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Il a été trouvé, au-dessous du Pont de la Nation, ci-devant Royal, proche les bains de Poitevin517 [c'était le nom d'un bateau, sur deux étages, amarré quai de la Grenouillière en face des Tuileries ; dans ce lieu était proposé des bains chauds ; son ouverture remontait au XVIIIe siècle : " Ce qui l’est moins, c’est l’idée qu’il [Jean Poitevin] va avoir de proposer aux bourgeois de Paris, qui ne bénéficient pas de l’eau à tous les étages et des douches chaudes à volonté, la possibilité de venir prendre un bain dans une maison de bains publics qu’il va installer sur la Seine. Il obtient l’autorisation – le privilège – de s’installer sur la Seine par lettres patentes accordées à lui et à son épouse datées du 7 aout 1760. Ces lettres patentes vont être renouvelées trois fois au cours de sa vie, le 20 janvier 1764, le 25 juillet 1767 et le 14 juillet 1775 (6)(7)(8). Sur ses propres deniers, Jean Poitevin fait construire une péniche, une maison de bains flottante, qui utilise l’eau de la Seine, la filtre plus ou moins et la chauffe, pour offrir dans des cabines individuelles des bains et des douches …… Il est le premier à mettre en place à Paris ce type d’institution, et c’est pour cette raison qu’on retrouve des documents nombreux pour relater cette nouveauté. [...] Le premier établissement ouvre le 28 avril 1761, si l’on en croit le Mercure de France de Mai 1761... " source], dans la Seine, quelques dindons et plusieurs quartiers de cochon, que l'on présume y avoir été jeté exprès. Ces provisions ont été pêchées, et portées à la section de la Fontaine-de-Grenelle, qui a jugé à propos de faire transporter le tout à la Mairie, avec tous les renseignements qu'elle a pu donner à ce sujet. Cette aventure a encore fait tirer des conjectures plus ou moins erronées. Ce que j'ai entendu dire, et ce qui paraît le plus vraisemblable, c'est que ce sont des marchands qui, craignant les visites rigoureuses que l'on fit, ont jeté leurs provisions dans l'eau. On ajoutait que, sous tous les rapports, ils étaient punissables.
Deux planches de l’Encyclopédie de Diderot sont consacrées à cet édifice d’un genre nouveau.
Fig. 1. Élévation extérieure, & 2. plan au rez – de – chaussée d’un bateau de bains publics établis à Paris sur la rivière de Seine en 1761 par Poitevin, baigneur.
Pl. X. & XI. A A, bains des hommes. B B, bains des femmes. E E, petits ponts. F F, passages. G G, escaliers pour monter au premier. H, aisances. I I, corridors. K, chambre de garçons. L, chambre de filles. M M, &c. chambres de bains. N N, chambres à lits. O, chaudière. P, escalier pour descendre au fond du bateau. Q Q, pompes. R, fourneau. S, dessous du fourneau. T T, &c. baignoires. V V, &c. lits. X X, réservoirs. Y Y, lieux pour étendre le linge. Z Z, corridors du premier. & &, terrasses.
Fig. 1. Élévation intérieure. 2. Plan au premier des mêmes bains. a, logement du maître. b, logement des garçons. c, logement du concierge. d d, lingerie des hommes. e, logement de la maîtresse. f, logement des filles. g g, lingerie des femmes. h h, fond du bateau.
On disait dans un café du faubourg Saint-Germain, " Chez Raisson ", que le bureau des Affaires étrangères allait venir s'établir au bout de la rue du Bac, à l'ancien hôtel de...518.
J'ai parcouru les sections du Temple, du Nord et des Gravilliers, et n'ai rien remarqué d'extraordinaire, si ce n'est, rue Saint-Martin au coin de celle de Greneta, dans un café, où il y a encore beaucoup de juifs qui, selon les apparences, font un commerce d'argent, à ce qui m'a paru dans leur langage.
