Haute-Marne : Chaumont à la La Belle Époque, épisode VIII

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  Le tableau démographique de la Haute-Marne arrêté fin de semestre 1908 dit que :
  • la population de l'arrondissement de Chaumont est de : 72 775 habitants
  • la population de l'arrondissement de Langres est de : 79 477
  • la population de l'arrondissement de Wassy est de : 69 472
  • Total : 221 724 habitants [2021 : 174 069 ; INSEE]
  Dans son "almanach" édition 1969, corrigée le 25 novembre 1967, l' Administration des P.T.T [sigle de l'Administration des Postes, Télégraphe(s) et Téléphone(s), jusqu'en 1959 ; puis par extension : appellation usuelle de l'Administration des Postes et Télécommunications, de 1959 à 1980] déclare que la population de la Haute-Marne n'est plus que de 208 446 habitants. Baisse : 6%.

À partir de 1963, c'est le téléphone Socotel s63, en plastique gris, qui s'imposera, et qui se colorera dans les années 1970-80. Remplacé dans les années 80 par un nouveau modèle avec clavier multi fréquences ... Pour tout savoir sur l'histoire du téléphone, c'est ICI.

  La même année la population de Chaumont atteint, en hausse, 27 569 habitants. [2021 : 21 990 ; INSEE]
  Deibler au travail [Anatole Joseph François, 1863-1939 ; bourreau ; il opéra de 1899 jusqu'au 24 février 1939 jour de sa dernière exécution, à Lyon, où il décapite Abdelkader Rakida. Il aura exécuté en tout près de quatre-cents criminels. Source]
  Le Bourreau de Justice ne viendra que plus tard à Chaumont pour instrumenter les misérables Ernette [Alphonse, 25 ans, ouvrier, déserteur. Profite de l'ivresse de Charles-Jules Saulnier, 57 ans, ouvrier, le 13 mars 1921 à Saint-Dizier, pour tenter de voler son portefeuille, mais face à sa résistance, l'assomme à coups de bouteille, puis de coups de pied au visage, pour lui dérober au total 410 francs ; exécuté le 29 juin 1921 à Chaumont] et Bâton [Fernand, 23 ans, cheminot auxiliaire à la Compagnie des chemins de fer de l'Est. Assomme à coups de bâton et étrangle Marthe Huguenin, 42 ans, le 20 janvier 1921 pour... 4 francs et un parapluie, objet qui causa son arrestation ; exécuté le 28 juin 1921 à Chaumont. Pour connaître tous les condamnés à mort en France, c'est ICI]
  Aujourd'hui je ne veux que noter, au hasard de mes lectures de presse, l'atroce et scandaleuse nuit qui précéda, à Béthune, l'exécution de quatre malandrins. Toute la nuit, une foule indigne a empli les estaminets [petit café, débit de boissons, surtout dans le nord de la France et en Belgique ; Larousse] voisins de la place du supplice et mené un tel tapage que l'un des condamnés, réveillé par les cris et les chants bien avant l'heure officielle, a pu deviner le sort qui allait être le sien.
  Quand enfin se découvre la rouge machine et qu'un à un, les suppliciés garrottés sont poussés et jetés vers elle, c'est un déferlement de cris, d'acclamations, d'insultes ordurières aussi à l'adresse des malheureux qui vont mourir. Deibler, le bourreau, est applaudi, congratulé à l'instar d'un bienfaiteur national.

Anatole Deibler, 54 ans de carrière. Quelques célébrités : Santo Jéronimio Caserio, assassin de Sadi Carnot, président sous la IIIe République, 1894 ; les 3 membres survivants de la "Bande à Bonnot", 1913 ; Henri Désiré Landru, célèbre tueur en série surnommé "le Barbe-Bleue de Gambais", 1922 ; Paul Gorguloff, l'assassin de Paul Doumer, président sous la IIIe République, 1932. Source

Paul Doumer évacué de l'hôtel Salomon de Rothschild immédiatement après avoir été atteint par des coups de feu : "Le président de la République est transporté dans son automobile" Le Matin, le 7 mai 1932

  Le scandale est tel que l'opinion s'émeut devant tant de cruelle bassesse. Les fêtes de sang sans-culottides, sur la Place de Grève, devenue Place Louis-XV avant d'être de la Concorde, ont toujours leurs fervents... En marge de ces scènes d'une répugnante bestialité, nous aurons appris que, pour prix de son ouvrage, M. Deibler perçoit un traitement mensuel de 500 F augmenté d'une indemnité de 666, 66 F pour l'entretien de la guillotine. Ses aides, M. Desfourneaux, qui deviendra son gendre et lui succèdera plus tard, et M. Deville touchent respectivement 4 000 F et 3 000 F par an.
  Dans une autre partie de cet ouvrage, j'aurai à vous entretenir des grandes affaires criminelles à Chaumont.

