Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, épisode XXVIII

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on amène d'autant plus aisément les jeunes gens à les contracter qu'on leur fait entendre que la faculté de divorcer les remettra en pleine liberté, si à leur retour ils veulent se marier librement et à leur gré.
  Cette spéculation criminelle sur les fonds de la République a déjà eu plusieurs exemples dans les communes des environs de Paris. Les jeunes gens, ayant été d'abord rassemblés très près de leurs parents, ont eu l'occasion de les voir souvent ; ils les ont facilement induits à se prêter à cet agiotage.
  Maintenant qu'ils sont casernés à dix lieues [~48km] de la capitale, on trouve des prétextes pour leur faire obtenir des petits congés de trois ou quatre jours.
  Je sais que plusieurs mariages de cette nature sont sur le point de se réaliser, et qu'on attend incessamment les jeunes gens pour les conclure.
  On pourrait arrêter cet abus par une loi interprétative qui n'étendrait les bienfaits de la République que sur les veuves des soldats mariés avant la réquisition, et qui en exclurait celles de ceux mariés depuis.

5 ventôse an II531, 23 février 1794


Rapport de Bacon, W 112
  L'assemblée générale de la section Guillaume-Tell était nombreuse. On a lu les lois relatives au salpêtre et aux charpentiers532. On a invité les citoyens à faire leur don patriotique pour les défenseurs de la Patrie, et il a été arrêté que si d'ici au 10 courant, les riches de la section ne se montraient pas en frères pour la collecte, leurs noms seraient affichés : applaudissements. On a ensuite parlé longtemps des certificats de civisme : l'esprit public est bon.
  L'assemblée générale de la section du Contrat-Social était très nombreuse. Le secrétaire est resté au moins à la tribune, deux bonnes heures, pour lire toutes les lois. On a aussi lu les noms de tous ceux qui, depuis 1786, n'avaient pas payé leurs impositions. On a pris des arrêtés vigoureux pour cette partie : l'esprit public est révolutionnaire.
  L'assemblée générale de la section des Lombards était extrêmement nombreuse. Un membre a lu un long mémoire dans lequel il a développé toutes les friponneries des bouchers ; et, d'après des examens sérieux et des renseignements certains, il résulte que les bouchers, par leur cupidité, gagnaient au moins trois cents pour cent sur leur viande qu'ils vendaient ; que leurs ateliers, je veux dire leurs étaux, étaient le vrai tombeau des sans-culottes : murmures d'indignation. Ce même membre a aussi dit que si, de tous les états, il y avait réellement trois bons patriotes chaque, le peuple ne manquerait pas de denrées : vifs applaudissements, et les femmes ont crié : Tous les bouchers sont des scélérats. Une députation de la section de Mutius-Scævola s'est présentée pour dire qu'elle avait regardé comme liberticide l'arrêté du 15 pluviôse [3 février], de la section du Temple533 ; elle a aussi dit qu'elle avait arrêté de se rendre à la Commune pour que les trois détenus au Temple534 fussent envoyés à la Conciergerie ; que cette garde faisait perdre du temps par jour à deux cents sans-culottes. En conséquence cette députation a invité l'assemblée des Lombards à adhérer à son arrêté : vifs applaudissements. Une discussion assez longue s'est engagée. Un citoyen a alors pris la parole et a dit : " Citoyens, je sens comme vous qu'il est répugnant de garder le reste impur de la famille Capet ; mais passons à l'ordre du jour sur l'arrêté de la section de Mutius, je veux dire sur la dernière partie. Rapportons-nous en à la sagesse du Comité de sûreté générale de la Convention, qui a sans doute des raisons politiques pour le petit louveteau! Adressons-nous à lui pour lui communiquer en frères et lui faire part du service pénible qu'exige le Temple. Disons-lui que nous ne verrons que par ses yeux, et que les vrais républicains doivent être esclaves des lois. " Vifs applaudissements. Arrêté à l'unanimité. L'esprit public à la hauteur des circonstances.
   L'assemblée générale de la section de l' Arsenal était nombreuse. On a lu les lois relatives au selpêtre535. On a nommé deux citoyens qui sont robustes et patriotes pour cette partie, d'après la loi. On a parlé des charpentiers536 et des terrains incultes près l' Arsenal : l'esprit public m'a paru bon.
  L'assemblée générale de la section de la Maison-Commune [n° 32, ex " Hôtel-de-Ville ", puis " Maison-Commune ", août 1792, pour finir par " de la Fidélité ", après les évènements du 9 thermidor an II [27 juillet 1794]] était extrêmement nombreuse, et beaucoup du petit peuple. On a parlé longtemps d'un arrêté du Département de Paris qui dit que, les églises étant un bien national, il faut que ces biens soient vendus. Grande discussion là-dessus. Un fort du Port au blé a pris la parole et a parlé en vrai sans-culotte. " Comment? a-t-il dit, on veut que cette église, qui est devenue par nos soins et nos peines un temple à la Raison, soit vendue? Où tiendrons-nous nos séances? Frères et amis, voici le temps où le peuple se rendra à ce temple pour se resserrer autour de nous, et dites-moi quel local vaste nous pourrions trouver? Est-ce donc que les tyrans sont détruits? Ne devons-nous pas être plus que jamais instruits, et ne faut-il pas pour cela que nous nous communiquions naturellement nos idées? Allez, allez, ne craigniez rien ; jamais la Convention ne trouvera mauvais ce que nous faisons, car elle sait que les scélérats de rois existent. Je demande donc que le local soit gardé. " Applaudissements. Quenet 537 [1749 ou 1753- 1794 ; "... Le 9 Thermidor, 27 juillet 1794, vers les cinq heures du soir, la commune insurrectionnelle de Paris envoie trois administrateurs de police - Henry, Tanchon et Quenet - libérer Lavalette, Boulanger et Vilate, qu'on pense rallier à la cause robespierriste... " ; il sera guillotiné le 11 thermidor an II [29 juillet 1794], de la Commune, a parlé contre cette proposition : non applaudi. Enfin, on tiendra les séances dans le temple de la Raison. On a lu aussi les lois relatives aux impositions : l'esprit public est bon.


