Publié
le 20 mars 2014 dans Matières
premières et énergie
La seule invocation de l’engagement contraignant de la France à plus d’énergie renouvelable ne pourra plus convaincre.
Par
Jean-Pierre Riou.
De
nombreuses analyses comme celle de PWC ne sont guère optimistes sur
la place de l’Europe dans le concert des nations, à relativement
brève échéance.
Le
coût de la main d’œuvre y joue un rôle déterminant, celui de
l’énergie ne saurait être ignoré. Les énergies renouvelables
avaient été prônées comme solution. Après un quart de siècle de
développement, elles pourraient s’avérer être le problème. Pour
Natixis,
leur développement entraînant la hausse du prix de l’énergie
constitue même la principale menace sur la compétitivité de
l’Allemagne dans les prochaines années.
De
nombreuse études telles que celles de l’Universidade
Rey Juan Carlos,
de Beacon
Hill Institute,
de Gordon
Hughes,
de l’Instituto
Bruno Leoni
et bien d’autres, contredisent également les annonces de création
d’emplois et concluent que les énergies renouvelables détruisent
plus d’emplois qu’elles n’en créent. Pour Bjorn Lomborg,
directeur du Copenhagen Consensus Center, les aides à ces énergies
pénalisent les plus démunis en augmentant
la précarité énergétique.
L’automatisation
des tâches allant toujours grandissante, le coût de l’énergie et
la sécurité de son approvisionnement seront, à coup sûr, des
paramètres d’avenir déterminants.
C’est
en ce sens qu’il faut prendre les récents avertissements de la
Cour des comptes, dans son rapport
de juillet 2013
ou du Commissariat
général à la stratégie et à la prospective,
qui considère que « les
faits ont démenti les anticipations sur lesquelles cette politique
énergétique avait été construite. »
La
directive européenne 2009/28/CE
avait fixé pour 2020 une réduction de 20% des émissions de gaz à
effet de serre par rapport à leurs niveaux de 1990, 20% d’économie
d’énergie ainsi que l‘objectif contraignant pour les États
membres de 20% de l’énergie consommée produite par des sources
renouvelables. Cette politique européenne s’est révélée
désastreuse sur le plan de la maîtrise des coûts et sur celui de
la sécurité d’approvisionnement, ainsi que cela a été largement
dénoncé, entre autre par les énergéticiens européens.
Mais
de plus, les effets bénéfiques se font encore attendre sur la
propreté des MWh produits. Le faible recul du charbon dans les mix
énergétiques ne justifiant aucunement les milliards d’euros
d’argent public engagés.
Ainsi,
pour l’Allemagne, « modèle en la matière », l’examen
du bilan (Stromerzeugung
1990 – 2013)
est éloquent.
Nous
voyons ainsi la montagne accouchant d’une souris et 23 ans de
« transition énergétique » faire passer la production
de charbon annuelle de 170,9 TWh en 1990 à 162 TWh en 2013 et celle de
lignite de 140,8 TWh à 124 TWh. Ce qui est d’autant moins
encourageant que ces productions, responsables de 10.000
morts prématurées en Allemagne,
sont à nouveau en augmentation en 2013, pour la 4e année
consécutive, atteignant 45,2% de la production totale d’électricité.
Fort
de cette expérience, dans cet engagement des « trois fois
vingt », la priorité vient logiquement de se resserrer sur le
principal objectif de réduction des émissions. La Commission
européenne vient en effet de proposer, le 24 janvier dernier, un
nouveau « cadre
d’action en
matière de climat et d’énergie pour la période comprise entre
2020 et 2030 ». Elle rappelle la confirmation par le GIEC de
« l’incidence
probable de l’homme sur le changement climatique »
et fixe l’ambitieux objectif de réduction des émissions de gaz à
effet de serre de l’UE à 40% en 2030 par rapport aux émissions de
1990. Cette réduction des émissions est rappelée de façon
prioritaire, mentionnant toutefois que « la
compétitivité des entreprises et le coût abordable de l’énergie
pour le consommateur sont des aspects essentiels à prendre en
considération ».
Mais
concernant le développement des énergies renouvelables, si
l’objectif européen de 27% de part renouvelable dans la
consommation est retenu, la reconnaissance de la spécificité de
chaque État est enfin reconnue. Mais surtout, cet objectif de part
de renouvelable ne saurait être contraignant que pour l’UE et non
plus pour ses États membres, qui ne devraient développer ces
filières qu’en fonction de leurs propres objectifs de réduction
d’émissions de CO2.