J'ai remarqué, à la Halle au blé, dans les passages de l'hôtel de Soissons519, beaucoup de groupes, et, sur la figure de certains individus, une espèce d'agitation. J'ai demandé pourquoi ce mouvement. On m'a dit que c'étaient des citoyens et citoyennes qui attendaient que les boucheries fussent ouvertes.
Dans le Jardin de l' Égalité, on se plaignait que les traitants et restaurateurs de ces environs accaparaient tous les comestibles et affamaient les marchés, et qu'il n'était plus possible à un citoyen de faire sa cuisine chez lui.
En fait, la ville m'a paru assez tranquille.
Rapport de Le Harivel, W 112
Un citoyen arrivant des environs de Saint-Quentin [département de l'Aisne] était fort étonné, disait-il, de la sécurité dans laquelle on paraissait être ici, tandis que l'ennemi fourrageait jusqu'à Saint-Quentin, et tout le monde sait que de Saint-Quentin à Paris, il n'y a que 28 lieues [135km]. Ce citoyen ajouta que la cavalerie de l'ennemi est considérable et effrayante.
En général l' Armée révolutionnaire est très mal vue dans les départements ; on dit et on croit très fermement qu'elle n'est composée que de brigands. Les fermiers refusent constamment de lui délivrer leurs blés, et lui disent froidement : " Tuez-nous si vous jugez à propos, mais nous vous donnerons pas nos blés. " On ne les tue pas, mais on les force à donner.
Une citoyenne dont le mari est membre de l' Armée révolutionnaire gémissait de ce que cette armée allait être incorporée520 dans les bataillons qui combattent aux frontières ; elle disait qu'il lui avait marqué qu'on leur faisait faire des évolutions et des petites guerres pour les exercer, et les mettre en état de se battre et de se défendre.
On se plaint vivement des horreurs commises par la Commission militaire de Bordeaux521 [ "... Le 16 pluviôse an II [4 février 1794], coup de théâtre, les représentants en mission suspendent les séances de la commission militaire, destituent les membres de la commission de surveillance. [...] On commence à murmurer, à Paris, que la répression manque de vigueur et de cohérence. C’est le temps où la belle Thérèse Cabarrus, compagne du représentant Tallien, prend parfois la défense d’un prisonnier. Le vertueux Robespierre s’indigne, accuse de modérantisme, envoie son fidèle Marc-Antoine Jullien pour surveiller tous les organes révolutionnaires et accélérer la répression. C’est la "Grande Terreur", du 4 juin 1794 au 31 juillet, date à laquelle parvint à Bordeaux la nouvelle de l’élimination de Robespierre. [...] La commission militaire, en huit mois, a prononcé 302 condamnations à mort. Cruel bilan, compte tenu du fait qu’il y avait bien eu quelques semaines de dissidence, mais sans combats contre les troupes de la Convention... " ; source], qui, dans six semaines, a fait fusiller plus de quatre cents personnes. Elle les jugeait si légèrement que, huit ou quinze jours après l'exécution de certains citoyens, elle les réhabilitait. Tous ceux qu'elle a ainsi jugés et fait exécuter n'ont jamais pu obtenir de défenseurs officieux, et, quand ils voulaient eux mêmes plaider leur cause, on leur imposait silence. Il en était de même lorsqu'ils demandaient à venir à Paris pour y être jugés légalement, comme les autres prévenus.
On assure que cette Commission, que l'on qualifie de commission sanguinaire, est en état d'arrestation.
Rapport de Mercier, W 112
Au Palais de Justice, on a voulu terrasser un citoyen qui était en carmagnole, ayant l'air du meilleur patriote. Ce citoyen voulait à toute force persuader les citoyens qui voulaient l'entendre qu'ils étaient aveugles jusqu'au point de ne pas voir que la Convention ne cherchait qu'à les induire en erreur ; et plusieurs citoyens, l'ayant entendu, ont voulu savoir ce qu'il était ; mais, voyant les esprits s'échauffer, il a pris la fuite après avoir reçu plusieurs coups de pied au derrière.
