Eoliennes : pourquoi l'écocide est-il en marche?

"Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la Beauté. Toute la place est pour la Beauté."
René Char, 1907-1988

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« L’éolien, une impasse désastreuse ? »

Isabella Loconte
2021 06 08

   L’association VMF a organisé, le 5 mai dernier, un webinaire de sensibilisation autour des problématiques liées au développement de l’éolien. Le monde du patrimoine au sens large, bâti ou paysager, de grande notoriété et de proximité, est en effet directement impacté par l’implantation anarchique de parcs qui dénaturent paysages et environnement.

 

   Pour mieux comprendre les enjeux financiers et les répercussions écologiques se cachant derrière le développement de l’éolien, deux experts en la matière ont été conviés : Fabien Bouglé, auteur du livre Éoliennes, la face noire de la transition écologique et porte-parole du Réseau Ulysse, et Jean-Louis Butré, président de la Fédération environnement durable (FED). L’objectif était de traiter la question en dévoilant les intérêts financiers et les répercussions écologiques afin de montrer que cette énergie est loin d’être aussi « verte » qu’on le croit.

Composition d’une éolienne :

 

 

 

 

 

 • Le socle en béton :
  Les fondations des éoliennes terrestres sont constituées d’un socle en béton, composé d’une ossature de 50 tonnes de ferraille, qui sert d’armature aux 1000-1500 tonnes de ciment. Cette base n’est recyclable qu’en partie, c’est pourquoi elle devrait être normalement ré-utilisée dans le processus de repowering qui prévoit l’installation de nouvelles éoliennes au même endroit que celles qui ont été démantelées. Néanmoins, souvent, les nouvelles éoliennes sont plus hautes et plus puissantes que celles en fin de vie, raison pour laquelle elles ne peuvent pas reposer sur les anciennes fondations. Cela pousse souvent les promoteurs à construire un nouveau socle, à quelques mètres de l’ancien. De plus, lors du démantèlement, l’obligation légale ne prévoit d’enlever le socle en béton que sur un mètre de profondeur en zone agricole et sur deux mètres en zone forestière. En encaissant plus profondément le socle, il s’avère plus facile pour les promoteurs de contourner cette obligation. Les milliers de tonnes de béton armé restant en sous-sol causent une artificialisation des terres.

 


Le mât en ferraille est, quant à lui, recyclable.

Les nacelles :
  Les nacelles constituent le moteur où l’énergie du vent est transformée en électricité. Le rotor est constitué principalement de métaux rares, récupérés en grande partie dans des mines à ciel ouvert en Chine, leader mondial de l’extraction de terres rares. Différents reportages et documentaires ont montré les terribles impacts écologiques causés par l’exploitation de ces ressources, ainsi que les conditions de travail épouvantables dans les usines. L’extraction et le raffinage de ces minerais nécessitent l’usage de produits chimiques très toxiques. Des dizaines de bains d’acide sulfurique et oxalique sont nécessaires afin d’extraire les métaux rares des terres qui les contiennent. Ces processus libèrent de la radioactivité : au lac toxique de l’usine chinoise de Baoutu (voir les images du reportages de Véronique de Viguerie), le niveau de radioactivité détecté est deux fois supérieur à celui de Tchernobyl…

 


Les pales en fibres de carbone :
  Les pales des éoliennes, réalisées en fibre de carbone, ne sont pas recyclables. Des fumées cancérigènes seraient libérées si elles étaient brûlées afin d’être éliminées. Jean-Louis Butré souligne qu’en vérité tout dans la chimie est possible, seulement, chaque innovation représente un coût. Pour gérer de façon propre et sûre l’incinération de polymères complexes, tels que ceux constituant les pales des éoliennes, des recherches et des investissements sont nécessaires. Actuellement, 50 000 euros sont prévus pour le démantèlement d’une éolienne en laissant le béton sur place – ce qui n’est absolument pas suffisant. L’entreprise fabricante Vestas promet de trouver une solution d’ici 2040, mais, pour l’instant, ce composant reste encombrant. En 2019, on a découvert une décharge d’éoliennes à Casper aux États-Unis, dans le Wyoming, où des milliers de pièces de pales sont enterrées dans le sol.

 

  La pollution engendrée par la production d’éoliennes montre bien qu’aucune exploitation d’énergie, même de celles dites « vertes », n’est possible sans infrastructures dont la création et l’installation entraînent, de fait, un coût environnemental.

L’intermittence des éoliennes et les répercussions écologiques
  Lors du webinaire, Fabien Bouglé a souligné une autre limite de cette énergie : son intermittence. Cette notion désigne l’incapacité d’une énergie renouvelable à assurer une production constante d’électricité. En effet, les parcs éoliens s’arrêtent de fonctionner lorsque le vent devient trop fort ou bien trop faible. Ici, une autre notion entre en jeu : celle du facteur de charge. Ce dernier représente le ratio entre l’énergie qu’une éolienne produit sur une période donnée et l’énergie qu’elle aurait dû produire durant cette période, si elle avait constamment fonctionné à sa capacité de production maximale. Ce pourcentage fournit un indice important pour calculer la rentabilité d’une installation électrique. En 2019, les chiffres donnés par le RTE (Réseau de transport d’électricité) indiquait un facteur de charge de 24,2 %. Cela signifie que l’on doit approximativement faire fonctionner quatre éoliennes pour atteindre la productivité maximale dont une seule est capable. Ce pourcentage est de l’ordre de 70 à 80 % pour une centrale nucléaire.