À cet
effet, les États devront préparer des « Plans nationaux pour
une énergie compétitive, sûre et durable » au sein desquels
ils détermineront librement leurs objectifs en termes d’énergie
renouvelable, en fonction de leurs objectifs de réduction
d’émissions et en cohérence avec les autres États membres.
Le
parc de production électrique français est décarboné à 90%
(bilan
RTE 2013 p 15).
Premier exportateur mondial (Keyworld
A.I.E 2013 p 27)
avec une grande sécurité de production, il joue le rôle de
stabilisateur du réseau électrique européen. Alors que le
développement de ses énergies renouvelables ne lui permettrait en
aucun cas de réduire plus encore ses émissions de CO2, il
hypothéquerait sa possibilité de sécuriser le remplacement du
charbon allemand,espagnol, polonais ou même danois par des
ressources renouvelables mais intermittentes. Par là même,
l’accroissement de la part aléatoire du parc français empêcherait
la spécificité française de participer de façon rationnelle à la
réalisation des objectifs européens.
L’interprétation
de ce virage de la Commission européenne peut, bien sûr, prêter à
controverse. Mais il semble clairement refléter la reconnaissance de
certaines réalités économiques et particularités nationales,
ouvrant à la France la voie pour un rôle spécifique prometteur et
lui évitant de devoir détruire son principal atout.
La
page 7 de ce « cadre d’action » européen, traitant des
objectifs concernant les énergies renouvelables, mérite d’être
lue attentivement, chaque mot étant lourd de sens et semble
confirmer les précédents signaux d‘alerte, dont celui du
vice-président de cette Commission européenne, M. A. Tajani, qui
évoquait le massacre
systématique de l’industrie européenne
par la course chimérique au développement des énergies
renouvelables.
… « Cependant,
le déploiement rapide des énergies renouvelables pose déjà des
problèmes pour le système électrique en particulier, qui doit
s’adapter à une production de plus en plus décentralisée et
variable (énergies solaire et éolienne).
De
surcroît, le développement des énergies renouvelables dans l’UE
est essentiellement stimulé par des régimes d’aide nationaux, qui
répondent certes aux spécificités nationales et régionales, mais
qui, dans le même temps, peuvent faire obstacle à l’intégration
des marchés et réduire le rapport coût/efficacité.
Le
déploiement rapide des énergies renouvelables nuit également à la
compétitivité d’autres sources d’énergie qui resteront
fondamentales pour le système énergétique de l’UE, et réduit
les incitations à l’investissement dans une capacité de
production qui sera nécessaire pour assurer la transition vers un
système énergétique plus compétitif, sûr et durable (par
exemple, pour suppléer la production variable des sources d’énergie
renouvelables).
À
l’avenir, c’est le marché qui devra dans toute la mesure du
possible déterminer la manière de tirer parti des avantages des
énergies renouvelables. Le fonctionnement du SEQE
[système européen d’échange de quotas d’émissions, n.d.a.] et
la contribution des énergies renouvelables aux réductions des
émissions de gaz à effet de serre sont étroitement liés et
complémentaires. Un objectif de réduction des émissions de GES de
40% devrait intrinsèquement encourager une augmentation d’au moins
27% de la part des énergies renouvelables dans l’UE. La Commission
propose donc de faire de cette augmentation l’objectif de l’UE en
ce qui concerne la part d’énergies renouvelables consommée dans
l’Union. Cet objectif serait contraignant pour l’UE, mais pas
pour les États membres individuellement. Ces derniers
s’efforceraient de le réaliser en prenant eux-mêmes des
engagements précis, guidés par la nécessité d’atteindre
collectivement l’objectif au niveau de l’UE et compte tenu des
réductions à réaliser par chaque État membre par rapport à ses
objectifs actuels pour 2020. Ces nouveaux engagements pour 2030
seront réexaminés dans le cadre du processus de gouvernance décrit
dans la section 3 et complétés, si nécessaire, par de nouvelles
mesures et de nouveaux instruments au niveau de l’UE visant à
atteindre l’objectif de l’Union. »
En
tout état de cause, la seule invocation de l’engagement
contraignant de la France à plus de renouvelable ne saura plus
convaincre. Des hypothèses chiffrées, étayées par des sources
fiables seront désormais nécessaires.
php
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire