le 28 mai 2014
Par arrêt rendu ce 28 mai 2014, le Conseil d’État, à la demande de plusieurs associations opposées au développement de l’éolien terrestre, a annulé l’arrêté du 17 novembre 2008, modifié par arrêté du 23 décembre 2008, fixant le tarif d’achat d’électricité éolienne. L’analyse d’Arnaud Gossement, avocat spécialisé en droit de l’environnement et associé du cabinet Gossement avocats.
Voici – enfin – le terme d’une procédure interminable. Certes, l’arrêté tarifaire de 2008 est annulé. Mais la décision du Conseil d’État rendue ce 28 mai 2014 met aussi un terme à l’instruction d’un recours introduit en… 2008. Cela fait donc plus de cinq années que les acteurs de la filière éolienne attendent de savoir si le tarif d’achat va ou non être annulé. Une épée de Damoclès qui a considérablement perturbé l’économie de ce secteur, créant un climat d’incertitude préjudiciable. D’une certaine manière, l’annulation de l’arrêté tarifaire de 2008 constitue un épilogue et doit permettre de tourner la page. Car la ministre de l’Écologie a immédiatement réagi en annonçant la publication prochaine d’un nouvel arrêté tarifaire. Le trou d’air devrait – espérons-le – être de très courte durée.
Le motif de l’annulation de l’arrêté tarifaire de 2008
L’arrêt du Conseil d’État ne constitue pas véritablement une surprise. À la suite d’un premier arrêt de la Haute juridiction du 15 mai 2012 puis de l’arrêt du 19 décembre 2013 par lequel la Cour de justice de l’Union européenne avait répondu à une question préjudicielle adressée par le Conseil d’État, il ne faisait plus de doute que le régime juridique de l’obligation d’achat d’électricité, défini aux articles 5 et 10 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, relève du régime des aides d’État défini à l’article 8 du Traité.
L’arrêté tarifaire de 2008 ne pouvant être légalement publié sans avoir fait l’objet, au préalable, de la procédure de notification par un État membre de tout projet d’aide d’État, il encourait l’annulation. L’arrêt rendu ce 28 mai 2014 par le Conseil d’État précise ici : « considérant qu’il résulte de l’interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l’Union européenne et des motifs précités de la décision du 15 mai 2012 du Conseil d’État que l’achat de l’électricité produite par les installations utilisant l’énergie mécanique du vent à un prix supérieur à sa valeur de marche dans les conditions définies par les arrêtés attaqués, a le caractère d’une aide d’État ; que ces arrêtés, pris en méconnaissance de l’obligation de notification préalable à la Commission européenne résultant de l’article 88 paragraphe 3 du traité instituant la Communauté européenne sont entachés d’une illégalité de nature à en entraîner l’annulation ».
Une annulation rétroactive
Le principe est bien établi : lorsque le Juge administratif annule une décision administrative, cette dernière disparaît de l’ordonnancement juridique et est présumée n’avoir jamais existé. L’annulation contentieuse est donc en principe rétroactive. Par exception, à certaines conditions bien précises, le juge administrative peut moduler dans le temps les effets de l’annulation d’une décision administrative. Il peut ainsi prévoir que l’annulation ne vaudra que pour l’avenir.
Au cas présent, le Conseil d’État a refusé, toujours sans surprise, de procéder à une telle modulation : l’annulation de l’arrêté tarifaire de 2008 est donc rétroactive. Pour le reste, il convient de rappeler que le Conseil d’État était saisi de la seule question de la légalité de l’arrêté tarifaire de 2008. Il ne lui appartenait pas d’exposer toutes les conséquences de l’annulation ainsi prononcée. Cela appartient désormais à l’Etat et, possiblement, à la Commission européenne.
Vers un nouvel arrêté tarifaire
Par un communiqué de presse publié le jour même de la lecture de la décision du Conseil d’État, la ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie a indiqué : « À la suite de l’annulation, prononcée aujourd’hui par le Conseil d’État, de l’arrêté du 17 novembre 2008 fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les éoliennes terrestres, Ségolène Royal prend un nouvel arrêté offrant le même tarif d’achat à l’éolien terrestre. » Cet engagement de la ministre prive d’intérêt la discussion sur le point de savoir si l’annulation de l’arrêté tarifaire de 2008 aurait pu avoir ou non pour effet de « réactiver » l’arrêté tarifaire de 2001. L’arrêté de 2008 avait en effet été pris à la suite de l’annulation de celui de 2006. Il est toujours possible de discuter de la légalité du précédent arrêté, celui de 2001 mais il n’en demeure pas moins qu’il n’avait pas été annulé. Certes, il a été abrogé par l’arrêté du 17 novembre 2008 (article 8). Mais cette abrogation a été elle-même annulée. Il était possible de s’interroger sur le point de savoir si l’arrêté du 8 juin 2001 aurait pu être appelé à produire de nouveau des effets de droit à la suite de l’annulation de l’arrêté du 17 novembre 2008. Cette discussion demeurera cependant théorique et c’est heureux.