Les Livres-Penseurs
  Par réaction, car l'on est toujours le "réactionnaire" de quelqu'un ou de quelque chose, contre la "soutane", la "calotte" ou les "mômeries [enfantillage, surtout pluriel, Larousse] d'église", les Sociétés de Libre-Pensée affirment, publiquement maintenant, le droit de leurs membres à vivre et à mourir selon leur consciences, sans recourir aux bons offices de la religion.
  La plus haute manifestation de refus, la dernière aussi, est, pour le libre-penseur, d'exiger des obsèques civiles. Mais il se trouve aussi que la famille du moribond ne partage pas toujours d'aussi fermes convictions et il en résulte certaines tractations secrètes, assez sordides au demeurant, pour faire tomber l'âme défaillante du "bon côté". Plus d'une fois, la future veuve ou quelque fille dévote réussira à introduire le prêtre dans la maison pour le conduire au chevet de l' agonisant. Saisi de la grande peur dernière, l'homme qui s'en va se raccroche-t-il à cette ultime espérance? Calcule-t-il, au seuil de la tombe, l'incertitude finale de son destin et choisit-il, en toute lucidité, le" Pari" de Pascal?  [Blaise, 1623-1662 ; mathématicien, physicien et écrivain ; " Pascal propose à l'athée le pari suivant : “Dieu est ou il n'est pas. Mais de quel côté pencherons-nous ? La raison n'y peut rien déterminer; il y a un chaos infini qui nous sépare. Il se joue un jeu, à l'extrémité de cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile. Que gagnez-vous ? Par raison, vous ne pouvez faire ni l'un ni l'autre; par raison vous ne pouvez défendre nul des deux. ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix; car vous n'en savez rien“, Pensée, 1669. Source] Nul ne nous le dira.

 

 Blaise Pascal, 1623-1662


  Demain, dans la réalité des faits, nul ignorera que le "mécréant" d'hier, "le mangeur de curé", le "saucissonneur du Vendredi-Saint" est mort "muni des Sacrements de l' Eglise" et va partir au cimetière derrière la croix, suivi de l’encensoir et du goupillon. Un affront durement ressenti par la Société de Libre-Pensée de Chaumont. Car, à Chaumont, le doyen des Libres-Penseurs vient de disparaître et on l'a "enterré à l'église!".
  Le 14 février, la Société que préside le journaliste Le Page, du "Petit Haut-Marnais", tient assemblée dans la Salle de la Justice de la Paix pour examiner ce cas entre tous inexplicable. C'est un fait patent que le défunt doyen, sociétaire depuis plus de vingt ans, était "connu comme un libre-penseur militant". Quelles puissances occultes ont bien pu faire pression sur sa conscience pour qu'il ait accepté de se faire inhumer avec le concours des prêtres? C'est avec une vive indignation que la Société prend acte de ce défi à la pensée libre et vote incontinent un ordre du jour "protestant contre les obsèques religieuses injurieuses pour (sa) mémoire, qui lui furent faites".
  Et pour que semblable fait ne se reproduise plus à l'avenir, les assistants décident à l'unanimité que, désormais, "tout nouvel adhérent devra déposer, à la Société de Libre-Pensée, son testament en règle. Les adhérents actuels sont pareillement invités à en faire autant, sous peine d'exclusion".
  De cette dernière lutte d'idées menée jusqu'au bout au chevet des moribonds, de ces marchandages, somme toute fort indécents, disputés entre les tenants du ciel et les suppôts de l'enfer, faut-il rire? ou ne convient-il pas plutôt de pleurer?

