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Les projets du nouveau nucléaire
Tristan KaminJe commencerai par un bref récapitulatif sur ce que sont les Small Modular Reactors (SMR) pour éclairer les béotiens en la matière puis je vous résumerai ce que j'ai retenu de la conférence.
Un peu d'Histoire
Depuis 60 ans, on fabrique des réacteurs nucléaires de plus en plus puissants. L'avantage, c'est qu'ils ne prennent pas beaucoup plus de place que les anciens. L’inconvénient, c'est que ça coûte cher à développer et...à construire.
Plus c'est puissant, plus ça produit, mieux ça s'amortit
Ça, c'est la théorie. En pratique, ce n'est pas tout à fait vrai. Certes, on est passé de quelques MW de puissance électrique à plus d'1 GW, de quoi développer des parcs entiers capables de produire, pour pas trop cher, une grosse partie de l'électricité de nombreux pays. Mais, plus ça va..., plus on doit se rendre à l'évidence : malgré la montée en puissance électrique, les coûts ne réduisent pas dans les proportions espérées. Et d'autres contraintes viennent s'ajouter :
- les gains de puissance ne compensent pas,
- les coûts vont plutôt en augmentant.
D'où une proposition de changement de paradigme, dit « new nuclear » s'inspirant du modèle « new space » qui chamboulent toutes les règles, à l'initiative d'entreprises comme SpaceX, Virgin, Blue Origin, etc.
L'idée serait de revenir à des réacteurs de petites dimensions, de faible puissance de 1 à 300 MW de puissance ; à comparer au parc français de 900 à 1600 MW par réacteur. Mais qui auraient l'extrême avantage d'être :
- plus simples à concevoir,
- potentiellement plus sûrs,
- plus simples à construire.
En effet, au lieu d'avoir une chaudière constituée d'une cuve, de générateurs de vapeurs, de pompes dans tous les sens, et piquages divers... fabriquée sur place à quelques composants près, les SMR seraient fabriqués ...en usine : soit toute la chaudière fabriquée et acheminée sur place, soit des modules fabriqués et facile à assembler sur place. Ainsi, on espère tirer les coûts vers le bas. En particulier, le coût d'investissement : quand les businessmen doivent sortir N milliards d'euros pour un SMR de 300 MW, ils sont forcément moins frileux que lorsqu'il leur faut payer 5 X N milliards pour un EPR de 1500 MW! Et un outil industriel moins gourmand en capital, ça veut dire que les financiers seront moins exigeants en garanties, délais de retour sur investissement, etc... Ce qui peut énormément jouer sur le prix du MWh. Exemple, les EPR d' Hinkley Point C (Royaume Uni) : deux tiers du coût du futur MWh sont imputables au seul coût du capital !
Bref , les SMR sont plein de promesses en termes économiques et financiers, d'où un intérêt croissant pour ceux-ci. Ils ont par ailleurs d'autres avantages avec la possibilité d'être utilisés à autre chose qu'à produire de l'électricité : chaleur urbaine, chaleur industrielle, hydrogène, désalinisation d'eau de mer, flexibilité élevée pour compléter l'intermittence des EnR...
Plein de promesses économiques, mais quid de la faisabilité technique ?
On est plutôt confiants sur cette faisabilité : des petits réacteurs de quelques dizaines ou centaines de MW, très sûrs et très flexibles, ne sont-ils pas déjà en activité dans... les sous-marins et les porte-avions? Toutefois, cela demanderait quelques adaptations pour être transféré dans le civil, comme par exemple, ne pas recourir à de l'uranium excessivement enrichi. Mais effectivement, la faisabilité est démontrée. Reste à savoir si les promesses seront tenues, c'est une autre histoire.
Et du coup, les russes, où en sont-ils ?
La conférence
Webinaire ENS: "Solutions Rosatom SMR: centrales nucléaires flottantes et au-delà"
Résumé
Mes propos seront à considérer comme un simple résumé. Il ne s'agit en aucun cas d'une quelconque analyse.😉
En préambule, il faut rappeler que les Russes ont déjà transféré la propulsion navale du seul domaine militaire à celui du civil, avec... dix brise-glaces équipés de 20 réacteurs. Ceux ci ayant évolués sur plusieurs générations.
Mais surtout, ils sont les premiers, et les seuls à ce jour, à avoir mis en service des SMR, avec la fameuse « centrale nucléaire flottante », dont vous avez déjà forcément entendu parler, mise en service l'an dernier aux confins de la Sibérie Orientale.
Il s'agit d'une barge tractée dépourvue de motorisation dans laquelle sont installés deux réacteurs KLT-40S, 300 MW de chaleur, jusqu'à 77 MW d'électricité à eux deux.
Cette centrale fonctionnant en cogénération électricité/chaleur, elle est connectée à une installation côtière de distribution de chaleur et d'électricité de la région.
Elle y restera une douzaine d'années avant de retourner à Murmansk pour rénovation ou fin de carrière : pour ce projet, aucune installation nucléaire n'a été construite sur place, donc pas démantèlement à l'avenir, tout se fait dans un port dédié.
Cette centrale est un prototype, un "proof of concept" des SMR flottants. Mais pour aller plus loin, Rosatom a développé un nouveau SMR, le RITM-200*, décliné en deux versions : pour une centrale nucléaire flottante et pour une installation terrestre classique.
Une centrale flottante munie de 2 RITM-200, au lieu des KLT-40S de l'Akademik Lomonosov, serait 20% moins longue, 15% moins large, 45% moins massive et 30% plus puissante que ce prototype, avec 100 MW d'électricité et 330 MW de chaleur. Les applications envisagées sont l'alimentation en électricité / chaleur / eau désalée de terres reculées, d'îles ou archipels, ou d'installations industrielles offshore.
Une version terrestre avec une centrale de 6 Ha accueillerait deux de ces SMR, avec une puissance électrique montant à 114 MW avec une disponibilité annoncée par Rosatom à 90%.
Côté sûreté, on annonce un niveau comparable aux réacteurs traditionnels de génération 3+, avec un mix de systèmes de sûreté actifs et passifs, l'habituelle défense en profondeur sur le plan matériel et organisationnel, le dimensionnement à des agressions extrêmes.
Six de ces RITM-200 sont déjà installées dans trois brise-glaces en chantier. Le 1er d'entre eux, l'Arktika, entrera en service dans les mois qui viennent. Le Sibir et l'Ural sont prévus pour 2020 et 2021. 81 000 chevaux à la propulsion, capable de découper 3m de glace.
En ce qui concerne une nouvelle centrale nucléaire flottante, les Russes n'ont pas annoncé de projet. On peut penser que le développement du marché intérieur ne trouve que peut d'intérêt à leurs yeux et qu'ils se concentrent plutôt sur l'exportation. Quant à une centrale terrestre à base de SMR, ils feront d'abord une installation en Russie comme "proof of concept" avant de se lancer à l'exportation.
La programmation du projet : 3 sites potentiels ont été retenus
- 2020, choix du site,
- 2023, obtention de la licence pour exploiter,
- 2024 : obtention de la licence pour la construction et début des travaux en 2024,
- 2027, mise en service, connexion au réseau.
Voilà l'information des Russes sur leur RITM-200.
* Dans l'absolu, c'est un réacteur à eau pressurisée ultra-compact, pas de rupture technologique sur les principes de base, coeur, modérateur, caloporteur, point de fonctionnement....
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