Allemagne, transition énergétique : le nouveau gouvernement encore plus " Grünen " que le précédent..., jusqu'au bout de la nuit pour l' Europe?

  Quelques réactions à la lecture du nouveau contrat de coalition concernant la transition énergétique :




  Assurément, cela fout les chocottes!
  " En ce qui me concerne, j’ai toujours été fasciné par les détenteurs de vérité qui, débarrassés du doute, peuvent se permettre de se jeter tête baissée dans tous les combats que leur dicte la tranquille assurance de leurs certitudes aveugles. "
  Pierre Desproges, le tribunal des flagrants délires

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Le nouveau gouvernement allemand veut accélérer la transition énergétique



  À l´issue des élections fédérales en septembre 2021, les Sociaux-démocrates (SPD), les Verts (Bündnis 90/Die Grünen) et les Libéraux (FDP) sont parvenus fin novembre 2021 à un accord pour former un gouvernement. Le nouveau gouvernement a pris ses fonctions le 8 décembre 2021, le social-démocrate Olaf Scholz a été élu chancelier par le parlement.
  Leur coalition « feu tricolore », surnommée ainsi en raison des couleurs des trois partis, a rendu public le 24 novembre 2021 un document posant les bases de leur collaboration pour les 4 prochaines années, le traditionnel contrat de coalition.
  Bien que n´étant pas juridiquement contraignant, ce document permet aux partis membres du gouvernement de se positionner sur les sujets majeurs en détaillant les grandes lignes du programme des quatre prochaines années avec pour mot d´ordre : Oser plus de progrès – Alliance pour la Liberté, l´Équité et la Durabilité.
  Le nouveau gouvernement en Allemagne plaide pour une économie socio-écologique de marché et fait la part belle à la lutte contre le changement climatique. L´atteinte des objectifs de l´accord de Paris sur le climat est la priorité absolue. Il est prévu de créer un ensemble de règles pour mettre l´Allemagne sur la voie de +1,5 °C, selon le préambule du contrat de coalition.
  En supprimant les obstacles au développement des énergies renouvelables un nouveau rythme sera apporté à la transition énergétique. Une part de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité est maintenant visée d´ici 2030 contre 65% par le gouvernement sortant.
  Confirmant l´arrêt des dernières centrales nucléaires d´ici 2022, le nouveau gouvernement souhaite aussi accélérer la sortie du charbon, actuellement prévue pour 2038, et l´avancer à 2030 « dans l´idéal ». Le présent texte résume les grandes lignes de la politique commune du nouveau gouvernement en matière de climat et énergie.


Présentation du contrat de la coalition « feu tricolore » Sociaux-démocrates, Verts et Libéraux le 24 novembre 2021

  Le contrat de coalition de 177 pages décrit au chapitre III « Protection du climat dans une économie socio-écologique de marché » les grandes lignes de la politique commune en matière de climat et énergie /1/.
  « La crise du climat menace notre liberté, notre sécurité et notre bien-être », assure le préambule du contrat de coalition. L´atteinte des objectifs de l´accord de Paris sur le climat est la priorité absolue. Il est important de redéfinir l´économie sociale de marché mise en place en Allemagne de l´Ouest
après la deuxième guerre mondiale en tant qu´économie socio-écologique de marché.

Protection du climat
  Le gouvernement souhaite aligner sa politique climatique, énergétique et économique sur une limitation à 1,5 degré Celsius de l´augmentation de la température. Dans l´avenir la protection du climat jouera un rôle central dans tous les projets de loi. Un stress-test climatique « Klimacheck » devient obligatoire pour les nouvelles lois afin de vérifier leur compatibilité avec les objectifs climatiques.
  Critiqué par la Cour Constitutionnelle de Karlsruhe, le gouvernement de Mme Merkel avait avancé l´objectif de neutralité carbone à 2045 il y quelques mois, tout en laissant ouvertes les mesures pour y parvenir /2 /.
  Le nouveau gouvernement a l´intention de mettre en place un programme d´urgence pour la protection du climat avec des lois et mesures concrètes avant fin 2022.
  L´instrument central de la politique climatique sera le système européen d´échange de quotas d´émission : EU SEQE. L´Allemagne s´engagera au niveau européen pour un prix minimum de la tonne CO2 de 60 €. Si l´Union européenne ne parvient pas à un accord sur un prix minimum, l´Allemagne envisage des mesures nationales appropriées.
  L´Allemagne plaide également pour la création d´un deuxième système d´échange de quotas d’émission pour les secteurs de la chaleur et des transports et un système européen unique d´échange de quotas d´émission dans tous les secteurs à partir des années 2030.
  Pour réduire les émissions de CO2, il est prévu de conclure avec l´industrie électro-intensive des « carbon contracts for difference » (CCfD) [contrats de différence de carbone], qui visent, pour des technologies ou des secteurs donnés, à combler le différentiel entre le coût de la technologie de décarbonation et le prix du CO2 sur le marché par une compensation de l´État.
  En outre, le gouvernement soutient la proposition de la Commission européenne de création d´un « carbon border adjustment mechanism » [mécanisme d'ajustement aux frontières du carbone], consistant à mettre un prix du carbone sur les importations de certains biens en provenance de l´extérieur de l’UE ce qui pousserait les partenaires de l´UE à relever leurs ambitions climatiques et réduirait le risque de « fuite du carbone ».
  En plus de la création des puits de carbone naturels, le gouvernement reconnait la nécessité des puits de carbone technologiques et compte élaborer une stratégie à long terme pour gérer les
quelque 5 % d´émissions résiduelles inévitables.

