Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, épisode VIII

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et ne pas se laisser séduire à quelques marques de patriotisme que les généraux donnent : ce n'est souvent que pour mieux cacher leurs trahisons, et gagner la confiance de la Nation, et pour mieux nous tromper, comme a fait l'infâme Dumouriez, Custine et les autres. Le peuple dit qu'il ne faut pas les perdre de vue un instant, toujours les surveiller.
   Il faut encore, dit le peuple, que la Convention nationale montre et déploie son énergie ordinaire, et qu'elle prenne sa massue pour écraser les conspirateurs, et qu'elle commence dans son sein, car, dit le peuple, il y a encore bien des mâtins [personne qui agace par son espièglerie ; Larousse] qui cherchent à entraver la machine et qui l'empêchent d'aller ; il y a des individus qui ont intérêt de perpétuer la guerre parce qu'ils y trouvent leur compte.
  Plusieurs particuliers disaient qu'il était défendu de parler de la seconde réquisition171 sous peine de punition.
  Plusieurs garçons boulangers se plaignent qu'il y a plusieurs mois qu'ils sont sans place et point occupés, que plusieurs ont été renvoyés des armées parce qu'il y en avait trop.
  Le peuple se plaint qu'il y a une grande quantité de jeunes volontaires de la première réquisition même, qui reviennent à Paris avec leur congé absolu, sur maladie.
   Le peuple a toujours les vertus de Marat présentes devant les yeux. Ce législateur était vertueux, dit le peuple, puisqu'il est mort pauvre ; il n'a point dilapidé la Nation.
  Les malveillants répandent le bruit que la Vendée se renouvelle parce que l'on guillotine trop de monde. Le peuple n'est point de cet avis puisqu'il dit que Paris n'est point à la hauteur de plusieurs départements.
  L'on désirerait que les prisonniers détenus dans les maisons d'arrêt soient interrogés si ce n'est dans les vingt-quatre heures, comme la loi le porte, au moins dans les huit jours. L'on observe qu'il y en a à la mairie qui y sont depuis plus de deux mois, qui n'ont point été entendus.
  Les subsistances sont toujours à l'ordre du jour ; il n'y a toujours que le riche qui ne manque de rien ; l'indigent manque de tout, ce qui rend le peuple très mécontent, et le manifeste tous les jours dans ses plaintes. Tout est hors de prix, la plus petite marchandise a renchéri des trois quarts. L'ouvrier père de famille ne peut plus vivre, il se prive de tout ; plus de cinquante honnêtes citoyens disaient ce soir, et disent tous les jours, que voilà un temps infini qu'ils ne mangent que du pain, eux et leurs familles, faute de pouvoir acheter autre chose, vu la cherté où sont toutes les denrées et le peu d'occupation qu'ils ont ; les maîtres chez lesquels ils sont diminuent leurs journées mais non leur travail.
  Les femmes se plaignent qu'elles ne peuvent point avoir de sucre, et que souvent elles en ont besoin pour différentes circonstances ; elles ne peuvent avoir que de la cassonade [sucre impur de canne ou de betterave, en morceaux ou en poudre, appelé aussi, en raison de sa couleur, sucre roux] noire et sale, capable d'empoisonner plutôt que de faire du bien. Ces mêmes femmes observent que quantité de muscadines [féminin de muscadin : désigne la jeunesse dorée] prennent du café avec du sucre très blanc, mais qu'elles sont protégées de leurs sections et des épiciers.
  Les œufs se vendent dix sous la pièce.

Rapport de Rolin, W 191
  On assure que la Grand Seigneur est entré dans la coatition172, d'après les pressantes sollicitations que lui a faites la grande Cateau de Russie [Sophie Frédérique Augusta d' Anhalt-Zerbst, Catherine II de Russie, 1729-1796 ;"... Pour lutter contre « l’hydre jacobine », Catherine signe le 8 février 1793 un oukase qui met un terme aux relations entre les deux pays. Les résidents français en Russie doivent jurer « devant Dieu Tout-Puissant et sur son Saint Évangile, que n’ayant jamais adhéré de fait ni de volonté aux principes impies et séditieux introduits et professés maintenant en France, [ils regardent] le gouvernement qui s’y est établi comme une usurpation et une violation de toutes les lois, et la mort du Roi Très-Chrétien Louis XVI comme un acte de scélératesse abominable et de trahison infâme ». Durant cette même année, alors que la Terreur s’établit en France, Catherine II tente d’endiguer les idées révolutionnaires en Russie comme en Pologne et offre son soutien aux princes émigrés, accueillant notamment le comte d’Artois, frère du défunt Louis XVI... " ; source] ; qu'aussitôt les ordres ont été donnés pour que les Français aient à quitter la cocarde tricolore et sortir de son territoire sous un temps spécifié par son ordonnance.


