Energie : plus le prix des quotas de CO2 flambe, plus les consommateurs payent cher leur kWh

On résume :
- plus le prix des quotas de CO2 flambe, plus les consommateurs payent cher leur kWh,
- plus le prix des contrats d'économie d'énergie (CEE)* augmente, plus les consommateurs payent cher leur kWh,
- plus les EnR augmentent dans le mix électrique, plus les consommateurs payent cher leur kWh,
- plus le nucléaire diminue dans le mix électrique, plus les consommateurs payent cher leur kWh,
- plus le marché de l'électricité s'ouvre à la concurrence, plus les consommateurs payent cher leur kWh,
- etc...
  Si les consommateurs y perdent en pouvoir d'achat, il y a forcément des gagnants...
  C'est comment qu'on freine, les consommateurs voudraient descendre de là!

* Voir Dispositif des Certificats d’économies d’énergie

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Flambée du prix des quotas de CO2 : quelles conséquences ?

Maxence Cordiez
2021 05 19

  Le cours des quotas d’émission de CO2 sur le marché européen atteint de nouveaux records. Cette évolution bénéfique pour le climat aura d’autres conséquences, notamment sur la compétitivité de l’industrie européenne. Il convient de les anticiper afin de ne pas risquer de perdre l’adhésion de la population aux politiques de décarbonation.
  Dans le cadre de ses politiques climatiques, l’Union européenne a mis en place en 2005 un marché d’échange de quotas d’émissions de CO2, Emissions Trading System, (ETS). Ce mécanisme a été longtemps dysfonctionnel avec un prix de la tonne de CO2 à moins de 10€ entre 2012 et 2018. Depuis, ce prix ne cesse d’augmenter et dépasse aujourd’hui 56€/tonne, un niveau jamais atteint jusqu’à présent.

 


  Pourquoi le prix des quotas d’émission de CO2 s’envole-t-il depuis deux ans et quelles conséquences peut-on en attendre ?

Fonctionnement du mécanisme d’échange de quotas

  Afin de guider la réduction des émissions de CO2 des secteurs de l’électricité, de l’industrie et de l’aviation, l’Union européenne a opté pour un mécanisme d’échange de quotas. Concrètement, des quotas d’émission de CO2 sont vendus aux enchères, ou donnés gratuitement, pour une partie des quotas de l’industrie et de l’aviation, aux entreprises des secteurs précédemment cités. Celles-ci doivent disposer de suffisamment de quotas pour couvrir leurs émissions, sous peine de pénalités. En cas de surplus ou déficit de quotas, les entreprises peuvent se les échanger sur un marché.
  Après la crise de 2008, l’offre de quotas était bien supérieure à la demande. Le cours s’est donc effondré à moins de 10€/tonne de CO2 (tCO2) jusqu’en 2018, ce qui est très insuffisant pour susciter le moindre investissement en décarbonation.
  En 2018-19, l’Union européenne a mis en place une réserve de stabilité pour corriger ce problème. Cette réserve permet de mettre de côté, puis d’annuler au bout d’un certain temps, l’excédent de quotas. Le résultat a été immédiat, avec une hausse de leur valeur à 20-30€/tonne dès 2019.

La hausse du prix des quotas accélère
  Depuis fin 2020, la hausse du cours des quotas accélère. Tout d’abord, l’Union européenne a renforcé ses ambitions climatiques en adoptant un objectif de neutralité carbone en 2050 et de -55% d’émissions de CO2 en 2030 par rapport à 1990. Cela impliquera d’accentuer la trajectoire de diminution du nombre des quotas, et c’est anticipé par le marché.
  Ensuite, gardons à l’esprit que les quotas ne sont pas périssables et qu’ils peuvent être échangés. Cela entraîne de la spéculation. Certains acteurs achètent des quotas d’émission aujourd’hui, en pariant sur leur hausse future. Cette demande supplémentaire contribue à tirer les prix vers le haut. C’est pourquoi, le 17 mai la valeur de la tonne de CO2 a dépassé 56€, un niveau inédit.

