Les énergies renouvelables, c'est juste de l'éolien ?

octobre 2003 - dernière modification : juillet 2014
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À en juger par l'espace médiatique occupé par l'énergie éolienne dès qu'il est question d'énergies renouvelables dans la presse française, voire d'énergies tout court, il est assez tentant de penser, pour nous autres Français, qu'il s'agit là d'une contribution majeure dans l'ensemble des énergies d'origine renouvelable, ou au moins celle qui présente le plus fort potentiel. Passé cette première impression, que disent les chiffres ?


Quelle part de l'éolien dans le bilan énergétique «renouvelable» mondial ?



Si nous regardons aujourd'hui quelle est l'énergie d'origine renouvelable la plus employée dans le monde, elle ne doit rien à la haute technologie, puisqu'il s'agit.... du bois, c'est-à-dire de la première source d'énergie que nos ancêtres aient utilisée, il y a 500.000 ans (cette source comprend aussi les déchets de bois, la paille, etc).




Contribution des diverses énergies renouvelables à l'approvisionnement énergétique mondial, en millions de tonnes équivalent pétrole (une tonne équivalent pétrole = 11.600 kWh), pour l'année 2013. Sources diverses.
(1) la conversion de ces énergies est faite en équivalent primaire.




Mais il faut quand même préciser un point important : c'est que le bois n'est pas nécessairement une énergie renouvelable ! En effet, par définition, une énergie renouvelable est une énergie... qui se renouvelle. Or, au rythme de consommation actuel, le bois ne se renouvelle pas en totalité, et la partie du bois brûlé - et qui a préalablement du être coupé - qui ne se renouvelle pas s'appelle... la déforestation, tout simplement.

Il y a donc une fraction de la consommation de bois qui n'est pas vraiment renouvelable, et qui ne devrait pas figurer dans ce classement ci-dessus. Il n'en reste pas moins que même la fraction renouvelable du bois constitue la première contribution aux énergies renouvelables dans leur ensemble.


Il y a d'autres énergies qu'il est courant de mettre dans la rubrique «renouvelables», alors que cette caractéristique se discute. Cela concerne par exemple l'énergie tirée des déchets municipaux. Certes, produire des déchets est le propre de la vie, et tant qu'il y aura des hommes il y aura des déchets. Mais une partie de ces déchets, aujourd'hui, se compose de plastique (environ 20%), c'est à dire de pétrole transformé, et il y a probablement débat pour savoir si cette partie - qui fournit une contribution importante dans l'énergie tirée des incinérateurs - a vraiment sa place dans les renouvelables !

La même réserve peut s'appliquer aux biocarburants, dont l'élaboration, aujourd'hui, consomme une quantité non négligeable d'énergie fossile, certaines filières ayant même un rendement négatif (c'est à dire que l'on met plus d'un litre de pétrole en entrée pour récupérer un litre de biocarburant en sortie). Cela n'est pas le cas de toutes, heureusement, mais dans les cas favorables il faut encore quelques décilitres de pétrole - non renouvelable - pour obtenir un litre de biocarburant. Alors, renouvelable ou pas ... ?

Si, abstraction faite de ces subtilités de nomenclature, qui en fait sont des débats assez fondamentaux (il est malheureusement courant de débattre sur un sujet sans même savoir comment se définit l'objet du débat !), nous revenons à notre «classement» des sources renouvelables par ordre d'importance, après le bois nous trouvons l'hydroélectricité, qui pour le coup est 100% renouvelable, et qui «écrase» aujourd'hui, et de très loin, toutes les autres sources, bois excepté.




Contribution des sources renouvelables, hors bois, à l'approvisionnement énergétique mondial en 2013, en millions de tonnes équivalent pétrole (éuivalent primaire pour l'hydraulique et l'éolien).
Sources : BP Statistical Review, estimations personnelles


Il est assez facile de constater, sur les chiffres du tableau du haut de la page, que l'éolien, en 2012, pèse environ 5% du total de la production «renouvelable» dans le monde, et moins de 1% de l'approvisionnement énergétique mondial (avec la convention la plus favorable possible). Mais on m'objectera, avec raison, que la faiblesse des chiffres aujourd'hui ne veut rien dire sur le potentiel futur. L'argument est, de fait, parfaitement recevable ; avant de faire 40% de l'approvisionnement énergétique mondial aujourd'hui, il fut une époque où le pétrole en faisait 0%. Pouvons nous avoir une idée du haut de la fourchette de l'approvisionnement éolien à l'avenir, «toutes choses égales par ailleurs» ?


Si nous regardons les taux de croissance sur de longues périodes qu'ont connu les autres formes d'énergie dans le passé, nous constatons qu'aucune d'entre elles, à l'exception du pétrole, n'a jamais dépassé 10% de croissance annuelle moyenne soutenue sur 50 ans.




Les courbes ci-dessus représentent, pour chaque énergie significative aujourd'hui, le taux de croissance annuel moyen depuis 1860, en moyenne glissante sur 10 ans. Le point est positionné en face de l'année de fin de période. Exemple : la valeur pour 1960 représente le taux de croissance annuel moyen pour la période 1950-1960. La valeur pour 1940 représente les taux de croissance annuel moyen pour la période 1930-1940, etc.