Source

On s'est beaucoup occupé, dans différents groupes, du citoyen Santerre173. On trouve singulier qu'il ait eu le talent de retirer son épingle hors du jeu avec tant de tranquillité. Beaucoup de citoyens ne paraissent point être ses apologistes, à beaucoup près ; on disait qu'il s'était bien montré pendant toute la Révolution, mais qu'il était intimement lié avec d' Orléans, que d' Orléans était continuellement chez lui, qu'il y dînait souvent, et qu'il n'est point étonnant qu'il se soit bien montré puisqu'il favorisait le parti de ce traître, dont l'intention perfide était de monter sur le trône. De plus, on ajouta que Santerre avait eu soin de prendre les meilleurs chevaux qu'il avait pu trouver lorsqu'il partit pour la Vendée. On assure, disait-on, qu'à une petite affaire qui s'est passée après celle de Saumur174, dans laquelle Santerre n'est entré pour rien, que Santerre s'est sauvé avec tant de précipitation que des cavaliers qui furent envoyés après lui ne purent jamais l'atteindre, au point que les troupes à cheval devaient demander à être aussi bien montées que leur général.
   Il semble que l'on craigne quelques troubles, chacun a l'air de se questionner. J'entendais au Palais-Egalité plusieurs citoyennes qui s'entretenaient à ce sujet, et qui disaient que l'on s'en entretenait dans leurs assemblées fraternelles.
   On attend, d'une part, avec impatience, le nouveau maximum175 qui doit, dit-on, sortir sous peu de jours, et, d'une part, des citoyens ont l'air de craindre que cela ne rende encore les denrées de première nécessité plus rares.
   On se plaint toujours de la malpropreté des rues de Paris. On assure que, si cela continue, il y aura au printemps des maladies épidémiques causées par le mauvais air.
   On accuse les commissaires des comités de police d'avoir de la partialité pour leurs amis, dans la distribution des cartes pour le bois, le charbon, le savon, etc., à qui ils en donnent à volonté, ce qui est contraire à la loi.
   On assure que le Club central séant à l' Évêché s'occupe de réunir toutes les sociétés dites fraternelles des sections176, dans leur société, ce qui paraît être désiré et approuvé de beaucoup de citoyens, excepté des citoyennes, qui s'imaginent qu'elles n'auront plus la voix délibérative.

Rapport de Siret177, W 191
   Observations sur les effets fâcheux, en particulier sous le point de vue des subsistances, de la prohibition des échanges commerciaux entre Paris et les communes voisines.

25 Pluviôse an II - 13 février 1794


Rapport de Bacon, W 191
  L'assemblée générale de la section de Guillaume-Tell [n° 12 ; elle se nomma successivement " section de la Place Louis XIV ", jusqu’en décembre 1792, puis " section du Mail " ou " section des Petits-Pères ", jusqu'en décembre 1793 ; son secteur correspondait au quartier Notre-Dame des Victoires actuel ; il devient par arrêté préfectoral du 10 mai 1811, le quartier du Mail, 3e arrondissement de Paris. Les réunions se déroulaient dans l’église des Petits-Pères] était assez nombreuse. On s'est occupé des certificats de civisme ; on a lu différents arrêtés de la Commune et du Département, pour lesquels on a employé beaucoup de temps. J'ai trouvé que les intrigants dominaient aujourd'hui.

