Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode VI

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Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode I
Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode II
Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode III
Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode IV
Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode V

Claude-Jules Briffaut est né à Vicq, le 25 août 1830. Ordonné prêtre à Langres le 3 mars 1855, il fut nommé vicaire à Fayl-Billot le 16 mars de la même année et occupa cette fonction jusqu'au 1er septembre 1866, date à laquelle il devint curé de Pierrefaites-Montesson. Le 17 février il fut nommé curé de Bussières-les-Belmont. Sous une apparence sévère, il se dévoua toute sa vie pour les pauvres et les malheureux, allant même jusqu'à créer un hôpital. La paralysie qui le frappa deux ans avant sa mort, survenue le 7 avril 1897, à Bussières-les-Belmont, lui interdit ensuite toute activité, à son plus grand désarroi.

De la trêve de 1643 à la paix de 1659


   En 1643, les habitants de Fayl-Billot se plaignent " des misères où ils sont réduictz par les courses que font les ennemys de l'estat, le logement et passage des armées estrangères, les feux et flammes qui ont dévoré tous les bastiments en nombre de près de quatre cens sans qu'il en reste de quatre ou cinq au plus qui puissent estre habitéz, et au lieu qu'on voyoit plus de quatre-vingtz cherrues employées à la culture des héritages du territoire de ce village, à peyne y en peult on veoir à présent quatre. Et le grand nombre de communians cy dessus remarqué ne consiste à présent en cent personnes".
   Cependant les Francs-Comtois avaient conservé l'habitude du pillage, et, lorsqu'ils étaient poursuivis à cause de leurs rapines, ils se cachaient dans les forêts d'alentour. Voilà pourquoi, en 1648, le prévôt de la maréchaussée de Langres reçut du roi l'ordre de faire couper le bois appelé le Trou-de-la-Carte ou Quarte, qui était entre la France et la comté de Bourgogne (18). Les français et les Comtois devaient abattre les arbres qui se trouvaient sur leur territoire respectif. Cet ordre fut exécuté sans délai, "afin d'oster la retraite aux voleurs."
   La même année, pendant la nuit de la Toussaint aux Trépassés, le feu consuma deux maisons à Fayl-Billot. Cet incendie, dont no ne connait pas la cause, acheva de ruiner des malheureux déjà épuisés par la guerre.

 

Chêne de la Vierge ou Chêne Henri IV, site classé 1937, situé près du hameau de la Quarte @Google2020

  Le 22 août 1650, une armée française commandée par le vicomte de Corval, et composée d'environ mille hommes, tant cavaliers que fantassins, sans compter un grand nombre de valets et autres personnes, vint loger à Fayl-Billot. Vers sept heures du soir, les soldats brulèrent, on ne sait pourquoi ni comment, une maison appartenant au sieur Arrechebois, qui en éprouva de grandes pertes. Le lendemain, ils partirent pour Varennes où ils restèrent jusqu'au 30, mettant à contribution tout le voisinage. De là ils allèrent, par ordre du roi, assiéger Aigremont, que le comte de Rosnay venait de vendre au duc de Lorraine (19).



"... Une hauteur escarpée au climat rude, un château autrefois disputé, un sol ingrat aux rendements médiocres justifient pleinement le nom d' Aigremont. Objet de rivalités et de querelles, la forteresse est démantelée en 1651 sous Mazarin." @tourisme-langres.com

