détaillée au sujet du problème que nous avons abordé : celui du vagabond [56] ».
  On peut se demander ce que Guerra entend par une « efficacité admirable ». En I944, date de l’article, les atrocités nazies ne sont certainement pas connues, du moins dans leur caractère meurtrier systématique, en Espagne et c’est certainement la vision d’une politique répressive et d’enfermement systématique des asociaux et des « vagabonds », qui suscitent l’enthousiasme au même titre que les méthodes et les recherches menées par la Kriminalbiologie :
  « Procédons plus systématiquement dans l’étude de tels individus sur la base de quelques chiffres dont l’éloquence est évidente. De l’historique de tels individus réalisé en Bavière, nous pouvons voir que sur 7 600 sujets misérables et transhumants, il n’y en avait pas moins de 5 637 avec des antécédents pénaux, une proportion gigantesque qui représente près de 74 % des cas [57] ».
  Il est intéressant de noter que l’auteur de l’article n’emploie pas le terme de « Gitan » ou même de « Tsigane » mais l’utilisation du terme « transhumants » ne laisse pas l’ombre d’un doute quand aux populations visées. Ces chiffres, eux, sont très certainement repris des travaux de Ritter, d’autant que l’auteur y fait référence plus loin. Ce dernier avait été, à partir de I936, nommé à la tête de l’institut de recherche sur l’hygiène raciale et la biologie des populations au sein du bureau de la santé du Reich. Institut chargé de rassembler les informations sur les personnes itinérantes et d’établir la généalogie et les antécédents des « Tsiganes » allemands et des « métis tsiganes » dans une optique de détermination raciale jusque là problématique pour les Roms.
  En I94I, Ritter devint le directeur du centre de recherche en Criminobiologie de Berlin, à la suite de Ferdinand von Neureiter, et enseignant dans la même discipline à l’Université de Berlin. Dès I939, Ritter déclarait en parlant de ses travaux de compilation généalogique :
  « dès à présents ces travaux sont extrêmement utiles pour répondre aux besoins d’amélioration de la race et à ceux de la police criminelle. Ils constituent une source d’information sur l’ensemble des questions relatives aux Tsiganes et à leurs descendants pour toutes les autorités de l’État, les organes et la formation du parti, et en particulier les services de santé publique. Outre ces résultats pratiques, les informations réunies fournissent de nombreuses données pour préparer une loi relative aux Tsiganes [58] ».
  En I939, Ritter possédait des renseignements sur plus de 20 000 personnes, ce qui nous rapproche du chiffre invoqué par Guerra. En I94I, il soutenait que le nombre total de « Tsiganes » en Allemagne étaient de 30 000 mais que seulement I0 000 d’entre eux avaient pu faire l’objet d’une recherche généalogique complète. Ce n’est qu’en mars I944 que Ritter put affirmer son travail achevé avec des informations portant sur 23 822 personnes. Dans ses conclusions, il soutenait que les «Tsiganes » et surtout les « Tsiganes métis » Zigeneurmischlinge, moins « purs racialement » devaient être enfermés dans des camps de travail et stérilisés. Séduit par les méthodes de travail, Guerra l’est également par les conclusions du docteur puisqu’il l’affirme et tire les conclusions qui selon lui s’imposent :
  « Il est évident que le vagabondage affaiblit l’individu, — soumis à une vie incertaine et manquant des ressources les plus élémentaires, — de manière profonde, faisant de lui un foyer de maladies contagieuses et, spécialement de la tuberculose et des maladies vénériennes. Ne perdons pas de vue que l’on parle le plus souvent d’individus de fragile constitution physique et intellectuelle, de manière que, en fin de compte, l’élimination sociale de ce type d’individus constitue une contribution à la lutte contre la dégénération et la décadence de la race [59] ».