Façade de l'église Saint-Gervais Saint-Protais qui servait de lieu de rassemblement pour les assemblées générales de la section Maison-Commune. Photo : Tangopaso . Source

  Il est arrivé considérablement d' œufs ; mais le beurre est toujours rare. Malgré les cris de certaines femmes, le peuple fera avec plaisir le carême civique [ "...Pendant l'hiver 1793-94, la situation s'aggrava, ni la Vendée ni la Normandie n'envoyaient plus de bestiaux. Ceux qui avaient des vivres les cachaient, les marchands dissimulaient leurs approvisionnements, d'ailleurs, fort restreints, le mot accapareur sonnait mal et faisait courir danger de la vie à celui à qui il s'appliquait. On parla encore du « Carême civique », et l'affaire fut portée devant la Convention dans sa séance du 3 ventôse an Il : 21 février 1794. Le représentant Barère demanda à la Convention d'inviter les citoyens à recommencer le carême civique de l'an passé. Le représentant Legendre ne voulait pas se contenter d'une invitation, il proposait que le « Carême civique », le « jeûne républicain » fût ordonné par décret. Le représentant Cambon fit remarquer qu'on copiait les prescriptions des religions anciennes, qu'il valait mieux s'en rapporter au patriotisme de chacun. Ce fut l'avis auquel se rangea la Convention. Le « Carême civique » n'en trouva pas moins ses fidèles, plus nombreux que l'année précédente. Les jeûneurs renoncèrent même à porter des souliers. Ils prirent des sabots afin qu'il y eût plus de cuir pour confectionner les chaussures des soldats. Le Carême civique fut ainsi une mise en pratique publique de la loi de l'offre et de la demande dont se sont depuis tant occupés les économistes : Louis Lucipia " ; source]. Dans un cabaret de la rue de Charenton, on parlait de ce carême. On disait : " Il n'y a pas à reculer, car nous sommes arrivés trop loin pour mettre les pouces. S'il faut ne manger que du pain, il faut s'y accoutumer. " Ce langage était tenu par des femmes du petit peuple.
   Le peuple se plaint de ce que les voleurs sont en si grand nombre, et de ce que la police ne les surveille pas de près.
  D'après des renseignements pris, je dénonce un grand abus. Aux ci-devant Blancs-Manteaux538, on donne des chemises à faire pour les défenseurs de la Patrie. Eh bien! le croirait-on, il y a des femmes qui gardent chez elles des trois et quatre mois, de la toile, des culottes, des guêtres ; et, par le moyen des commissaires chargés de cette partie, c'est ainsi qu'aux frontières nos soldats manquent de ces objets.
  Paris tranquille.

