Bâtiment : des bâtons dans les roues de la neutralité carbone

La rédaction 
08.04.2019


 

Lors de la signature de l’Accord de Paris sur le climat, en 2015, la communauté internationale s’est engagée à définir un cadre d’action concret permettant de contenir le réchauffement des températures terrestres en dessous de 1,5 ou 2°C d’ici la fin du siècle
Pour y parvenir, les États ont notamment souligné la nécessité de diminuer de 40 à 70% les émissions mondiales de dioxyde de carbone d’ici l’horizon 2050.

En France, la stratégie énergie-climat dans le bâtiment, premier consommateur d’énergie et deuxième émetteur de CO2, est ambitieuse. Problème, et surtout gros paradoxe : les énergies décarbonées sont pénalisées au détriment des énergies fossiles… Explications. 


L’électricité française, une des moins polluantes d’Europe
Si l’Union Européenne a fixé des objectifs précis à atteindre en matière de lutte contre le réchauffement climatique, chaque État membre est libre d’adopter la politique énergétique qu’il souhaite. Les stratégies énergétiques qui sont mises en place par les pays du Vieux Continent affichent à ce titre certaines disparités. Notamment dans le secteur de la production d’électricité, au sein duquel le choix des ressources a un impact majeur et direct sur l’environnement.
Grâce à un mix électrique fortement décarboné, la France fait partie des pays où l’électricité est la plus respectueuse de l’environnement. L’énergie électrique consommée au quotidien (également appelée énergie finale) est en effet issue de technologies qui n’émettent pas de gaz à effet de serre. Il s’agit de l’énergie hydraulique et nucléaire, utilisées depuis plusieurs décennies dans l’Hexagone, ainsi que les énergies renouvelables solaires et éoliennes depuis le début des années 2000.
Si l’on se base sur le bilan électrique 2018 de la France, on peut constater que la part de l’énergie hydraulique dans le mix électrique français s’est élevée à 12,5% ; celle du nucléaire à 71,7% ; celle de l’énergie éolienne à 5,1% et celle du solaire à 1,9%.
Sur 100 kilowattheures produits en France, 86 sont donc totalement décarbonés : aucune émission de CO2 n’est intervenue dans la production de cette électricité. 


La RT2012 pour améliorer le bilan carbone du bâtiment
Le bâtiment est considéré comme le secteur le plus énergivore de notre économie. Il consomme plus de 40% de l’électricité produite en France et génère annuellement près d’un quart des émissions de dioxyde de carbone.
Améliorer l’efficacité énergétique des logements français est donc un des axes de travail prioritaires du gouvernement dans le cadre de la transition énergétique pour la croissance verte.
Pour parvenir à améliorer le bilan carbone du secteur du bâtiment, l’Etat a décidé de mettre en place en janvier 2013 une nouvelle règlementation thermique pour les logements collectifs et les maisons individuelles.
Baptisées RT2012, ces nouvelles dispositions contraignantes visent à favoriser l’efficacité énergétique du bâti et à limiter la consommation d’énergie primaire d’un bâtiment neuf à 50 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an kWhep /m²/an).
La législation française impose de tenir compte de l’énergie nécessaire à la production et au transport de l’électricité dans le calcul de la valeur d’un kWhep.
Pour ce faire, un coefficient est appliqué à l’énergie primaire (ressource non transformée) pour en déterminer sa valeur en énergie finale. Pour l’électricité, ce coefficient s’élève à 2,58. Pour les énergies fossiles (gaz et fioul notamment), ce coefficient est égal à 1.





Le paradoxe énergétique français

1 kWh d’électricité correspond donc à 2,58 kWhep. Selon les conventions établies par la RT2012, une consommation maximale de 50kWhep/m²/an équivaut donc à une consommation maximale d’électricité de 19 kWh/m²/an d’électricité. Toujours selon les mêmes conventions, les énergies fossiles ne subissent aucune majoration. En d’autres termes, la RT2012 autorise un logement fossile à consommer 50kWhep/m²/an d’énergies fossiles pour couvrir ses besoins thermiques (chauffage, eau chaude)… soit 2,58 fois plus qu’un logement électrique.
Ce mode de calcul peut paraitre particulièrement paradoxal dans un pays comme le nôtre. La RT2012 pénalise en effet l’électricité renouvelable, hydraulique et nucléaire malgré ses avantages indéniables (pas ou peu polluantes, produites sur le territoire national ce qui renforce notre indépendance énergétique et qui affichent un coût compétitif).
Pire, la RT2012 favorise le recours aux énergies fossiles qui, en plus d’être néfastes dans la lutte contre le réchauffement climatique, ne permet pas aux citoyens d’optimiser le coût de leur facture énergétique (énergie importée, prix de marché variable, taxe carbone…). Un comble lorsqu’on sait que le gouvernement encourage la fin des chaudières au fioul dans l’habitat d’ici 10 ans.
Quand on veut sortir des énergies fossiles, il est paradoxal de demander plus d’efforts à l’électricité décarbonée produite sur le territoire national qu’aux énergies fossiles importées”, déplore Brice Lalonde, ancien ministre et président de l’association Équilibre des énergies.

C’est pourquoi, dans une logique aussi bien climatique qu’économique, j’appelle à revoir le coefficient de conversion de l’électricité en énergie primaire à la baisse (…). Grâce à cette mesure, un ensemble de solutions propres et économes, allant de la pompe à chaleur aux radiateurs connectés et intelligents, seront davantage accessibles aux Français, leur permettant ainsi de se désintoxiquer des énergies fossiles, tout en participant à la réussite des objectifs climatiques”.


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