En calèche
  Mais laissons ces funèbres propos pour reprendre goût à l'aimable vie chaumontaise.
  L'automobile dévastatrice des basses-cours, mangeuse de poussière, aussi bruyante que nauséabonde, n'a pas encore conquis les foules, malgré les très louables efforts de Lorinet, de Brion, de Malburet. On se fie plus volontiers au paisible "moteur à crottin" et qu'il s’agisse de promenades hygiéniques ou de grandes cérémonies de famille, la calèche à double ressorts est toujours de mise. Que dis-je? C'est un signe d'élégance et de haute distinction! C'est à son bord que l'on n'hésite pas à entreprendre de longues expéditions vers les campagnes lointaines et la moitié du village au moins s'ébaubit et s'extasie quand, le jour de la fête patronale, juste à l'heure de la grand'messe chantée, arrive dans son grand roulement, le phaéton des cousins de Chaumont.
  Hé bien! dites donc! on peut dire que vous en recevez du beau monde! Et quelle belle carriole!


                

 Phaéton, année 1900, signé Delpigny.

   Le médecin de campagne, le vétérinaire de canton ne dédaignent pas la bicyclette mais l'engin présente l'inconvénient grave d'exiger un rude effort physique. Combien n'est-il pas plus commode d'atteler un demi-sang dans les brancards d'un tilbury léger?

 

 Tilbury, au musée des voitures de Geraz do Lima, Portugal. Porte le nom du carrossier qui l'a mise au point. Source

 Pour ce qui est des campagnards - le mot est plus noble que péjoratif - ils ne sont pas à la veille de s'en laisser conter avec toutes ces bastringues  à moteur. S'ils viennent en ville, pour le marché, les habits de noce ou les cierges de l'enterrement, c'est à pied, s'ils sont du voisinage, ou dans leur charrette à deux roues hautes. Sur cette balançoire, le siège avant est fait d'une bonne planche, les sièges arrière d'un botte de paille. Le pur-sang qui la tire s'appelle "Mignonne" ; elle a douze ans et son poulain annuel attrape un an tous les douze mois. Elle pèse dans les 800 kilos et ne rougit pas de son embonpoint : c'est la fierté, c'est aussi la force tranquille des Ardennais. C'est toujours le plus
lourd qui l'emporte.

"...Connu et mentionné depuis l’Antiquité romaine où il sert à la remonte des armées, l’ardennais devient jusqu’au début du XIXe siècle l’une des meilleures races de chevaux de selle et de trait léger pour la traction du matériel d’artillerie militaire. Sous l’empire napoléonien, ils sont réputés pour avoir survécu à la campagne de Russie..." Source

   Aussi n'a-t-il pas mal calculé son affaire, M. Scharpf-Petit, restaurateur rue Pasteur, n°14, qui, non content de soigner et sustenter l'homme à pied, loue de "bons chevaux et des voitures très confortables : petit et grand coupé, calèche blanche pour mariage, petit et grand break couverts pour noces. Prix modérés".

Fiacre Peugeot Break de 1894, musée de l'automobile Peugeot de Sochaux. Source

  À souligner que M. Scharpf-Petit n'hésita pas à donner son numéro de téléphone, le 197. Il est sinon le seul, du moins l'un des rares à le faire car la grande majorité des annonceurs, fût-ce les plus en vue commercialement, ne jugent pas utiles de faire connaître à tout-venant qu'ils possèdent cet instrument de télécommunications. Pour une prescience [connaissance de l'avenir, Larousse] admirable, ils ont déjà reconnu que le téléphone va devenir l'intrus, insupportable et indiscret, cordialement maudit dès que l'on n'a plus besoin de lui.

