30 AOÛT 2014 | PAR PIERRE YVES MORVAN
Imaginons un monde merveilleux, avec profusion d'éoliennes, partout, et de panneaux photovoltaïques, sans aucune centrale à combustibles fossiles... Imaginons maintenant une belle nuit étoilée sans vent, de celles qui font le bonheur des amoureux et des poètes… Ce serait une belle nuit sans électricité ; l’obscure clarté qui tombe des étoiles ne produit pas d’électrons.
Cela met en évidence un gros problème de la nouvelle électricité renouvelable, celle que produisent éoliennes et panneaux photovoltaïques : elle est inconstante, instable, changeante, volage, on ne peut pas compter sur elle ; il suffit d’une saute de vent, d’un nuage qui passe... et il n'y a plus d'image à la télévision, et le TGV s'arrête en rase campagne. C'est bête à rappeler : il y a aussi des jours sans vent et des nuits sans soleil.
S'il n'y avait que les éoliennes, le TGV avancerait au rythme des tourbillons et des soupirs du vent, pouvant même rester des jours entiers en rase campagne ; pour les rendez-vous, c'est stressant. Dans ces conditions le char à voile est aussi rapide, et bien plus fun. Pour ceux qui ont le mal de mer en char à voile, il est donc nécessaire que la nouvelle électricité renouvelable soit doublée par d'autres centrales moins volages, sur lesquelles on puisse vraiment compter, tout le temps, par tous les temps.
Cette doublure, comme disent les cinéastes, est d'autant plus nécessaire qu'une éolienne, par exemple, fournit en réalité très peu d'électricité par rapport à ce que souvent on nous annonce. Lorsque les militants et la presse annoncent la construction d'un parc d'éoliennes de tant de MW, capable d'alimenter une ville de vingt mille habitants, il faut comprendre que ces éoliennes alimenteront une ville de vingt mille habitants, seulement les quelques rares heures où le vent aura la force exacte permettant la production nominaledes éoliennes. Une éolienne de 2 MW est capable de fournir 2 MW... quand il y a du vent, le bon vent, pas trop faible, pas trop fort. Le reste du temps, elle produit moins de 2 MW, et même rien du tout. Compte tenu des fluctuations du vent, qui est brise, zéphyr, ou ouragan, tout se passe comme si une éolienne fonctionnait un quart ou un cinquième du temps à plein régime, son régime nominal... et était à l'arrêt le reste du temps 1. C'est-à-dire que ce nouveau parc d'éoliennes alimentera la ville pour l'équivalent d'un trimestre seulement. Le reste du temps, il faut trouver d'autres énergies ; lorsque l'on construit une éolienne, il faut construire aussi, ou maintenir en service, des centrales-béquilles de puissance équivalente, pour garantir la fourniture d'électricité lorsqu'il n'y a pas, ou pas assez, de vent.
Sumotoris, acrobates et fil-de-fériste
La nouvelle électricité renouvelable a besoin de béquilles, mais pas n'importe quelles béquilles. Pour compenser des variations rapides de vent ou de soleil, il faut des béquilles souples, capables de démarrer d’un coup de rein, de passer de 10 à 100 % de puissance en quelques instants. Les centrales nucléaires, lourdaudes, qui ont besoin de temps pour changer de régime, sont peu adaptées à ce rôle de compensation et d'ajustement ; ce sont des sumotoris, puissants, mais manquant de souplesse.
Les centrales thermiques ou hydrauliques, plus souples, plus acrobates, conviennent. Une centrale thermique se cache en pointillés derrière l’éolienne...
L'énergie éolienne n'est pas vraiment une énergie renouvelable ; aux trois quarts, c'est une énergie fossile.
La nouvelle électricité renouvelable, celle que fournissent l'éolien et le photovoltaïque, n'est pas autonome. Elle ne peut vivre qu'en milieu hospitalier, sous perfusion, sous assistance artificielle de la part essentiellement des énergies fossiles.
Supprimez les énergies fossiles, et il n'y a plus d'énergie éolienne ni photovoltaïque possible.
Les arbres d'acier des éoliennes cachent la forêt fossile.
C'est pourquoi, pendant que l’Espagne développait sa capacité éolienne ces dernières années, elle construisait aussi des centrales à gaz pour une capacité de 15 GW.
centrale thermique et éoliennes |
C’est pourquoi l’Allemagne, qui prétend sortir du nucléaire, entre autres en construisant des éoliennes, est obligée de construire aussi, ou de maintenir en service, des centrales à combustible fossile pour les jours sans vent – il y en a. La construction ou la modernisation de 29 centrales au gaz et 17 au charbon est planifiée. (Germany plans to build, revamp 84 power plants-BDEW- Reuters, 23 avril 2012 - Les centrales à charbon et au gaz en Allemagne : Chiffres clés et état des lieux - octobre 2012) Compte tenu de la durée de vie de ces centrales, leurs cheminées fumeront encore dans 40 ans. Les Grünen français se pâment d'admiration.