  Il est on ne peut plus évident que Guerra partage les conceptions eugénistes de son modèle allemand. La question de la « lutte contre la dégénération de la race » est ici un souci majeur. Dégénération dont seraient responsables les vagabonds et les asociaux parmi lesquels figureraient les Gitans. Il loue les « efforts » réalisés par Ritter et évoque, en ces termes, son ouvrage Ein Menschenschlag, [Un type de personne] publié en I937, qui porte sur les asociaux et les vagabonds en général :
  « L’effort qu’a réalisé le docteur Ritter pour suivre la généalogie qui mène à un total de I0 000 individus, est gigantesque (…). Ce travail révèle que les sujets examinés sont des vagabonds fils de vagabonds, ce qui, pour la génération suivante, donne des individus prédestinés eux aussi au vagabondage, qui s’entrecroisent constamment entre eux, les uns avec les autres. En général tous sont de même condition, ce qui nous fait supposer que leurs spécificités, y compris psychologiques, restent constantes dans la souche de tels malheureux. (…) »
    « Quand il cherche une femme, un homme de cette souche attend d’elle, tout d’abord, une habilité pour le « noble » art de mendier ou pour aller dans les domiciles pour vendre des bagatelles de peu de valeur. C’est à dire que la qualité que doit avoir une femme pour trouver un homme en qui perpétuer la chaîne de la descendance est cette inclinaison et cette aptitude pour l’infâme vie de vagabond. Pendant plus d’un siècle, il va se cultiver entre eux la tradition et l’amour de la vie incertaine et parasitaire, qui a pour eux le rang de vertu éminente, et avec la parenté de cette souche avec les Gitans, qui débuta en I5I7, de telles qualités se réaffirment et se font plus fortes encore [60] ».
  Les mélanges entre Gitans et non-Gitans sont ici, parce que chez les premiers les caractéristiques intrinsèques de « l’infâme vie du vagabond » seraient encore plus forte, présentés comme un facteur aggravant, par les mariages « mixtes », de l’asociabilité de ces franges de la populations auxquelles ils appartiendrait eux par essence.
  Selon Ritter il n’aurait existé que I0 % de « Tsiganes » purs. Les autres auraient été des métis de Tsiganes, de Yéniches [ou Jenisch; https://www.swissinfo.ch/fre/societe/quand-la-suisse-voulait-gommer-la-culture-y%C3%A9niche/48551346 nom que se sont donné les errants et leurs descendants, pour la plupart aujourd'hui sédentaires, en Suisse, en Allemagne et en Autriche. Il apparaît pour la première fois en I7I4]. et de non-Tsiganes et ce sont ces groupes là qui représenteraient, selon Ritter puis selon Guerra, les groupes les plus dangereux pour la société sans pour autant disculper les « Tsiganes purs » mais en en réduisant le nombre de telle manière que la plupart des Roms entraient dans la deuxième catégorie. Aussi l’auteur renouvelle sa demande d’un traitement efficace de ce fléau :
  « La lutte contre un tel fléau social est rarement satisfaisante (…). En particulier, l’action du juge combinée à celle du pédagogue, — en donnant le sens le plus large à ce que nous entendons par pédagogie, ou peut-être en entendant par cela l’étude et la transformation de la mentalité du sujet, — doit être l’élément principal de la lutte contre le vagabond, et tout d’abord par le procédé primitif et rudimentaire d’aller le chasser pour l’enfermer durant un certain temps dans une colonie de travail [6I] ».
  En cela, la Ley de Vagos y maleantes qui prévoit, parmi ses « mesures de sécurité », l’internement des « vagos » dans des « colonies de travail », peut fournir une réponse légale aux attentes de l’auteur. Peut-être espère-t-il, à l’image de la législation allemande qu’il ne peut ignorer en I944, un renforcement des moyens légaux pour lutter contre ce qu’il nomme un fléau social.
  Il n’est pas le seul à faire l’apologie des travaux de Ritter et des instituts de Biologie criminelle. Le docteur Echaleu y Canino se livre au même exercice dans les pages de la REEP dans un article intitulé « Les instituts de biologie criminelle [62] ». Ce médecin, professeur de psychologie criminelle à l’École Générale de la Police, directeur du service médical du centre de protection de la femme, était alors également membre effectif de la Commission Internationale de Police Criminelle. C’est par cette dernière fonction qu’il fut amené à visiter en 1943 l’Institut de Biologie criminelle de Berlin avec d’autres confrères.
  « Des établissements visités lors de notre dernier voyage en France, en Suisse et en Allemagne, en raison de la seconde réunion annuelle de la commission permanente de la Kriminalpolizeiliche Kommission [63] [Commission de police judiciaire], l’Institut de Biologie Criminelle de la Direction Générale de la Sécurité du Reich à Berlin, qui fut inauguré en I942, retint particulièrement notre attention. Ces établissements n’étaient pas nouveau en Allemagne. En Bavière, le docteur Dengen, conseiller ministériel, secondé par le docteur Viernstein, conseiller supérieur de médecine, initia leur création. En Autriche, celui de l’Université de Graz, dirigé par le vétéran professeur Lenz, et quand nous y étions par le professeur Ernst Seelig, continuateur de l’œuvre du célèbre criminaliste le docteur Hans Gross, où nous avons travaillé sous la direction du sage et vieux professeur de l’université de vienne, le docteur Bruno Schultz  [64] ».
