Projet de loi Climat et résilience : énergie, puissance, pour les sénateurs, c'est du chinois...

  "En politique, une absurdité n'est pas un obstacle."
  Napoléon Ier
  Ce pays est perdu!
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Énergie : le Sénat ne sait pas faire la différence entre KW et KWh

Michel Negynas

 
Câbles électriques et éoliennes. Crédits baerchen57, licence Creative Commons

  Le texte de la loi Climat et résilience parle d’énergie, pas de puissance, alors que c’est bien la puissance, c’est-à-dire la capacité instantanée à produire, qui compte en matière de sécurité d’approvisionnement.
  Un vif débat vient d’avoir lieu au Sénat lors des discussions sur la Loi Climat et résilience.
L’amendement du Sénat
  Un article additionnel a été déposé, dont voici le texte :
  Article 22 bis BA (nouveau)
  Le I de l’article L. 100-4 du Code de l’énergie est complété par un alinéa ainsi rédigé :
  " Les fermetures de réacteurs nucléaires, prévues par la programmation pluriannuelle de l’énergie mentionnée à l’article L. 141-1 ou en application du 4° du I de l’article L. 100-1 A, ne peuvent intervenir qu’à l’issue de la mise en service de capacités de production d’énergies renouvelables, définies à l’article L. 211-2, permettant de produire un volume d’énergie équivalent à la production des réacteurs nucléaires dont la fermeture est programmée. "
  Les journaux en font des gorges chaudes, criant à la rébellion du Sénat envers le programme français de l’énergie (PPE).
  La plupart ont titré :
  "Lors de l’examen en première lecture du projet de loi climat ce vendredi, le Sénat a ajouté un article qui conditionne l’arrêt de réacteurs nucléaires et la fermeture de centrales à la mise en place de production d’énergies renouvelables et bas carbone équivalente."
  Le texte est présenté comme une garantie de sécurité d’approvisionnement. Or, que dit le texte ?
  Le texte parle d’énergie, pas de puissance, alors que c’est bien la puissance, c’est-à-dire la capacité instantanée à produire, qui compte, en matière de sécurité d’approvisionnement.
  En fait, ni un MW, ni un MWh d’énergie intermittente et aléatoire ne sont équivalents à un MW pilotable de nucléaire.
  Bien sûr, l’amendement interdirait de tout passer en énergie renouvelable, puisqu’il faudrait 240 GW d’éoliennes, ou 600 GW de solaire pour avoir une énergie équivalente à nos 60 GW de nucléaire.  C’est quasiment physiquement impossible.
  Mais il ne sécurise rien dans un avenir proche. L’État prévoit d’arrêter 10 GW de nucléaire à assez court terme. En énergie, cela représente 40 GW d’éoliennes. Le mix prévu à 2035 est de 45 GW d’éoliennes et 35 GW de solaire. En énergie, cela remplace plus que 10 GW de nucléaire mais cela ne
change rien pour les nuits d’hiver sans vent, comme nous l’avons montré à maintes reprises.

Le féroce débat
  Le débat qui vient d’avoir lieu au Sénat vaut son pesant de cacahuètes. On ne sait pas s’il faut en rire ou en pleurer.
  Parmi les journaux qui ont rapporté l’affaire, voici ce qu’en dit 20 Minutes :
  "La disposition fait débat et il n’est pas impossible qu’elle ne passe pas à l’Assemblée. Parmi ses détracteurs, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili qui s’est vivement opposée à « un article ni fait ni à faire ». « J’aimerais tellement que ce soit si simple ! », s’est-elle exclamée, soulignant que « la politique énergétique est beaucoup plus complexe que ça. "
  On a envie de lui dire : tellement complexe que personne n’y comprend rien dans les hémicycles !
  En réalité, c’est pourtant très simple, contrairement à ce que dit la ministre : on a besoin d’environ 100 GW à la pointe d’hiver. Pour approvisionner à coup sûr, il faut 100 GW de capacité pilotable à la demande. Si ce n’est pas du nucléaire, ce sera du gaz.
  Notre monde politique débat depuis 20 ans sur la question sans encore avoir compris cela. Même le rapporteur de l’amendement pédale dans la choucroute puisque dans sa réponse à la ministre, il parle de capacité équivalente ; soit il n’a pas lu son propre texte, soit il confond lui aussi puissance et énergie.
  L’écologiste Ronan Dantec avertit :
  "On ne pourra pas – sauf à prendre décennie par décennie et année par année de plus en plus de risques – garder le stock actuel de centrales nucléaires, c’est une illusion française."
  C’est aussi ce que dit Jean-François Carenco, Président de la Commission de régulation de l’énergie, lors d’une audition parlementaire :
  "Miser sur le 100 % nucléaire n’est pas sérieux, car nous ne sommes pas en capacité de construire 62 gigawatts de nucléaire, que ce soit pour des raisons industrielles, mais aussi d’acceptabilité."
  Cela s’appelle des prévisions auto-réalisatrices : si on dit qu’on ne peut pas, évidemment qu’on ne pourra pas ! Ce manque de confiance d’un pur fonctionnaire envers le monde de l’entreprise de son propre pays pourrait être reçu comme une insulte.
  Mais on pourrait commander des centrales aux Chinois, non ? On vient d’en construire deux chez eux qui marchent très bien, même si on fait tout pour les discréditer avec des incidents mineurs.

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