  Ce prince était toujours en guerre avec la France, et ses soldats se répandaient dans tout le Bassigny qu'ils ruinèrent par leurs incursions et leurs rapines. Les Croates, ses alliés, se livraient pareillement au brigandage. Vers la fin de novembre 1650, dix d'entre eux se transportèrent jusqu'à Chalancey pour y faire du butin. Ils revinrent ensuite à Esnoms où ils prirent le sieur Maignier, procureur du village, avec deux autres hommes, et pillèrent une maison. En s'en retournant au lieu de leur garnison, ils furent attaqués par les habitants de Belmont, qui en tuèrent quatre et en conduisirent quatre à Langres. Les deux autres, qui avaient pris la fuite, se virent arrêtés par ceux de Fayl-Billot et faits prisonniers.
  L'année suivante, au commencement de juin, arrivèrent au pays de Langres trente compagnies de la garnison de Stenay, appelées le régiment de Turenne. Elles devaient, pour se rafraîchir, y stationner pendant deux mois et demi, et recevoir par mois douze mille livres prises sur l’élection de Langres. Ces troupes établirent leurs quartiers à Thivet, Nogent-le-Roi, Montigny-le-Roi, Coiffy-le-Bas, Coiffy-le-Haut, Heuilley-Cotton, Heuilley-le-Grand, Chalindrey, Bussières-lès-Belmont et Poinson-lès-Fayl. Mais la présence de cette armée sur la frontière épuisait les ressources de la contrée, augmentait le prix des vivres et n'intimidait pas les ennemis. Le 13 juillet au matin, vingt-cinq cavaliers de la garnison de Château-sur-Moselle vinrent à Pressigny pour piller. Ils y prirent plusieurs hommes et trente-neuf bestiaux. Les habitants irrités se rassemblèrent et se mirent à leur poursuite. Ils les atteignirent à cinq lieues de Pressigny, au-delà de la Saône, qu'ils passèrent à gué. Alors ils attaquèrent les cavaliers, en tuèrent un, en blessèrent d'autres, et revinrent ensuite sains et saufs avec tout ce qui leur avait été ravi ; ils n'avaient perdu qu'un jeune cheval. Les ennemis, pour se venger de cette défaite, se joignirent à des soldats de la garnison de Conflans et retournèrent sur leurs pas. Ils espéraient surprendre le château de Pressigny et brûler le village ; mais les habitants, qui eurent connaissance de ce projet, appelèrent à leur secours des hommes de Bussières, Belmont, Genevrières, Belfond, Savigny, Tornay et autres villages circonvoisins. Ces soldats improvisés, au nombre de soixante, dressèrent une embuscade et y attendirent les Comtois de pied ferme. C'était le 14 juillet. Ils en massacrèrent dix, en blessèrent cinq et mirent les autres en fuite. Le butin, laissé sur le champ de bataille, fut vendu et leur rapporta trois cent quatre-vingt--dix livres ; ils eurent chacun six livres et dix sous.
   Quatre blessés se mirent en marche pour rejoindre leur garnison ; mais ils s'égarèrent et furent comptés comme disparus. Le cinquième, resté parmi les morts, attira l'attention des Français. Il avait plus de vingt plaies ; on ne comprenait pas comment il pouvait respirer encore. Ayant été interrogé, il répondit : "Vous ne me ferez pas mourir qu'au préalable je n'aie été confessé. Quoy, voyant, quelqu'un des spectateurs meu de compassion fit appeler le sieur Claude Mathey, prêtre curé du dict lieu, Pressigny, et le conduisit auprès du dict blessé, lequel se confessa très articulement et très dévotement, et après avoir reçu l'absolution mourut aussitôt, ce qui estonna grandement tous les assistants, et l'ayant visité treuvèrent un petit scapulaire de Nostre Dame du mont Carmel et un chapelet sur sa personne, et ont attribué le retard de sa mort jusqu'après estre confessé à quelque vertu divine, miracle ou assistance de la Sainte Vierge Marie, laquelle ne manque point aux assistances qu'elle a promis à ses enfants ou fidèles serviteurs, ou bien à son saint ange gardien, et quoi qu'il en soit il y a bien à admirer en ceste mort. Dieu nous fasse la grâce de mourir de la mort des justes." (20)