Emblème de la section de Guillaume-Tell

  L'assemblée de la section du Contrat-Social [n°11 ; elle se nomma tout d'abord " section des Postes ", jusqu'en août 1792, pour prendre son nom définitif de " section du Contrat-Social ", en référence à l'un des ouvrages de Jean-Jacques Rousseau, qui logea longtemps dans ce quartier. Le secteur couvrait le quartier des Halles, autour de l' église Saint-Eustache ; suite à l'arrêté préfectoral du 10 mai 1811, devient le quartier Saint-Eustache, 3e arrondissement de Paris] était extrêmement nombreuse, et beaucoup de femmes aux tribunes. Un membre du comité révolutionnaire a annoncé qu'il avait fait arrêter une fameuse intrigante, très connue, de laquelle on aurait de grands renseignements utiles à la chose publique. Ce membre a crié : Vive la République! et tous les citoyens, en applaudissant, criaient : Vive la République! On a lu des arrêtés de la Commune, et je me suis aperçu que la section avait le plus grand respect pour les autorités constituées. On a aussi dénoncé les officiers de la seconde compagnie. Grand bruit, grand mouvement! Un membre alors s'est écrié : " Comment? il se fait ici du bruit parce qu'on veut tâter le pouls de très près à nos officiers? Où en serions-nous, si nous ne pouvions examiner de très près la conduite de ceux qui nous commandent? " Vifs applaudissements. Le tout renvoyé au comité militaire. Cette section est vraiment révolutionnaire.
  L'assemblée générale de la section Révolutionnaire178 était très nombreuse. On a lu des arrêtés de la Commune et du Département. On a fait une quête républicaine pour payer les frais des dépenses faites en l'honneur de Marat [mort le 13 juillet 1793, 25 Messidor An I], applaudissements et Vive la République ; tous les citoyens se sont portés au bureau pour donner leur contingent, et c'est à qui arriverait le premier. Il a été arrêté que toute l'assemblée en masse se rendrait décadi prochain au temple de la Raison, pour assister à la fête qui sera donnée en l'honneur de la destruction de la tyrannie. Vifs applaudissements ; l'esprit public excellent.
  L'assemblée générale de la section de Marat [n°41 ; "... Située au cœur des vieux quartiers de la rive gauche, la section du Théâtre-Français, qui avait été formée par la réunion d'une partie des deux districts des Cordeliers et de Saint-André-des-Arts [...] certes il ne s'agit pas de n'importe quelle section. La section du Théâtre-Français — qui avait pris le nom de Marseille en l'honneur des fédérés marseillais hébergés aux Cordeliers quelques jours avant le 10 août, puis celui de Marat après l'assassinat de l'Ami du peuple en juillet 1793 — comprenait l'ancien district des Cordeliers, celui-là même où Danton, Desmoulins et Marat étaient entrés dans l'histoire révolutionnaire. Un étonnant concours de circonstances avait fait de ce quartier un des pôles de la vie politique parisienne, un des foyers les plus ardents de la révolution démocratique, qui se signale par des prises de position qui font date et se trouve au premier rang dans les mouvements révolutionnaires. C'est tout d'abord l'influence des démocrates énergiques qui habitent la section, parmi lesquels on trouve quelques-uns des futurs députés de la Montagne. Les électeurs de 1790 à 1792 ont nom Billaud-Varenne, Boucher Saint-Sauveur, Danton, Desmoulins, Fabre d'Églantine, Fréron, Marat, Sergent, Robert... " ; par arrêté préfectoral du 10 mai 1811, le quartier de l'École-de-Médecine, 11e arrondissement ; source] était si nombreuse que le local des séances ne pouvait suffire. Un membre a annoncé qu'on avait trouvé des lettres très importantes des émigrés, et des trésors dans des caves. On a lu des arrêtés de la Commune, et on a parlé longtemps du salpêtre. Quatre chaudières établies aux Cordeliers, pour cet objet, vont nuit et jour ; et on a dit que la section fournirait beaucoup de salpêtre. On a crié, braillé, pendant longtemps ; mais l'esprit public est bon.