Enfin, la Fée!
  En ces temps de rationalisme, de positivisme à l' Auguste Comte [1798-1857 ; philosophe et fondateur du positivisme ; définition : toutes les activités philosophiques et scientifiques ne doivent s'effectuer que dans le seul cadre de l'analyse des faits réels vérifiés par l'expérience et que l'esprit humain peut formuler les lois et les rapports qui s'établissent entre les phénomènes et ne peut aller au-delà, Larousse. Tout savoir sur le personnage, c'est ICI], une fraction des têtes pensantes a rejeté le miracle hors de son horizon. Un mouvement s'est même dessiné, graves opinions médicales à l'appui, pour exiger l'interdiction des bains insalubres donnés aux malades dans les eaux de la grotte de Lourdes. Un praticien de la région de Langres a joint modestement sa voix à celle de ses confrères parisiens. Mais tout le monde croit - sceptiques, agnostiques, libres-penseurs et athées - au proche miracle de la divine Electricité.
  Tout comme pour l'avènement du Christ, des voix prophétiques l'annoncent pour demain, voire tout de suite. La Compagnie d’Éclairage l'a promis, presque juré : 1908 ne verra pas sa fin sans que jaillissent à Chaumont, dans les maisons, dans les magasins, sur les places publiques, les éblouissements des arcs électriques. C'est tellement sûr que M. Pol Antoine, en ses magasins en face du Lycée - car il est devenu gendre de M. Lisse - croit pouvoir promettre à sa nombreuse clientèle l'installation et l'inauguration de l'éclairage électrique dans ses agrandissements pour le dimanche 15 novembre. Mais de quinzaine en quinzaine, la Compagnie d’Éclairage retarde le prodige tant et si bien que M. Antoine se décide à inaugurer ses locaux sans le secours de la fée capricieuse. Et, ma foi le bon vieux gaz de Philippe de Brachay [Philippe Lebon dit d’ Humbersin, 1767-1804, né à...Brachay, Haute-Marne ; ingénieur et chimiste ; inventeur du gaz d’éclairage et, en 1801, du premier moteur à explosion. Source] fera tout aussi bien l'affaire!


Timbre à l'effigie de Philippe Lebon.

  Avec quelques semaines de retard, le courant électrique sera donné à Chaumont, dans le premier secteur, les 23 et 24 janvier 1909. Sans plus d'étonnement ni d'agitation. On s'étonne, certes, on admire que le mystérieux fluide, véhiculé par de minces conducteurs métalliques soit aussi simple à manier : crac! un tour de bouton de porcelaine, et la maison s'illumine du haut en bas! crac! encore un demi-tour, et c'est la nuit! C'est tout de même merveilleux, l'électricité! Autre chose que le gaz et l'allumeuse de réverbères qui, aussi maigre que sa perche porte-feu, s'en va chaque soir dans un interminable périple redonner vie aux anémiques lumignons des rues et des carrefours.8
  Mais aussi économes que méfiants en présence des nouveautés, nos gens ne se jettent pas goulûment sur la petite fée. Certains, les gros du négoce, pensent que leur "standing" leur fait devoir de mettre leurs boutiques au goût du jour ; de plus modestes les imiteront, c'est une question de dignité, de vanité aussi. Mais des années passeront avant que l'électricité entre en souveraine dans les appartements et le vieux bec Auer [sur la base d'un brûleur Bunsen surmonté d'un manchon à incandescence contenant des terres rares, cérium, thorium, yttrium, pour les réverbères d'éclairage urbain et les lampes à gaz, pétrole ou essence , ébranlé mais non vaincu, fera encore longue carrière. 

 

 

 Femme, bec Auer : [photographie de presse] / [Agence Rol]

                                           

 Carl Auer Freiherr von Welsbach, 1858-1929 ; chimiste autrichien ; il inventa entre autre le manchon à incandescence, 1885, qui fut exploité en France à partir de 1892 avec le bec Auer. La même année il créa la société AUER. Source
 
  Même décroché des cloisons et des murs, ses tuyaux demeureront préservés : profonde sagesse! Trente années plus tard, la pénurie électrique née de la guerre et de l'occupation rendra un nouveau lustre au gaz d'éclairage que l'on pensait bien avoir définitivement détrôné. Combien heureux et contents les "conservateurs" qui ne jettent rien, en vertu du principe : "On ne sait jamais... Ca peut encore servir!".
  La Municipalité elle-même, qui avait laissé prévoir l'immédiate installation de puissantes lampes-à-arc aux points stratégiques de la Ville sans, pour autant, renoncer au partout au gaz, met une sage lenteur à réaliser le brillant projet.
  En vérité dans les années 30, l'allumeuse de réverbères, qui doit bien approcher l'âge de la retraite, continuera son office, tardive aurore aux doigts de rose...
  La naturelle méfiance du Chaumontais va bientôt trouver un aliment et une réponse à la question que l'on se pose entre soi : finalement, ce fameux éclairage électrique ne va-t-il pas coûter des mille et des cents aussi bien à la Ville qu'aux usagers les plus regardants? Qui, le 1er mars, a bien pu faire placarder dans les journaux locaux cette espèce d'affiche dont on cherche en vain le nom d'auteur? les gens de l' Usine à Gaz, peut-être?
   En tout ca, ces Messieurs annonceurs se sont livrés à un calcul savant et n'ont pas eu grand'peine à démontrer, chiffres en mains, que le prix de l' hectowatt-heure étant de 0,09 centime, quatre lampes de 25 bougies l'une, fonctionnant pendant un an, dépenseront 163,40 F, tandis que le gaz, deux fois bien de chez nous puisque de Lebon, donnera tout autant de bonne lumière pour 53,60 F seulement.
  Conclusion triomphale de l' affiche : L' Éclairage électrique coûte trois fois plus que l'éclairage au gaz!
  Argumentation de poids et qui portera puisque, nous l'avons dit, le gaz à Chaumont fera encore un long chemin.