En réalité, la première conséquence de la décision du Conseil d’État est donc d’amener l’État à mettre un terme à une trop longue période d’incertitude. Le nouvel arrêté tarifaire devait être publié dans les jours prochains. Certes, plus aucun nouveau contrat d’achat ne peut être signé depuis ce 28 mai 2014 sur le fondement de l’arrêté tarifaire de 2008 mais cette situation ne devrait donc pas durer.
La question du remboursement délicate à anticiper
La deuxième conséquence de la décision du Conseil d’État concerne les contrats d’achat signés depuis 2008 entre le titulaire de l’obligation d’achat et les producteurs, sur le fondement de l’arrêté aujourd’hui annulé. Ces contrats ne devraient pas être remis en cause, du moins pas par l’État français. Il convient ici de distinguer deux risques pour les contrats d’achat d’ores et déjà signés: le risque lié à l’annulation rétroactive des arrêtés de 2008, le risque lié à l’obligation éventuelle, pour l’État français, de récupérer les sommes versées. Sur le deuxième point, il est délicat de se prononcer dès à présent et d’anticiper l’analyse qui pourrait être celle de la Commission européenne. Il est en tout cas délicat de déduire de la seule lecture de l’arrêt du Conseil d’État une quelconque obligation de récupérer auprès des producteurs les intérêts que ces entreprises auraient acquittés si elles avaient dû emprunter les aides sur les marchés. Sur le premier point, il existe un « précédent » qui doit cependant être manié avec grande précaution, les circonstances de droit n’étant pas tout à fait identiques. Il convient de rappeler le Conseil d’État, par arrêt rendu le 12 avril 2012, avait annulé certaines dispositions des arrêtés des 12 janvier et 16 mars 2010 fixant les fixant les conditions d’achat de l’électricité produite par les « installations utilisant l’énergie radiative du soleil ». Il avait ainsi jugé irrégulière la modulation du tarif d’achat en fonction uniquement de l’usage d’un bâtiment. Se posait la question de savoir si les contrats d’achat conclus sur le fondement de cette disposition et fondés sur un tarif d’achat à 58 c€/kWh étaient ou non remis en cause. Par une lettre du 27 décembre 2012, le Directeur de l’énergie avait indiqué que les contrats ainsi conclus jusqu’au 11 avril 2012 inclus n’étaient pas remis en cause.
L’arrêt rendu ce 28 mai 2014 par le Conseil d’État soulève cependant d’autres questions. L’une d’entre elles concerne le remboursement de la CSPE. Sur ce point, par une délibération du 28 mai 2014, la Commission de régulation de l’énergie a indiqué : « La CRE a été saisie à ce jour de 40.000 demandes de remboursement de tout ou partie de la contribution au service public de l’électricité (CSPE), fondées notamment sur l’illégalité du tarif éolien. L’annulation du tarif d’achat éolien de 2008 ne donne pas droit à un remboursement de la CSPE ». Cette question paraît donc, à court terme tout au moins, réglée. Une autre question est celle de la portée de cet arrêt du Conseil d’État pour les autres régimes d’obligation d’achat. Certes, l’arrêt du Conseil d’État ne concerne que le tarif d’achat éolien. Mais la question de la conformité des autres dispositifs tarifaires dont bénéficient les autres sources d’énergies renouvelables ne manquera pas d’être posée.
Prochaine étape : le projet de loi sur la transition énergétique ?
À court terme cependant, la question qui préoccupera le plus les producteurs reste celle de la pérennité de l’arrêté tarifaire qui devrait se substituer dans les jours prochains à l’arrêté de 2008 qui vient d’être annulé par le Conseil d’État. Le projet de loi de programme sur la transition énergétique pourrait en effet réaménager les conditions de soutien au développement des énergies renouvelables. En matière de tarif d’achat, le dispositif du « guichet ouvert » pourrait être couplé voire peut être remplacé à terme par des dispositifs d’appels d’offres. Nul doute que la filière éolienne étudiera avec attention les dispositions de ce projet de loi qui devrait normalement être rendu public d’ici la fin du mois de juin.
Louna B. dit :
29 mai 2014 à 01:00
N’hésitez pas à crier victoire, Maître.
Ce qui arrive est exceptionnel. Peu d’industriels et aucun citoyen ne peuvent s’enorgueillir d’un tel exploit: Toucher indûment des subventions et ne pas devoir les rembourser.
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