Électricité: L'immense faillite de l'Europe !

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Jean-François Raux
11/02

Jean-François Raux est ancien délégué général de l'Union française de l'électricité

Commentaire: Préparons nous, la fin est proche... ou AGISSONS!

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La France découvre avec étonnement qu'EDF, un de ses fleurons industriels, est en grave difficulté. Sa capitalisation boursière est passée de 160 milliards d'euros en 2008 à 22 milliards aujourd'hui. C'est comme si l'État, actionnaire à plus de 86 % d'EDF, avait perdu deux ans d'impôt sur le revenu. Cette chute ne se limite pas à EDF: Les géants européens de l'électricité (E.ON, RWE, Vatenfall, Engie…) ont perdu 75 % de leur capitalisation boursière depuis sept ans. La crise est sectorielle et européenne. Trois causes à cela.

La première, c'est la création de surcapacités massives de production d'électricité. L'objectif européen de 20 % d'énergies renouvelables, non lié à la réduction de consommation de pétrole et de charbon, a conduit au développement massif de surcapacités de production, alors que la consommation baissait par ailleurs du fait de la crise. Le développement du renouvelable s'est fait au détriment du gaz et du nucléaire. Pas du charbon ou du lignite.

En Allemagne, la production d'électricité au charbon ou, pis, au lignite, est restée constante entre 1990 et 2016. Les émissions de CO2 de l'Allemagne représentent toujours 16 fois celles de la France. Elles vont augmenter. En revanche, l'Allemagne a fait décroître sa production de nucléaire, totalement « CO2 free » et de gaz, beaucoup moins polluant que le charbon, mais non compétitif par rapport à lui faute d'un prix du CO2 suffisant ! Le résultat est donc l'émergence de surcapacités de production inutiles sur le plan climatique et coûteuses sur le plan économique.

La deuxième cause réside dans l'organisation du marché de l'électricité, qui ne permet plus ni d'investir ni de rentabiliser les investissements effectués. Les prix de gros actuels sont à moins de 30 euros le mégawattheure, alors que les coûts de production à couvrir sont a minima de 45 euros pour le nucléaire existant et de plus de 60 euros pour les énergies renouvelables les plus performantes. Ainsi chaque mégawattheure vendu sur le marché génère-t-il une perte de l'ordre de 15 à 35 euros. Pour EDF, avec des ventes de l'ordre de 400 térawattheures sur le marché, cela représente une perte globale de 8 à 10 milliards d'euros ! Quelle industrie peut vivre en ne recouvrant pas ses prix de revient ?

Mais c'est la troisième cause qui constitue le summum de l'incohérence européenne. Alors que la Commission répète urbi et orbi que seuls le marché et la concurrence peuvent bénéficier au consommateur, le résultat est totalement inverse dans le secteur de l'électricité. Les seuls investissements qui se font encore sont ceux qui sont subventionnés (les énergies renouvelables). Et pendant que les prix de gros s'effondrent, vers les 25 euros le mégawattheure, le client final voit sa facture augmenter régulièrement du fait du poids des subventions: en France, les subventions payées par le consommateur final sont passées de 3 euros en 2002 à 27 euros le mégawattheure au 1er janvier 2016. En Allemagne ces subventions atteignent 70 euros. Cette situation amène les entreprises historiques du secteur à déclasser leurs actifs « classiques » (moyens de production non subventionnés) pour ne garder que ceux qui sont subventionnés, les énergies renouvelables déclarées « business d'avenir », parce que dépourvues de risque du fait… des subventions !

À la clef, ce sont la sécurité d'approvisionnement et des centaines de milliers d'emplois qui sont en péril. Qui s'en soucie ?

En moins d'une décennie, la Commission européenne aura réussi, par une politique incohérente, à détruire les entreprises historiques du secteur électrique sans réellement construire une nouvelle industrie solide et apte à relever les défis du futur. Le bilan climatique est, quant à lui, quasi nul.

Il est donc urgent de redonner du sens à l'Europe de l'électricité. Un beau sujet pour la présidentielle de 2017. Car vital pour l'économie française et pour le rayonnement politique de la France dans une Europe dominée par la « bonne pensée » allemande.




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