RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE, ÉLECTRICITÉ : L' ÉNERGIE NUCLÉAIRE EST-ELLE LA SOLUTION UNIVERSELLE?

  Si, effectivement, l'énergie nucléaire n'est pas l'alpha et l’oméga de la réussite de la lutte contre le réchauffement climatique, cela y ressemble fort, non?
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« Imaginez-vous mettre du nucléaire sur toute la planète pour remplacer les fossiles ? »


Tristan Kamin

  C’est une question très légitime. Bien que rares soient les gens à voir dans le nucléaire une solution unique ou ne serait-ce que prédominante dans les mix énergétiques futurs, il est assez consensuel, et oui !, que le nucléaire a un rôle non négligeable et croissant à jouer dans l’approvisionnement mondial en énergie bas-carbone.
  Cependant, les spécificités de l’énergie nucléaire sont telles que l’on peut difficilement imaginer chaque pays du monde imiter la France avec près d’un réacteur par million d’habitant, ni même des pays au développement nucléaire plus modeste.
  Alors, fous sont les « nucléocrates » qui veulent recouvrir la planète de centrales atomiques, les installer dans des régions au climat inadapté, politiquement instables ou scientifiquement pas encore armées pour une telle technologie ?
  La base, c’est d’avoir en tête que pour le dérèglement climatique, il n’y aucune solution unique ni aucune solution universelle.
  Considérons, comme souvent sur ce blog, de limiter notre réflexion au seul secteur électrique. Vous n’aurez pas de mal à comprendre que le solaire photovoltaïque n’est pas très propice en Irlande ou que l’hydraulique de barrage offre peut d’opportunités aux Pays-Bas… Et pourtant, ça ne disqualifie pas ces deux technologies dans l’absolu, bien évidemment. Il serait sot pour le Maroc de renoncer à l’énergie solaire pour ce motif, de même en Norvège quant à la vidange de ses barrages. Chaque nation et, à une maille plus fine, chaque territoire a ses spécificités géographiques, industrielles, sociales, environnementales ou, encore, économiques. Les meilleures solutions seront celles qui seront les plus adaptées à chaque contexte !
  J’insiste : il n’y a ni solution unique, ni solution universelle.
  Donc non, définitivement, personne ne prétend couvrir le monde entier ni, en particulier, les économies émergentes ou les régions géopolitiquement instables de réacteurs nucléaires.
  En revanche, il est possible de pousser la réflexion plus loin. L’on peut se demander, par exemple, où l’on peut déjà construire du nucléaire, et si à ces endroits, il y a ou non un potentiel significatif de réduction des émissions mondiales de carbone : passées mais, surtout, futures.
  Pour ce faire, je vous propose une hypothèse très simple et très conservative : imaginons que les seuls pays où il est raisonnable, à l’avenir, de construire du nucléaire, sont ceux qui possèdent déjà un ou plusieurs réacteur(s) électrogène(s) de puissance. Et croisons cette liste à celles des pays les plus émetteurs de CO2 en 2019. En 2019 car, à date de première rédaction de ce billet, les données 2021 n’étaient pas encore publiques et les données 2020 trop marquées par l’effet COVID-19. Je précise également que je ne considère ici, en raison des données à ma disposition, que le CO2, et non pas les autres gaz à effet de serre.
  J’ai été chercher les pays les plus émetteurs de dioxyde de carbone, qui cumulent 90% des émissions. 37 pays pour 90,1% des émissions exactement.
  Parmi eux, 22 ont déjà un parc nucléaire, d’une puissance allant de 500 MW, Pays-Bas, à 95 900 MW, États-Unis, à la rédaction initiale de ce billet. Collectivement, ces vingt-deux pays cumulent 365 000 MW de capacité nucléaire et 77% des émissions de carbone.
  Nous avons déjà une première réponse à cette question : 22 pays déjà nucléarisés représentent trois quarts des émissions mondiales de CO2. L’énergie nucléaire présente donc un potentiel considérable de réduction des émissions sans nécessiter d’équiper de nouvelles nations de réacteurs nucléaires.
  Cependant, explorons un peu plus loin : quinze pays font donc partie du « Top 90% » des
émetteurs, sans encore maîtriser l’énergie nucléaire. Parmi eux :

  • Un est en train de construire sa première centrale : ce pays représentant 1,1% des émissions mondiales.
  • Deux ont eu, par le passé, des réacteurs : et représentent aujourd’hui 1,7% des émissions.
  • Six ont fait connaître leur ambition d’en construire à plus ou moins long terme : 5,0% des émissions.
  • Six ne veulent ou ne prévoient pas de recourir à l’énergie nucléaire : l’Indonésie, l’Australie, la Thaïlande, la Malaisie, Singapour et l’Algérie : 5,7% des émissions.

  Cela porte donc le compteur à 31 pays qui maîtrisent, ont maîtriser ou s’apprêtent à acquérir la maîtrise de la production d’électricité d’origine nucléaire. Ces 31 pays représentent 84,4% des émissions mondiales de dioxyde de carbone ! Et d’autres encore suivront.
  Une dernière fois : face au dérèglement climatique, nulle solution unique ou universelle, mais des solutions à adapter à chaque contexte. Et l’énergie atomique, malgré l’image qu’on peut en avoir ici bas, peut s’intégrer à beaucoup de contextes… Ou l’est déjà !

 


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