  Les références sont ici éloquentes et la collaboration avec les « scientifiques nazis » pleinement assumée. La commission internationale de Police criminelle, initialement créée en I923 et ancêtre d’ INTERPOL, fut, à partir de I938, contrôlée par les nazis qui déménagèrent son siège à Berlin en I942 et utilisèrent ses informations pour traquer les « délinquants » et autres « asociaux ». Placée sous l’autorité de Heydrich, la commission devint un élément de diffusion des théories de la Kriminalbiologie nazie, comme l’atteste le séjour de Echaleu y Canino en I943.
  Les personnes citées par l’auteur démontrent également l’importance prise par les « scientifiques » nazis au sein de la commission et de son orientation criminobiologique. Viernstein enseigna la criminobiologie à la faculté de droit de Munich entre I932 et I942. Il partagea ce poste avec Exner en I94I; Seelig [mort en I955] fut lui aussi professeur de criminobiologie à la faculté de droit et de sciences politiques de Graz à partir de I933 avec Lenz puis seul à partir de I94I; Bruno K.Schultz fut responsable, avec Theodor Mollison, le directeur de l’Institut d’anthropologie de Munich de I926 à I944, de la revue Anthropologischer Anzeiger [Tableau de bord anthropologique] d’orientation nordico-raciste puis directeur de la revue de vulgarisation raciste Volk und Rasse [Peuple et race][65]. Membre de la SS, il fut le chef, à partir de I932, du département de « science de la race » du RUSHA,— SS, Office principal de la race et de la colonisation, et professeur d’anthropologie et d’anthropométrie à la faculté de médecine de Munich. En I942, il est nommé directeur de l’Institut de biologie raciale de Prague.
  Mais de toutes ces « références », ce sont les travaux de Ritter qui ici aussi retiennent l’attention et suscitent l’enthousiasme sans qu’il ne soit pourtant fait mention de son rôle dans le traitement de la « question tsigane », le professeur préférant parler des « criminels », des « vagabonds » ou des « oisifs ».
  « L’Institut de Biologie Criminelle de la direction générale de la Sécurité, à Berlin, était dirigé par le célèbre psychiatre et professeur Dr Ritter auquel nous devons la plus grande partie des informations contenues dans ce travail (…) Comme l’activité de l’Institut était précisément centrée sur l’individu qui frôle l’infraction, il était nécessaire que la Direction de la Santé du Reich soit en étroite relation avec l’Institut de Recherche de Biologie Criminelle pour comprendre non seulement le criminel mais aussi la genèse du crime, et nous savons aujourd’hui que pour suivre l’évolution et le développement des criminels et de leur descendance, les moyens que nous fournit la criminalistique ne sont pas suffisants, mais que, — de manière plus sûre pour chercher les racines du mal, il faut regarder du côté de l’hérédité, convertie aujourd’hui en une science connue sous le nom de génétique. La lutte contre la criminalité sur la base d’une hygiène raciale était la magnifique tâche que se fixaient les Allemands avec la Biologie criminelle [66] ».
  Echaleu y Canino est tout à fait convaincu de l’importance des facteurs héréditaires dans la criminalité. S’il en accepte les conceptions déterministes, il s’accorde également avec les buts poursuivis. Encore plus clairement que chez Guerra, la « biologie criminelle » est comprise et acceptée ici dans son optique eugéniste. Son objectif est d’ailleurs ensuite clairement défini :
  « La seconde grande mission de cette discipline est (…), de découvrir, aussi rapidement que possible, dans l’individu les dispositions criminelles, et elle a déployée une grande énergie à rechercher le délinquant par propension, et à éviter qu’il n’en vienne à perturber l’ordre social et qu’il puisse se convertir en un parasite de la communauté nationale, d’où la nécessité impérieuse et continue d’être très attentif, spécialement aux enfants et à la jeunesse car c’est là que se recrute, de génération en génération l’armée du crime de demain[67] ».