Section Marat : Certificat de Résidence, 1793. Source

  L'assemblée générale de la section de Beaurepaire était très nombreuse, et beaucoup de femmes. On a lu des arrêtés de la Commune. On a arrêté que décadi prochain la section, qui dorénavant s’appellerait Chalier179, ferait l'inauguration de ce martyr de la Liberté. Malgré les observations de Chaumette180, la section portera le nom de Chalier parce que la Commune n'a pas le droit d'empêcher de prendre un tel nom. Derrière moi on lançait des diatribes et des sarcasmes contre Chaumette, et contre la Commune. Je n'en parle pas, car c'est l'horreur. Un membre de la commission du salpêtre a annoncé qu'on faisait 400 livres de salpêtre par jour ; qu'il y avait déjà 500 tonneaux de prêts pour cette opération. Alors le président s'est écrié : " C'est ainsi, citoyens, que nous répondrons à ceux qui traitent la section d'aristocrate. " Cependant il y a bien des intrigants. J'ai remarqué qu'il y avait peu d'ouvriers et beaucoup de petits maîtres.
  L'assemblée générale de la section de l' Arsenal était très nombreuse. On a lu des arrêtés de la Commune. On a nommé douze membres pour se rendre le 30 au temple de la Raison181. On a aussi dénoncé le ministre de la Guerre qui envoyait en commission, ou qui plaçait des individus qui n'avaient pas de certificats de civisme. Le tout renvoyé au comité révolutionnaire. L'esprit public passablement bon.
  Rue des Vieux-Augustins, dans un café tenu par un membre du comité révolutionnaire de la section Guillaume-Tell, beaucoup de citoyens parlaient de Robespierre, et disaient qu'il avait rendu un grand service à la République en faisant chasser le médecin Sentex et Brichet182 des Jacobins, reconnus pour deux fiers intrigants. Ils disaient que la motion de Brichet, relative aux députés détenus, ne pouvait avoir été faite qu'à l'instigation de Pitt.
  Place ci-devant Sorbonne, près l'arbre de la Liberté, vers les onze heures du matin, plusieurs femmes et des ouvriers parlaient de Robespierre et de ses vertus. On disait : " Si celui-là nous trompe, il faudra nous foutre dans l'eau, car son discours183 lu à la Convention ne respire que le bonheur du peuple. "
  Faubourg Saint-Marceau, plusieurs bouchers ont été arrêtés. J'ai parcouru tout ce faubourg, que j'ai trouvé très tranquille.

Robespierre, extrait du discours du 18 pluviôse an II- 5 février 1794 : rapport sur les principes de morale politique qui doivent guider la Convention nationale dans l’administration intérieure de la République, fait au nom du Comité de salut public, le 18 pluviôse, l’an 2e de la République, par Maximilien Robespierre ; imprimé par ordre de la Convention nationale : 18 pluviôse an II - 5 février 1794. Source

Rapport de Beraud, W 191

  " Malgré le silence des papiers sur les revers que nous avons essuyés dans le Nord184, disait un citoyen au café de la République, croyez que le public en est instruit ; la faute en est aux représentants du peuple qui, malgré les généraux, ont voulu donner sur l'ennemi. Dira-t-on à présent que ces généraux sont des traîtres, faudra-t-il les conduire au supplice? Certes, si les représentants eussent voulu les écouter, s'ils n'eussent pas sur leur tête répondu des évènements, l'affaire ne se serait pas engagée, et nous n'aurions pas perdu des hommes victimes de l'ambition ou de l'ignorance. - De quoi se mêlent donc les représentants? a répondu un autre ; s'ils s'arrogent le droit de commander, nous n'avons plus besoin de généraux ; ils doivent remplir uniquement les missions dont ils sont chargés, et ne pas se mêler d'un métier auquel la plupart n'entendent rien. "
  La pénurie des subsistances dans plusieurs départements étonne, afflige les calculateurs politiques.
  " Ou la Convention, disait-on dans un groupe aux Tuileries, renferme encore dans son sein des intrigants, ou la majeure partie des autorités constituées des départements sont payées par les ennemis pour ensevelir les subsistances. Ce qui ferait croire l'un ou l'autre, c'est que la France, qui est un pays des plus fertiles en grains, à peine à la moitié de l'année se trouve en famine. - Savez-vous ce qui va arriver? a répliqué un autre. Vous allez voir tous les gens aisés des villes se réfugier à Paris pour trouver leur nourriture. Qu'en résultera-t-il? qu'on nous mettra à la ration, que le commerce de toutes parts s'atténuera, que la crainte de manquer aigrira les esprits, et que nous tomberons ici dans le même état que nous étions lorsque le tyran Henri IV entra dans Paris. "
  Tous les yeux sont ouverts sur le Comité de sûreté générale. Dans les cafés, dans les groupes, on croit qu'il s'endort sur ses travaux, et la malveillance, qui saisit toutes les occasions pour flétrir les autorités, le traite d'inactif, d'insouciant sur le sort des détenus ; mais le vrai républicain se repose sur ses lumières et sur sa justice.
  Une lettre du département du Calvados, lue au café près de la porte- Saint-Martin, porte qu'on y est réduit, dans plusieurs communes, à manger du pain de son, qu'on y tue tous les bestiaux, et que beaucoup de malheureux sont morts tourmentés par la faim. On n'a pas ajouté foi à cette nouvelle.