J'ai remarqué que dans différents cabarets le monde y était en grande confusion, et que leur conversation est : " Nous allons par la suite manquer de tout, et, pendant qu'il y a encore du vin, il faut en boire. " Et les citoyennes qui étaient dans ces différents cabarets, l'une montrait une lettre de son mari qui est dans la Vendée, et disait qu'il lui marquait que les brigands y étaient en aussi grand nombre que lorsqu'il y était entré, ce qui paraissait mettre un peu de méfiance dans différents esprits.
On murmure beaucoup de l'inconduite qui règne dans l' Hôpital général522. On assure que beaucoup de femmes qui sont dans cette maison mènent une vie bien pire que celles qui raccrochent publiquement. L' Hôtel-Dieu a à peu près la même renommée. Ces deux maisons passent aussi pour être remplies de l'esprit d'aristocratie.
Il existe dans Paris un commerce qu'il est temps de [sur] veiller ; c'est que j'ai entendu dire que les marchands d'or et d'argent avaient fait le projet de s'emparer de toutes les matières d'or et d'argent qui sont dans Paris, travaillées et non travaillées. On remarque que depuis quelques temps les bijoutiers ne trouvent pas assez d'ouvriers pour les commandes qu'ils ont de tous côtés.
J'ai entendu dire que la société (sic) du rassemblement des aristocrates se raffermissait, que ce rassemblement avait lieu chez un traiteur, mais l'on ne m'a pas pu dire encore où restait ce traiteur. Je vais y veiller afin de pouvoir le découvrir.
Rapport de Monic, W 112
Le peuple s'est porté en foule, dans la matinée, chez les bouchers. La garde y est accourue pour y maintenir l'ordre. L'on a délivré deux livres de viande à chaque personne, et, lorsqu'il n'y a eu plus de viande, l'on a invité les citoyens à se retirer ; c'est ce qu'ils ont fait. Dans la rue des Gravilliers la foule y était de même. Les citoyens ont vu délivrer à une citoyenne de la viande qu'elle emportait dans une serviette, et que l'instant d'après son mari est venu se faufiler pour en avoir à son tour. Les citoyens qui attendaient leur tour, s'en étant aperçus, avertirent la garde pour qu'il n'en eût pas puisque sa femme en avait eu. Malgré ces observations, on lui en délivra plein une serviette. Les citoyens en furent indignés. L'on devrait bien recommander aux citoyens qui sont préposés pour faire distribuer la viande de ne pas faire de passe-droit, parce que cela pourrait bien amener quelque désordre.
Les marchands de volaille à la Vallée523 préfèrent de laisser gâter leurs volailles plutôt que d'en diminuer le prix. L'on a trouvé dans la Seine plusieurs superbes pièces si tellement gâtées qu'elles étaient toutes vertes.
Le boucher qui est dans la rue de Valois, près de la place du ci-devant Palais-Royal était à son étal, sur les sept heures du soir, à vendre sa viande au préjudice de ceux qui attendent le lendemain pour faire leurs provisions chez lui ; il vendait sa viande 20 sols la livre.