Rapport de Charmont, W 112
  L'affluence continue aux portes des bouchers d'une manière effrayante, la rumeur s'empare des femmes. L'arrêté de la Commune539 qui ordonne de traduire au Tribunal révolutionnaire ceux qui feraient des attroupements aux portes des bouchers a failli y mettre le comble ; on se permettait même des phrases qui n'étaient pas à l'avantage des autorités constituées, et même de la Convention, où on disait que c'était sa négligence qui nous avait conduit au bord du précipice où nous sommes, qu'il était bien temps de faire un maximum lorsque le mal était à son comble. Ajoutez que l'on débitait que nous éprouvions des revers dans toutes nos armées, que l'on nous cachait tout cela, que la Convention venait de faire (sic) des courriers sur courriers pour tâcher de remédier, s'il lui est possible ; et une infinité d'autres nouvelles que la malveillance se plaît à débiter et qui ne fait qu'aigrir de plus en plus les citoyens qui ne sont qu'indisposés. Partout dans les cafés, on ne fait que parler de la misère qui nous menace. La guillotine n'est point à craindre à présent ; pour mourir de faim, autant vaut la guillotine. Voilà ce qu'on dit, et ce qu'on pense. On voit d'un mauvais œil l'avenir. En un mot chacun ne sait de quoi penser de tout cela.
  On prétend qu'il y a des étrangers, ou du moins des gens qui sont payés par les ennemis de la République et qui se trouvent partout ; ils vont jusque dans les ateliers des salpêtriers voir ce qu'on y fait et ce qu'on y dit, et contredisent les opérations, et voudraient que l'on change ce qui est fait, le tout pour entraver la marche et l’activité que montrent tous les bons citoyens.
  On voudrait que la Convention établisse une école d'équitation à Paris pour instruire la jeunesse à monter à cheval, ce qui pourrait nous être utile un jour à venir ; on est las de voir les enfants ne point recevoir cette nouvelle instruction qui doit faire un jour le bonheur des générations futures.
  On se plaint de ce que les journaux défigurent les faits tels qu'ils sont rendus aux assemblées, et induisent très souvent le public en erreur. Aujourd'hui le Moniteur en date du 5 ventôse a mis en tête de l' article " Tribunal révolutionnaire ", en leur place il a mis " Opéra comique nationale " 540, ce qui a fait beaucoup murmurer ; si c'est une plaisanterie, elle est fort mal placée, car les lecteurs n'en étaient pas du tout contents.

Rapport de Dugas, W 112

  La Halle était aujourd'hui peu garnie. De petits merlans et beaucoup de harengs saurs, qui se vendaient très cher, composaient à peu près tout ce qu'il y avait.
  La veille on s'était porté en foule chez les grainetiers, et on avait enlevé tout ce qu'on y avait trouvé et au prix qu'on avait voulu. Aussi ne peut-on plus avoir ni lentilles ni haricots ; et, si par hasard on pouvait s'en procurer, on manquerait de beurre pour les préparer.
  Il est arrivé de très beau bois à l' Île Louvier [Louviers ; "... Lorsque la Ville de Paris la rachète en 1700, l’île Louviers est simplement couverte de pâturages. On décide alors de la louer à des marchands de bois qui s’en serviront comme lieu de stockage. Les Frères Savary nous en donnent un aperçu dans le “Dictionnaire universel de Commerce” (1750) : “ Les marchands de bois – outre les chantiers attenant leurs maisons, qu’ils ont en plusieurs lieux de la Ville de Paris, pour les bois légers -, ont aussi un lieu au dessous de l’Arsenal, au bout du quai des Célestins, où ils font aborder et gardent les bois carrés trop pesants et trop incommodes pour être transportés ; comme sont les poutres, poutrelles, poinçons, pannes, chevrons, sablières, etc. Ce lieu s’appelle L’Île Louviers. On y entre par un pont de bois, qui porte, d’un bout, sur le bas du quai des Célestins et, de l’autre, sur l’île.” ; source], et on peut s'en procurer avec assez de facilité. 
 