Secteur électrique

  Le pronostic de la consommation d´électricité est relevé un niveau plus réaliste à l´horizon de 2030. Alors que, dans la dernière version de la Loi sur les énergies renouvelables /3/, entrée en vigueur début 2021, le gouvernement sortant tablait encore sur une consommation brute d´électricité de 580 TWh en 2030, le nouveau gouvernement part d´une consommation brute de 680 à 750 TWh d´ici 2030 suite à l´électrification accrue des autres secteurs de l´économie par de nouveaux consommateurs.

Développement des énergies renouvelables

  Le nouveau gouvernement vise une part de 80% d´énergies renouvelables dans la consommation brute d´électricité d´ici 2030 au lieu de 65% auparavant. L´atteinte de ce nouvel objectif est très ambitieux, surtout dans le contexte d´une consommation d´électricité croissante. Cela signifie au moins un doublement de la production renouvelable par rapport à 2020 : 252 TWh. La simplification des procédures de planification et d´autorisation des renouvelables pourrait toutefois jouer un rôle d´accélérateur.
  D´ici 2030, il est prévu d´augmenter la capacité du photovoltaïque à 200 GW, mi-2021 : 56 GW, et celle des éoliennes en mer à 30 GW : mi-2021 : 7,8 GW. Les chiffres entre parenthèses se basent sur des informations de l´Agence Fédérale des Réseaux /4/.
  Pour mémoire : dans la dernière version de la Loi sur les énergies renouvelables, le gouvernement sortant visait à l´horizon de 2030 100 GW photovoltaïque, 20 GW éolien en mer et 71 GW éolien terrestre /3/.
  À l´horizon de 2045 le nouveau gouvernement table même sur une capacité de 70 GW d´éoliennes en mer ce qui est à la limite de la faisabilité. Une étude publiée en 2020 /5/ conclut qu´une telle capacité prospectée dans la Baie Allemande de la Mer du Nord pourrait avoir, à cause de l´effet de sillage, un impact négatif sur le facteur de charge, un fait qui doit être pris en compte pour la planification future.
  Aucune valeur cible n´est fixée pour les éoliennes terrestres dans le contrat de coalition. Leur développement est prioritaire, mais uniquement en tenant compte d´autres contraintes comme la protection de la nature. La superficie réservée aux éoliennes terrestres passerait à 2% du territoire contre actuellement ~ 0,9% selon /6/ soit une augmentation de leur capacité de 100 à 130 GW, mi-2021 : 55 GW, d´après évaluation de l´Association de l´Industrie de l´Énergie et de l´Eau (BDEW) /7/.
  L´accélération du développement des énergies renouvelables nécessite également une
modernisation accrue des réseaux électriques selon le contrat de coalition.