Rapport de Perrière, W 112
Mauvais effets des bruits contraires sur la Vendée — Un citoyen, qui me paraissait assez bien intentionné, me disait : " Il y a quelques jours que l'on traitait de contre-révolutionnaires les propos de ceux qui prétendaient que l'armée des rebelles se montait encore à 15.000 ; elle se réduisait, disait-on, à quelques hordes peu nombreuses dispersées dans les bois...524 Et aujourd'hui on annonce un massacre de 5.000 de ces scélérats! " [...Turreau est nommé général en chef de l’armée de l’Ouest, par la Convention, le 27 novembre 1793. Il souhaite faire de la Vendée, avec l’aval du Comité de Salut Public, un « cimetière national » . Turreau fixe au 21 janvier la date de mise a exécution de son plan, dont il envoie les consignes à ces troupes « On emploiera tous les moyens de découvrir les rebelles : tous seront passés au fil de la baïonnette ; les villages, métairies, bois, landes, genêts et généralement tout ce qui peut être brûlé, sera livré aux flammes. » Le plan simple consiste à séparer les armées Républicaines en deux armées de six divisions, chaque division étant séparée en deux colonnes. La première armée commandée par Turreau avancera d’Est en Ouest, la seconde commandée par Haxo marchera d’Ouest en Est. Le général Kléber refusant ses méthodes se retrouvera exilé à Chateaubriant, d’autres généraux tels Bard seront rapidement destitués et remplacés, d’autres tel Haxo, Cambray, Dutruy ou Vimeux trouveront différentes excuses ou biais pour ne pas exécuter les ordres de Turreau mais les colonnes aux ordres de Turreau parcourant le territoire d’Est en Ouest se montreront d’une cruauté sans nom faisant près de 40.000 morts dont certains lors de grands massacres comme aux Luc où le 28 février 564 personnes dont 110 enfants de moins de 7 ans sont tués. La Vendée est ravagée, des tonnes de grains sont brulés, des milliers de têtes de bétails sont égorgées, des hameaux détruits poussant les paysans à rejoindre Stofflet ou Charette pour venger ces morts innocents. Quelques mois plus tard, la Convention estimant que le plan d’anéantissement n’avait pas eu l’effet escompté suspend Turreau le 17 mai, elle nomme alors Vimeux général en chef de l’armée de l’Ouest et décide de créer cinq camps retranchés afin de contrôler militairement toute la Vendée... " ; source]. Mais voilà que cela s'approche de la vérité, car, si l'on en massacre 5.000, il peut bien en rester encore 10.000. — Citoyen, lui répliquai-je, il est bien vrai que ceci porte l'apparence d'une contradiction ; et peut-être la puissance de nos ennemis dans ce malheureux département était-elle un secret que l'on ne voulait annoncer au peuple que la victoire à la main.
Exécution du général d' Elbée Noirmoutier 6 janvier 1794. Julien Le Blanc 1878 - Château de Noirmoutier. " Les fusillades commencent le 4 janvier. Les Vendéens prisonniers sont fusillés par groupe de 60 sur la plage. D’ Elbée en uniforme de général en chef de la Grande Armée Catholique et Royale, trop faible pour marcher, sera fusillé le 6 janvier dans un fauteuil de bois laqué gris capitonné de velours rouge. À ses coté son beau-frère Pierre Duhoux d’ Hauterive, son ami Pierre-Prosper de Boisy et le commandant républicain Wieland pour s’être rendu à Charette le 11 octobre 1793. Apprenant les fusillades de Noirmoutier, Charrette prend Saint-Fulgent le 9 janvier où la garnison est massacrée en représailles des morts de Noirmoutier. Blessé à l’épaule, le 12 aux Brouzil il doit se réfugier au couvent du Val-de-Morière. " Source
Mais, quoiqu'il en soit, les propos que vous voulez justifier n'en sont pas moins blâmables, puisqu'ils peuvent répandre le découragement parmi les citoyens, surtout avec l'affection et les perfides insinuations dont on les accompagne. — Soit, me dupliqua (sic) le citoyen ; mais au moins faudrait-il dire la vérité tout entière au peuple ou ne lui rien dire du tout, et encore moins lui faire croire sur sa situation des choses dont un évènement imprévu, heureux même, peut, deux ou trois jours après, lui démontrer la fausseté. "
Les explications de ce citoyen m'ont paru assez justes ; car, en effet, si vous en imposez au peuple sur sa situation, et que l'imposture se manifeste même par un avantage éclatant, il ne voudra plus croire, une autre fois, même aux succès que vous lui annoncerez, et son imagination devenue soupçonneuse ne lui peindra plus que des malheurs et des défaites.