Île Louviers, Plan de Jaillot, 1775. Source

  L'esprit public est bon ; la disette des denrées les plus nécessaires, la malveillance de ceux qui la provoquent, ne sauraient l' altérer. On se dit que tout ceci n'est qu'une privation passagère, qu'il est juste que nous nous passions de manger de la viande pour que nos frères qui versent leur sang pour notre liberté n'en manquent pas, et il n'y a pas de carême patriotique qu'on ne soit pas prêt à supporter.
  On a parlé, dans l'assemblée de la section de Guillaume-Tell, des résultats heureux qui proviennent de la fabrication du salpêtre. On en extrait beaucoup dans cette section.
  Les mendiants se multiplient dans les rues, et la vue de ces malheureux, dont la grande partie ne peut gagner sa vie par aucun travail, afflige l'humanité.
  On ne peut plus avoir de la chandelle. Cela surprend d'autant plus que jamais on n'avait tué tant de bœufs et de moutons, et qu'il devrait y avoir une plus grande quantité de suif. Quelques personnes prétendent que les nouvelles fabriques de savon, à Bercy et ailleurs, en font une grande consommation, et que c'est une des causes de la disette de chandelle.
  Il s'est répandu, dans la soirée, que nous nous étions emparés de quatre navires anglais, dont deux chargés de grains et les autres de draps.

Rapport de Grivel541, W 112
  ...La pénurie de subsistances, à Paris, devient alarmante. Irritation populaire contre les bouchers. On soupçonne, dans le public, que la Commune pourrait bien voir sans déplaisir une insurrection de la faim contre la Convention.

Rapport de Hanriot542, W 112
  Tous les bons patriotes désirent ardemment la publication de la nouvelle loi du maximum pour la fixation des denrées de première nécessité. Elle semble nécessaire à tous pour déjouer les aristocrates qui, de concert avec les bouchers, se procurent la meilleure viande, tandis que les braves sans-culottes n'ont que les os et les rebuts, même avec la plus grande peine. C'est avec la plus vive indignation que l'on voit les bouchers porter des masses considérables de viande chez ceux que jadis l'on nommait gens comme il faut ; mais en même temps l'on se rassure sur les mesures sages que la Commune doit prendre incessamment pour empêcher de pareils abus.
  L'on blâme unanimement l'arrêté de la section du Temple contre le citoyen Talbot543. C'est en avilissant les autorités constituées, dit-on, qu'on sème les germes d'une contre-révolution, et c'est avec raison que le Conseil de la Commune a rejeté et défendu l'impression de cette adresse où cette section prétendait justifier ses inculpations contre les bons citoyens qu'elle accusait de royalisme et de fayettisme [ "... Les jeux semblaient alors faits : très tôt, dès septembre 1789, la Constituante avait refusé l’hypothèse d’un Sénat, car toute séparation du pouvoir législatif semblait offrir à l’aristocratie la possibilité d’une revanche qu’il fallait à tout prix éviter pour consolider le nouveau régime naissant. Dès lors, peu importait que le Sénat fût électif ou composé par des pairs nommés par le roi. Modèle américain et modèle anglais étaient, l’un comme l’autre, et ce, malgré leurs profondes différences, voués aux gémonies. L’accusation de vouloir constituer une deuxième chambre, allant de pair avec celle d’aristocratie, était ainsi devenue l’un des lieux les plus communs de la polémique patriote. C’est pour cette raison que les Feuillants, lors de la révision constitutionnelle de juillet-août 1791, n’envisagèrent pas de remettre en question l’unité de la représentation nationale. Pour autant, le modèle américain n’avait pas perdu de son attrait. Du moins pour Lafayette et pour son entourage, qui demeuraient favorables à l’exemple politique des États-Unis. La correspondance de Lafayette avec Washington et les rumeurs concernant sa personne attestent de sa cohérence sur le sujet29, mais ce n’est qu’à l’automne 1791, lorsque la Législative, sous l’impulsion des brissotins, sembla remettre en cause les équilibres approuvés quelques semaines plus tôt, que purent s’ouvrir d’étroites marges d’initiatives. [...]Pour Lafayette et ses proches, la question semblait se poser différemment : face aux premières difficultés du modèle monocaméral, il s’agissait de promouvoir l’image du Sénat électif à la fois comme recours aux valeurs de 1789 et comme modèle de stabilité, capable de sauver le nouveau régime. [...] il ne fait donc aucun doute que Lafayette demeurait un patriote, le chef d’un parti « américain » qui disposait d’une importante notoriété sur le plan international, notamment parmi tous ceux qui avaient partagé avec lui l’expérience de la guerre d’Indépendance. [...] Au début de 1792, le projet politique de Lafayette était donc désormais arrêté : favoriser la révision de la Constitution en s’inspirant du modèle américain. La guerre était ainsi à la fois le moyen de battre les émigrés (même par le biais d’une paix immédiate avec l’Autriche) et de combattre la menace interne des jacobins.[...] l’éloge de la Constitution américaine de 1787, qui avait remplacé les articles de la confédération, impliquait que, en France, les bons patriotes auraient pu également réformer la charte de 1791 et se réunir, à l’instar des États-Unis, autour de l’introduction d’une seconde chambre qui aurait rééquilibré la prépondérance de l’Assemblée législative sur l’Exécutif... " ; source]
 