Rapport de Charmont, W 191
  Le rapport184 du Comité de salut public relatif à l'échec que nous venons d'éprouver dans la Vendée donne lieu à bien des conjectures. Dans tous les endroits publics, on en parle plus ou moins bien. Au café de la Barrière des Sergents185 [c'était l'intitulé donné à la première porte de la Rue Saint-Honoré, XVIe siècle, qui en compta jusqu'à trois ; elle se situait près de l'Oratoire ; on continua à l'appeler ainsi même longtemps après sa destruction], on assurait que Cholet était repris, et qu'ils sont encore au moins 40.000 brigands ; que lorsque l'on avait dit que la Vendée était détruite, rien n'était plus faux ; qu'à la vérité ces scélérats s'étaient retirés, mais pour mieux se réunir ; que ceux qui sont dans les prisons de Paris ne sont points des brigands, que ce sont des fermiers et des cultivateurs qui ont eu le malheur d'être forcés de prendre les armes, et que l''on ne les doit point regarder comme des brigands, mais bien comme des victimes.
  Les malheurs de la guerre étaient à l'ordre du jour. Aujourd'hui on assurait que Pichegru avait exécuté le plan que Jourdan n'avait point voulu exécuter186, qu'il en était résulté une grande perte d'hommes sans avantage pour nous, qu'ainsi nous allions voir notre armée du Nord encore une fois d'être obligée de se recompléter, et que l'on ne nous disait point le fin mot ; qu'il fallait absolument que la Convention prenne des mesures différentes que celles qu'elle vient de prendre ; que cette année-ci décide du sort de la République, et qu'il faut que le peuple français déploie une force armée de manière à ce que les tyrans coalisés soient soudain écrasés. Partout on est de cet avis, et même on allait jusqu'à dire qu'il fallait trouver les moyens d'avoir des armes, et d'en armer la seconde réquisition187 ; et que l'on fasse comme avec les anciens ; qu'on ne soit pas davantage que trois mois ; que la paix soit faite ensuite. Mais ce qui chagrine encore les bons patriotes, c'est que l'on s'aperçoit depuis à peu près huit jours que l'esprit public change, qu'il paraît se laisser diminuer en patriotisme, que l'égoïsme de plus en plus, domine, les hommes, joint à cela la pénurie des denrées de première nécessité qui chagrine singulièrement ; on a plus l'air de vouloir en venir à aucun moyen de rigueur, mais partout on plaint notre situation, avec ce que les marchands assurent que sous peu il n' y aura plus de marchandises à Paris, que nous n’aurions que du pain, que tous les boeufs de la République sont en réquisition pour les armées, que sous peu il sera défendu d'en amener à Paris. Voilà où on en est aujourd'hui à Paris ; aujourd'hui il offre une situation bien pénible pour le malheureux. Il faut enfin tâcher de le tirer de la peine où il est, en lui donnant les moyens de se pouvoir en subsistances ; il se contraindra à les payer cher s'il le faut, plutôt que de pâtir comme il fait.
  Le procès de Brichard, notaire188, ouvre les yeux. On assure que Mme d'Orléans189 [Marie-Adélaïde de Bourbon Penthiévre, Duchesse Douairière d'Orléans ; 1753-1821 ; "... Le duc d'Orléans est guillotiné le 6 novembre 1793. Surnommée la « veuve Égalité », Marie-Adélaïde est incarcérée à la prison du Luxembourg. Libérée en 1794 après la chute de Robespierre, elle trouve refuge dans la pension de Jacques Belhomme, où elle rencontre le conventionnel Jacques-Marie Rouzet. En 1796, ses fils Montpensier et Beaujolais sont libérés mais doivent s'expatrier aux États-Unis. Elle ne les reverra plus. Sa fille Adélaïde, naguère réfugiée en Suisse auprès de Mme de Genlis, a trouvé asile en Allemagne auprès de sa grand-tante maternelle, la princesse de Conti. À Paris, Rouzet est devenu membre du Conseil des Cinq-Cents et Marie-Adélaïde vit dans une certaine aisance... " ; source] y est complice aussi, ainsi que bien d'autres ; on assure que cette affaire est plus sérieuse qu'on ne pense. Le public qui assiste aux séances des tribunaux disait : " Quoi? cette femme qui avait jadis l'estime publique se trouverait compromise dans cette affaire? Eh bien, pas plus de grâce à elle qu'à un autre. "

