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Énergie : comment l’Europe a bâti sa propre dépendance au gaz
La flambée actuelle des prix de l’énergie trouve son origine dans celle des prix du gaz, avec un choc d’une ampleur similaire à celle du choc pétrolier de 1973. Les raisons conjoncturelles ont été beaucoup commentées : reprise économique post-covid en Asie, préemption par la Chine de toutes les cargaisons de gaz naturel liquéfié pour pallier ses difficultés d’approvisionnement en charbon, stocks bas en Europe suite à un hiver 2020 particulièrement rude, absence de vent, arrêts techniques de diverses installations en Norvège, au Trinidad et au Pérou, et pour finir insuffisance de livraisons de Russie due à un manque de capacités ou à un jeu politique.
La hausse du prix du gaz a touché brutalement les consommateurs de gaz, bien sûr, mais aussi d’électricité, dont les prix de gros ont suivi en flèche. En France, le problème prend une acuité particulière car le nucléaire apparaît comme une protection contre la hausse du prix des énergies fossiles et du CO2. La plupart des Etats ont réagi dans l’urgence avec comme premier souci de protéger les consommateurs par des baisses de taxes, un blocage des prix ou la distribution d’un chèque énergie pour les plus précaires, mesures qui s’apparentent à des subventions à la consommation d’énergie donc aux émissions de CO2. Cette crise rappelle que, dans l’énergie, le maintien des prix et de la sécurité d’approvisionnement l’emporte sur toutes les autres considérations, y compris celle du climat.
La conjoncture ne doit pas masquer que la crise actuelle a des causes structurelles profondes qu’il s’agit de bien identifier si on ne veut pas qu’elle s’aggrave, ni se répète. L’organisation du secteur électrique européen s’est bâtie depuis trente ans autour de la création d’un grand marché puis du développement massif des énergies renouvelables (ENR) : on s’aperçoit aujourd’hui que c’était
rendre l’Europe dépendante du gaz et donc des humeurs de son principal fournisseur, Gazprom.
Jusque vers 1990, l’organisation du secteur électrique reposait dans la plupart des pays d’Europe sur des monopoles, les plus à même de gérer des grosses infrastructures de réseau ou de production avec des centrales à charbon, hydrauliques ou nucléaires. La mise au point de centrales à gaz, plus performantes, moins intensives en capital et en personnel, la découverte de gisements de gaz en mer du Nord – déjà lui – et la volonté de Margaret Thatcher ont ouvert la voie à la libéralisation du secteur au Royaume-Uni après 1980.
Cette libéralisation s’est étendue à l’ensemble des pays de l’UE par application de la doctrine communautaire : un grand marché de l’électricité devait s’accompagner d’une meilleure gestion, d’une résorption des surcapacités et donc d’une baisse des prix pour les consommateurs. Les producteurs mis en concurrence ont été tenus de proposer leur production sur les marchés et les consommateurs, industriels et domestiques via des fournisseurs, ont dû s’approvisionner sur le marché de gros et faire des offres tarifaires de détail adaptées à leurs clients, les tarifs régulés étant appelés à disparaître rapidement.
En 2008, en pleine crise financière mais aussi pétrolière, le baril atteint 145 dollars, l’Europe réagit avec sa directive dite « 3 x 20 » qui fixe d’ambitieux objectifs de développement d’ ENR et d’efficacité énergétique, censés par une « relance keynésienne verte » la protéger contre les variations du prix des hydrocarbures et répondre à la question du réchauffement climatique. Cette politique est inspirée par l’Allemagne qui s’était déjà dotée en 2000 d’une loi sur les énergies renouvelables : celle-ci sera suivie d’une décision de sortir du nucléaire avant 2022 suite à l’accident de Fukushima, puis en 2018 de sortir du charbon avant 2038.
Le marché ne permettant pas de couvrir leurs coûts d’investissement, l’éolien et le solaire photovoltaïque sont financièrement soutenus depuis près de vingt ans par des mécanismes sécurisant les revenus de leurs exploitants comme les tarifs d’achat. Ces mécanismes – qui constituent des entorses manifestes au marché – sont restés sans impact tant que les quantités d’ ENR étaient marginales. Ils se sont révélés profondément perturbateurs quand le développement des ENR est devenu massif.