Le jeune marquis de La Fayette portant son uniforme de major général de l'armée continentale par Charles Willson Peale.

  Il s'est formé hier sur la place de la Révolution une petite émeute au sujet de cette nouvelle que la guerre de la Vendée, loin d'être finie, allait recommencer comme de plus belle ; que le général Charette remontait la Loire avec 68.000 hommes. L' auteur de ce propos était un vieillard à cheveux blancs ; on l'injuria, on le traita de vieux aristocrate, il fut même question de le faire arrêter comme contre-révolutionnaire ; mais le plus grand nombre s'y opposa en disant qu'en raison de son grand âge il fallait le regarder ou comme un fol, ou comme un imbécile.
  Une grande joie s'est manifestée dans les cafés au sujet de la rupture que l'on assure s'être formée entre les Prussiens et les Autrichiens. C'est dans cette rupture que l'on voit la prompte humiliation des tyrans coalisés. C'était au milieu de cris répétés de : Ça ira! Vive la République! que l'on applaudissait aux succès infaillibles de la campagne prochaine. Dans cette allégresse, les sarcasmes et les brocards se dirigent principalement contre le duc de Brunswick, auquel les Autrichiens ont refusé d'obéir. " Voilà donc, dit-on, ce fameux conquérant qui se flattait il y a dix-huit mois, de rétablir le tyran sur son trône, et de paraître au premier spectacle de la capitale après avoir remis les Français sous le joug qu'ils venaient de secouer! ".

Rapport de Latour-Lamontagne, W 112
  " Il y a, n'en doutons point, disait-on au Café militaire, rue Saint-Honoré, il y a une conspiration contre la République, dirigée par ceux mêmes qui affectent le plus d'être républicain. Ceux qui ourdissent cette trame infernale, sont ceux que Danton et Robespierre ont si énergiquement qualifiés du titre d' ultra-révolutionnaires, et qui s'en sont vengés peut-être en cherchant à abattre une des colonnes de la Liberté ; car qui peut douter aujourd'hui qu'un poison violent n'ait failli priver le peuple de son plus incorruptible défenseur544? Ce sont eux qui disent que Robespierre est un patriote usé, et qui cherchent à établir une distinction odieuse et injuste entre les patriotes de 89 et ceux de 1793. Ce sont ces lâches, cadets en révolution, qui, les uns cachés pendant le combat, les autres combattant eux-mêmes pour la tyrannie, osent, après la victoire, se présenter en foule sur le champ de bataille, et intentent un procès à leurs aînés pour les dépouiller de l'héritage glorieux qu'ils ont conquis avec tant de peines et de fatigues. De toutes les parties de la République on entend que des plaintes sur les arrestations des meilleurs patriotes, les séances de la Convention nationale retentissent de réclamations et de murmures contre le système persécuteur et tyrannique qui se développe chaque jour sous nos yeux. Tout citoyen qui employait sa fortune au soulagement du peuple, ou ses talents à son instruction, ne peut échapper longtemps aux recherches inquisitoires de ces nouveaux despotes, qui ne permettent pas qu'on soulage le peuple ni qu'on l'éclaire. Si la Convention ne se hâte de fixer ses yeux sur ces manœuvres criminelles, il ne reste plus qu'une seule ressource, une seule consolation à l'homme de bien, à celui qui est véritablement pénétré de l'amour de la Patrie, c'est d'aller chercher sous le fer autrichien une mort glorieuse, préférable aux chaînes qu'on nous prépare. — Sois tranquille, mon vieux camarade, a répliqué un citoyen ; la Convention commence à ouvrir les yeux sur les sourdes menées de quelques prétendus patriotes, et les choses ne tarderont pas à changer de face. — Il n'y a pas de temps à perdre, a repris l'autre ; le mal est plus grand qu'on ne pense, et, je ne crains pas de le dire, la Liberté court plus de risques dans Paris qu'aux frontières et dans la Vendée. " On a paru frappé de ces réflexions ; mais on a témoigné en même temps la plus grande confiance dans les sages mesures que la Convention nationale se propose de prendre à cet égard545.