  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8414434r/f1.highres

Portrait de Marie-Adélaïde de Bourbon Penthiévre, Duchesse Douairière d'Orléans. Source


   On disait dans un groupe que quoique Lacroix190 d'Eure-et-Loir se soit justifié en pleine Assemblée sur sa mission dans la Belgique, il n'en était pas moins vrai qu'il avait connaissance, ainsi que Danton, des projets qu'exécutait le perfide Dumouriez et qu'ils auraient dû en instruire à temps la Convention ;

  À suivre...

   Pierre Caron, Paris pendant la Terreur, rapports des agents secrets du Ministère de l' Intérieur, tome IV - 21 pluviôse an II - 10 Ventôse an II, 9 février 1794 - 28 février 1794, , La Société de l' Histoire de France, Librairie Marcel Didier, Paris, 1949, pp. 70-80.

171. Cf. t. III, p. 143, note 2.
172. Nouvelle inexacte.
173. Alors emprisonné aux Carmes [ancien monastère devenu prison sous la Révolution ; 191 ecclésiastiques dont trois évêques y furent exécutés, sous la conduite du commissaire Stanislas-Marie Maillard, exécuteur des ordres du Comité de surveillance. Une large part d'entre eux sont les victimes des massacres de septembre 1792 ; source]

Le jardin du couvent des Carmes. Illustration de Paris révolutionnaire, 1895. G. Lenotre, Paris révolutionnaire, Paris, Firmin-Didot, 1895.

174. Du 9 juin 1793, prise de la ville par les Vendéens - à moins que Rolin ne fasse allusion au grand conseil de guerre tenu à Saumur en septembre suivant.
175. Cf. t. III, p. 315, note 1.
176. Cette question est effectivement la principale de celles que traite le Club dans sa séance du 27 pluviôse [15 février 1794], dont on a par exception un bref compte rendu : Moniteur, réimp., t. XIX, p. 490-491. Elle a déjà été discutée, dit ce document, dans quatre séances consécutives.
177. Voir le texte de ce rapport dans : P. Caron, Rapports de Grivel et Siret... : Bulletin d' hist. écon. de la Révol., 190-1921, p. 389-393.
178. Cf. ci-dessus, p. 19. note 3.
179. Cf. ci-dessus, p. 18, note 1, et p. 58, note 1.
180. Il avait appuyé le 22, au conseil général de la Commune, le passage à l'ordre du jour en disant que le Comité d'instruction publique était " chargé de donner des dénominations à toutes les sections et cantons de la République ".
181. Cf. ci-après p. 183.
182. Cf. t. III, p. 352, note 2.
183. Cf. t. II, p. 200, note 3.
184. Du 24 : cf. ci-dessus, p. 27, note 1.
185. Cf. t. III, p. 5, note 1.
186. Cf. t. III, p. 134, note 2.
187. Cf. t.III, p. 143, note 2.
188. Cf. ci-dessus, p. 44, note 2.
189. Louise-Marie-Adelaïde de Bourbon, fille du duc de Penthièvre, veuve de Philippe-Egalité, 1753-1821.
190. Cf. ci-dessus, p. 65, note 3.

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