Le projet de loi sur la Transition énergétique

Hervé Kempf
08/08/2014

Commentaire : à noter que récemment (novembre 2016), Hervé Kempf, rédacteur en chef de Reporterre, a refusé d'être décoré de l'Ordre national de la légion d'honneur à la demande de la ministre Ségolène Royal. C'est tout à son honneur.
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Le gouvernement a adopté le 30 juillet le projet de loi sur la « Transition énergétique ». Un texte obsédé par l’idée de la croissance, et qui donne les clés de la politique énergétique française à EDF, GDF et Areva.

En voici quelques extraits concernant à la fois, l'énergie nucléaire et les énergies renouvelables.

(...) "...Derrière le dogme se joue une partie subtile qui consiste à ne rien changer de réel dans la structure énergétique et de pouvoir de la France. Comme l’a répété Ségolène Royal en conférence de presse à la sortie du conseil des ministres,« le nucléaire est le socle de la politique énergétique de notre pays ».

Tout le jeu consiste dès lors à maintenir la part absolue du nucléaire : certes, l’énergie nucléaire doit passer de 75 % à 50 % de la production électrique globale, mais si la production électrique augmente, il y aura toujours autant de nucléaire.

Il sera « plafonné », annonce-t-on. Dans la négociation qui s’est déroulée depuis un mois, le plafond est même passé de 62 gigawatts en juin à 63,2 gigawatts en juillet. Admirez la précision du 63,2, qui signifie qu’EDF a imposé un calibrage précis du parc nucléaire qu’il entend maintenir dans les prochaines décennies.

Mme Royal a donné l’explication, pour ceux qui ne comprendraient pas : « La part du nucléaire dans la production d’électricité va passer de 75 % à 50 % grâce à la montée en puissance des énergies renouvelables ».

Ainsi, amis écologistes, qui admirez les éoliennes de cent mètres de haut qui poussent dans les paysages que vous aimez, qui vous extasiez à la vue des centrales solaires qui gagnent les terrains abandonnés, comprenez bien que tout ceci ne fera pas reculer d’un pouce l’énergie nucléaire. Vous aurez et le nucléaire, et le massacre des paysages. C’est ça, la croissance verte.

Au fait, Mme Royal poursuit : « Énergies renouvelables sur lesquelles nos grands opérateurs énergétiques français, EDF, GDF, Areva, etc., investissent. Et il est donc très important aussi que ces grands opérateurs énergéticiens qui sont parmi les plus performants à l’échelle planétaire investissent dans les énergies renouvelables, puissent conquérir des brevets, des innovations, et soient à l’offensive dans la transition énergétique mondiale »

Vous rêvez de relocalisation, de solutions adaptées, de techniques douces, de coopératives de citoyens ? Passez votre chemin. La transition, ce n’est pas vous, c’est EDF, GDF et Areva.


Ségolène Royal et Stéphane Le Foll en conférence de presse le 30 juillet

Et comment va-t-on faire pour maintenir la consommation électrique à un niveau élevé et croissant ? Bon, on compte sur toutes les applications électroniques, ordinateurs, téléphones, écrans, etc., pour faire grimper les kilowatts.

Car si un effort réel est fait pour réduire la consommation de fossiles, ce qui est une bonne chose, en agissant sur les logements, ce qui est bien, on se réduit pour l’essentiel à cela. La sobriété n’est pas à l’ordre du jour : ça n’est pas très bon pour la croissance, n’est-ce pas ?

Le miracle des bornes de recharge d’autos électriques

Alors, en avant pour la voiture électrique, qui est la voie d’avenir pour sauver les deux mamelles historiques de l’industrie française, la voiture et le nucléaire.

Le transport représente, à côté du logement, le grand poste de consommation d’énergie. On pourrait avoir une politique de transports urbains, de limitation de l’étalement urbain, de développement du vélo. Non. Le seul point réellement abordé dans ce domaine est celui du soutien à la voiture électrique.

Et vas-y pour diverses subventions, bonus, défiscalisations, qui pousseront les bons citoyens français à acheter l’auto magique, et en avant pour installer sept millions de bornes de recharge desdites autos.

Sept millions ?
Reporterre s’est demandé combien coûtait une borne électrique de recharge. Difficile d’obtenir des chiffres précis. Quand on en installe à titre expérimental à Arques, dans le Nord, cela coûte 14 000 euros. Une autre source indique une fourchette allant de 5 000 euros à 20 000 euros.

Soyons optimistes, et prenons le chiffre de 6 000 euros la borne. Voyons, 6 000 multiplié par sept millions, cela fait…. non, on ne copie pas sur son voisin… hmm…. 42 milliards d’euros !




Oh, qu’il est joli, ce chiffre. Quarante deux milliards d’euros

Mais interrogeons la ministre. Combien vont coûter ces sept millions de bornes ?
Reporterre a posé la question à Mme Royal. Réponse : « Nous devons faire le pari collectif qu’en lançant un marché qui va monter en puissance, le prix des bornes électriques, par définition, va baisser. (…) Les industriels vont faire un effort et vont baisser le prix ».

- Quel chiffre ?, interroge le reporter.

- On verra. Et c’est financé par le programme des investissements d’avenir
"

Donc, on ne sait pas combien ça va coûter, mais une estimation de 40 milliards d’euros est une bonne base de départ, et cela va être payé par les fonds publics.

Voilà une loi qui fera au moins quelques heureux : les fabricants de bornes électriques.

Récapitulons : on maintient le nucléaire à son niveau actuel, on encourage les gros joueurs dans l’énergie renouvelable - qui sont les grands opérateurs nucléaires -, on subventionne les dispositifs consommateurs d’électricité.

Tout va bien...(...)

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