  Peu d’indications sont données cependant sur les méthodes préconisées pour éviter que le « délinquant par propension » ne se transforme en « parasite de la communauté nationale ». Est-ce pour ne pas heurter le lecteur qu’il refuse d’évoquer les stérilisations forcées, les castrations ou l’enfermement total des « asociaux ». Il ne dit mot également sur les moyens nécessaires à la prévention du crime chez les enfants et les adolescents chez qui l’on aurait découvert ces « prédispositions ». Et c’est bien ces supposés prédispositions qui sont au cœur de la Kriminalbiologie nazie, — prédispositions dont les Gitans seraient, par nature, porteurs,— si l’on en croit tant Ritter que Exner :
  « Selon le docteur Ritter, le biologiste criminaliste ne doit pas se laisser influencer de manière prédominante par les infractions prises en elles-mêmes, mais devrait plutôt s’intéresser à ce qui détermine la personnalité de celui qui sera l’homme de demain et il étendra son champ d’action aux adolescents qui n’ont pas pu être condamnés et qu’il englobera également dans ses observations de manière à ce qu’il se préoccupe autant de l’évolution du caractère des perturbateurs, encore en enfance, de la communauté démotique et raciale, que des tendances antisociales les plus réfractaires et de l’éducation. Il ne devra pas perdre non plus de vue les vagabonds, les oisifs, les petits escrocs et autres qui vivent dans l’immoralité, malgré leurs jeunes années [68] ».
  Les perturbateurs de la « communauté démotique et raciale » sont ils, comme tout porte à le croire ceux qui provoquent une dégénération de la race ? Par leur provenance « étrangère » et par leur « nature criminelle » les Gitans n’en seraient-ils pas partie intégrante ? Est-ce parmi eux ou bien dans les vagabonds qu’ Echaleu y Canino place les Gitans dont il ne peut ignorer pour l’avoir rencontré, qu’ils constituent l’axe central des travaux de Ritter ? Au delà des conclusions, acceptées sans regard critique, ce sont également les méthodes qui sont érigées en exemples et en voies à suivre pour le régime franquiste :
  « Et dans cet institut qui met en œuvre les méthodes de la sociologie, de la génétique, de la caractérologie, de la psychopathologie, de la psychiatrie, de l’hérédité biologique et raciale, non seulement est indiquée la voie à suivre pour prévenir le crime, mais contribue largement à l’ordre et à la protection de la Nation, et au développement de ses destins démographiques [69] ». 
  Il est impossible que lorsqu’il évoque l’ « hérédité biologique et raciale », il ne soit pas informé des théories de la Kriminalbiologie envers les populations gitanes. Peut-être, comme d’autres médecins et en particulier Vallejo-Nájera, se sent-il obligé à une certaine retenue, en raison de la domination de la morale catholique, envers les caractères les plus ouvertement racistes des théories de la criminologie nazie. Pourtant, en filigrane, et son adhésion aux principes de la « biologie criminelle » le prouve, il ne réfute pas plus qu’il ne s’oppose à de telles théories.
  Au regard de ces deux derniers articles et des références faites par quelques uns des plus connus des « criminologues », juristes ou médecins, de l’Espagne franquiste, il est indéniable que l’hygiène raciale, la Kriminalbiologie et les thèses de Ritter rencontrèrent un écho dans le monde de la criminologie « officielle » du régime franquiste et cela malgré le refus officiel du racisme en vertu de son incompatibilité avec le dogme catholique. En réalité, l’approche « sociale », à travers la gestion des « vagabonds » et des « asociaux », des populations gitanes permettait même d’éluder les considérations d’ordres racialistes, même si en réalité celles-ci étaient à la base de tout.
  Force est de constater l’influence que les scientifiques, criminologues ou psychiatres, et les juristes nazis eurent sur leurs confrères espagnols et sur l’attrait que les législations, que leur théorie justifiait, purent exercer sur eux. En cela la loi des Vagos y maleantes peut être considérée comme l’arme, non pas de purification du corps social bien que les intentions affichées de certains « spécialistes » eussent pu le laisser supposer, mais de sauvegarde de celui-ci par l’exclusion et la mise à l’écart des membres potentiellement dangereux de la société. Sous couvert de la loi, et ce pourquoi elle n’est pas prévu à l’origine, le régime franquiste se donne les moyens, au moins théoriques, d’assurer le tri « racial » et le tri social, nécessaire selon certains de ses sbires, à l’arrêt de la dégénérescence de la Nation.
  Reste maintenant à comprendre, et c’est un chantier historique important qui s’ouvre, comment cette influence théorique a pu, en supposant que ce soit le cas, se traduire dans le traitement réel des populations gitanes par le régime franquiste.

