Les éoliennes accroissent-elles les émissions de CO2 ?

Audrey Garric
Photo : GABRIEL BOUYS / AFP



Un vent de tempête souffle sur l'éolien outre-Manche. Lundi 9 janvier, un rapport publié par le think tank britannique Civitas a relancé le débat entre les pro et anti-turbines. L’objet du litige: Cette énergie censée être propre et renouvelable se révèlerait en réalité chère et inefficace en termes de réduction des émissions de CO2 comparée au nucléaire ou au gaz. Pire, elle entraînerait davantage de rejets de gaz à effet de serre en faisant appel aux centrales à gaz ou à charbon, par à-coups, en cas de manque ou d’excès de vent.


"Il n'existe pas de justification économique à l'énergie éolienne", conclut sans ambages l’étude du cercle de réflexion indépendant, qui recommande au gouvernement britannique d’abandonner son projet de construire 32 000 turbines d’ici 2020, faute de quoi le pays serait incapable de remplir ses objectifs de réduction des émissions de CO2.


Le rapport, rédigé par l’économiste et ancienne conseillère du gouvernement britannique Ruth Lea, et non-soumis à l’évaluation des pairs, se base essentiellement sur deux travaux: Une étude des consultants en ingénierie Mott MacDonald (juin 2010), qui suggère que les conditions météorologiques britanniques en hiver conduisent souvent à une combinaison de temps froid avec très peu de vent, rendant les parcs éoliens incapables de rivaliser avec d'autres formes d'énergie lorsque la demande est à son plus haut ; et le rapport (octobre 2011) du physicien retraité hollandais Kees Le Pair, qui pointe une consommation accrue de carbone par l'éolien, lorsque les coûts de l'intermittence et de la construction sont pris en compte.


Trois rapports menés par des experts notoirement anti-éolien, note le journaliste duGuardian Leo Hickman, qui a décrypté l’étude de Civitas avec l’aide des internautes. Si le cercle de réflexion maintient ses assertions, les ONG contre-attaquent. 


Alors, quels sont les arguments économiques pour et contre ?


Les arguments contre l’énergie éolienne.

- Le problème de l'intermittence. Comme le vent est une source d’énergie ni fiable ni régulière, les turbines doivent être couplées avec une source d’électricité disponible immédiatement. Quand le vent ne souffle pas - ou souffle trop fort lors des tempêtes – le gaz, le charbon ou le nucléaire prennent ainsi le relais pour assurer un approvisionnement en électricité continu du pays. Au final, les éoliennes ne produisent de l'énergie qu'environ 30 % du temps ce qui implique des coûts économiques et écologiques élevés pour cette énergie d’appoint, estime Civitas. "En fonctionnant seules, les centrales à gaz les plus efficaces émettent moins de dioxyde de carbone que l’éolien couplé au gaz. Sans compter qu'avec l'éolien, les consommateurs payent deux fois: Pour l'énergie renouvelable, et pour les combustibles fossiles qu'ils continuent à consommer", accuse le rapport.


- Les coûts additionnels. Construire des turbines produit du dioxyde de carbone, surtout pour l’offshore qui nécessite des structures massives. Il faut environ dix-huit mois de fonctionnement pour compenser ces coûts énergétiques, estime le rapport de Kees Le Pair. Et chaque éolienne doit être remplacée tous les 12 à 30 ans. Leur réparation a aussi un coût, de même que leur connexion au réseau électrique. Les turbines dépendent par ailleurs de l'électricité pour démarrer et réchauffer leurs composants.


- En intégrant tous ces coûts supplémentaires, Ruth Lea conclut que l’éolien est de loin l’énergie la plus chère: 177 euros le MWh pour l’onshore (dont 73 euros de coûts additionnels) et 217 euros par MWh pour l’offshore (81 euros de surcoûts) contre 82 euros pour le nucléaire, 117 pour le gaz et 135 pour le charbon.


- Le coût est aussi écologique, estime quant à lui Kees le Pair. Le chercheur hollandais a estimé qu’un parc éolien de 300 MW, fonctionnant pendant 21,5 heures lors d’une journée normale en termes de vent, a nécessité la consommation de 47 150 m3 de gaz naturel, provoquant une émission supplémentaire de 117,9 tonnes de CO2 dans l'atmosphère.

Les arguments pour l’énergie éolienne.


- Une compétitivité accrue. Un rapport établi par l'agence économique Bloomberg en novembre 2011 soutient que la performance des parcs éoliens s’est améliorée tandis que leurs coûts ont baissé. "Le coût de l'énergie produite par les éoliennes onshore a chuté de 14 % à chaque doublement de la capacité installée entre 1984 et 2011. Aujourd’hui, les parcs les plus performants dans le monde produisent une énergie compétitive avec celle des centrales à charbon, à gaz ou du nucléaire. La moyenne des fermes atteindra ce niveau en 2016", indique le rapport. En prenant en compte le coût du carbone émis, l’éolien serait déjà aussi rentable que le gaz.


- Une interconnexion positive. Le rapport pour 2050 de la Fondation européenne pour le climat prouve qu’une plus grande interconnexion des parcs éoliens en Europe réduirait l’utilisation de gaz de 35 % à 40 %. Plus les pays connectent des éoliennes sur le réseau électrique, et moins ils ont besoin de faire appel à d’autres énergies en cas d’absence de vent puisqu'ils peuvent faire appel aux productions renouvelables étrangères. Ce que le rapport de Civitas semble massivement sous-estimer.


- Une intermittence minime. Lorsque moins de 20 % de la production électrique provient de l’éolien, l'intermittence représente moins de 10 % des coûts de production, soit 11 euros de surcoût (et non les 73 euros cités par Civitas), assure,études à l'appui, Robert Gross, directeur du Centre de recherche britannique sur l’énergie. Par ailleurs, Gordon Edge, directeur des études au sein du groupe pro-énergies renouvelables RenewableUK, cité par le Telegraph, note que l’étude de cas de Kees Le Pair se base sur une seule ferme éolienne, et non sur plusieurs à l’échelle d’un pays, augmentant donc artificiellement les effets négatifs de l’intermittence.


- Des énergies non renouvelables coûteuses. "Les émissions de carbone liées à la construction et au maintien des parcs éoliens sont faibles comparées à celles entraînées par le fonctionnement des centrales de combustibles fossiles", poursuit Robert Gross. Ainsi, les prix imbattables du nucléaire font fi du démantèlement des centrales ou de leur amélioration ainsi que de la gestion des déchets. Des coûts additionnels que le rapport de Civitas a omis de calculer pour les énergies fossiles.

Commentaire: «Compétitivité accrue» et pourtant le citoyen paye toujours plus cher son électricité. «Une interconnexion positive» sauf que les principaux pays européens faisant appel à l'énergie éolienne ont des pics de production au même moment et des «absences de vent» en même temps. Difficile dans ces conditions de ne pas avoir recours à d'autres sources d'énergie. 


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