Abandon du nucléaire et du charbon

  L´attitude négative du gouvernement allemand vis-à-vis du nucléaire persiste. La sortie du nucléaire d´ici fin 2022 est maintenue. Comme le gouvernement sortant, la coalition « feu tricolore » continue à combattre avec obstination l´énergie nucléaire également au niveau européen et milite en faveur de la fermeture des « réacteurs à risque » situés à proximité de la frontière allemande.
  Nouveau est son engagement au niveau européen pour que l´énergie nucléaire supporte elle-même les coûts qu´elle engendre. La société allemande d´énergie nucléaire (KTG) suppose que le gouvernement veut s´investir dans des exigences accrues en matière de financement du démantèlement, de la gestion des déchets et de la responsabilité civile des exploitants nucléaires.   Des conflits avec les pays voisins pro-nucléaires sont donc prévisibles.
  En revanche, le contrat de coalition ne mentionne pas explicitement la taxonomie de l´Union Européenne ni pour le nucléaire ni pour les centrales à gaz naturel.
  Un point positif : le nouveau gouvernement soutient la sélection d´un site de stockage définitif pour les déchets hautement radioactifs, ainsi que l´achèvement et la mise en service de l´ancienne mine de fer de Konrad, prévue pour le stockage définitif des futurs déchets de faible et moyenne activité à vie courte.
  La loi actuellement en vigueur prévoit l´abandon du charbon en 2038. Le nouveau gouvernement souhaite accélérer la sortie du charbon et l´avancer à 2030 « dans l´idéal ». Le fait que la coalition gouvernementale ait l´intention de ne pas accorder de compensations financières supplémentaires pour l´avancement de la sortie du charbon risque toutefois de donner lieu à des conflits avec les énergéticiens.

Construction de nouvelles centrales à gaz et monitoring de la sécurité d´approvisionnement
  Le gouvernement se prononce clairement en faveur de la construction de nouvelles centrales à gaz comme technologie de transition pour garantir l´approvisionnement en cas de la sortie avancée du charbon. Elles doivent être construites de manière à pouvoir être converties à terme aux gaz neutres pour le climat : H2-ready. Une étude de Boston Consulting pour le compte de la Fédération de l´Industrie évalue le besoin de nouvelles centrales à gaz d´ici 2030 à environ 40 GW /8/.
  Néanmoins, il est loin d´être assuré que la capacité nécessaire pourra trouver des investisseurs et être disponibles à temps. La construction de nouvelles centrales à gaz n´est pas rentable car les heures de fonctionnement seront de plus en plus réduites au fur et à mesure du développement des énergies renouvelables. Les investisseurs ne pourront pas récupérer via le marché « energy only » les moyens financiers nécessaires au financement des coûts fixes des centrales et l´État ne se prononce actuellement pas sur les incitations qu´il accordera aux futurs investisseurs.
  De plus il faut tenir compte non seulement des délais de planification, autorisation et construction, mais aussi, à moyen terme, de la perspective de l´utilisation de l´hydrogène, de sa disponibilité suffisante et d´une infrastructure d´hydrogène appropriée pour l´approvisionnement des centrales.
  En revanche, il faut saluer le fait que le nouveau gouvernement souhaite contrôler régulièrement la sécurité d’approvisionnement et le développement des énergies renouvelables et pour cela améliorer le monitoring de la sécurité d´approvisionnement d´électricité et de la chaleur. L´étude de scénarios
« worst case » [pire cas] comme stress-test, déjà demandés par la Cour des Comptes /9/, est prévue.

Suppression de la charge de soutien des énergies renouvelables
  Face à la hausse des prix de l´énergie, le financement de la charge de soutien pour les renouvelables sera assuré à partir de 2023 par l´État, en grande partie grâce aux recettes provenant de la taxe carbone.
  Le gouvernement a l´intention de supprimer complètement les subventions des renouvelables après l´abandon du charbon. Il faudrait donc créer, dans le cadre de la réforme envisagée du marché de l´électricité, des possibilités de recettes suffisantes pour maintenir un rythme élevé de développement des énergies renouvelables après 2030.

Secteurs du chaud, du froid et des transports
  Une augmentation de la part des énergies renouvelables à 50% dans le chauffage des bâtiments est visée d´ici 2030. Cet objectif est très ambitieux, si l´on considère qu´actuellement seulement 15% ont été réalisés.
  Les décisions nécessaires seront prises pour atteindre la décarbonisation du secteur de la mobilité.  Entre autres sont prévus :

  • 15 millions de voitures électriques et un million de bornes de recharge à l´horizon 2030 : le gouvernement sortant visait 7 à 10 millions de véhicules électriques en 2030 /12/
  • Développement du transport ferroviaire et du transport en commun
  • Fin du moteur thermique à terme

Plan National de Déploiement de l´Hydrogène
  Le Plan National de Déploiement de l´Hydrogène de 2020 /10/ sera adapté. Au moins 10 GW, au lieu de 5 GW précédemment, d´électrolyseurs seront prévus en 2030, le développement des réseaux d´hydrogène sera accéléré.
  L´utilisation de l’hydrogène ne sera pas limité à certains domaines d´application. Mais l´hydrogène vert en tant que « vecteur énergétique » sera utilisé dans un premier temps là où il n´existe actuellement aucune alternative aux combustibles fossiles.
  La production de l´hydrogène étant électro-intensive, les énergies renouvelables de l´Allemagne ne pourront pas à elles seules y suffire. Une grande quantité d´hydrogène sera importée à moyen
terme.