À l'exception du pétrole dans ses tous débuts (il représentait alors quelques % de l'approvisionnement mondial) aucune source majeure n'a connu de croissance annuelle supérieure à 10% pendant 50 ans. Dès qu'une énergie devient «mature», son taux de croissance annuel tombe sous 5%, et il faut rappeler que ces % de croissance ont eu lieu dans un monde à la productivité structurellement croissante parce qu'il y avait de plus en plus d'énergie à la disposition de chacun.

L'extrapolation de ces taux de croissance dans un monde où la productivité du travail «physique» décroît (c'est cette productivité qui compte pour construire des centrales ou des raffineries), parce que justement il y a de moins en moins de combustibles fossiles, est tout sauf évidente.

Source : Schilling et. al et BP Statistical Review pour les données primaires, taux de croissance calculés par votre serviteur.




Revenons à notre éolien : à partir du 1% actuel de contribution aux 13 milliards de tonnes équivalent pétrole consommés par l'humanité, il faudrait une croissance de 10% par an en moyenne sur les 40 ans à venir pour que cette source représente en 2050 ans 22% du total mondial en équivalent primaire, ou 8% en équivalent final, si le total fait toujours 13 milliards de tonnes équivalent pétrole par an. Si la consommation globale d'énergie continue à croître de 2% par an pendant les 40 ans qui viennent (c'est histoire de dire, parce que avec les informations techniques disponibles sur le pétrole et le gaz cela ne paraît pas certain !) alors l'éolien ferait 9% en équivalent primaire ou 3% en équivalent final. Un taux plus réaliste de 8% de croissance soutenue sur les 40 ans qui viennent (ce qui est déjà au-dessus de l'évolution historique des énergies «matures») donne respectivement 10% et 4,5% de l'énergie mondiale en 2050, selon qu'il y a ou non croissance du total mondial.

La conclusion est assez simple : avec une obligation impérative de se débarasser d'une fraction significative des combustibles fossiles dans les 40 ans qui viennent (à cause du pic pour le pétrole et le gaz, et du changement climatique pour le charbon), faire ou ne pas faire d'éolien ne fait pas une grosse différence, et surtout le lien obligé que l'éolien oblige à garder avec les centrales à gaz ou à charbon (quand il n'y a pas pléthore de barrages) n'est clairement pas à son avantage.


Quelle part de l'éolien dans le bilan énergétique «renouvelable« français ?




Mais revenons à nos moutons rotatifs pour savoir ce que représente l'éolien en France qui, comme chacun sait, est «très en retard sur l'éolien». En fait notre pays a une hiérarchie des sources qui ressemble à peu près à ce que l'on peut trouver dans de nombreux pays développés : les renouvelables qui comptent vraiment sont celles dont on ne parle pas (biomasse et hydroélectricité), celles qui font les communiqués de presse représentant beaucoup moins.




Contribution des sources renouvelables au bilan énergétique français, en millions de tonnes équivalent pétrole (1 tonne équivalent pétrole = 11.600 kWh), en 2012 (sur un total de consommation d'environ 260 millions de tonnes équivalent pétrole).
Les énergies électriques sont converties sur la base de l'énergie finale, une conversion sur la base primaire donnant à peu près 3 fois plus.
Source : Service de l'Observation et des Statistiques du Ministère du Développelent Durable




Avec 5% de la production renouvelable totale, l'éolien fournit donc, dans notre pays, une part très proche de son importance dans le monde.

Les autres pays dans le monde ont une contribution très inégale, ainsi que le montre le graphique ci-dessous.




Pourcentage d'éolien dans la production électrique de tous les pays où cette valeur est supérieure à 0,1%. On constate que la France se situe à peu près au niveau de la moyenne mondiale, devant la Chine (qui a par ailleurs la première production en valeur absolue), et logiquement derrière les pays qui ont décidé de mettre beaucoup d'argent dans cette production.
On notera que la hiérarchie des pays ne respecte pas forcément le caractère écolo que la presse française leur donne ou pas !
Données BP Statistical Review, calcul par l'auteur





Mais... les gros producteurs d'éolien ne le consomment pas toujours en totalité, comme le montrent l'exemple du Danemark ou de l'Allemagne ci-dessous.




Exportations d'électricité du Danemark, heure par heure, en fonction de la production éolienne au Danemark, heure par heure, pour l'année 2012. La régression montre que quand la production horaire augmente de 1 MWh à cause de l'éolien, les exportations augmentent de 0,8 MWh. Dit autrement, le Danemark ne consomme que 20% de sa propre production éolienne.
Sources des données pfbach.dk








Importations ou exportations mensuelles de l'Allemagne (axe vertical ; en positif ce sont des importations et en négatif des exportations) en fonction de la production éolienne mensuelle en Allemagne, pour la période qui va de janvier 2005 à février 2014.
Ce nuage de points montre clairement que plus la production éolienne augmente, plus, en tendance, on va vers des exportations élevées, ce qui suggère qu'une partie du surplus d'exportations est directement ou indirectement lié à l'augmentation de la production éolienne.
Calculs Jancovici sur données ENTSOE



Bref il n'est pas sûr qu'il faille penser éolien et rien d'autre en matière de renouvelables !


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