LORIENT : ÉOLIENNES VS POISSONS, LE GRAND REMPLACEMENT ?

  Le combat des pêcheurs contre les éoliennes est similaire à celui que mènent des milliers d'opposants à terre dans toute la France rurale. Mais il y a une différence notable : les pêcheurs, tout comme les exploitants agricoles, forment un groupe social qui est surveillé comme le lait sur le feu par l' État qui le craint politiquement; dans ces conditions, est-ce l Élysée qui a forcé la main à l'exploitant de l'usine du vent pour que celui-ci propose à chaque armement la possibilité de demander une compensation financière pour perte d’exploitation* ? Peut importe après tout ! Cette " prime Macron de la mer "?, viendra s'ajouter à la somme déjà redistribuée par la filière de pêche, provenant de la taxe sur les éoliennes en mer**; à Saint-Brieuc, on parle d'une manne financière totale annuelle de près de 9 millions d' euros dont environ 3 millions pour la filière pêche !
   Or, cette indemnité financière, vous ne la verrez jamais proposer à un opposant terrien ou à un groupe d'opposants déclarés qui subissent des dommages dus aux éoliennes !😏
   Nos amis pêcheurs pourront-ils résister longtemps au chant des euros du vent où céderont-ils comme certaines communes de l’agglomération de Lamballe*** ?
 
  Tout confort se paie. La condition d’animal domestique entraîne celle de bête de boucherie. "
  JÜNGER Ernst, I895-I998. 
 
* " La compensation pour perte d’exploitation est calculée par le Ricep, Réseau d’informations et de conseil en économie des pêches, organisme indépendant, qui se base sur plusieurs critères : l’antériorité d’activité sur la zone [RTE met à la disposition des pêcheurs, Brown & May Marine France, BMMF, un bureau d’études spécialisé dans les interactions entre pêches maritimes et travaux en mer, mandaté pour aider les armements à présenter la preuve de leur fréquentation], le type de pêche et les chiffres d’affaires mensuels réalisés de 20I5 à 20I9, période de référence. À noter que c’est l’année la plus favorable qui est retenue. Le comité de sélection valide ou invalide ensuite les propositions faites par le Ricep.
  Deux systèmes d’indemnités sont possibles. « Lorsque le chiffre d’affaires de l’armement dépend pour plus de 7 % de la zone travaillée, l’indemnisation est effectuée sur sa perte réelle. En deçà, c’est un forfait qui est versé. » Pour 2022-2023, Ailes Marines et RTE tablent sur la demande d’environ 60 bateaux. (...);
 
** Lorsque l'usine se trouve dans les eaux territoriales.
*** Pour être éligible, la commune doit répondre à 2 critères :  
  • accueillir une unité de production dans un rayon de I2 milles marins - 22,2 km;
  • avoir un point de vue sur l'usine éolienne.
 
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Éolien en mer : de quoi Ker Oman est-il le nom ?

   Keroman est d’abord le nom du port de pêche de Lorient, rien moins que le premier port de pêche de Bretagne, le premier français en ventes sous criée, et le premier port de débarquement de langoustines vivantes. Le port de Keroman génère plus de trois mille emplois directs et est géré par une société d’économie mixte Keroman, détenue très majoritairement par l’agglomération de Lorient.

À l'entrée du port de pêche de Ouistreham les pécheurs ont pose une banderole contre les projets éoliens en mer. SICCOLI PATRICK/SIPA
 