Pilotage de la transition énergétique
  Dans le passé, la Cour des Comptes a critiqué la coordination et le pilotage de la transition énergétique par le Ministère Fédéral de l´Économie et de l´Energie /11/.
  Au vu de l´ampleur de la tâche, un super Ministère Fédéral de l´Économie, de l´Énergie et du Climat a été créé, dirigé par Robert Habeck, le codirigeant du parti des Verts et vice-chancelier.

Perspectives
  Comme déjà dit plus haut, le contrat de coalition n´est pas juridiquement contraignant mais une feuille de route. Sa mise en œuvre sera donc largement tributaire de la réalité voire du réalisme
politique mais aussi des ministres responsables…


Références
/1/ SPD (2021) Koalitionsvertrag 2021 – 2025 zwischen SPD, Bündnis 90/Die Grünen und FDP, en ligne : https://www.spd.de/koalitionsvertrag2021/
/2/ Allemagne-Energies (2021) Le Conseil des Ministres allemand adopte le 12 mai 2021 le projet révisé de la Loi Fédérale sur la Protection du Climat (Bundes-Klimaschutzgesetz) suite au jugement de la Cour Constitutionnelle Fédérale, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/05/13/le-conseil-des-ministres-allemand-adopte-le-12-mai-2021-le-projet-revise-de-la-loi-federale-sur-la-protection-du-climat-bundes-klimaschutzgesetz-suite-au-jugement-de-la-cour-constitutionnelle-feder/
/3/ Allemagne-Energies (2020) Amendement à la loi EEG (Erneuerbare Energien Gesetz) – le coup de pouce espéré pour les énergies renouvelables ? En ligne : https://allemagne-energies.com/2020/09/24/amendement-a-la-loi-eeg-erneuerbare-energien-gesetz-le-coup-de-pouce-espere-pour-les-energies-renouvelables/
/4/ BNetzA (2021) Kraftwerksliste, Bundesnetzagentur, en ligne : https://www.bundesnetzagentur.de/DE/Sachgebiete/ElektrizitaetundGas/Unternehmen_Institutionen/Versorgungssicherheit/Erzeugungskapazitaeten/Kraftwerksliste/start.html
/5/ Allemagne-Energies (2020) Le développement de l´éolien maritime dans la partie allemande de la Mer du Nord tributaire de l’effet de sillage, en ligne : https://allemagne-energies.com/2020/04/17/le-developpement-de-leolien-maritime-dans-la-partie-allemande-de-la-mer-du-nord-tributaire-de-leffet-de-sillage/
/6/ Umweltbundesamt (2019) Flächenanalyse Windenergie an Land, en ligne : https://www.umweltbundesamt.de/publikationen/analyse-der-kurz-mittelfristigen-verfuegbarkeit-von
/7/ BDEW (2021) Koalitionsvertrag gibt Grund zu Optimismus für mehr Tempo bei der Energiewende, Communiqué de presse du 24.11.2021, en ligne : https://www.bdew.de/presse/presseinformationen/koalitionsvertrag-gibt-grund-zu-optimismus-fuer-mehr-tempo-bei-der-energiewende/
/8/ BCC/BDI (2021) Climate Paths 2.0, A Program for Climate and Germany’s Future Development, en ligne : https://web-assets.bcg.com/02/a6/91958a6f4287a0490e24ef56d2b5/climate-paths2-summary-offindings-en.pdf
/9/ Allemagne-Energies (2021) La Cour des Comptes allemande critique à nouveau la transition énergétique du gouvernement fédéral, en ligne : https://allemagne-energies.com/2021/04/06/la-cour-des-comptes-allemande-critique-a-nouveau-la-transition-energetique-du-gouvernement-federal/
/10/ Bundesregierung (2020) Le gouvernement fédéral adopte une stratégie hydrogène. Bundesregierung Deutschland. En ligne : https://www.bundesregierung.de/breg-fr/actualites/wasserstoffstrategie-kabinett-1758986.
/11/ Allemagne-Energies (2018) Selon la Cour des comptes allemande la transition énergétique est au bord de l´échec, en ligne : https://allemagne-energies.com/2018/09/28/selon-la-cour-des-comptes-allemande-la-transition-energetique-est-au-bord-de-lechec/
/12/ OFATE (2020) Mémo sur le programme climatique 2030 de l’Allemagne, Office franco-allemand pour la transition énergétique, en ligne : https://energie-fr-de.eu/fr/societe-environnement-economie/actualites/lecteur/memo-sur-le-programme-climatique-2030-de-lallemagne.html

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