Rapport de Le Breton, W 112
  Le citoyen Ronvaux546, notaire à Abbeville, en Picardie, se plaignait hier de ce qu'après avoir été absous par le Tribunal révolutionnaire, et subi une longue détention, le lendemain de son élargissement il s'était présenté chez lui un individu qu'il ne connaît pas, avec une petite feuille contenant deux couplets de chanson en l'honneur de son patriotisme, et en le félicitant sur la justice que lui avaient rendue ses juges. Ajoutait Ronvaux qu'il n'avait pu mieux reconnaitre ce procédé qu'en invitant ce particulier à manger la soupe avec sa famille ; qu'à l'issue du dîner l'inconnu le prit dans un coin de son appartement, et lui dit qu'il lui fallait de l'argent pour les frais de l'impression de ces couplets, et qu'il lui offrit 30 livres, et qu'à force d'être persécuté sur la modicité de cette somme, il donna 60 livres, et que sa femme encore ne put se tirer d'embarras qu'en donnant 20 livres, ce qui fait 80 livres. L'inconnu tira là-dessus sa révérence, en disant qu'il donnerait de ses nouvelles, qu'ils se nommait Le Blanc, et qu'il demeurait à la place Saint-Michel.
  Il est a observer qu'au Tribunal révolutionnaire, il y va des curieux qui, après avoir pris des renseignements sur les citoyens que le Tribunal acquitte, se transportent chez eux, et, sous un faux patriotisme, les mettent à contribution.
  On lisait hier chez un traiteur du jardin des Tuileries une lettre d'un canonnier de la section de la Montagne, qui est dans nos armées du Midi, datée de Bresme547, département des Hautes-Alpes, qui se plaignait du peu d'approvisionnements de son armée. Il disait qu'ils ne trouvaient que de la neige à manger. Il ajoutait que rien ne ralentissait l'ardeur française, et que sous peu de temps ils se mettraient en marche pour faire le siège de Turin.
  Le peuple paraît aujourd'hui plus content. Il a trouvé avec plus de facilité de la viande et les choses à son usage.
  On vend toujours à bon compté à la section de la Fontaine-de-Grenelle, à la classe indigente, des légumes, du sucre, du café, trouvés chez les accapareurs mis en arrestation.
  La ville est très tranquille.