 

 

 

 

  L’intermittence et l’instabilité de fonctionnement des éoliennes constituent un problème majeur, les quantités d’électricité disponible n’étant pas exactement prévisibles. Une usine électrique de support, appelée backup, s’avère nécessaire face aux risques de coupure d’électricité. Ce qui est réellement paradoxal est le fait que ce manque d’énergie produite par les éoliennes est compensé par le fonctionnement d’usines thermiques au gaz, au pétrole ou au charbon. Ainsi, dans la mesure où les éoliennes ne produisent d’électricité qu’à hauteur de 25 % environ de leur capacité maximale de production, les 75 % restants, quand elles ne produisent pas, conduisent à l’installation d’usines aux énergies fossiles entrainant l’émission de gaz à effet de serre. C’est le grand paradoxe des éoliennes, qui conduisent indirectement à une augmentation des gaz à effet de serre, c’est-à-dire à l’effet inverse recherché par leur installation.

Les retombées sur la santé humaine et animale
  Les retombées en matière de santé animale ont été largement observées et documentées par des études d’impact. Beaucoup d’espèces d’oiseaux protégées sont menacées par le risque de collision avec les pales des éoliennes. Les chauves-souris, essentielles à la biodiversité, sont sans doute le volatile le plus durement affecté. En effet, le bourdonnement des éoliennes les attire et, une fois trop près de la structure, la pression atmosphérique générée par la rotation des pales cause l’implosion de leurs organes internes.
  Récemment, ce sont d’ailleurs ces infrasons produits par les éoliennes qui ont inquiété les chercheurs. Ces derniers représentent un phénomène à la fois acoustique et physique : un ébranlement vibratoire des molécules d’air provoquant des ondes de pression/dépression pour le son, et une transmission des vibrations par contact pour les vibrations classiques. Il s’agit d’un bruit presque inaudible, mais qui est pourtant perçu jusqu’à 20 kilomètres du lieu d’origine. En Allemagne, des tests ont été réalisés à partir de prélèvements de fibre musculaire cardiaque soumise à ces ondes acoustiques. Une nette réduction de la force musculaire des prélèvements témoins a pu être constatée suite à l’exposition prolongée aux infrasons. D’autres études menées en Allemagne, France, Australie et Canada notent chez des riverains l’apparition de symptômes récurrents : problèmes d’équilibre, acouphènes, migraines et insomnies.
  À ces nuisances s’ajoute le stress engendré par la covisibilité. Le cadre de vie et la santé humaine, l’équilibre de la faune ainsi que la préservation du paysage se trouvent ainsi menacés.

Les enjeux financiers
  Face à l’énumération des conséquences néfastes de cette énergie, comment expliquer son développement débridé ? La réponse se trouve dans les intérêts de ce qui devient un investissement et une opération financière. En effet, le tarif de rachat subventionné de l’électricité produite par les éoliennes sur terre est de 93 euros minimum par mégawattheure et de 180 euros pour celles sur mer. Le prix habituel du marché, dit spot, était, en 2020, d’environ 32 euros… La différence entre le prix du marché et les subventions de l’éolien terrestre et marin, ce sont des subventions payées par le contribuable, dans le cadre du CAS (Compte d’affection spéciale) qui cumule différentes subventions, jusqu’à atteindre, selon la Commission de la régulation de l’énergie, de la Cour des comptes et de l’Assemblée nationale, entre 100 et 150 milliards d’euros sur 20 ans.
  À ceci s’ajoutent les 100 milliards d’euros annoncés par le RTE, en vue du changement du réseau électrique national qui prévoit des lignes à haute tension enterrées dans le sous-sol – ce qui entraînera l’imposition à la population d’une nouvelle taxe de raccordement. Face à de tels enjeux financiers, le niveau de corruption des promoteurs, des investisseurs et des élus étonne moins. Il est important de rappeler que lorsqu’un élu possède une éolienne sur ses terres et qu’il vote et délibère
à ce sujet, il se trouve dans une situation de prise illégale d’intérêts.

Un point sur la situation actuelle, par Jean-Louis Butré
  Les parcs éoliens peuvent aujourd’hui s’implanter dans n’importe quelle région. 9 000 éoliennes, regroupées en environ 1 400 parcs, sont actuellement installées sur le sol français. Un nombre de communes relativement conséquent est donc touché par la transformation de son environnement. La hauteur moyenne d’une éolienne terrestre est aujourd’hui de 180 mètres, ce qui la rend visible dans un rayon de 1 à 2 kilomètres de distance. Si l’on voulait calculer la surface totale du pays impactée par la covisibilité, l’on aurait un résultat d’1,8 million d’hectares, en prenant en compte une covisibilité à 1 kilomètre. Par ce calcul, on découvre que 3 % du territoire français est directement touché par l’implantation de parcs éoliens. Le programme actuel du gouvernement, suivant une stratégie beaucoup plus politique qu’écologique, vise à doubler ce pourcentage : 6 % du territoire français serait alors atteint par une covisibilité à moins d’1 kilomètre de distance des installations. Ces chiffres indicatifs suggèrent l’importance de la modification paysagère et patrimoniale qui atteint le pays.