Ce qu'il y a de certain, c'est que les malveillants profiteront habilement de ces contradictions politiques, et ne manqueront pas de faire ce que l'imagination des citoyens pourrait s'épargner à elle-même. C'est ainsi que l'on répand déjà le bruit que la Vendée n'a été qu'affaiblie et jamais vaincue ; que c'est un noyau indestructible ; que les bords de la Loire ne sont pas encore libres, et que l'on ne peut rien tirer de la Vendée, jadis la nourrice des provinces, qu'à main armée ou par adresse.
On alarme plus que jamais le peuple sur sa situation future en lui faisant voir les armements de la campagne prochaine comme la cause inévitable de la famine. Déjà, crient ces oiseaux de mauvaise augure, déjà la viande, le lard, les légumes vous manquent... Vous vous jetez sur le fromage, et cette ressource là même va nous manquer ; car on les tire de tous côtés pour la nourriture des équipages, etc.
Ce qu'il y a de singulier, c'est que c'est en vantant au peuple de Paris son bonheur même qu'on lui fait envisager des précipices. " Vous êtes bien heureux, vous autres, leur dit-on ; les départements sont dans une misère et un dénuement près desquels vos privations sont une véritable abondance ; à Bordeaux les habitants sont réduits à une demi-livre de pain par jour ; on ne conçoit pas comment ils peuvent vivre... — Je le conçois bien, moi, dis-je, à l'un de ces propagateurs de ces mauvaises nouvelles..., c'est que le fait que vous annoncez est faux. "
Si le peuple savait de quelles armes il faut battre ces ennemis domestiques dangereux, c'est ainsi que souvent, par un retour bien simple sur leurs propres discours, il les réduirait au silence et à la confusion, et même à la terreur du châtiment qui leur est dû.
Rassemblements pour la viande —Il y en avait ce matin un très considérable à la porte de la veuve Blondel, rue du Faubourg Saint-Honoré ; les plaintes étaient hautes et les mouvements violents pour atteindre et même pour devancer son tour ; quelques femmes robustes et de fort mauvaise mine, apparemment payées pour empirer le malheur des circonstances, saisissaient à la gorge les femmes plus délicates et les jeunes mères de famille. L'un de ces monstres encotillonnés [soumis à la puissance d'une femme], serrant violemment une femme, lui arracha son assiette qu'elle fit voler dans la foule ; l'assiette alla frapper au nez un jeune enfant de deux ans dans les bras de sa mère qui passait en ce moment devant la porte ; l'enfant fut couvert de son sang et en couvrit sa mère ; il était mort, si le coup eût porté à la tempe. On saisit cette mauvaise blanche, digne de remplacer les négresses devenues libres, puisque l'esclavage est dû au crime et non à la couleur, et on l'a conduite à la section sur laquelle le délit s'était commis, au milieu de l'indignation des spectateurs qui avaient peine à se contenir, tant l'enfant était intéressant et tant la mère était douce!
Il arrivera pour la viande les mêmes malheurs que pour le pain si l'on ne prend les mêmes mesures de sûreté, tant pour maintenir le respect des personnes que pour prévenir les accaparements particuliers.
Une des premières mesures à prendre, et des plus simples, pour empêcher le sang et le meurtre, c'est de défendre aux femmes d'aller à la boucherie avec des plats ou des assiettes, de simples serviettes suffisant pour cela.
Rapport de Pourvoyeur, W 112
Le peuple a paru inquiet sur la maladie de Robespierre525 ; il manifestait sa joie parce que plusieurs citoyens dirent qu'il avait déjà sorti. Ce député est précieux pour le peuple ; il l'aime, et il a sa confiance.