  Aux calamités qu'entraînait la guerre vint se joindre un autre fléau plus terrible encore. En 1652, une grande disette affligea notre pays, aussi bien que le Bassigny et la Lorraine. Les mois de mai et juin [étés caniculaires 1652- 1654 avec pour conséquences famines et épidémies dans le Nord-Est et ailleurs] furent extrêmement difficiles à passer. On se vit réduit à manger de l'herbe des prairies, et plusieurs personnes moururent de faim (21). Pour surcroit de de misère, les pluies devenues continuelles renversaient les espérances fondées sur la prochaine moisson. Mais les prières publiques adressées à Dieu pour la conservation des fruits de la terre furent exaucées ; vers la fin de juin la sérénité reparut. On apprit en même temps que le duc de Lorraine venait de faire la paix avec le roi de France, et l'on s'en réjouit.
  Cependant Fayl-Billot et les environs n'étaient jamais tranquilles. Le 22 mai 1653, fête de l'Ascension de Notre-Seigneur, cent trente cavaliers du régiment de Bouillon vinrent piller le village et l'église de Poinson, où plusieurs personnes des localités circonvoisines s'étaient réfugiées, parce qu'ils faisaient partie de la province de Bourgogne. La perte fut évaluée à vingt-deux mille livres, somme considérable dans un temps où l'argent était très-rare.
  Deux mois après, c’est-à-dire le 30 juillet, on vit arriver à Poinson la plus grande partie de la noblesse du pays. Il y avait entre autres le comte de Tavannes, seigneur du Pailly et de Prangey ; de Coublanc, seigneur de Piépape ; de Lanques, baron de Fouvent et de Laferté ; de Grecia, seigneur de Dammartin ; de Livron, marquis de Bourbonne ; de Laneuvelle, seigneur dudit lieu ; le sieur Boissier, commandeur d'Aumonières. Ils se réunirent à l'ermitage Saint-Pérégrin avec le frère qui l'habitait.   Cette assemblée de personnages distingués par leur rang et leur autorité intrigua le peuple, qui en ignorait les motifs. Seulement, comme le frère de Saint-Pérégrin avait été autrefois attaché au service de feu prince de Condé, et était pensionné par le prince de Condé actuel, qui lui envoyait souvent des lettres, quelques-uns conjecturèrent qu'il s'agissait de détacher les seigneurs du gouvernement français, et de les soulever en faveur de Condé, qui s'était jeté dans le parti espagnol. mais personne ne put savoir ce qui avait été résolu.
  On était toujours sujet à des exactions de toute sorte. Le 23 septembre 1653, des soldats de la garnison de Belfort prirent treize chevaux à Torcenay. Ils revinrent le 23 octobre, enlevèrent aux habitants de Rougeux douze de leurs meilleurs chevaux et dévastèrent leurs maisons. De là ils allèrent piller le village et le château de Bize. Non content de ces rapines particulières, ils envoyèrent des réquisitions aux paysans et prélevèrent un gros tribut sur toute la frontière française.
  Les années suivantes ne furent pas meilleures. Clément Macheret écrivait à la fin de 1655 : "Ceste présente année a esté fort modique en pain, en vin et en fruits, tous lesquels ont esté de pauvre goust, les guerres et autres afflictions continuant toujours d'oppresser le pauvre peuple. Dieu nous veuille donner sa sainte paix, s'il luy plaist."
  Il est impossible de décrire la souffrance des populations à cette époque de triste mémoire. Que de rapines, de ravages, de cruauté! Dans quel état devait être une contrée affligée quelquefois par la famine et la peste, souvent mise à feu et à sang, et perpétuellement en proie à une soldatesque effrénée?


À suivre...

L'abbé Briffaut, Histoire de la ville de FAYL-BILLOT et notices sur les villages du canton, 1860, pp. 71-77, Monographies des villes et villages de France, Le Livre d'histoire-Lorisse, Paris 2012.


18. Il y a encore sur le territoire du petit village de La Quarte( Haute-Saône), un canton appelé le Trou-de-la-Quarte.

19. La milice langroise, sous le commandement du capitaine Ducerf, s'empara de cette place dans la nuit du 10 au 11 janvier 1651. Les fortifications furent rasées par ordre de la cour. 

20. Mss.de CI.Macheret, fol.134, verso.

21. "Une pauvre femme portant et allaitant son petit enfant a esté treuvée morte en une prayrie ayant encore la bouche pleine d'herbe et en mangeant comme une beste, et son petit enfant encore vivant entre ses bras (Macheret). "Les peuples de Lorraine et autres paiis circonvoisins sont réduits à une si grande extrémité qu'ils mangent dans les praieries l'herbe comme des bestes, et particulièrement ceux des villages de Pouilly et Parnot en Bassigny en mangent dans les prés et sont noirs et maigres comme des squelettes et ne peuvent plus cheminer." (Ibid.)

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