Notes

[I] PAYNE Stanley, Historia del fascismo espanol [Histoire du fascisme espagnol], Madrid, Sarpe, I985, p. I2.
[2] BARRACHINA Marie-Aline, Propagande et culture dans l’Espagne franquiste 1936-1945, Ellug, I998.
[3] Théories qui prennent leurs sources dans l’anthropologie physique du XIX e siècle dont le but était de répertorier, de classer et de hiérarchiser des groupes de populations définis en tant que « race ».
[4] Seules les persécutions contre les homosexuels ont suscité une bibliographie assez importante.
[5] En témoignent les théories égyptiennes, sumériennes ou autres contenus dans les monographies de LUNA Carlos, Gitanos de la Betica [Gitans de la Bétique], Madrid, EPESA, I95I, de CANO Manfredi, Los Gitanos, Coll Temas españoles, N° 3I4, Publicaciones Españolas, Madrid, I959, ou de LAFENTUE Rafael, Los Gitanos, el Flamenco y los flamencos [Gitans, flamenco et Flamands], Editorial Barna, Barcelone, I955.
[6] Voir à ce propos, car il serait trop long de développer ce thème ici, la communication faite lors de La Journée internationale des Roms qui s’est tenue à Montreuil en avril 2007 sur le thème : La construction de l’image du Gitan délinquant par la criminologie espagnole du XIX e siècle à la période franquiste. Actes à paraître.
[7] Pour une étude complète : LEBLOND Bernard, Les Gitans d’Espagne, Paris, Presse Universitaire de France, I985.
[8] En français, cela pourrait se traduire par les termes " feignants " et " malfaiteurs ", mais le terme de Vagos recouvre un sens plus large englobant ceux de vagabonds, oisifs et fainéants.
[9]  RUIZ-FUNES Mariano, membre de Izquierda Republicana [Gauche républicaine], fut également ministre de l’agriculture du gouvernement Azana en I936.
[I0] Reposant sur la détermination du caractère des individus à partir de la mesure de leur crâne.
[11] Des trois, VALLEJO-NAJERA Antonio est certainement le plus connu en raison des études et mesures « scientifiques » qu’il fit sur des combattants républicains prisonniers et leurs enfants pour détecter les « gènes du communisme ». Voir VINEYS Ricard, « L’univers carcéral sous le franquisme », dans Una inmensa prision [Une immense prison]. Los campos de concentracion y las prisiones durante la guerra civil y el franquismo [Les camps de concentration et les prisons pendant la guerre civile et le régime de Franco], Barcelona, Critica, 2003.
[I2] Médecin, professeur et vice recteur de la faculté de médecine de Valladolid et membre de l’Académie royale de médecine et de chirurgie de Valladolid, en fut l’un des plus fervents apologistes, lui qui deviendra en I945 membre du Conseil Supérieur de recherche scientifique espagnol.
[I3] VALLEJO-NAJERA, Higiene de la raza — La asexualisation de los psicopatas [Hygiène de la race — L' asexualisation des psychopathes], Ediciones « Medecina », I934, p I.
[I4] Idem p. 3.
[I5] FOUCAULT Michel, Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical. PUF, I963.
[I6] Sur l’influence et l’implication de Fischer dans le régime nazi voir : THALMANN Rita, « Ploetz, Rüdin, Fischer, Lenz, Von Verschuer : pionniers et cautions scientifiques de l’hygiène raciale », dans Revue de d’histoire de la Shoah , décembre-juillet 2005, n° I83, p. 211 à 226.
[I7] VALLEJO-NAJERA, Higiene de la raza — La asexualisation de los psicopatas, Ediciones « Medecina », I934.
[I8] Idem p. 4 et 5.
[I9] Idem, p. 118.
[20] VALLEJO-NAJERA, Politica racial del nuevo Estado, [Politique raciale du nouvel État], Editorial española, San Sebastien, I938, p. I00.
[2I] Ce que confirme la lecture d’un article publié dans l’un des organes des intellectuels de l’extrême droite espagnole, VALLEJO-NAJERA, « Ilicitud cientifica de la esterilizacion eugénica,[Justification scientifique de la stérilisation eugénique], Accion Española [ Action espagnole], I er janvier I932, tome I, n°2, p. I42 à I54, dans lequel il dénonce notamment la loi de stérilisation adoptée par le Michigan en I897.
