Enseignement: Pécresse/Vallaud-Belkacem, même objectif: Le modèle US

10 JUIN 2015 | PAR RAOUL MARC JENNAR

Vous vous souvenez quand Mme Pécresse, femme de la droite décomplexée, sévissait comme ministre de l’Enseignement supérieur ? Elle fit adopter par la majorité de droite l’autonomie des universités. Aujourd’hui, Mme Vallaud-Belkacem, femme de la droite complexée, ministre de l’Education nationale, impose par décret l’autonomie des collèges.

Qu’est-ce qui se cache derrière cette volonté de donner progressivement aux établissements d’enseignement une autonomie qui, à terme, sera totale ? La capacité de les mettre en concurrence.


Ceux qui connaissent le contenu de l’Accord général sur le commerce des services, cet AGCS entré en vigueur en 1995, ceux qui s’informent sur la négociation en cours (lire le dernier numéro de la revue Manière de Voir) de l’Accord sur le Commerce des Services savent que nos gouvernements, qu’ils appartiennent à l’une ou l’autre droite, poursuivent depuis plus de 20 ans, le même but: Privatiser toutes les activités de service. On trouvera sur le site de l’OMC (www.omc.org), la nomenclature des 12 secteurs et des 160 sous-secteurs qui sont visés par cette volonté de privatisation. Il y a eu d’abord les services financiers, puis l’énergie, puis les transports et ensuite bien d’autres activités qui concernent notre vie de tous les jours. Aujourd’hui, il s’agit de s’attaquer à des secteurs jusqu’ici quelque peu épargnés: La santé, la sécurité sociale et l’enseignement.


Il s’agit de mettre fin à des droits consacrés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme et de réserver l’accès à l’éducation, à la culture, à la santé à celles et ceux qui pourront payer ces services. Quitte à s’endetter toute leur vie pour se les offrir et devenir ainsi des sujets dociles du système. C’est la victoire du modèle anglo-saxon de société sur celui qui avait un temps triomphé chez nous aux lendemains de la Deuxième guerre mondiale.


À cette fin, les tenants de ce modèle d’une société du chacun pour soi et de la concurrence de tous contre tous disposent de relais puissants dans la classe politique française.


Grâce à la French-American Foundation, les USA modèlent les futurs dirigeants européens afin qu’ils servent les objectifs américains. Créée en 1976 avec l’appui de Valéry Giscard d’Estaing, cette Fondation organise des programmes d’échanges, des séminaires de formation et anime des commissions de travail.


Mme Pécresse (en 2002) comme Mme Vallaud-Belkacem (en 2006-2007) ont participé à ces programmes de formation dont l’objectif officiel est « la recherche de solutions partagées » entre la France et les USA. Toutes deux sont devenues des « Young leaders ». Comme, avant elles, parmi beaucoup d’autres, David Kessler qui se réjouissait, en 2012, que le programme de Sarkozy ait pour objectif le démantèlement des réalisations du programme du Conseil National de la Résistance. Ce que poursuivent d’ailleurs très bien deux autres « Young leaders », François Hollande et le commissaire européen Moscovici (tous deux de la promotion 1996), ainsi que Bruno Le Roux, le président du groupe PS à l’Assemblée nationale (promotion 1998). C’est un autre « Young leader », de la promotion 1983-1984, Jean-Marie Colombani, qui écrivait « nous sommes tous Américains », lorsqu’il dirigeait le journal Le Monde.


Nul ne s’étonnera que cette French-American Foundation ait pour partenaires, l’Ambassade des USA à Paris, l'American Chamber of Commerce, HEC et l’OCDE, ce bureau d’études du capitalisme international qui recommandait de constitutionnaliser la fameuse concurrence libre et non faussée. Et on ne sera pas davantage surpris que parmi les généreux donateurs qui financent les activités de cette Fondation se trouvent AIG, Citigroup, Lazard Frères, BNP Paribas, la Banque transatlantique, L’Oreal, Merryl Linch et bien d’autres firmes qui ont toutes un pied de chaque côté de l’Atlantique.


Il n’est pas inutile de souligner que la négociation terminée d’un accord UE-Canada comme celle en cours d’un accord UE-USA ont parmi leurs objectifs d’accélérer la privatisation des activités de service et leur mise en concurrence. De ce point de vue, Mmes Pécresse et Vallaud-Belkacem ont bien préparé le terrain. L’enseignement public en France ne verra pas la fin de ce siècle. Et comme le redoute très justement Régis Debray, que Mme Vallaud-Belkacem range parmi les « pseudos intellectuels », on prépare à « faire de l’élève un client ».


À moins qu’enfin, les peuples d’Europe se soulèvent et rejettent la nouvelle servitude qui se met en place.


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