Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode V

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Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode III 

Haute-Marne : il était une fois la ville de Fayl-Billot et des villages du canton, Épisode IV

Claude-Jules Briffaut est né à Vicq, le 25 août 1830. Ordonné prêtre à Langres le 3 mars 1855, il fut nommé vicaire à Fayl-Billot le 16 mars de la même année et occupa cette fonction jusqu'au 1er septembre 1866, date à laquelle il devint curé de Pierrefaites-Montesson. Le 17 février il fut nommé curé de Bussières-les-Belmont. Sous une apparence sévère, il se dévoua toute sa vie pour les pauvres et les malheureux, allant même jusqu'à créer un hôpital. La paralysie qui le frappa deux ans avant sa mort, survenue le 7 avril 1897, à Bussières-les-Belmont, lui interdit ensuite toute activité, à son plus grand désarroi.

   Quelques jours leur avaient suffi pour faire ces conquêtes ; mais il fallait les conserver. Le comte de Grancey prit pour cela des mesures nécessaires, et laissa en Franche-Comté une partie de l'armée. Ensuite il sortit de Champlitte, le 13 octobre, avec le reste de ses troupes, et vint loger à Fayl-Billot et aux villages circonvoisins, pour aller ensuite occuper les postes que Sa Majesté lui avaient indiqués.
   L'année suivante, en 1642, il alla avec le général du Haillier, attaquer la ville de La Mothe (13) [aujourd'hui La Mothe-en-Bassigny, située en Haute-Marne], dont la garnison, qui avait pour capitaine le fameux Clicquot, ravageait la Champagne par ses fréquentes incursions. Il resta devant cette place depuis le 25 juillet jusqu'au 12 août. Alors, après un ordre de la cour, il partit pour Lyon, afin d'y maintenir la tranquillité pendant l'exécution de Cinq-Mars et de Thou, qui devait avoir lieu, le 12 septembre, sur la grande place de cette ville.
   Les Comtois apprirent que le comte de Grancey avait quitté le siège de La Mothe. Alors, Claude de Beauffremont, baron de Scey [ aussi Bauffremont], gouverneur de la province, se hâta de rassembler une armée. Il demanda à la ville de Besançon deux canons et un mortier à lancer des grenades, s'obligeant à lui remettre ces pièces en bon état, ou à lui payer la somme de quinze mille livres. Puis il avança pour conquérir non-seulement les châteaux dont les Français s'étaient emparés, mais encore tous ceux qui s'élevaient entre Dijon, Langres et Chaumont ; tel était son hardi projet. Il reprit en effet ceux de Saint-Remy et de Scey-sur-Saône (14), et alla, le 17 septembre, assiéger celui de Ray, que défendait le capitaine d'Yver.
  Le comte de Grancey était déjà de retour. Il traversait le village de Voisines, près de Langres, lorsqu’il apprit ce qui se passait en Franche-Comté. Il n'y avait pas de temps à perdre. Il dépêcha un courrier au général du Haillier pour lui prier de lui envoyer à la hâte sa cavalerie, campée entre Vignory et Joinville, ce qui lui fut accordé. Il prit à Langres des munitions de guerre, et se mit en marche. Le 18, il vint loger à Fayl-Billot. Dans le silence de la nuit, il entendit gronder les canons. Alors, il s'écria : "Messieurs, courage ; ils sont à nous."
  À deux heures du matin, il fit donner le signal du départ, et les soldats entrainés par le désir et l'espérance de la victoire, s'avancèrent avec une étonnante célérité, à travers des chemins difficiles, vers le château de Ray. Après avoir parcouru la distance de six grands lieues, ils tombèrent à l'improviste sur les ennemis, qui avaient déjà quitté leurs postes et leurs tournaient le dos. Ils les chargèrent avec tant d’impétuosité, qu'ils mirent en déroute le gros de leur armée, jonchèrent le sol de cadavres, firent prisonniers vingt-deux des principaux seigneurs, et s'emparèrent de leurs canons, de leurs munitions de guerre et de leurs provisions de bouche. Le capitaine d'Yver, qui avait soutenu un siège de trois jours, s'occupait à réparer les brèches faites aux remparts, lorsqu’il vit arriver ce secours inattendu. Il se hâta de sortir pour participer à l'honneur de la victoire. Dans ce combat, livré le 19 septembre 1642, le comte de Grancey fut blessé à la jambe, et le capitaine de Saint-Clair, tué avec cinq cavaliers et huit fantassins seulement. Le 22, à dix heures du matin, le comte de Grancey entra à Langres en triomphe, et les canons qu'il avait pris sur l'ennemi répondirent au salut que lui adressa celui de la tour Saint-Ferjeux.