L'on paraît désirer avec instance le nouveau maximum526, car si l'on n'a pas de viande, observe-t-on, au moins faut-il avoir des légumes, car l'on ne peut pas toujours manger du pain. Les haricots et les lentilles valent 25 sols le litron.
Ce matin l'on s'arrachait les pommes de terre, car peu de personnes ont eu de la viande. Et, comme l'on l'observait dans plusieurs groupes, ce soir des malveillants s'attroupent encore à la porte des bouchers et empêchent que les malades aient de la viande. Plusieurs citoyens disaient qu'ils avaient leurs femmes malades, et d'autres en couches, et qu'ils n'avaient pas pu avoir de quoi mettre le pot au feu.
L'on dit qu'il y a des commissaires de sections qui reçoivent de l'argent pour faciliter quelques individus aux dépens des pauvres sans-culottes. " La loi, dit-on, n'est pas observée comme elle devrait l'être, il y a beaucoup de traîtres à la tête des autorités constituées, qui cherchent à entraver la loi. "
Il y a une quantité d'individus qui se glissent dans les groupes et qui, par des discours astucieux, répandent la terreur parmi le peuple ; ils commencent d'abord par quelques discours ou plutôt quelques paroles qui feraient croire qu'ils sont patriotes, pour sonder le peuple ; quand ils voient que l'on écoute avec attention, ils changent de ton.
Trois particuliers se glissèrent ce soir dans un groupe, auprès de la Convention, et disaient que toutes les victoires que l'on annonçait du côté de la Vendée par les troupes de la République étaient fausses ; que les brigands nous tuaient une très grande quantité de monde, et qu'ils étaient au moins encore 50.000 hommes, et tous bien armés ; que cette guerre n'était pas prête à finir ; qu'ils avaient des parents volontaires à la Vendée qui leur écrivaient que notre armée était en déroute. Ils faisaient semblant de chercher ces lettres, mais ne les montraient pas. Ceux qui les écoutaient parurent consternés de leur récit. Ils disaient encore que les ennemis allaient miner Valenciennes et qu'au moment où les Français y entreraient, qu'ils mettraient le feu. Ils disaient encore que le maximum était cause que nous manquions de tout : " Avant le maximum, vous ne manquiez de rien ; il est vrai que vous l'achetiez cher, mais au moins vous aviez de tout. "
Quelques personnes révoltées à la fin de leur discours, dirent : " Mais ce sont des aristocrates, ce sont des marchands que ces individus là! Il faut savoir qui ils sont. " On allait les entourer, quand plusieurs personnes ont couru pour voir les particuliers qui allaient être guillotinés ; cela a dérangé le groupe, et ces individus ont disparu. C'est pour la première fois que je les vois ; ils avaient chacun une houppelande [vêtement de dessus ample et long ; Larousse] grise, collet rouge, vert et bleu ; ces particuliers sont grands, jeunes ; lorsque je les verrai encore, je prendrai leur signalement, et les
suivrai pour savoir leur demeure.
L'argent se vend encore, les pièces d'or de 24 livres sont vendues 48 livres.
Plusieurs personnes observaient que Westermann était un traître, parce qu'il savait bien qu'en laissant les 30.000 fusils, ils tombaient entre les mains de ses ennemis527. Il est impossible, dit-on, qu'il se justifie de ce crime ; il faut qu'il aille à la guillotine, disait [on]. La guerre de la Vendée afflige bien sincèrement les bons patriotes, mais ils ne se découragent pas, et ils disent toujours : Ça ira.
Rapport de Prevost, W 112
La rareté de la viande a produit dans la Halle et marchés une influence (sic) terrible de citoyens qui se sont jetés sur toute les denrées. Les légumes y étaient d'un prix exorbitant. À la porte de plusieurs épiciers et à celles des marchands de beurre et œufs de la Halle, il y avait une si grande quantité de citoyens que la garde était partout pour y établir l'ordre et la tranquillité. Il m'a paru, par les plaintes de plusieurs citoyens et citoyennes, qu'il y a un mécontentement général ; plusieurs femmes pleuraient de ce qu'elles ne pouvaient pas avoir ni beurre ni graisse pour se faire de la soupe. J'ai entendu dire à plusieurs citoyens que tout cela ne pouvait durer longtemps, qu'il fallait encore qu'ils recommencent. Beaucoup de femmes en couches n'ont pas pu avoir de viande pour se faire du bouillon.