Rapport de Le Harivel, W 112
   D'où vient, disait-on dans les marchés, sur les places et ailleurs, cette pénurie de denrées de toute espèce? Ce n'est pas de la malveillance, comme on le prétend, car elle jouerait un très mauvais rôle, surtout en ce moment où les têtes sont montées à un tel degré que l'on aurait peine à en soustraire les auteurs à la fureur du peuple, mais bien de la crainte de manquer de tout à fait de ces mêmes denrées ; et, en voici la preuve : des femmes répandues dans tous les quartiers, sont à l'affût de leur arrivée, s'en emparent aussitôt et en privent, par ce moyen, les citoyens qui attendent paisiblement chez eux l'heure d'aller aux marchés où ils croient trouver ce qui leur est nécessaire ; mais, obligés de s'en retourner les mains vides, ils prennent le parti d'attendre aussi dans les carrefours l'arrivée ou la nouvelle de l'arrivée des denrées chez tel ou tel marchand de tel ou tel quartier, chez lequel ils se transportent, et en enlèvent sans beaucoup de peine le peu qui s'y trouve : de là la disette, qui n'était que factice, devient réelle par le renouvellement journalier de ces scènes qui se multiplieront à l'infini si l'on ne prend pas des mesures efficaces pour protéger l'arrivage de tout ce qui est nécessaire à la vie, pour empêcher la vente ailleurs que dans les marchés, et les accaparements particuliers. On pense que des visites domiciliaires pourraient prévenir cet abus qui devient un crime dans des moments de disette ; une livre de beurre, de lard, de viande, un ou deux litrons de haricot, etc, de plus qu'il n'en faut pour la consommation d'un ménage, ne laissent pas de faire un objet, en calculant le nombre des ménages dans Paris qui, toujours dans la crainte de ce qui leur sera nécessaire pour trois, quatre, cinq, six et huit jours, selon le plus ou moins de difficultés qui se présentent.
  Marseille va, dit-on, être rasée comme la ville de Lyon. [ " Marseille accueillit d'abord les idées nouvelles avec enthousiasme, mais l'opinion et la municipalité évoluent et se structurent en opposition, principalement à la suite de la répression contre les Girondins. La municipalité devient sectionnaire, avec un Comité général des 32 sections de Marseille qui se crée le 1er mai 1793. Les mouvements s'organisèrent autour des fédéralistes et royalistes. Une Armée départementale des Bouches-du-Rhône fut constituée afin d'aller combattre les troupes de la Convention nationale. [...]À la suite de troubles, les troupes républicaines du général Jean-François Carteaux furent envoyées en expédition punitive et les députés de la Convention Paul Barras, Louis-Marie Stanislas Fréron vint faire respecter les lois dans Marseille désormais baptisée « Sans-Nom ». [...] Sur l'ancienne place royale devenue place de la Liberté, sur la Canebière, plus de 400 têtes tomberont. Sur la place Daviel, du balcon du Palais de justice, aujourd'hui Recette municipale, étaient lues les sentences du Tribunal révolutionnaire au public. Augustin Robespierre présida des séances dans l'Hôtel de Ville de Marseille. Le fort Saint-Jean, fut le théâtre du massacre de 130 détenus sous la Terreur blanche en mai 1795. Les factieux se faisaient appeler " Compagnons du Soleil ". ; source]. Cette nouvelle ne paraît pas faire beaucoup de plaisir. On s'en expliquait ce soir dans un groupe, près le vestibule de la Convention, d'une manière peu satisfaisante. " On veut donc, disait un citoyen, détruire toutes les villes importantes et ruiner complètement le commerce? Il y a tant de sans-culottes qui n'ont point d'habitation : pourquoi, plutôt que de les détruire, ne les leur donne-t-on pas? " Le silence de ceux qui l'entendaient faisaient croire à leur assentiment à cette réflexion.
 

Massacres dans le fort St. Jean à Marseille, / le 17 Prairial an III [5 juin 1795] ; Abraham Girardet, 1764-1823. Musée Carnavalet, Histoire de Paris

  Plusieurs femmes pleuraient de ce qu'elles n'avaient pu rien avoir aux marchés.

Rapport de Mercier, W 112
  Beaucoup se plaignent de ce que les crieurs de journaux se permettent de crier le siège de Luxembourg548, ainsi que le tableau du nouveau maximum549.
  Les riches crient beaucoup de ce qu'ils ne voient pas sur leur table des viandes choisies comme ils le désireraient, mais en récompense les vrais sans-culottes patriotes sont contents de manquer de viande, pourvu, disent-ils, que nos frères qui combattent n'en manquent pas, ainsi que les femmes enceintes et les malades.
  Les vrais patriotes paraissent très contents des mesures de sûreté générale, et trouvent cela très bien fait vu que cela pourra peut-être bien diminuer les brigands de la Vendée qui sont en grand nombre.
  Les émigrés passent pour faire souffrir les patriotes beaucoup plus que les Autrichiens et Prussiens.
  L'on se plaint aussi de ce qu'on renferme des personnes injustement sans prendre garde de leur âge et infirmités, sous de simples soupçons. Un citoyen disait : " Je connais un nommé Boula550 qui s'est toujours dans sa section et dans tout autre temps avec les vrais sans-culottes ; et ce citoyen est détenu il y a déjà bien du temps. "

Rapport de Monic, W 112
  Une personne m'a assuré que la société dramatique du sieur Doyen551, rue Notre-Dame-de-Nazareth, était une société d'aristocrates fieffés et même très dangereux ; que le sieur Doyen donne à jouer sur son théâtre toutes pièces de l'ancien régime ; que les femmes qui jouent sur ce théâtre, pas une n'a la cocarde tricolore, mais de très grosses cocardes blanches à leurs bonnets, ainsi que celles qui assistent à ce théâtre la plus grande partie n'ont que des cocardes blanches à leurs bonnets ; que, pour se convaincre du fait, l'on n'a qu'a faire la visite chez le sieur Doyen, et l'on trouvera une grande armoire toute remplie de ces bonnets à grosses cocardes blanches, que la fille du sieur Doyen fabrique elle-même, et elle en fournit à celles qui en veulent.