Langres, Tour Saint-Ferjeux aujourd'hui. Photo David Covelli

   À la demande de Monseigneur l' Évêque, il fut reçu au palais épiscopal, où il demeura jusqu'au 11 octobre. Ce jour-là il fit promettre à ses prisonniers de se rendre dans cette ville si le roi le désirait, et, d'après le serment qu'ils lui en firent, il leur permit de retourner en Franche-Comté. Pour lui, il se dirigea vers Paris, et fut accompagné, jusqu'au village de Saint-Loup, par une escorte d'honneur, composée de la noblesse et de la milice langroises. Arrivé à la capitale, il sentit plus vivement les douleurs de sa blessure. Louis XIII et le cardinal de Richelieu lui firent visite et le félicitèrent de la victoire. Bientôt après il reçut en récompense de ses services le bâton de maréchal.
   Cette défaite qu'avaient essuyée les Comtois ne les empêcha pas de continuer leurs incursions et leur brigandage. À peine le comte de Grancey fut-il arrivé à Langres, qu'ils se répandirent de nouveau dans notre malencontreuse contrée. Dès le 26 septembre, quelques soldats des garnisons de Rupt et de Scey-sur-Saône voyant un homme qui labourait sur le territoire de Pressigny, l’emmenèrent avec ses boeufs et sa charrue. Ils volèrent pareillement tout le bétail de Pierrefaite : il ne constituait plus qu'en trois chevaux, une vache et trois chèvres (15). Le 11 octobre, vingt hommes de la garnison de Scey-sur-Saône vinrent pendant la nuit pour piller l' abbaye de Beaulieu.