Le prix de gros de l’électricité est établi par le mécanisme du merit order : après que l’énergie des ENR est prise, sinon elle est perdue, il fait appel aux centrales de base, nucléaires en France, lignite puis charbon en Allemagne, et enfin aux centrales au gaz : l’hydraulique restant insuffisant. Le prix de marché est fixé par le coût marginal de la dernière unité de production utilisée : en période de faible demande avec du vent et du soleil, le prix sera bas, dans le cas contraire le prix s’alignera sur celui du gaz. Après 2010, l’afflux massif d’ ENR a fait structurellement baisser les prix du marché de gros tout en les rendant plus volatils, avec une conséquence néfaste pour l’équilibre du système électrique : ces prix bas n’incitent pas au développement de moyens de production « pilotables », capables d’assurer la sécurité d’approvisionnement dans les périodes sans vent et sans soleil et de garantir la stabilité du système électrique. Pour répondre à cette difficulté, les gouvernements ont mis en place des « mécanismes de capacité », un terme générique qui désigne des mesures permettant de financer hors marché ce type de centrales. En raison du principe de subsidiarité qui laisse aux Etat membres l’autonomie complète dans le choix de leur mix électrique, chaque mécanisme est différent et surtout a été bâti sans coordination, alors même que dans un système interconnecté la sécurité d’approvisionnement est une sorte de bien public commun.
En Allemagne, où le but affiché de l’Energiewende, récemment confirmé dans le contrat de coalition SPD-Verts-FDP, est de créer un système composé d’ ENR et de centrales au gaz, les fermetures de centrales nucléaires et au charbon s’enchaînent dans un mouvement qui s’étend à l’Europe. Les mécanismes de capacité, souvent conçus pour favoriser les centrales au gaz – un combustible doté d’une bonne image car brûlant sans pollution apparente –, s’avèrent inefficaces pour déclencher les investissements en quantité suffisante. De sur-capacitaire, le continent est devenu quasiment sous-capacitaire en production électrique, avec un coût marginal indexé de plus en plus souvent sur le prix du gaz et exposé à ses variations. Une note de France Stratégie publiée en janvier 2021 a évalué à 110 GW, sur 550 GW en 2020, la puissance pilotable qui devrait être retirée du réseau européen d’ici 2030-2035. De plus, les tarifs de vente ayant souvent été bloqués par les gouvernements, les consommateurs ne sont pas incités à réduire à réduire leur demande. Au passage, cela met en péril de nombreux fournisseurs , a moitié d’entre eux ont déjà fait faillite au Royaume-Uni, et un risque d’établissement d’oligopoles, ruinant la politique de libéralisation de l’aval du secteur. Tout cela laisse présager des pénuries, ce qui dans l’électricité se manifeste par des black-out. Ces tensions ne peuvent aller qu’en s’aggravant en raison de la nécessaire électrification de l’économie : RTE prévoit une augmentation de la consommation d'électricité de 35% en 2050 et du durcissement annoncé de la politique environnementale européenne.
La conjoncture ne doit pas masquer que la crise actuelle a des causes structurelles profondes qu’il s’agit de bien identifier si on ne veut pas qu’elle s’aggrave, ni se répète. L’organisation du secteur électrique européen s’est bâtie depuis trente ans autour de la création d’un grand marché puis du développement massif des énergies renouvelables (ENR) : on s’aperçoit aujourd’hui que c’était
rendre l’Europe dépendante du gaz et donc des humeurs de son principal fournisseur, Gazprom.
Jusque vers 1990, l’organisation du secteur électrique reposait dans la plupart des pays d’Europe sur des monopoles, les plus à même de gérer des grosses infrastructures de réseau ou de production avec des centrales à charbon, hydrauliques ou nucléaires. La mise au point de centrales à gaz, plus performantes, moins intensives en capital et en personnel, la découverte de gisements de gaz en mer du Nord – déjà lui – et la volonté de Margaret Thatcher ont ouvert la voie à la libéralisation du secteur au Royaume-Uni après 1980.