Plus d'éoliennes en France, c'est plus de centrales à combustibles fossiles en service ; c'est plus de CO2 émis.
C'est pourquoi dans un pays comme la France, où il n'y a pas un parc suffisant de centrales à combustibles fossiles que l'on pourrait maintenir en service, la construction massive d’éoliennes nécessiterait la construction de nouvelles centrales thermiques, et entraînerait des émissions accrues de CO2. Le scénario serait le suivant, cas d'école avec des éoliennes :
- On ferme une centrale nucléaire de 1 000 MW qui n'émet pratiquement pas de CO2.
- On construit des éoliennes pour une capacité nominale de 1 000 MW.
- On construit une centrale au gaz, russe ou autre, de 1 000 MW, pour les jours sans vent, plus largement pour toutes les conditions pendant lesquelles les éoliennes n'atteignent pas leur puissance nominale.
- Compte tenu du facteur de charge des éoliennes (environ un quart), le résultat sera équivalent à des éoliennes fournissant 1 000 MW un quart du temps, et une centrale au gaz de 1 000 MW fonctionnant les trois quarts du temps, avec émission de CO2.
Tenter de remplacer une centrale nucléaire par des énergies renouvelables en France, ce n'est pas seulement se tirer une balle dans le pied, c'est carrément se tirer une balle dans le ventre. Très douloureux.
Le caractère aléatoire de l'énergie produite par éoliennes et panneaux photovoltaïques pose également des problèmes aux gestionnaires du réseau électrique. Lorsqu'ils sont entièrement maîtres des générateurs d'électricité, ils contrôlent la production et réussissent à l'adapter à la demande variable des utilisateurs.
Mais lorsque la production d'électricité est à la merci d'une saute de vent, d'un nuage qui passe ? Il faudrait au minimum des talents d'équilibriste-jongleur pour équilibrer une production aléatoire incontrôlable et une demande variable – et rien ne garantit que ce serait suffisant. Même le meilleur fil-de-fériste ne s'aventure pas lorsque le vent souffle en rafales tournoyantes. Les techniciens du réseau n'ayant même pas reçu de formation d'équilibriste-jongleur-fil-de-fériste, on ne sait pas faire fonctionner sans risque de blackout un réseau comportant plus de 20 % de sources fluctuantes aléatoires telles que les éoliennes 2.
Tout schuss en chasse-neige
C'est pour cette raison que le gouvernement allemand, qui s'était lancé tout schuss dans les énergies renouvelables, a dû se résoudre à quelques slaloms, et même à descendre prudemment en chasse neige. Face aux difficultés de gestion du réseau électrique allemand (en plus de l'augmentation spectaculaire du prix de l'électricité pour les particuliers), le gouvernement allemand a adopté une réforme (avril 2014) pour plafonner et limiter le développement des énergies renouvelables. (Le développement des énergies renouvelables plafonné en Allemagne)
Mais peu importe le réseau assurent quelques optimistes branchés, branchés sur le réseau. Le réseau on s'en passe, chacun produisant sa propre électricité… Sauf que, il faudrait alors résoudre d'énormes problèmes, esthétiques, techniques, environnementaux ; une éolienne dans chaque jardin, des panneaux solaires sur chaque balcon des immeubles, et des tonnes d’accumulateurs dans les caves ; bienvenue en Acculand…
Après des années d'incitations et de subventions, le vent et le soleil,l'éolien et le solaire, produisent moins de 1% de l'énergie consommée sur l'ensemble de la planète.
1 Un quart ou un cinquième, c'est la valeur du facteur de charge pour une éolienne terrestre en France. Le facteur de charge est le rapport entre l'énergie effectivement produite sur une période, et l'énergie qui aurait été produite par un fonctionnement permanent à puissance nominale sur la même période.
2 On cite le cas danois pour démontrer que c’est un faux problème ; mais c’est une fausse démonstration. Il est vrai que les Danois réussissent à injecter 20% d'électricité éolienne, par rapport à la consommation strictement danoise, sur le réseau. Mais ce résultat n'est obtenu que parce que le réseau danois fait en réalité partie d’un plus vaste réseau, incluant la Norvège et son abondante production hydraulique, laquelle est contrôlable. Dans cet ensemble la part de l’éolien danois est largement inférieure à 20% :
« In 2007, about 20% of Danish electricity demand was met by wind energy (IEA Wind, 2007). With existing domestic flexibility alone this would not be possible as the system is very small, but with the opportunity provided by the Nordic Power Market – Nordpool – surplus wind electricity production can be exported while dispatchable Norwegian hydroelectricity can be imported during periods of low wind resource. » (Rapport de l'International Energy Agency (IEA), "Empowering Variable Renewables – Options for Flexible Electricity Systems" - 2008)
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