ÉNERGIE, GAZ : ET SI TOUS LES ABONNÉS POUR UNE QUESTION DE COÛT MIGRAIENT VERS L'ÉLECTRICITÉ, QUELLES CONSÉQUENCES ?

  Notre expert nous démontre, ci-dessous, que la baisse de la consommation de gaz entraîne une hausse inévitable du m3, qui engendre une migration massive des abonnés vers l'électricité, qui entraîne une nouvelle hausse du m3, qui engendre... ! Imaginons la situation où tous les abonnés au gaz auraient déserté ! Quelles seraient les conséquences sur le réseau électrique, les prix de l'énergie, notre dépendance énergétique et l'environnement ? Mais quoi, on nous dit que c'est identique pour le nucléaire ? On est mal !
 
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Qui doit supporter les coûts échoués des réseaux de gaz liés à la baisse de consommation de gaz ?

  Rappelons, pour bien poser le problème, quelques faits récents sur l’économie du gaz.
  Lors de la crise dite ukrainienne, liée à l’embargo sur le gaz russe, et le sabotage de NSI, les prix de gros du gaz se sont envolés se répercutant, bien sûr, sur les prix de détail. Il en est résulté une forte baisse de la consommation, plus forte chez les industriels que chez les « petits » clients, selon les données de GRT Gaz.
  Le fait essentiel est qu’en 2023, la consommation nationale, — particuliers, entreprises, grands industriels, centrales électriques, — s'est établie à 38I térawattheures, TWh, selon le bilan annuel du gestionnaire du réseau de transport de gaz GRTgaz, soit une baisse de -11,4% sur l'année et, surtout, un niveau qui n'avait plus été vu depuis les années I990 !
  Trois tendances de fond expliquent la baisse :
  1. la destruction de la demande par effet prix, appelée pudiquement sobriété, 
  2. la douceur de la météo, durable semble-t-il dans le cadre du Changement Climatique, et,
  3. l’abandon, chez certains industriels, de process gaz ou leur report vers l’électricité. 
  En 2022, la baisse avait été du même ordre de grandeur, malgré une consommation des centrales à gaz plus importante du fait de la « crise du nucléaire » en France.
  En 2024, les prix de gros du gaz sont revenus quasiment aux niveaux d’avant crise. Des entreprises comme TotalEnergies ont travaillé à remplacer, avec succès et rapidité, l’approvisionnement russe par du GNL importé. [États-Unis d'Amérique] Les prix futurs du gaz sont à la détente.
 

Par contre le prix du gaz rendu client final n’est pas que le prix de la molécule !

  L’ensemble réseau de transport + stockage + réseau de distribution, ensemble qualifié de « réseau » dans la suite du texte, représente 26% de la facture et les taxes 3I% ! Donc plus de 50% de la facture du client particulier. On ne parlera pas des taxes ici, un sujet entier à traiter à part.
  Or, le prix du réseau est proportionnel à la consommation c’est-à-dire au MWh, ou m3,  de gaz consommé, ce qui est économiquement aberrant puisqu’il s’agit de coûts fixes, pour l’essentiel. Concrètement, cela veut dire que moins il y a de gaz qui passe dans les tuyaux, plus le coût « réseau » facturé au client est élevé. Je traduis « plus vous êtes vertueux en diminuant votre consommation de gaz » plus vous payez le réseau cher ! Et si vous abandonnez le gaz au profit de l’électricité, ce qui est recommandé dans le cas de la transition écologique, ce sont les autres consommateurs qui vont payer plus cher l’utilisation du réseau !
  Ceci est lié à deux principes retenus par la CRE [Commission de régulation de l' énergie] pour calculer les tarifs de réseau : 
  1. la proportionnalité à la consommation, MWh, on facture des coûts fixes sur la base de consommation variable, et 
  2. le principe d’équilibre des gestionnaires de réseau qui ne peuvent être en déficit, par construction. Donc, à la limite, moins il y a de consommateurs de gaz, plus les consommateurs restants payent cher ! C’est économiquement et politiquement aberrant, même si cela devrait accélérer la « fuite » des consommateurs vers l’électricité. Notons que, historiquement, c’est pour cette raison que nos amis des réseaux de gaz avaient été autorisés à faire de la pub pour le chauffage gaz : remplir les tuyaux ! Et que les revenus de ces actifs étaient considérés par les analystes financiers comme stables, comme… une rente !
  Notons au passage, également, que cette « aberration » n’est pas propre au gaz. On la retrouve dans le nucléaire, par exemple, où l’on est à 80% de coûts fixes avec un poids, ÉNORME, des frais financiers liés à la durée de construction des centrales. Donc, si le nucléaire sous-produit, cas actuel en France, le coût du nucléaire augmente. Si les délais ne sont pas tenus, le coût du nucléaire augmente. La CRE, dans ses calculs, les répercute sur les clients de facto ! Le risque industriel n’est alors pas supporté par l’entreprise ou ses actionnaires, mais par le client ! Ce qui est parfaitement anormal ! J’y reviendrai dans un autre article.
  Donc la question d’économie politique posée pour les réseaux de gaz est celle de ce que l’on appelle les « coûts échoués » liée à la baisse tendancielle de l’utilisation des réseaux, en situation de monopole : les coûts doivent-ils être répercutés sur les consommateurs, prisonniers, qui ne peuvent se défendre ou doivent-ils être assumés par les actionnaires et/ou l’entreprise par des gains de productivité ?
  La réponse pour moi est politiquement et économiquement très claire : par les actionnaires et l’entreprise, pas par les consommateurs ! La CRE n’a pas à protéger de facto, par ses méthodes de calcul, les actionnaires au détriment des consommateurs en leur garantissant une rente, quels que soient les besoins collectifs et individuels. La décroissance des fossiles, dont le gaz, dans la transition écologique, ne saurait être payée par les consommateurs au niveau des réseaux.
  Rappelons que dans les télécoms, le réseau en cuivre est devenu obsolète et de moins en moins utilisé face à la concurrence de la fibre et des réseaux sans fil. Le consommateur n’a pas supporté le coût de sa disparition prochaine. 
 

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