Cette libéralisation s’est étendue à l’ensemble des pays de l’UE par application de la doctrine communautaire : un grand marché de l’électricité devait s’accompagner d’une meilleure gestion, d’une résorption des surcapacités et donc d’une baisse des prix pour les consommateurs. Les producteurs mis en concurrence ont été tenus de proposer leur production sur les marchés et les consommateurs, industriels et domestiques via des fournisseurs, ont dû s’approvisionner sur le marché de gros et faire des offres tarifaires de détail adaptées à leurs clients, les tarifs régulés étant appelés à disparaître rapidement.
En 2008, en pleine crise financière mais aussi pétrolière, le baril atteint 145 dollars, l’Europe réagit avec sa directive dite « 3 x 20 » qui fixe d’ambitieux objectifs de développement d’ ENR et d’efficacité énergétique, censés par une « relance keynésienne verte » la protéger contre les variations du prix des hydrocarbures et répondre à la question du réchauffement climatique. Cette politique est inspirée par l’Allemagne qui s’était déjà dotée en 2000 d’une loi sur les énergies renouvelables : celle-ci sera suivie d’une décision de sortir du nucléaire avant 2022 suite à l’accident de Fukushima, puis en 2018 de sortir du charbon avant 2038.
Le marché ne permettant pas de couvrir leurs coûts d’investissement, l’éolien et le solaire photovoltaïque sont financièrement soutenus depuis près de vingt ans par des mécanismes sécurisant les revenus de leurs exploitants comme les tarifs d’achat. Ces mécanismes – qui constituent des entorses manifestes au marché – sont restés sans impact tant que les quantités d’ ENR étaient marginales. Ils se sont révélés profondément perturbateurs quand le développement des ENR est devenu massif.
Le prix de gros de l’électricité est établi par le mécanisme du merit order : après que l’énergie des ENR est prise, sinon elle est perdue, il fait appel aux centrales de base, nucléaires en France, lignite puis charbon en Allemagne, et enfin aux centrales au gaz : l’hydraulique restant insuffisant. Le prix de marché est fixé par le coût marginal de la dernière unité de production utilisée : en période de faible demande avec du vent et du soleil, le prix sera bas, dans le cas contraire le prix s’alignera sur celui du gaz. Après 2010, l’afflux massif d’ ENR a fait structurellement baisser les prix du marché de gros tout en les rendant plus volatils, avec une conséquence néfaste pour l’équilibre du système électrique : ces prix bas n’incitent pas au développement de moyens de production « pilotables », capables d’assurer la sécurité d’approvisionnement dans les périodes sans vent et sans soleil et de garantir la stabilité du système électrique. Pour répondre à cette difficulté, les gouvernements ont mis en place des « mécanismes de capacité », un terme générique qui désigne des mesures permettant de financer hors marché ce type de centrales. En raison du principe de subsidiarité qui laisse aux Etat membres l’autonomie complète dans le choix de leur mix électrique, chaque mécanisme est différent et surtout a été bâti sans coordination, alors même que dans un système interconnecté la sécurité d’approvisionnement est une sorte de bien public commun.
En Allemagne, où le but affiché de l’Energiewende, récemment confirmé dans le contrat de coalition SPD-Verts-FDP, est de créer un système composé d’ ENR et de centrales au gaz, les fermetures de centrales nucléaires et au charbon s’enchaînent dans un mouvement qui s’étend à l’Europe. Les mécanismes de capacité, souvent conçus pour favoriser les centrales au gaz – un combustible doté d’une bonne image car brûlant sans pollution apparente –, s’avèrent inefficaces pour déclencher les investissements en quantité suffisante. De sur-capacitaire, le continent est devenu quasiment sous-capacitaire en production électrique, avec un coût marginal indexé de plus en plus souvent sur le prix du gaz et exposé à ses variations. Une note de France Stratégie publiée en janvier 2021 a évalué à 110 GW, sur 550 GW en 2020, la puissance pilotable qui devrait être retirée du réseau européen d’ici 2030-2035. De plus, les tarifs de vente ayant souvent été bloqués par les gouvernements, les consommateurs ne sont pas incités à réduire à réduire leur demande. Au passage, cela met en péril de nombreux fournisseurs , a moitié d’entre eux ont déjà fait faillite au Royaume-Uni, et un risque d’établissement d’oligopoles, ruinant la politique de libéralisation de l’aval du secteur. Tout cela laisse présager des pénuries, ce qui dans l’électricité se manifeste par des black-out. Ces tensions ne peuvent aller qu’en s’aggravant en raison de la nécessaire électrification de l’économie : RTE prévoit une augmentation de la consommation d'électricité de 35% en 2050 et du durcissement annoncé de la politique environnementale européenne.