Chapelle de l'ancienne abbaye de Beaulieu.@Dominique et Jean-Michel Liegey

   Mais ayant été découverts, avant d'avoir pu exécuter leur projet, ils se cachèrent dans les bois voisins, et y restèrent jusqu'au soir. À la tombée de la nuit, ils entrèrent à Maizières où ils prirent quatre hommes et tous les chevaux qu'ils purent trouver. Le 31 janvier 1643, les Comtois démolirent deux maisons à Rosoy et volèrent à un particulier six chevaux et une vache. Vingt-cinq cavaliers de la garnison de Rupt prirent, le 23 mars, à Celsoy et à Montlandon six hommes et quatorze chevaux, à Torcenay une charrue, et à Corgirnon une autre charrue, qui appartenait au sieur Robert, chirurgien du maréchal d' Estrée. Le 15 mai, une partie de la garnison de Scey-sur-Saône escalada et brûla l'église d' Anrosey, pour faire prisonniers ceux qui s'y étaient réfugiés. Elle emmena douze personnes et en tua trois autres. Le 30 du même mois, un combat s'engagea entre les Comtois et les habitants de Hortes (16), Rougeux et Maizières. Six des ennemis restèrent sur le terrain. Un plus grand nombre aurait été massacrés, si le capitaine Rompré, alors en garnison à Varennes, ne fut arrivé. Il fit cesser la lutte et emmena sous sa garde, comme prisonniers de guerre, les Comtois qu'on lui livra tout liés et garrottés. Le 5 juin, la garnison de Gray prit tout le bétail qu'elle rencontra à Corgirnon et aux Loges. Le 14, des brigands de Conflans et des environs volèrent à Fayl-Billot trois hommes et cinq animaux, tant chevaux que bêtes à cornes (17). Le 23, les soldats de Gray prirent, au moulin de Torcenay, deux hommes et deux femmes. Le 8 juillet, un habitant de Corginon, Claude Chevallier, dit Breton, venait à Fayl par un sentier qui traversait la forêt. Il rencontra sept Comtois qui le firent prisonnier. Ils pensaient le conduire dans leur pays, mais ils furent découverts par les paroisses voisines, qui sonnèrent le tocsin. Épouvantés et comme hors d'eux-mêmes, ils s'enfuirent à travers les champs jusqu'à la côte de Montcharvot, où trois 'entre eux furent mis à mort. Celui qu'ils emmenaient avec eux recouvra ainsi la liberté.
   Mais si les croates, les Espagnols et les Comtois ravageaient notre pays, "faut scavoir, dit Macheret, que nos garnisons que nous avions dedans nos chasteaux de France faisoient pareille guerre aux pauvres paysans et aux bestiaux du comté." Le 6 août 1643, le capitaine Ducerf, qui gardait alors le château de Voncourt, parcourut avec ses soldats la frontière de cette province. Il avait pris plusieurs hommes et les amenait en France, lorsqu'il rencontra un détachement ennemi, qui le força à mettre bas les armes et à se rendre prisonnier de guerre dans la ville de Gray. Il ne peut en sortir qu'après l'échange qu'on fit de sa personne avec celle du baron de Longvic, pris devant le château de Ray par le sieur de Moncot, en garnison à Rolampont.
   Le capitaine Rompré voulut aussi inquiéter la Franche-Comté. dans la dernière semaine de septembre, il sortit de Varennes avec ses cavaliers et ses fantassins et s'avança jusqu'aux environs de Scey-sur-Saône. Mais les Comtois s'embusquèrent dans un endroit favorable où ils l'attendirent. Ils lui tuèrent un homme, en fire six prisonniers, et mirent les autres en fuite.
   Tout cela, dit Macheret, "a grandement ruyné le paiis et n'a rien proffité aux deux couronnes, et tous les libertins de part et d'autre se faisoient soldats pour voller plus hardiment rt impunément ; les villes et les laboureurs payant tout le coust de ceste guerre se sont espuisés jusqu'au sang, pour ainsy parler ; car ils ont tiré jusqu'à la dernière pièce et ont faict des emprunts qu'ils ne paieront peust estr jamais ; et cependant voilà le proffit que nous a apporté la quantité de chasteaux de part et d'autre."
  Ces continuelles incursions, source de maux incalculables, déterminèrent le Parlement de Dijon et celui de Dole à conclure, le 1er octobre 1643, une trêve qui durerait jusqu'au 15 novembre. Pendant ce laps de temps, toutes les hostilités devaient cesser en Franche-Comté, dans le duché de Bourgogne et le Bassigny champenois, en y comprenant les villes de Langres et de Chaumont. Informées de ces négociations, certaines garnisons comtoises se hâtèrent de satisfaire encore une fois la passion qu'elles avaient pour la rapine. Les soldats de celle de Conflans vinrent, le 2 octobre, à Fayl-Billot, où ils prirent quatre hommes et douze chevaux qu'ils emmenèrent avec eux. Le 6, d'autres tuèrent une femme à Charmoy, y firent quatre prisonniers et pillèrent le village. Enfin la suspension d'armes, que, d'après les termes du traité, les rois de France et d'Espagne n'étaient point tenus de ratifier, fut publier dans notre pays, le 7 octobre, et prolongée ensuite jusqu'au 1er janvier 1644. Alors on put respirer un peu et réparer, au moins en partie, les énormes pertes que la guerre avait causées.

À suivre...

L'abbé Briffaut, Histoire de la ville de FAYL-BILLOT et notices sur les villages du canton, 1860, pp. 66-71, Monographies des villes et villages de France, Le Livre d'histoire-Lorisse, Paris 2012.


13. Elle était située à quelques kilomètres de Bourmont, au sommet d'une montagne escarpée de tous côtés. Les français en devinrent maîtres au mois de juillet 1645. Quinze cents paysans des élections de Langres, Chaumont et Bar-sur-Aube la rasèrent en moins de trois jours. Les matériaux furent enlevés par les habitants des villages voisins, et aujourd'hui il ne reste plus de cette place forte qui était le boulevard de la Lorraine, que de rares débris de constructions.

14. La garde du château de Scey avait été confiée au baron de Saint-Clair. Il était absent lorsque les ennemis en firent le siège. Son lieutenant, le capitaine Rompré, n'eut pas le courage de résister plus de trois jours. Il rendit la place le 13 septembre. 

15. Pierrefaite dont le territoire touchait à la Franche-Comté, avait été ruiné, en 1636, par l'armée de Galas. L'église, le presbytère, le village, tout était devenu la proie des flammes. Pendant les vingt-cinq ans que dura cette guerre épouvantable, il resta presque désert.

16. Ce village avait été ruiné par les ennemis le 25 septembre 1636. Ils y avaient massacré 400 personnes et brûlé les deux églises qui existaient alors, 165 maisons et deux pavillons. On évalua à 42 000 écus la perte causée par cet incendie. Clément Macheret raconte en détail et avec intérêt tous les faits accomplis dans cette journée désastreuse.

17. Dans une délibération communale du 30 avril 1643, il est fait mention "de la pauvreté des habitants de Fayl, du malheur de grandes guerres qui " continuent encore à présent et qui ont causé la totale ruyne et généralle" incendie du dict village."

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