 

Est-ce que l’implantation d’un parc dévalorise les biens des particuliers ?
  La FED essaie de prouver que le développement éolien cause une réelle dévalorisation des terrains et des biens des particuliers. La tâche est complexe car le lobby éolien a profondément infiltré l’administration. Jean-Louis Butré reporte un signe d’avancement dans ce combat. En effet, la vice-présidente de la FED, Bernadette Kaars, confrontée à des parcs éoliens implantés à 700 mètres de son habitation, a décidé de demander une baisse de sa taxe foncière aux services des impôts. Rencontrant des difficultés dans ces négociations, elle s’est résolue à déposer plainte en tant que particulier devant le tribunal de Nantes. En décembre, le tribunal a tranché en faveur de la baisse de la taxe foncière. Ce qui peut paraître un fait anodin prouve en réalité que l’atteinte au patrimoine et la dévalorisation foncière peuvent être reconnues par la loi.

 


L’exemple de la Nouvelle-Aquitaine

  Jean-Louis Butré montre ensuite l’exemple de la région Nouvelle-Aquitaine, dont le nord est envahi par l’implantation de parcs éoliens, tandis que le sud semble pour l’instant épargné. Il explique que cela est dû à l’activité de 156 associations, dont certaines très puissantes, qui se sont constituées dès l’émergence de la menace. Dans un rayon de 15 à 20 kilomètres autour de Poitiers, 83 éoliennes, fonctionnant, en construction ou en projet, parsèment le territoire. Actuellement, huit associations se coalisent pour essayer de bloquer cet envahissement que le préfet continue de tolérer. Un engagement associatif se révèle donc crucial afin de pouvoir contrer un développement débridé des installations.

Comment organiser le combat anti-éolien ?
  Lors de la phase de prospection, aucune communication n’est faite autour d’un potentiel projet éolien. C’est pourquoi, la plupart du temps, les habitants découvrent de manière accidentelle et tardive qu’un parc éolien est susceptible d’être installé dans leur commune. La FED propose des kits et des guides complets, régulièrement mis à jour, qui peuvent accompagner les particuliers dans leur combat. La procédure de création d’une association, étape absolument essentielle, y est largement détaillée, ainsi que les autres initiatives à entreprendre dans toutes les phases d’avancement du projet.
  Si la proposition d’installation d’un parc éolien retient l’intérêt des partenaires locaux, les promoteurs lancent des études d’impact. Ces dernières peuvent se révéler tendancieuses dans la mesure où elles sont réalisées par des bureaux d’études payés par les promoteurs, représentant une clientèle importante. Une fois les études d’impact achevées, une demande est déposée auprès de la Préfecture du département dans lequel le projet se situe. Après la soumission de ce dossier, une enquête publique est lancée. À ce stade, l’association résistante doit absolument intervenir en apportant des arguments bâtis avec l’appui d’expertises qualifiées. Dans le cas très probable où un permis est accordé, le combat continue devant le tribunal.
  À ce sujet, Jean-Louis Butré et l’avocat Francis Monamy dénoncent le changement et le contournement des lois qui défendent le droit des citoyens. En effet, si auparavant il fallait saisir le Tribunal administratif afin de contester un permis de construire, aujourd’hui, en matière de contentieux éolien, les associations se trouvent obligées de passer directement par la Cour d’appel. Un degré de juridiction a donc manifestement été supprimé. Les promoteurs ont obtenu la validation d’une autre loi, appelée de « cristallisation des moyens ». Cette dernière fait que le temps disponible pour étudier les dossiers des promoteurs est réduit à deux mois. Cette mesure rend plus difficile l’identification des insuffisances des études d’impact réalisées car des dossiers, extrêmement volumineux, plus de 2 000 pages, doivent être alors traités par les avocats des associations opposantes dans un très court délai.
  Le combat à mener devant les tribunaux constitue une lutte longue et rude. La coalition de plusieurs associations s’avère donc absolument nécessaire face à un monde industriel doté de moyens titanesques. Fabien Bouglé et Jean-Louis Butré invitent à la réflexion et à la mobilisation. Le gouvernement ne peut pas se permettre d’effectuer des choix à court terme dictés par une stratégie politique : l’énergie et l’avenir sont des affaires qui se prévoient.

Pour vous procurer les livres des intervenants :
Eoliennes : la face noire de la transition écologique, Fabien Bouglé, 240 pages, 15,90 €
Eolien, une catastrophe silencieuse, Jean-Louis Butré, 160 pages, 15 €

 

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