CHAPITRE XVI 

Naissance de l' aviation

  Le 25 juillet 1909, un petit bonhomme en paletot de "pékin", moustachu comme tout le monde mais casqué de cuir souple s'installe sur le siège étroit d'une sorte de bicyclette qu'il a munie d'une queue empennée, d'un moteur à l'avant et de deux ailes de toile sur les côtés. Il part de Calais et, bientôt, pose son engin frémissant sur les falaises de Douvres. C'est la première traversée de la Manche, le premier vol de continent à continent.
L'ingénieur Louis Blériot [Charles Joseph, 1872-1936 ; ingénieur, pilote et constructeur de lanternes d'automobiles, d'avions, de motocyclettes et de chars à voile. Source] qui est alors âgé de 37 ans, n'est pas le précurseur de l’aviation. Certes, dès le 31 octobre de l'année précédente, il a réussi le premier vol en circuit fermé de ville en ville et retour, de Toury à Arthenay [la distance à vol d'oiseau séparant les 2 communes est de...14km].
  Mais en 1902, deux Américains, les frères Wilbur et Orville Wright [1867-1912 et 1871-1948], tout d'abord constructeurs de bicyclettes, avaient commencé à quitter le sol à bord d'un planeur. Le 17 décembre 1903, Orville, sur une machine équipée d'un moteur de 16 CV à deux hélices avait exécuté un vol réel, au-dessus de la terre ferme. Blériot n'en était pas moins le premier à avoir bravé l'océan, ne fût-il large que de 34 kilomètres.




Louis Blériot remportant le prix de Mme Edmond Archdeacon, en 1909.  Domaine public                             

La fête de Bar-sur-Aube

À suivre...

Robert Collin, Chaumont à la Belle Époque, Les Presses de l'Imprimerie de Champagne, Langres, 1970, pp. 122-128-148  


8. Jusqu'aux temps modernes de 1863 qui virent naître, rue de l' Abattoir, sous la direction de l'ingénieur Louis Jumelin, l'usine à gaz hydrogène pour l'éclairage de la Ville, Chaumont comme ses pareilles s'éclairait tout bonnement à l'huile.

 

 Usine à gaz dite La Chaumontaise, puis S.A. des Usines à Gaz du Nord et de l'Est, actuellement bureaux ERDF-GRDF et habitations - Chaumont. - Usine à Gaz / Julien et Morel édit., [1er quart 20e siècle]. 1 impr. photoméc. (carte postale) : n. et b. (Collection particulière). Source

 

 

 

 Usine à gaz dite La Chaumontaise, puis S.A. des Usines à Gaz du Nord et de l'Est, actuellement bureaux ERDF-GRDF et habitations - Plan de site, état en 2013. Source

  Le soin d'éclairer la cité était concédé, par adjudication au rabais, pour 3, 6, ou 9 années.
  En 1820, par exemple, on dénombrait à Chaumont 30 réverbères, comportant ensemble 83 becs, consommant chacun 1/2 once d'huile à l'heure [une once liquide correspondait à 30Ml environ]. En cours d'année, on comptera 106 jours d'éclairage pour un total de 579 heures, un peu moins de six heures par jour d'éclairage, - ou plutôt par nuit.
  En 1827, le nombre de réverbères sera porté à 40 avec 105 réflecteurs, dont 84 viennent d'être réargentés à neuf.
  En 1847, 62 réverbères éclaireront les points les plus favorisés de la ville. Ce nombre ne changera pratiquement pas jusqu'en 1863, année qui verra s'imposer l'éclairage au gaz.
  De 1853 à 1863, le matériel d'éclairage à l' huile ira se détériorant et les nombreux rapports des sergents de ville, signalant le non-fonctionnement des réverbères ne changeront rien à cet état de choses.
  Le gaz apportera ses illuminations et permettra l'extension du réseau. Grand besoin en était car les appareils n'étaient pas d'un maniement facile. Suspendus en travers des rues sur un filin souple, ballotés à tout vent, leur mérite était grand de répandre, de loin en loin, le halo rassurant de leur jaune lueur.

