L'éolien procède méthodiquement à un écocide de la chauve-souris

  "Temps où le ciel recru pénètre dans la terre, où la chauve-souris agonise entre deux mépris"*
  Librement inspiré de René Char
* L'original
  "Temps où le ciel recru pénètre dans la terre, où l'homme agonise entre deux mépris"
  René Char, Fureur et mystère, Poésie, Gallimard, 1962, p. 93. 

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Les chauves-souris sacrifiées sur l’autel des parcs éoliens


Cécile Arnoud
2021 06 11

  « Je les aime, elles ont rempli ma vie. » C’est ainsi que débute notre conversation avec Laurent Arthur, chiroptérologue passionné et passionnant, tout jeune retraité du Muséum de Bourges. Ce membre de la SFEPM a beaucoup travaillé sur l’impact de l’éolien sur les chauves-souris, d’il y a 15 ans, quand il pensait encore qu’il n’y avait aucune incidence, à aujourd’hui, où il est convaincu que les éoliennes ne sont pas compatibles avec la biodiversité.

 


  La SFEPM, Société française pour l’étude et la protection des mammifères, a récemment publié un manifeste dans lequel son groupe de travail sur les éoliennes prévient de leur impact sur les populations de chauves-souris. L’éolien, un sujet très à la mode et qui peine à faire consensus. Pour Laurent Arthur qui étudie la question depuis de nombreuses années, « nous sommes en train de sacrifier des espèces tout en parlant de protéger la biodiversité ». Car pour lui, l’éolien est bien une énergie renouvelable mais tout sauf verte !

Des espèces impactées différemment selon la hauteur des gardes basses

  Ce spécialiste des chauves-souris alerte sur les collisions des pales et des petits mammifères. Avec les anciens appareils équipés d’une garde basse de 40 mètres de hauteur, NDLR : distance qui sépare le bout d’une pale du sol, « toutes les espèces n’étaient pas impactées, seulement celles de haut vol comme les pipistrelles, les noctules et les sérotines. Mais depuis deux ans, on touche beaucoup plus d’espèces avec l’installation de nouvelles machines dotées de pales qui descendent en dessous de 30 mètres. Ce qu’il faut comprendre c’est qu’en bout de pale, on atteint des vitesses de 250 à 350 km/h ».
  La France compte de nombreuses espèces menacées de chauves-souris, elles constituent d’ailleurs 8 des 17 espèces de mammifères menacées sur notre territoire. Les noctules, qui aiment voler en altitude et sont donc directement impactées par les collisions avec les pales, sont en voie de disparition et classées vulnérables sur la liste rouge nationale.
  D’après une projection de Vigie-Chiro datant de juillet 2020, la noctule commune –Nyctalus noctula – pourrait perdre jusqu’à 88 % de sa population dans les 15 prochaines années. Les signaux acoustiques enregistrés dans le ciel la nuit diminuent. « On entend le ciel se vider », constate Laurent Arthur, pessimiste quant au sort de ces chauves-souris. « J’ai bien peur que les noctules ne voient pas la fin du 21ème siècle, et si on descend toutes les éoliennes à 10 mètres, on va perdre beaucoup plus d’espèces. »
  En effet, les chauves-souris de haut vol représentent environ un tiers des espèces tandis que 40 % volent entre le sol et 30 mètres de hauteur.

Pourquoi les chauves-souris n’évitent-elles pas les éoliennes ?

  Ces petits mammifères volants, qui pèsent jusqu’à 40 grammes pour les espèces les plus grandes vivant en France, sont « comme attirés par les éoliennes » et ce pour plusieurs raisons : « Leurs mats sont des structures verticales, semblables à de grands arbres, ce qui rappelle aux animaux leur gite naturel et comme les chauves-souris voient à l’aide d’un cône d’ultrasons, elles ne voient pas à plus de 25 ou 100 mètres de distance. De plus, les éoliennes fixent les insectes qui s’écrasent sur les pales, et les chauves-souris sont attirées par les insectes puisqu’elles s’en nourrissent ».
  Dans une étude de 2014 combinant enregistrements acoustiques et suivis caméra vidéo afin d’observer le comportement des chauves-souris à proximité des éoliennes, près de 88 % d’entre elles changeaient même de trajectoire pour se diriger vers l’appareil !
  Or, les chauves-souris font partie des animaux au cycle de reproduction lent. Chaque femelle fait un seul petit par an et le taux de renouvellement des populations est bas. « Les courbes démographiques sont pourtant claires : au-delà d’un seuil de mortalité, le phénomène sera quasi irréversible, et nous sommes proches de ce seuil. Et plus le nombre de victimes s’accroît, plus ce seuil se rapproche », explique la SFEPM dans son communiqué.

Comment protéger les chauves souris des collisions avec les pales d’éolienne ?
  Les chauves-souris étant nocturnes, on pourrait croire qu’il suffit d’éteindre les éoliennes la nuit.  Mais pour une question de rentabilité ce n’est bien sûr pas aussi simple.
  Pourtant, des solutions sont déjà mises en place. « Le bridage consiste à couper les éoliennes au moment où les animaux sont les plus actifs. C’est une mesure très technique, qui permet de faire baisser la mortalité mais pas de l’empêcher. Et pour les oiseaux elle n’est d’aucune utilité », déplore le chiroptérologue. Le bridage est décidé par le préfet mais peu d’appareils sont en réalité équipés de ce système. Pourtant, à l’installation d’un éolienne, le développeur doit effectuer dans les trois ans une étude de mortalité pour rendre compte de l’impact sur les chauves-souris.
  Des études souvent peu concluantes puisque, comme nous le précise le spécialiste, « quand on trouve une chauve-souris morte, il y en a en réalité 10 de disparues ». Les corps sont disloqués avant d’atteindre le sol, emportés par des prédateurs, ou mangés par les insectes au sol. Autant d’indices qui disparaissent.

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