   À suivre...

   Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 288-303

531. C. A. Dauban a publié dans Paris en 1795 et en 1794, p. 82-87, les rapports de Bacon et de Latour-Lamontagne du 5 ventôse, et des extraits de ceux de Charmont, appelé : Charmant, et de Siret, appelé : Siru, même date.
532. Pour le salpêtre, il s'agit, très probablement, des arrêtés du Comité de salut public des 16, 17 et 19 pluviôse [4,5 et 7 février], dont Bacon a déjà parlé : cf. t. III, p. 384, note 4. Quant au recrutement, pour travaux dans les départements, de 50 charpentiers parisiens, c'est aussi, comme l'avait dit Bacon lui-même dans son rapport du 6, ci-dessus, 265, le Comité qui l'avait prescrit et réglé : cf. Cam. Richard, Le Com. de sal. pub. et les fabricat. de guerre sous la Terreur, p. 470, 480.
533. C'est l'arrêté dont parle Monic dans son rapport du 18 pluviôse [6 février] : cf. t. III, p. 359 ; cf. ibid., p. 389, note 2. Il a été imprimé : cf. Tourneux, Bibliographie, t. II, n° 8891.
534. Mme Élisabeth et les deux enfants de Louis XVI.
535. Cf. ci-dessus, p. 289, note 2.
536. Cf. ibid.
537. Quenet, Jean-Marie, marchand de bois, membre du Conseil général de la Commune, administrateur de police, mis hors la loi le 9 thermidor [27 juillet] et exécuté le lendemain : Arch. nat., W 434, doss. 975.
538. Dans la rue du même nom. Un atelier d'habillement des troupes y était installé.
539. Nous n'avons pas trouvé trace d'un arrêté de ce genre. Il est peu vraisemblable. Le 11 ventôse [1er mars], le Conseil général prendra bien un arrêté contre les citoyens qui s'attrouperont aux portes des bouchers avant l'ouverture : fixée à dix heures du matin ; mais il se bornera à prescrire que les contrevenants soient mis " au prochain corps de garde, pour y rester jusqu'après la distribution de la viande " : Affiches de la Commune, n° 229.
540. Inexact. La collection originale du Moniteur ne porte rien de tel.
541. Voir le texte de ce rapport dans : P. Caron, Rapports de Grivel et Siret... : Bulletin d'hist. écon. de la Révol., 1920-1921, p. 401-403.
542. Ce rapport d' Hanriot est, dans le carton W 112, classé avec ceux du 9 ventôse [27 février]. Il n'est pas daté. Il n'y en a ni du 4 ni du 5, ni du 6 [22, 23 et 24 février]. Nous le plaçons au 5 ventôse en raison des allusions qu'il contient 1° : à la nouvelle loi du maximum qui n'est pas encore votée : elle ne le sera que le 6 ; 2° : à l'arrêté de la section du Temple, cf. t. III, p. 389, note 2, dont parle également le rapport de Bacon du 5 : ci-dessus, p. 290.
543. Cf. ci-dessus, p. 290, note 1.
544. Cf. ci-dessus, p. 148, note 1.
545. Ici plusieurs mots biffés : " À quand les rapports sur l'affaire de Basire et Chabot? s'écrit-on de toutes parts. "
546. Wallon, Hist. du Trib. révol., ne parle pas de lui. Le Moniteur, réimp., t. XIX, p. 512, le nomme Rouveau, Pierre et dit qu'il était notaire non Abbeville, mais à Belleville, près Paris, et que, ayant été traduit devant le Tribunal révolutionnaire sous l'inculpation de sentiments et de propos inciviques, il fut acquitté le 28 pluviôse an II [16 février 1794].
547. Sic. Nous ne trouvons pas de localité de ce nom, ni d'un nom approchant, dans les Hautes-Alpes.
548. LA forteresse de Luxembourg ne devait être assiégée et prise qu'en prairial an III [mai-juin 1795].
549. Cf. t. III, p. 79, note 2.
550. Pas de renseignements certains.
551. Cette société est mentionnée dans l' Almanach des Spectacles, de 1794, p. 72, qui dit " On peut y louer des loges pour des comédies en société, moyennant une rétribution au propriétaire.

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