Vers une baisse des émissions de CO2 de l’électricité…
  Produire de l’électricité à partir de gaz fossile coûte plus cher que d’en produire à partir de charbon. Cependant, le kWh d’électricité au charbon émet davantage de CO2, environ 1kg/kWh contre un peu moins de la moitié pour le gaz. Ainsi, si les centrales à charbon sont plus compétitives que les centrales à gaz et sont donc appelées en priorité en l’absence de prix du CO2, cet ordre s’inverse si le prix du CO2 est suffisamment élevé, ce qui est le cas à 56€/t. Selon une étude du gestionnaire du réseau de transport d'électricité français RTE et de l’ ADEME parue en 2016, à 50€/tCO2 ce seul effet de compétitivité accrue du gaz par rapport au charbon pourrait entraîner une diminution de 25% des émissions de CO2 du secteur électrique européen.[1]
  En outre, certains pays, à l’instar de la Belgique et de l’Allemagne, comptent s’appuyer durablement sur du gaz fossile, ce qui est incompatible avec leur objectif affiché de neutralité carbone. On peut espérer que la hausse du prix du CO2 les ramène à la raison, sinon pour le climat, au moins pour des raisons économiques.

… mais une hausse des coûts !

  Le revers de la médaille pour le consommateur sera une augmentation du prix de l’électricité. En effet, à 50€/tCO2, les coûts variables de production d’électricité au gaz sont majorés de 20€/MWh et de 40-60€/MWh pour des centrales à charbon de rendement élevé[1]. Cet effet, s’il n’est pas encore significatif sur les factures des consommateurs, est d’ores et déjà visible sur les prix « spot » de l’électricité. Du fait des interconnexions, la hausse du prix de l’électricité sera générale en Europe et ne touchera pas uniquement les pays fortement tributaires des combustibles fossiles.
  De son côté, l’électricité française faiblement carbonée accentuera sa compétitivité, ce qui devrait stimuler les exportations de courant vers les pays voisins.

Conséquences pour l’industrie
  Un CO2 plus cher altère la compétitivité des industries européennes – dont certaines sont fortement émettrices, comme les compagnies aériennes – par rapport aux industries hors-UE, non soumises au marché du carbone. C’est pour cela que des quotas d’émission leur sont distribués gratuitement, mais leur nombre diminue avec le temps.
  Afin d’éviter une vague de délocalisation, déjà bien entamée, il est urgent de mettre en place un mécanisme de compensation carbone aux frontières. Ce mécanisme doit permettre de valoriser de manière équivalente le contenu carbone des produits industriels importés depuis les pays non européens. Sa mise en place sera complexe et susceptible d’être attaquée devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), mais il est vital que l’Europe y parvienne et que ce mécanisme soit suffisamment robuste et ambitieux pour préserver la compétitivité de l’industrie européenne.
  La hausse du prix du CO2 sur le marché européen des quotas est une excellente nouvelle sur le plan climatique car elle envoie un signal économique fort en faveur de la décarbonation. Il est cependant absolument nécessaire d’anticiper les conséquences négatives de cette évolution, comme la perte de compétitivité de l’industrie européenne, et d’y répondre. Sans cela le coût économique et social de la décarbonation sera tel qu’elle risque de perdre rapidement l’adhésion populaire.
  Enfin, gardons à l’esprit que ce système d’échange de quotas n’offre aucune visibilité sur le prix futur du CO2, qui est susceptible de connaître des évolutions brutales. Encore très bas il y a trois ans, il grimpe aujourd’hui en flèche. Quid de demain ? Pour protéger l’industrie, le consommateur et optimiser la trajectoire de décarbonation, la prédictibilité de ce système doit être améliorée, notamment en instaurant un prix plancher du CO2.


[1] RTE et ADEME, Signal prix du CO2 – Analyse de son impact sur le système électrique européen, 2016

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