Chez presque tous les épiciers, il n' y a pas de beurre salé ni fondu ; les charcutiers n'ont pas de graisse. Les citoyens crient de toutes parts ; on ne voit dans les rues que des citoyennes aller de fruitière chez les épiciers demander du beurre qu'ils n'ont pas. Il serait très urgent de faire surveiller les marchés.
Plusieurs citoyens disaient qu'il serait très à propos de faire mettre en culture tous les jardins de luxe ; de forcer les propriétaires à ensemencer et faire planter toutes choses nécessaires à la vie du citoyen, au lieu et place de bosquets et jardins anglais. Il est étonnant combien cela produirait de légumes et autres, si un pareil projet était mis à exécution.
On dit qu'il arrive, dans la capitale, beaucoup de marchandises, et cela de nuit, mais qu'elles ne vont pas aux Halles, qu'elles se distribuent dans des maisons, ce qui produit un mécontentement général.
Rapport de Rolin, W 112
Le litron d'haricots s'est vendu hier 22 sols. Il n'est pas possible d'imaginer les murmures que cette excessive cherté a attirés.
Les charretiers des bois de chantiers n'ont point voulu conduire hier une voie de bois de la ci-devant porte Saint-Bernard à la place Maubert à moins de six livres, et ce pour une pauvre regrattière [sous l'Ancien Régime, marchand qui vendait au détail légumes, fruits, épices et surtout le sel des greniers royaux ; Larousse].
La viande est on ne peut pas plus difficile à obtenir. À trois heures du matin, les portes des bouchers sont bien gardées.
Deux citoyens, dans deux endroits différents, ont assuré avoir trouvé du verre dans le pain.
On assurait hier que les détenus, sans-culottes, de la Petite Force n'avaient point de lit de sangles, ni de lit de camp pour se coucher ; ils sont, disait-on, obligés de coucher sur le carreau, ce qui ne peut que leur donner des maladies.
Les corroyeurs [ouvrier chargé du corroyage des cuirs. ; ce qui consiste en une " série d'opérations par lesquelles le cuir tanné est amené à l'état de cuir fini ; activité ; Larousse] ne se plaignent plus ; ils s'associent deux ensemble, et vont dans les départements faire leurs acquisitions chez les tanneurs et, moyennant, le pot de vin, les épingles, ils achètent au maximum. Il paraît que c'est pour deux un métier très lucratif. Ils se flattent que le nouveau maximum528 qui va paraître sera beaucoup plus fort que le maximum actuel, et cependant, par celui-ci, ils ont dix pour cent de gain sur toutes leurs marchandises, ce qu'ils n'ont jamais eu dans aucun temps : c'est de leur propre aveu.L’une des premières machines à refendre les cuirs, figurant dans l’Encyclopédie : XVIII e s..
"... Si le tanneur est amené à effectuer des opérations variées, qui demandent de l’attention et du savoir-faire, le corroyeur va accomplir encore plus de travaux particuliers. En effet, il va conduire le cuir brut, sortant de fosse, à un état prêt à l’emploi. Mais les utilisateurs et les articles fabriqués vont être très divers. La finition du cuir, son corroyage, représente donc la partie noble du métier, car c’est la souplesse ou la fermeté, la couleur, l’épaisseur, la texture de la fleur et même l’odeur du cuir fini, qui vont déterminer son achat par les bourreliers, les selliers, les cordonniers, les fabricants de courroies, les relieurs, etc, bref, les utilisateurs du cuir.Il est donc impossible d’entrer dans le détail des travaux de corroierie, car la fabrication de chaque article diffère d’une autre... ". Source
Les marchands épiciers n'ont plus de cassonade, pas même pour les malades.