Vers une révision de l’organisation du marché de l’électricité en Europe ?
La transition énergétique est en situation d’échec. La promesse de prix bas pour les consommateurs n’a pas été tenue, comme vient de le reconnaître l’ ACER (Agence de coopération des régulateurs de l’énergie), pourtant une des chevilles ouvrières de la libéralisation du secteur. Le pouvoir d’achat des ménages s’en voit entamé, mais conséquence non moins importante, les industriels voient leur compétitivité menacée face à leurs concurrents opérant dans des oasis où l’énergie est à bas prix : Asie, Etats-Unis. Sur le plan du climat, l’Union européenne reste pour les trois quarts dépendante des énergies fossiles et si ses émissions de CO2 ont baissé, elle le doit surtout dû à sa désindustrialisation, tandis que de nouvelles dépendances sont apparues en matériaux stratégiques comme les terres rares, le lithium, le cobalt, le cuivre, etc.
De nombreuses critiques ciblent l’application des règles de marché à un produit aussi complexe que l’électricité, qui répond à des lois physiques particulières – en particulier elle ne se stocke pas –, qui est vitale pour nos économies numériques et hyper-connectées, et qui requiert des investissements particulièrement importants. La précipitation coûte cher et les apprentis sorciers de la transition énergétique ont oublié que celle-ci doit s’inscrire dans le temps long. Une centrale dure plusieurs dizaines d’années, de même que le chauffage des logements ou des contrats d’approvisionnement en ressources et combustibles stratégiques. Les facteurs géopolitiques qui restent parmi les fondamentaux d’une politique énergétique et qu’on a feint d’ignorer réapparaissent immanquablement.
Par un curieux retournement de l’Histoire, les Britanniques ont révisé leurs règles de marché en 2014 pour pouvoir développer du nucléaire, une énergie qu’ils jugent indispensables à l’atteinte de leurs objectifs climatiques. La Commission européenne s’y est d’abord opposée, puis a fait volte-face, ce qui n’a pas été suffisant pour empêcher le Brexit. Une lutte d’influence très forte a lieu en ce moment à Bruxelles sur la question de la « taxonomie », une classification des technologies « vertes » qui permet à celles-ci d’accéder à des financements privilégiés. Plusieurs pays, menés par la France, souhaitent que le nucléaire y soit intégré car décarboné, ce à quoi s’opposent d’autres pays menés par l’Allemagne, qui souhaitent que le gaz soit labellisé vert en tant qu’ « énergie de transition ». L’Espagne et la France ont demandé à la Commission européenne de revoir les règles de fonctionnement des marchés afin de décorréler les tarifs de l’électricité du prix du gaz, sans beaucoup de précisions sur la méthodologie qu’ils comptent employer. Les pays du nord de l’Europe, emmenés par l’Allemagne, s’opposent formellement à une révision des règles actuelles. La Commission européenne n’a pas pris parti et est restée silencieuse sur le fond.
Une fois de plus, l’Europe est divisée sur un sujet pourtant stratégique qui l’avait unie à l’origine avec la création de la communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). C’est bien in fine sur l’organisation actuelle du secteur électrique européen qu’il faut s’interroger. Si les règles de marché se sont révélées efficaces dans les échanges de court terme, il convient de leur adjoindre un mécanisme solide et stable, sécurisant les investissements de long terme. Ces derniers sont indispensables pour assurer la sécurité d’approvisionnement et apporter la flexibilité nécessaire au pilotage d’un système composé d’une proportion toujours plus grande d’énergie intermittente. Une réflexion de fond doit s’engager sans tarder en partant par exemple des solutions qui avaient été imprudemment écartées lors des débats des années 1990 : autorisation d’établir des contrats de long terme entre producteurs et consommateurs, mise en place d’un acheteur unique, etc. Il conviendra également de s’inspirer du très pragmatique modèle de nos voisins d’outre-Manche qui combine avec les « contrats pour différence » une planification centralisée pour déterminer les besoins à long terme du système électrique et des appels d’offres permettant de sélectionner les mieux-offrant pour y subvenir.