Source

  Tous les soirs, le préposé à l'allumage et à leur entretien venait décrocher la corde qui, par le moyen de deux poulies, permettait d'amener le réverbère à hauteur d'homme pour se mise en route nocturne. Matelot du plancher des vaches, l'allumeur - ho! hisse! - remontait le fanal à bout de drisse mais il y fallait du temps car le système à vérifier et entretenir en ordre de marche n'était guère moins compliqué qu'un de nos actuels carburateurs à double corps.

 "...L’employé ouvrait d’abord le portillon avec sa clef, puis insérait la manivelle qu’il portait avec lui sur l’axe carré du cabestan, et laissait descendre la lanterne à hauteur confortable pour travailler. Une fois ses gestes quotidiens accomplis (changement de la mèche, remplacement du verre, remplissage du réservoir, nettoyage des vitres), il remontait la lanterne et refermait le portillon à clef avant d’aller quelques dizaines de mètres plus loin, recommencer ces mêmes opérations avec la lanterne suivante, une des quelques dizaines dont il avait la charge..." Source 

  Pour l'allumeur, allumer n'était rien mais il devait, auparavant, vérifier le niveau de l'huile dans la bouteille-pompe adéquate, s'assurer de la position réglementaire du godet latéral placé sous la lampe pour recevoir les "égoutailles", constater que le porte-verre garni de son cylindre se trouvait bien en place, ainsi que le porte-mèche et le bec à courant d'air prévu pour activer la combustion.
  Toutes ces explications fournies pour vous faire mieux participer à ce sombre drame vespéral dont, le 2 novembre 1837, M. Edme Debricon rend compte circonstancié à M. le maire de Chaumont. Les faits sont tels :
"Edme Debricon, employé sur le nettoyage et l'allumage des réverberres de la Ville a l'honneur de vous exposer que très souvent les diligences et voitures publiques qui doivent traverser la ville et qui arrivent au moment où il est occupé soit à les nettoyer ou à les allumer, ne veulent pas arrêter, pour lui laisser le temps de les relever, malgré les insistances qui leur sont faites. Cela est déjà arrivé quelque temps à celui de la porte de Buxereuilles ou le reverbere a été arraché et le mur de la dame Bazin tiré à bas, hier le grand vent qui donnait de toute part avait défait la corde de dessus la polie (poulie) de celui qui est sous la porte de Buxereuilles, de manière à ne pouvoir ni le remonter, ni le redescendre, pendant que j'étais allé chercher une échelle pour pouvoir le remettre, il est arrivé une diligence à qui mon épouse a été dire, en allant au devant d'elle d'arrêter et de ne pas marcher, par ce que le réverberre ni se remonter, ni se redescendre, le Conducteur ne voulait entendre aucune raison et persistait à vouloir marcher, il vouloit même passer pendant j'étais sur l' Echelle, il m'est arrivé en portant l' Echelle et en voulant me presser pour ne pas retarder la voiture d'attraper une femme avec l'Echelle, ce qui l'a faite tomber. Je puis vous attester cette vérité par les deux hommes qui ont tenu l'échelle pendant que j'étais dessus pour remettre la corde. Comme cela peut encore se renouveller pendant l'hiver que nous allons passer et qu'il pourrait y arriver des inconviéniens plus graves, je vous prie Monsieur le Maire de vouloir bien ordonner à Messieurs les Directeurs de ces voitures, de donner ordre aux Conducteurs de leurs voitures, de s'arrêter lorsque le réverberre sous lequel ils doivent passer est à bas, soit pour le nettoyer ou l'allumer, et ce le plutôt qu'il sera possible et vous ferez bien.

J'ai l'honneur d'être
Monsieur le Maire
votre très respectueux serviteur
E. DEBRICON.
"

  J'ai respecté le style, l'orthographe et la ponctuation du rédacteur de cette supplique lequel n'est que le porte-plume de ce brave homme de Debricon. Mais orthographe ou non, nous admettons ensemble que nos petites gens connaissaient de bien grandes misères pour gagner petitement leur vie.

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