Beaucoup de jeunes filles de dix à douze ans, même en dessous, se prostituent avec des garçons du même âge. Hier au Palais Égalité529 en était rempli. On assure même que des mères ont l'infamie de livrer leurs filles à des libertins pour de l'argent.
On murmure beaucoup sur le mode de délivrance des certificats de civisme dans les sections. Les unes exigent huit témoins, les autres deux, et toutes se plaisent souvent à récuser la plupart des témoins de manière que de vrais patriotes ne peuvent obtenir leur certificat de civisme, parce qu'on ne veut point agréer le témoignage de ceux qu'ils présentent pour témoins. On désire que le Comité de salut public donne un mode uniforme, afin de faire éviter les haines et les discussions qu'entraînent avec soi (sic) toutes les manœuvres qu'emploient certains membres de comités révolutionnaires pour se venger de certains individus.
Le port au vin est supérieurement garni de vin, mais celui de bois est bien nu.
Rapport de Siret, F11 201
Voici une observation qu'il me paraît très urgent de mettre sous les yeux du Conseil exécutif.
Depuis que la loi concernant les secours à accorder aux veuves des défenseurs de la République530 est connue, les familles des jeunes gens de la première réquisition arrêtent entre elles des mariages qu'elles font souscrire à ces jeunes gens, afin d'assurer un sort à leurs filles dans le cas où leurs époux perdraient la vie.
Ces mariages de convention n'engagent à rien ;
À suivre...
Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 275-287
517. Le texte porte : pote de vin — Les bains de Poitevin, puis de Guignard, étaient établis sur des bateaux, en face des Tuileries ; il y en avait d'autres à la pointe de l' île Saint-Louis. Ils furent emportés par la débâcle de la Seine le 10 pluviôse an III [29 janvier 1795].
518. Ce blanc et ces points de suspensions sont dans le texte. — Le ministère des Affaires étrangères était installé, depuis la fin de 1791, à l' hôtel Quinson, rue Cerutti, ex rue d' Artois, aujourd'hui rue Laffîtte, n°4. Le 2 ventôse [20 février], un décret venait d'en ordonner le transfert à l'hôtel Galliffet, rue du Bac ; mais il ne fut exécuté qu'après le 9 thermidor [27 juillet].
519. Construit au XVIe siècle, il avait été démoli en 1749 et remplacé par la Halle-au-Blé.
520. Elle allait en effet être bientôt licenciée, mais plus tard, le 7 germinal [27 mars], et sans incorporation d'office, dans les troupes combattantes, des hommes qui la composaient.
521. Créée le 21 octobre 1793 [30 vendémiaire an II] par les représentants en mission Ysabeau, Baudot, Chaudron-Rousseau et Tallien, et qui allait demeurer en fonction jusqu'au 9 thermidor [27 juillet]
522. L' Hôpital général, fondé en 1656, était formé par la réunion de dix établissements à la fois charitables et correctionnels. Dans le langage courant, à la fin du XVIIIe siècle, on désignait spécialement par ce terme, et c'est ce que fait ici Mercier, l'hôpital de la Salpétrière.
523. Cf. t. II, p. 51, note 3.
524. Ces points de suspension et ceux qui figurent ci-après sont dans le texte.
525. Cf. ci-dessus, p. 148, note 1.
526. Cf. t. III, p. 79, note 2.
527. Cf. ci-dessus, p. 20, note 3.
528. Cf. t. III, p. 79, note 2.
529. Ex Palais-Royal.
530. L'assistance aux parents, dont les veuves des défenseurs de la patrie avait été instituée par les décrets des 26 novembre 1792 [6 frimaire an I] et 4 mai 1793 [15 floréal an I].
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