La transition énergétique est en situation d’échec. La promesse de prix bas pour les consommateurs n’a pas été tenue, comme vient de le reconnaître l’ ACER (Agence de coopération des régulateurs de l’énergie), pourtant une des chevilles ouvrières de la libéralisation du secteur. Le pouvoir d’achat des ménages s’en voit entamé, mais conséquence non moins importante, les industriels voient leur compétitivité menacée face à leurs concurrents opérant dans des oasis où l’énergie est à bas prix : Asie, Etats-Unis. Sur le plan du climat, l’Union européenne reste pour les trois quarts dépendante des énergies fossiles et si ses émissions de CO2 ont baissé, elle le doit surtout dû à sa désindustrialisation, tandis que de nouvelles dépendances sont apparues en matériaux stratégiques comme les terres rares, le lithium, le cobalt, le cuivre, etc.
De nombreuses critiques ciblent l’application des règles de marché à un produit aussi complexe que l’électricité, qui répond à des lois physiques particulières – en particulier elle ne se stocke pas –, qui est vitale pour nos économies numériques et hyper-connectées, et qui requiert des investissements particulièrement importants. La précipitation coûte cher et les apprentis sorciers de la transition énergétique ont oublié que celle-ci doit s’inscrire dans le temps long. Une centrale dure plusieurs dizaines d’années, de même que le chauffage des logements ou des contrats d’approvisionnement en ressources et combustibles stratégiques. Les facteurs géopolitiques qui restent parmi les fondamentaux d’une politique énergétique et qu’on a feint d’ignorer réapparaissent immanquablement.
Par un curieux retournement de l’Histoire, les Britanniques ont révisé leurs règles de marché en 2014 pour pouvoir développer du nucléaire, une énergie qu’ils jugent indispensables à l’atteinte de leurs objectifs climatiques. La Commission européenne s’y est d’abord opposée, puis a fait volte-face, ce qui n’a pas été suffisant pour empêcher le Brexit. Une lutte d’influence très forte a lieu en ce moment à Bruxelles sur la question de la « taxonomie », une classification des technologies « vertes » qui permet à celles-ci d’accéder à des financements privilégiés. Plusieurs pays, menés par la France, souhaitent que le nucléaire y soit intégré car décarboné, ce à quoi s’opposent d’autres pays menés par l’Allemagne, qui souhaitent que le gaz soit labellisé vert en tant qu’ « énergie de transition ». L’Espagne et la France ont demandé à la Commission européenne de revoir les règles de fonctionnement des marchés afin de décorréler les tarifs de l’électricité du prix du gaz, sans beaucoup de précisions sur la méthodologie qu’ils comptent employer. Les pays du nord de l’Europe, emmenés par l’Allemagne, s’opposent formellement à une révision des règles actuelles. La Commission européenne n’a pas pris parti et est restée silencieuse sur le fond.
Une fois de plus, l’Europe est divisée sur un sujet pourtant stratégique qui l’avait unie à l’origine avec la création de la communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA). C’est bien in fine sur l’organisation actuelle du secteur électrique européen qu’il faut s’interroger. Si les règles de marché se sont révélées efficaces dans les échanges de court terme, il convient de leur adjoindre un mécanisme solide et stable, sécurisant les investissements de long terme. Ces derniers sont indispensables pour assurer la sécurité d’approvisionnement et apporter la flexibilité nécessaire au pilotage d’un système composé d’une proportion toujours plus grande d’énergie intermittente. Une réflexion de fond doit s’engager sans tarder en partant par exemple des solutions qui avaient été imprudemment écartées lors des débats des années 1990 : autorisation d’établir des contrats de long terme entre producteurs et consommateurs, mise en place d’un acheteur unique, etc. Il conviendra également de s’inspirer du très pragmatique modèle de nos voisins d’outre-Manche qui combine avec les « contrats pour différence » une planification centralisée pour déterminer les besoins à long terme du système électrique et des appels d’offres permettant de sélectionner les mieux-offrant pour y subvenir.
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