  Mais il faut maintenant parler de la société mixte Keroman, qui gère le port de Lorient, entend participer, via la création d’une société par action simplifiée dénommée Ker Oman et un investissement d’environ 200 millions d’euros au développement d’un gigantesque port de pêche industriel… au sultanat d’Oman : Duqm, cinq fois plus important que Lorient.
  Et le projet Ker Oman devrait permettre de soutenir l’activité de pêche de Lorient par… apport de poissons frais par avion-cargo. L’un des responsables explique benoîtement : « L'avion, c'est un transport normal pour du poisson aujourd'hui. »
  Alors de quoi Ker Oman est-il le nom ? Tout simplement de la programmation de la disparition de la pêche artisanale bretonne chassée des zones de pêche par les parcs éolien en mer et du remplacement des pêcheurs bretons par des pêcheurs du golfe d’Oman.
  À I9 km des côtes de Belle-Île-en-Mer et 30 km de celles de Groix et Quiberon doit en effet surgir le parc éolien Bretagne-Sud, gigantesque zone industrielle d’une soixantaine d’éoliennes de plus de 250 mètres de haut, soit environ 3,7 fois la hauteur du point culminant de Belle-Île-en-Mer et une fois et demie sa surface. Une première tranche de 20 éoliennes est en voie d’attribution.
  David le Quintrec, responsable du collectif « Pêcheurs en Colère du Morbihan », avait notamment rappelé que le choix de la zone n’a fait l’objet d’aucun accord parmi les pêcheurs, que les fileyeurs [ navire de pêche pratiquant un art dormant : il dépose ses filets sur le fond et revient les relever plus tard] de Lorient, du Finistère et de l’Île d'Yeu y pêchent la langouste, la lotte, le lieu jaune et le merlu sur des fonds rocheux qui ne seront plus accessibles, et seront obligés de se reporter sur des zones plus restreintes avec d’autres bateaux, avec forcément un impact négatif pour la flotte des fileyeurs. La question même du maintien de leur activité se pose.
  Et ce n‘est pas tout. La stratégie française pour l'énergie et le climat prévoit 45 GW d’éolien en mer, soit plus d’une cinquantaine de parcs équivalent à Bretagne Sud le long des côtes françaises, dont une trentaine pour la Bretagne. Il ne resterait plus rien des paysages bretons, ni de la pêche artisanale côtière, la plus respectueuse de la ressource ! Car, particularité française due à la nature de nos côtes pentues et rocheuses, la quasi-totalité de ces zones industrielles éoliennes sont prévues à moins de 20 km des côtes contre plus de 40 pour la moyenne européenne, impactant encore plus fortement les activités littorales.
  D’où Ker Oman !
  Les avertissements pourtant ne manquent pas. Ainsi, dans son rapport de septembre 2023 sur les énergies marines, la Cour des comptes européenne reproche fortement à la Commission Européenne de n’avoir « jamais quantifié les principaux effets économiques qu’aurait le développement de l’éolien en mer sur la pêche », constate qu’il existe « un risque de perte d’emplois dans le secteur de la pêche » et que « nulle part n’a été réussie la conciliation de la pêche et de l’éolien en mer ».
  De son côté, la Commission pêche du Parlement européen dans un rapport de février 202I insiste sur le fait que « toute restriction d’accès aux zones de pêche traditionnelles a des répercussions directes sur les moyens de subsistance des pêcheurs de l’Union et les emplois connexes à terre », et que « l’approvisionnement responsable et durable en denrées alimentaires et la sécurité alimentaire s’en trouvent compromis. » Les parcs éoliens modifient la répartition spatiale et l’abondance des espèces marines pêchées, la courantologie et sont généralement fermés pour des raisons de sécurité. Ce sont les pêcheries artisanales qui sont particulièrement touchées car elles ne sont pas toujours en mesure de se rendre dans d’autres zones de pêche plus éloignées.
  La Commission pêche a conclu que « les parcs éoliens en mer ne devraient être construits qu’en l’absence d’incidences négatives sur les plans environnemental et écologique ainsi que sur les plans économique et socioculturel, conformément aux objectifs de l’économie bleue et du pacte vert pour l’Europe ». Elle fait amèrement remarquer « que les études empiriques récentes ne comportent pas d’évaluations des effets économiques et socioculturels des énergies renouvelables en mer sur la pêche » et, en l’absence de données fiables, « appelle au principe de précaution quant à la construction de parc éoliens offshore. »
  Ces recommandations sont délibérément ignorées par les très puissants intérêts du lobby éolien et les États. Comme le sont ces témoignages poignants de pêcheurs déjà confrontés aux parcs éoliens que la Commission a entendu :
  • SHOT Job, aux Pays-Bas : « Ils prétendent que la zone autour des éoliennes crée une sorte de paradis de la biodiversité. C'est exactement le contraire. Ce sont des zones mortes… Avec ce qui est construit ou décidé en Mer du Nord, 25% des zones traditionnelles de pêches sont déjà occupées…Il faut comprendre que nous sommes chassés de la mer. »
  • RAMSGATE Steve, en Angleterre : « Pour une raison quelconque, je ne sais pas ce que c'est, mais il n’y a pas de poissons dans le parc éolien. Cette zone est pratiquement stérile. (…) La région était autrefois un lieu de pêche privilégié. » 
  • STELLENDAM Jaap, aux Pays-Bas : « Nous sommes en train de nous faire exclure de la mer. Le domaine dans lequel nous pouvons travailler devient de plus en plus petit. »
  C’est donc l’ensemble de la pêche française côtière qui est menacé de disparition pour un programme éolien en mer d’intérêt climatique nul dans le contexte français, dangereux pour la sécurité d‘alimentation électrique, économiquement insoutenable, avec des promesses fallacieuses d’emploi et de fortes dépendances étrangères et ravageur pour nos paysages littoraux et leur riche biodiversité.
  D’où viendra le poisson que nous mangerons dans 20 ans ? Ker Oman est aussi le nom d’un bien triste futur !
 

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