[22] VALLEJO-NAJERA, Biotipologia [Biotypologie], Editorial Modesto Uson, Valencia, I947, p. I32.
[23] MESTRE MEDINA Joaquin, Herencia y eugenesia [Hérédité et eugénisme], Ed. Zurak, Bilbao, I935.
[24] Idem, p 77.
[25] MASSIN Benoit, « Apprendre à classer et sélectionner », dans la Revue d’Histoire de la Shoah, décembre-juillet 2005, n°I83, p 265 à 389.
[26] MESTRE Medina.
[27] Idem p. 118.
[28] Idem p. I20.
[29] Idem p. I29.
[30] Idem p. I83.
[3I] BANUELOS Misaël, Problema de mi tiempo y de mi patria [Problème de mon temps et de ma patrie], volumen II [volume II], Revoluciones politicas y seleccion humana [ Révolutions politiques et sélection humaine], Libreria Santaren, Valladolid, I936.
[32] Idem, p. 25.
[33] Idem p. 27.
[34] Idem p. 28.
[35] Idem p. 29.
[36] BANUELOS Misaël, Antropologia [Anthropologie], op. cit., p I45.
[37] Idem p. I46.
[38] Idem.
[39] MASSIN Benoit, « apprendre à classer… », article cité, p. 305.
[40] Idem p. 378.
[41] EXNER Franz, Biologia criminal en sus rasgos fundamentales [La biologie criminelle dans ses caractéristiques fondamentales], traduction et prologue de DE ROSAL Juan, Casa Editorial Bosch, Barcelone, I942, p. 6 et 7.
[42] Idem p. I2.
[43] Idem p. 73.
[44] Note de DE ROSAL Juan, p. 77.
[45] EXNER Franz, p. 87.
[46] Note de DE ROSAL Juan, p. 90.
[47] Voir MUNOZ CONDE Francisco, « la esterilisacion de los asociales en el nacional-socialismo »[La stérilisation des asociaux dans le national-socialisme], Revista Electronica de Ciencia Penal y Criminologia, n°4 et 5, 2002.
[48] EXNER Franz, Biologia criminal en sus rasgos fundamentales, traduction et prologue de DE ROSAL Juan, Casa Editorial Bosch, Barcelone, I942, p. 2I0.
[49] EXNER Franz, Biologia criminal en sus rasgos fundamentales, traduction et prologue de DE ROSAL Juan, Casa Editorial Bosch, Barcelone, I942, p. 2I2.
[50] ROSAL Juan del, Acerca del pensamiento penal espanol [À propos de la pensée pénale espagnole], Editorial Aldecoa, Madrid, I942, p. 36 et 37.
[5I] Id.
[52] Fondateur de la Société allemande d’hygiène raciale en I909, professeur d’hygiène raciale à Munich en I923 puis est nommé à Berlin en I933.
[53] BASTERO ARCHANCO Joaquin, La criminologia : su objeto [La criminologie : son objet], Instituto Editorial Reus, Madrid, I954, p. I6.
[54] La plupart des faits et des chiffres concernant le traitement des Roms par les Nazis sont tirés de l’ouvrage de GUENTER Lewy, La persécution des Tsiganes par les nazis, les belles lettres, Calman Lévy, 2003.
[55] GUERRA Valentin, « El vagabundo desde el punto de vista policial » [Le vagabond du point de vue de la police], septembre I944, n°5, p. 54.
[56] Idem.
[57] Idem.
[58] RITTER Robert « Untergruppe L3 » [Sous-groupe L3], dans Das reichsdesundheitsmat, I933-I939, de REITER Hans, Berlin, I939, cité par GUENTER Lewy, p. 86.
[59] GUERRA Valentin, art. cit.
[60] Idem, p 57.
[61] Idem.
[62] Dr. ECHALEU Y CANINO, « Los institutos de Biologia criminal » [Les instituts de biologie criminelle], Reep, septembre I945, n°7.
[63] En allemand dans le texte.
[64] Dr. ECHALEU Y CANINO, article cité, p. 7.
[65] CONTE Édouard et ESSNER Cornelia, La quête de la Race, Une anthropologie du nazisme, Hachette, I995.
[66] Dr. ECHALEU Y CANINO, article cité, p. 7.
[67] Idem.
[68] Dr. ECHALEU Y CANINO, article cité, p. 7.
[69] Dr. ECHALEU Y CANINO, article cité, p. 8.
 

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